SUISSE - L'EX-RÉPUBLIQUE DE GERSAU - FÊTE DES VAGABONDS

FÊTE DES VAGABONDS EN SUISSE

Sur la rive septentrionale du lac de Lucerne, au pied du Righi et dans un angle formé par 2 montagnes, est située le bourg de Gersau, qui a formé pendant 4 siècles, de 1390 à 1798 une petite république qui ne comprenait que 1.300 habitans, où la souveraineté était exercée par le peuple en masse dans une assemblée générale annuelle.

La république, incorporée en 1803 au canton de Schweitz, a conservé quelques unes de ses anciennes coutumes. Chaque année, Gersau donne l'hospitalité pendant trois jours aux vagabonds, qui sont en Suisse chassés de canton en canton.

Le samedi, le dimanche et le lundi qui suivent la fête communale de Gersau, la police n'a pas de droits sur les vagabonds.

Dès le vendredi au soir les fourriers de ces malheureux arrivent pour préparer les logemens, et le samedi matin, on voit s'avancer vers la ville des bandes déguenillées, chargées d'enfans et d'ustensiles. Ils prennent possession des étables, des granges, des chalets non occupés, et organisent bientôt au bord des haies et des ruisseaux, des cuisines en plein vent. Le dimanche matin, après la messe, une partie de la troupe se forme en long cortège, suivant une antique coutume et, un gendarme en tête, va de maison en maison quêter de l'argent et des provisions ; cette colonne mendiante ne se compose que de vieilles gens et de femmes chargées d'enfans. La tournée finie, on revient au quartier.

Les plus âgés commencent à déployer avec une activité incroyables les ressources de l'art culinaire, tandis que la jeunesse danse dans les granges. Les vieillards se retirent pour délibérer sur leurs intérêts, leurs délibérations sont secrètes.

Le lundi l'élite de la bande donne un bal dans une maison particulière et le mardi, à 6 heures du matin, la plupart repartent par terre ou s'embarquent sur le lac.

Dans ces trois jours où la société accorde à ces vagabonds une protection bienveillante, ils ne commettent aucun délit : les égards réveillent chez eux le point d'honneur.

Extrait : Le Virois, Journal de Vire - 1831 -AD14 - 2 MI-JX 2863