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La Maraîchine Normande
16 décembre 2015

SAUMUR - ROU-MARSON (49) - JACQUES DANDENAC, CONVENTIONNEL

 

SAUMUR

 

M. Jacques Dandenac était né à Saumur, le 12 avril 1752. Il y fit des études brillantes et qui semblaient lui préparer de grands succès dans la carrière de la magistrature où son père figurait avec honneur ; mais il paraît qu'il avait manifesté de bonne heure son goût pour l'état militaire, car dès le 17 août 1774, et à peine arrivé à sa vingt-deuxième année, il fut nommé enseigne dans le régiment provincial de Tours, commandé par le marquis de Canolle de Lescour.

 

Jacques Dandenac


Au mois de mai 1778, il y fut fait porte-drapeau, et le 20 juin de l'année suivante il devint lieutenant dans la compagnie de Prinsac, du bataillon de cette milice provinciale que commandait le lieutenant-colonel Herbin. On sait que ce ne fut que trois années plus tard, en 1781, qu'intervint la déplorable ordonnance du maréchal de Ségur, qui imposait aux officiers français l'obligation de produire leurs titres de noblesse. Ainsi M. Dandenac, dont la famille, d'ailleurs, était honorable et haut placée dans la société, ne fut arrêté, dans son avancement par aucun obstacle, et il aurait sans difficulté suivi sa carrière si, en 1787, il n'avait quitté le service pour se marier. Il épousa alors Mlle Mausson de Lorière, qui ne vécut que bien peu d'années et lui laissa un fils, qui mourut lui-même en bas âge.


M. Jacques Dandenac, rendu à la vie privée, partageait son temps entre le séjour de Saumur et celui d'une propriété qu'il avait à peu de distance de cette ville. C'est à sa maison de campagne que vint, pour la première fois, le trouver le suffrage de ses concitoyens qui, plus tard, lui donnèrent successivement tant de marques de confiance.

Sitôt que la nomination des maires fut remise au choix des électeurs, il fut élu maire de la commune de Rou-Marson, puis membre du district de Saumur, où il fut appelé d'une voix à peu près unanime. On le savait dévoué aux idées nouvelles, mais en même temps ami de l'ordre et de la légalité ; tout le monde avait foi dans la loyauté de son zèle, dans son courage éprouvé et dans la modération bien connue de son caractère. Il fut bientôt nommé vice-président du district et chargé de la commission spéciale de dresser le catalogue général des livres, tableaux et objets d'art, dépendant des maisons religieuses éteintes par la suppression tout récemment décrétée par l'Assemblée nationale. Il s'acquitta de cette tâche délicate avec tout le succès que l'on devait attendre de son esprit de justice et d'honnêteté, comme de la variété de ses connaissances artistiques et littéraires.

 

Convention 1792 Maine-et-Loire


Élu en 1792 député à la Convention nationale, il accepta ce terrible mandat avec un dévouement intrépide. Moins indécis et moins candide que son frère, il ne s'était fait nulle illusion sur le véritable état des choses. Il arrivait tout préparé pour une lutte périlleuse et ne faisait nul mystère de ses dispositions à une énergique et vigoureuse résistance. Les Montagnards, qui eurent bientôt reconnu la décision et la fermeté de son caractère, ne tentèrent pas même de l'entraîner dans leurs horribles voies.

Dès l'ouverture de la session, le procès de Louis XVI préoccupait douloureusement M. Dandenac, et certes sa voix était acquise d'avance au salut de l'auguste victime ; mais il comprit qu'il serait peu généreux et peu digne de se borner à un vote silencieux, et qu'un devoir plus impérieux était imposé, dans cette circonstance, à un homme de courage et de coeur comme lui. Aussi, bien qu'il n'eût pas l'habitude de la parole, il crut devoir monter à la tribune au cours de cette effroyable discussion et y prononcer son opinion, dont l'Assemblée n'osa pas refuser l'impression.


L'orateur, cependant, connaissait trop bien les passions et les fureurs de tels juges pour essayer de les attendrir, mais il chercha à leur opposer la rigueur des principes, et les immuables et inflexibles prescription de la légalité. Cette opinion fut la seul dont la conclusion, favorable au roi, n'ait pas été atténuée par d'indignes outrages et d'odieuses récriminations contre l'infortuné monarque.


Le langage de M. Dandenac, qui d'ailleurs déclinait absolument la qualité de juge, se maintient toujours grave comme la justice et impassible comme la loi. "Un jugement, disait-il, ne peut être que l'application d'une loi préexistante. Le juge ne peut ni ne doit être plus sévère que la loi. Là où il n'y a point de loi, il ne peut y avoir de jugement. Vous ne pouvez donc, ajoutait-il, vous ne pouvez donc, vous Convention nationale, condamner l'accusé que par un acte de despotisme ; et quand vous avez déclaré vouloir proscrire toute espèce de despotisme, vous n'en donnerez pas un nouvel exemple à l'univers ; vous vous arrêterez donc sur la pente fatale où l'on ne saurait vous entraîner que par d'indignes subtilités et en effaçant de vos coeurs les principes d'éternelle justice."


L'orateur concluait donc à ce que, par mesure de sûreté générale seulement, l'Assemblée ordonnât la déportation de tous les prisonniers du Temple.


Au moment où M. Dandenac concluait ainsi, on pouvait encore espérer que la majorité de la Convention reculerait devant l'énormité d'un sanglant sacrifice ; et certes, s'il restait une chance de salut aux augustes victimes, elles l'auraient trouvée dans l'adoption de cette proposition qui se produisait pour la première fois, car on n'avait parlé encore que de bannissement, et tous les orateurs qui avaient paru se prononcer pour cette mesure avaient été interrompus par de violents murmures. Les Montagnards ne cessairent de répéter que le bannissement du roi aurait pour effet de le renvoyer à la tête des émigrés, et bien des députés d'une nuance intermédiaire partageaient cette opinion.

 

DANDENAC OPINION

Le vote de M. Dandenac, plus rigoureux en apparence, était donc en réalité un vote plus habile et qui pouvait amener des chances meilleures. Il n'excita cependant que de faibles rumeurs sur les bancs de la Montagne, parce que là on était tout préparé à n'entendre émettre, par l'honorable député de Maine-et-Loire, qu'un vote de modération et de salut. Sa position ne parut donc nullement compromise dans la Convention, où, en dépit de toutes les violences et de tous les entraînements de parti, on ne pouvait s'empêcher d'estimer l'élévation et la noblesse de son caractère.

Il reçut même un témoignage de confiance dès le 10 mai 1793, en se trouvant adjoint, avec six de ses collègues des départements de l'Ouest, aux commissaires envoyés près l'armée des côtes de La Rochelle. Cette mission, purement administrative, eut pour M. Dandenac l'avantage de l'éloigner de l'Assemblée au moment de cette honteuse journée du 31 mai, où son courage et son énergie l'auraient infailliblement exposé à la proscription.


Il fut chargé plus tard de visiter les magasins de l'arsenal et de la ville de Tours, en compagnie de son collègue Bodin, député d'Indre-et-Loire, opposé à la Montagne, et pur comme lui de toute participation au vote régicide.


Il revint ensuite à la Convention, où malgré l'effroyable terreur qui avait fait si déplorablement fléchir tous les caractères et tous les courages, il vota toujours avec honneur et indépendance.


En l'an IV, il entra avec son frère au conseil des Anciens ; et dans un moment où le souvenir encore récent des crimes et des saturnales de la Terreur ne ralliait que trop de suffrages à un gouvernement arbitraire et corrupteur, M. Dandenac ne cessa de voter avec les amis de l'ordre légal et d'une sage liberté.


Dans la séance du 11 ventôse an VI, il attaqua notamment, avec son énergie accoutumée, la résolution sur les poudres et les salpêtres, parce qu'elle autorisait la violation du domicile et de la propriété. Il craignait, disait-il, "que sous le spécieux prétexte de la nécessité, on n'altérât successivement les principaux articles de la Constitution."


Sorti de la législature au mois de prairial suivant, il revint habiter tantôt Saumur, tantôt sa maison de campagne de Rou-Marson, où la confiance de ses concitoyens l'appela de nouveau aux fonctions de maire.


En l'an VII, il fut nommé président de l'assemblée électorale de Maine-et-Loire et élu juré près la haute Cour de justice. Appelé à siéger, dès le 1er prairial an VIII, au conseil d'arrondissement de Saumur, il y fut maintenu lors de la nouvelle organisation, et confirmé en cette qualité par décret du 28 août 1808. Il conserva aussi ses fonctions de maire de Rou-Marson.

 

DANDENAC SIGNATURE


Devenu veuf et resté sans enfants, il songea, après les agitations de la vie publique, à chercher le repos dans le bonheur de la vie domestique. Il épousa, en 1799, Mlle Bruneau de la Mérozière, dont il n'eut que des filles. Cette dame était la fille d'un ancien garde-du-corps du roi, dont le fils unique avait servi lui-même dans la garde constitutionnelle de Louis XVI, et conquit plus tard quelque célébrité dans l'histoire de nos guerres civiles. (M. Bruneau de la Mérozière est plus connu dans l'histoire des royalistes du Bas-Maine sous son nom de guerre de Monsieur Jacques).


Quand, après de longues et sanglantes révolutions, les temps commencent à devenir plus calmes, il n'est pas rare de voir les partis opposés se rapprocher ; en France, les haines ne sont jamais ni bien durables, ni bien profondes.


M. Dandenac passa ses dernières années dans sa terre de Rou-Marson, où le gouvernement de la Restauration l'avait maintenu dans ses fonctions de maire. Il y vivait avec une grande et modeste simplicité, n'ayant d'autre distraction que la pratique des oeuvres multiples de bienfaisance et de charité, et la lecture, dans laquelle il trouvait ses délassements les plus chers, ayant retenu de son éducation du XVIIIe siècle l'amour des belles-lettres et le goût de la littérature classique. Il s'était attribué en même temps le rôle de conciliateur des bons paysans de son voisinage, et d'arbitre dans tous les différends qui les divisaient, si bien que l'on avait coutume de dire de lui qu'il faisait les affaires des autres au détriment des siennes propres. Aussi jouissait-il de l'estime générale dans son canton, et fut-il universellement regretté quand il mourut, le 22 [ou 23] mai 1825. (pas de registres pour l'année 1825)


Le nom de M. Dandenac, le jeune, est bien oublié aujourd'hui ; et certes il ne se rattache point à des souvenirs éclatants ; cependant ce nom mérite de survivre, ne fût-ce que parce que de tous les hommes qui prirent part à la Révolution, on n'en trouve point qui montra plus d'honnêteté, plus de droiture et plus de courage.

Exrait : Mouvement provincial en 1789 ... - par M. Bougler - 1865

 

DANDENAC ARMORIAL

 

OPINION DE JACQ. DANDENAC, LE JEUNE, DÉPUTÉ DU DÉPARTEMENT DE MAYENNE ET LOIRE, DANS L'AFFAIRE DE LOUIS XVI


La convention nationale a décrété que Louis XVI seroit jugé par elle : Il est du devoir d'un juge de motiver son opinion : je vais donc exposer sommairement les principes et les réflexions d'après lesquelles je suis parvenu à un résultat différent des opinions prononcées jusqu'à ce jour.

Un jugement ne peut être que l'application d'une loi préexistante.

Le juge ne doit ni ne peut être plus sévère que la loi.

Là où il n'y a point de loi, il ne peut pas y avoir de jugement.

Plusieurs opinans ont condamné l'accusé à la mort ; je cherche la loi dont ils ont dû faire l'application, et je ne la trouve pas ; d'autres, fatigués, ainsi que moi, de cette recherche infructueuse, ont imaginé de dire que l'accusé étoit hors de la loi ; et tout en le disant, ils tenoient en main notre vieille constitution. Mais d'abord quelle inconséquence de vouloir appliquer la loi à celui qu'on a déclaré hors de la loi ! Quoi ! celui-là seroit hors de la loi, pour lequel il existe une loi expresse, une loi qui n'est applicable qu'à lui ? Mais, a-t-on dit, cette loi est contraire à tous les principes du droit naturel ; soit : mais cette loi positive qui a dérogé au droit naturel, n'en étoit pas moins l'expression de la volonté générale, en se reportant au temps où elle fut acceptée par nous, le dirai-je ? avec enthousiasme. Cette loi est le code civil et criminel de la royauté ; c'est la seule loi antérieure au délit : c'est donc la seul applicable à l'accusé, à moins qu'on ne veuille effacer de nos coeurs les principes d'éternelle justice, dont ces tables sont empreintes.

Mais on a insisté, et on a dit : l'accusé a outre-passé la mesure des crimes prévus par la loi. Je n'entre point dans cette question ; mais, en adoptant l'affirmative, que s'ensuivroit-il ? que, d'après tous les principes, nous ne pouvons, comme juges, appliquer à celui qui fut roi, de plus forte peine que celle prononcée par le code de la royauté.

Ceux qui, parmi nous, ont senti l'impossibilité de résoudre la difficulté d'une manière satisfaisante ont cherché à l'éluder : les uns ont prétendu que la constitution n'avoit point été acceptée par l'accusé, puisqu'il avoit agi et protesté contre ; d'autres, que la date de son abdication légale devoit remonter à la première époque où il a tramé pour détruire la constitution, etc. Sans s'arrêter à discuter toutes ces subtilités, qu'en pourroit-on conclure ? que l'accusé seroit rentré dans la classe des simples citoyens : s'il est rentré dans la classe des citoyens, pourquoi la convention s'arrogeroit-elle le droit de le juger, tandis qu'il y a des tribunaux pour les citoyens, et qu'il n'est point dans sa mission et dans les principes, qu'elle se charge d'appliquer à un individu quelconque, les peines prononcées par notre code pénal ? Mais, même en le supposant, pourroit-on se faire illusion au point d'oublier que le code pénal n'est qu'une partie intégrante de notre code criminel ; qu'il en est, pour ainsi dire, la conséquence ; que cette conséquence ne peut être légitimement déduite que de l'acte d'accusation et de la déclaration du juré, faite dans les formes prescrites par la loi, et sans l'observation desquelles le juge ne peut tirer qu'une conséquence injuste : vous n'avez point observé ces formes, vous ne pourriez appliquer la loi prononcée par le code pénal, qu'en violant les formes et les principes ?

Vous ne pouvez donc, vous, convention nationale, comme juge, prononcer contre l'accusé de plus forte peine que celle portée dans le code de la royauté, que par un acte de despotisme : vous avez proscrit toute espèce de despotisme ; et vous n'en donnerez pas un nouvel exemple à l'univers.

Pour mettre votre responsabilité à l'abri, et rassurer les consciences timides, on a proposé de faire prononcer la peine par les assemblées primaires, ou tout au moins de soumettre à leur ratification le jugement que vous allez porter. Mais si votre jugement n'est que l'application d'une loi positive antérieure au délit, cette loi aura été sanctionnée expressément ou tacitement par le peuple, et alors il n'y a pas lieu à recourir à lui : si au contraire votre jugement n'est appuyé sur aucune loi antérieure, comment le peuple prononcera-t-il, d'après une loi qui n'existe pas, et pourrez-vous lui proposer de se déterminer pour telle ou telle peine, quand vous aurez reconnu vous-mêmes que la loi ne les a pas prononcées ? Le peuple a incontestablement le droit de révoquer son mandataire ; mais il ne peut sans injustice lui imposer des conditions plus dures que celles auxquelles il l'a soumis par son mandat.

Je finis par une réflexion bien simple : la convention nationale réunit un grand nombre d'hommes vertueux et d'un patriotisme ardent et éclairé : d'où vient donc que cette question est parmi nous si fortement controversée ? C'est qu'il existe une loi positive, trop indulgente pour l'accusé, et qu'en voulant l'outre-passer et prononcer avec plus de sévérité, on ne rencontre plus que le vague de l'arbitraire.

Je conclus à ce que la convention nationale, après avoir déclaré l'accusé coupable, dépose sa qualité de juge ; et ne s'occupant plus que des grandes mesures qu'exigent d'elle le salut et la tranquillité publique, convaincue de la nécessité d'arracher du milieu de nous ce germe de discordes et de dissensions éternelles, décrète, comme mesure de sûreté générale, que Louis et les autres prisonniers du Temple seront tous déportés, et relégués loin de nous au-delà des mers.

Que le conseil exécutif sera chargé de faire mettre à exécution le présent décret le plus promptement possible, et en outre tenu de prendre sous sa responsabilité toutes les précautions convenables pour que le lieu de leur relégation demeure ignoré au moins pendant tout le temps de la guerre.

Extrait : Le Procès de Louis XVI ou collection complette des Opinions, Discours et Mémoires, des Membres de la Convention nationale ... par Poncelin - Tome IIIe - L'an III de la République (1795)

Un peu plus tard les électeurs saumurois envoyaient à nouveau, Dandenac le jeune, siéger au corps législatif, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal manuscrit ci-joint :

DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE
Élection du citoyen Jacques Dandenac
L. du 21 Vendémiaire
Du procès-verbal de l'Assemblée électorale du département de Maine-et-Loire du vingt et un vendémiaire de l'an quatrième de la République française une et indivisible, concernant l'élection des deux tiers qui doivent être pris dans la Convention pour entrer dans le nouveau corps législatif ; il résulte que sur cent quatre vingt-sept votants formant ladite assemblée le citoyen Jacques Dandenac le jeune a réuni au troisième tour de scrutin cinquante quatre voix qui lui ont donné la majorité relative. (Société des lettres, sciences et arts du Saumurois - 16e Année - Avril 1929 - n° 51)

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