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La Maraîchine Normande
18 décembre 2015

SAINT-ANDRÉ-SUR-CAILLY (76) - 1833 - LE CURÉ ET LE CHANTRE

 

Saint-André-sur-Cailly 76


JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE DE ROUEN DU 10 JANVIER 1833


L'affaire dont le récit va suivre sort un peu du ton de gravité qui règne dans nos discussions habituelles mais comme elle fournit des documens qui peuvent avoir leur utilité ; nous n'hésitons point à en présenter l'analyse.


HOUSSET possède peut-être la plus basse-taille du département ; il a même l'honneur de "travailler" devant l'académie de la cathédrale, et il a été jugé digne par l'aréopage ecclésiastique, de tenir une place honorable au lutrin. Aussi notre homme ne laisse-t-il pas ; à Saint-André-sur-Cailly sa paroisse,

A des chantres gagés le soin de louer Dieu.

 

SAINT ANDRÉ SUR CAILLY intérieur église


C'est dans le choeur qu'il se met tous les dimanches, et là, il donne au lutrin et le ton et la loi.

Le 2 décembre, il était à son poste ; mais il avait fait avec un de ses amis un déjeuner copieux, et soit, comme l'ont dit les chantres, qu'il eût trop sacrifié à Bacchus, soit, comme il l'a prétendu, qu'il eût un gros rhume, toujours est-il qu'il ne chanta pas ce jour-là comme de coutume. Ce n'était plus cette voix grave et pure qui rappela tant de fois les beaux jours de Dérivis : toutes les intonations, toutes les notes du chantre honoraire étaient fausses ; son faux-bourdon, dont jusque-là on avait dit merveille, ne valait rien ; il fit tant enfin, que chantres, enfans de choeur, curé, tout le monde se mit à détonner à qui mieux mieux.

Ce n'est pas tout : au moment où M. le curé va donner la bénédiction, HOUSSET, vexé de ce qu'on n'a point chanté le Domine salvum fac regem, se met à entonner cette prière ; mais on lui impose silence, et l'oraison n'est point achevée.

Grande colère, comme vous pensez, contre le musicien qui est venu ainsi troubler "l'harmonie" au milieu du choeur ! aussi, comparaissait-il en police correctionnelle.


Quelle est votre profession, lui a demandé M. le président ?

R. Bachelier ... mais sans profession, par la grâce de M. le curé.

D. Avez-vous été repris de justice ?

R. Si c'est être repris de justice que d'avoir été condamné à 5 fr. d'amende en simple police, pour avoir défendu les droits des pauvres, je le suis. Transeat sur ce point.

Arrivant au fait qui lui est reproché, le prévenu dit : Le 2 décembre je venais de déjeuner avec un de mes amis, quand j'entrai dans l'église pour assister aux vêpres ...

M. le président : Votre déjeuner avait duré bien longtemps ...

HOUSSET : Transeat sur ce point.

M. le président : Expliquez-vous sur le fait qui vous est imputé.

HOUSSET : Quand je suis entré dans l'église, M. le curé faisait aux paroissiens une exhortation très spirituelle ... Il est vrai qu'il lisait dans un livre ; c'était peut-être du Massillon qu'il nous donnait.

M. le président. Lorsque vous troubliez les exercices du culte, par vos chants, M. le curé ne vous a-t-il pas fait "chut" !

HOUSSET : Transeat sur ce point.

M. le président : Mais n'avez-vous pas ri, ce qui prouve que vous aviez intention de causer du trouble ? - R. J'ai dit à M. le curé : "Si je trouble, prenez acte, et envoyez-moi un huissier ; mais non, je ne trouble pas, je suis dans le ton ; vous ne voyez donc pas que je fais la basse ?" Et effectivement, monsieur le président, je faisais mon faux-bourdon ; je passais de la tierce à la quarte, et de la quarte à la quinte ; mais transeat, monsieur le président ; j'ai apporté mon livre, et je vais vous prouver que je sais chanter.

M. le président : C'est inutile.

HOUSSET : Les chantres n'entendent pas leur affaire ... (Vive dénégation sur un banc où sont trois chantres de la paroisse).

M. le curé : Mes chantres connaissent parfaitement leur plain-chant.

HOUSSET : Maintenant je vais faire un argument ad hominem. M. le curé permet quelquefois des accords : au Saint-Sacrement, par exemple, on a fait un duo ; eh bien ! on ne s'entendait pas, tout allait de travers, et cependant on n'a point envoyé les chantres en police correctionnelle.

M. le président : Allez vous assoir.

M. Nepveur a appuyé la prévention. Dans une spirituelle plaidoierie, Me Tilleul a soutenu qu'on n'était point justiciable de la police correctionnelle pour chanter faux ; que d'ailleurs aucun témoin n'était venu dire qui des chantres en titre ou de son client, avait détonné.

Arrivant au second fait reproché à HOUSSET, celui d'avoir, usurpant les droits du curé, chanté, de son autorité privée, le Domine salvum fac regem, l'avocat a dit que le curé de Saint-André-sur-Cailly, qui, sous Charles X le disait matin et soir, ne la chantait jamais aux vêpres maintenant, et il a soutenu que Housset était grandement excusable d'avoir entonné une hymne indiquée par le Missel qu'il avait en main.

Le tribunal, sans examiner si le curé aurait dû chanter le Domine salvum fac regem, et si HOUSSET avait pu suppléer à son silence, a condamné cet individu à six jours d'emprisonnement, pour avoir, par des chants désordonnés, troublés les exercices du culte catholique.

 

SAINT ANDRÉ SUR CAILLY


Extrait : Journal des presbytères et archives de la religion catholique - volume 2

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