LUÇON (85) - LA PLACE BELLE-CROIX - LA CATHÉDRALE
LA PLACE BELLE-CROIX
Sur cette place s'élevait, autrefois, le Château-fort dont une tour au moins se dressait au milieu même de la rue actuelle du Port.
Les substructions en furent découvertes par le service vicinal lors du nivellement de la rue, entre la place et l'escalier qui descend au parvis.
Le château était celui de la baronnie épiscopale, car Luçon possédait une double baronnie : ecclésiastique et laïque, celle-ci en perpétuelle rébellion contre celle-là, à tel point que le roi de France dût s'en mêler, à maintes reprises, et promulguer des ordonnances pour remettre chacun dans son droit.
La Maison de Luçon était vassale de celle de Thouars. On retrouve les noms de Hugues de Luçon (1206), Raoul de Machecoul (1208), Aimery, vicomte de Thouars et Béatrix, dame de Machecoul et de Luçon (1219) dont l'écu était celui même adopté par la ville : "de gueules au brochet d'argent en pal."
La baronnie de Luçon passa de la Maison de Thouars à celle de Lusignan d'abord, et ensuite, aux familles de Melle et d'Harcourt. Mais avant, dès 853, les Normands avaient ruiné Luçon de fond en comble et ne s'étaient retirés qu'après sa destruction complète.
A la fin du XIème siècle, Guillaume-Guy-Geoffroy, seigneur de Luçon, incendia l'abbaye et l'église et fit périr les habitants qui s'y étaient réfugiés. Mais il fit amende honorable et répara les désastres. De ces constructions, il ne reste, actuellement que le transept de la cathédrale. La consécration de la nouvelle église eut lieu le 19 avril 1121 par l'abbé Gerbert.
Le château et ses dépendances, la cathédrale et l'évêché, de même que l'église Saint-Filbert qui s'élevait sur la place actuelle du Marché, étaient enclos dans le bail de Saint-Filbert ; le reste de la ville n'était pas fortifié.
Charles VI, pour opposer une défense plus efficace aux envahisseurs, dut prendre la place sous son commandement. Les murs de la forteresse avaient été fort endommagés par les Anglais et, malgré la prise de possession du Dauphin, ils ne furent pas réparés. Quand Elie Martineau, dixième évêque de Luçon, obtint le retour de la forteresse enlevée à son prédécesseur, ils étaient encore en très mauvais état.
Ce fut précisément sous l'épiscopat d'Elie Martineau que commencèrent les démêlés entre les évêques de Luçon et la Maison de La Trémouille.
A peine l'évêque avait-il rétabli l'ancien état de choses que Georges de La Trémouille s'empara de la place et imposa la ville de 2.700 écus vieux et autant en denrées. L'évêque en mourut de chagrin le 7 février 1424.
Charles VII contraignit Georges de La Trémouille à rendre à Guillaume Gojon, onzième évêque de Luçon, le château dont il l'avait frustré ; Tristan Chabot, seigneur de Pressigny, en fut nommé capitaine. Mais sitôt la reddition accomplie, La Trémouille ne songea qu'à exercer ses persécutions contre l'autorité épiscopale et les habitants de la ville. L'évêque dût s'enfuir à Angers où il mourut le 26 mars 1431.
Son successeur, Jean Fleury fut également contraint de s'exiler et alla demeurer à Poitiers, en l'hôtel des Trois-Piliers qui appartenait au ministère de Luçon.
Le Parlement rendit un arrêt contre le persécuteur et remise fut, à nouveau, faite par lui, de la forteresse ; mais alors il construisit un château-fort sur la Mothe-du-Puy-Fou, proche de la cathédrale d'où il bombardait l'abbaye et la cathédrale, s'amusant à abattre le clocher et les murs d'enceinte du bail de Saint-Filbert.
La mort de Georges de La Trémouille ne mit pas fin aux persécutions et, sur les plaintes de Nicolas Coeur, évêque de Luçon, un jugement arbitral intervint en 1458 entre les parties, déterminant les droits de chacun.
Enfin, sous l'épiscopat de Milon d'Illiers, la baronnie laïque de Luçon, dont avait hérité Anne de Laval, fut acquise par l'évêque au prix de 8.000 livres tournois (9 septembre 1549).
La Place Belle-Croix a été ainsi nommée en 1526 alors que le chanoine Jean de Bon fit construire, devant sa maison, un magnifique calvaire orné de statues. Ce monument fut abattu, plus tard, par les protestants et, au moment où les catholiques se préparaient à le relever, Soubise en fit disparaître les matériaux.
Ce ne fut qu'après la prise de La Rochelle que sa réédification put être réalisée par les soins des chanoines Tayraud et Richou.
Évidemment la croix disparut à la Révolution.
La mairie de Luçon, depuis la Révolution, se trouvait sur la place Belle-Croix ... Cette maison se nommait "Touvant", du nom de son ancien propriétaire, Ranfray de Touvant.
C'est là qu'au matin du 5 septembre 1870, la foule amassée attendant la publication des nouvelles de la guerre, apprit la capitulation de Sedan, la déchéance de l'Empire et la proclamation de la République ...
En face, vis-à-vis la cathédrale, il y avait un corps de garde dont le concierge avait fait un atelier de vannerie ...
Les propriétaires luçonnais qui entouraient la place Belle-Croix en 1782 étaient : l'abbé de Bierge, qui occupait la maison de Touvant (future mairie), Messieurs du Chapitre, Beaumont, de la Barre, de Sérizais, Dubois, de la Brossardière et Laidet.
Le monument commémoratif de la guerre de 1870-1871 est l'oeuvre de Fulconis. La partie architecturale est de M. Bordelais. Ce monument fut inauguré en 1899, sous la présidence d'honneur de l'amiral baron Alquier, M. Deshayes étant maire et député de la circonscription de Luçon, M. Anatole Biré conseillé général du canton.
NOTRE-DAME
Clocher de la fin du XVIIème siècle, construit par l'architecte Leduc de Toscane. Les plans dressés sous l'épiscopat de Nicolas Colbert, furent exécutés sous celui de son successeur, Henri de Barillon, 31ème évêque de Luçon, dont le coeur repose dans un pilier du choeur, sous une plaque de marbre. Ce même évêque avait fait placer, sur la façade de la cathédrale, des statues qui ont été détruites.
La flèche reconstruite en 1828 est plus légère que celle qu'elle a remplacée et qui était figurée, par une gravure de Moreau, en tête du bréviaire de Luçon, édition de 1768. Elle repose sur une deuxième galerie dont la première était dépourvue.
La première pierre en fut posée par Madame, Duchesse de Berry, sous l'épiscopat de Mgr Soyer. Les travaux furent exécutés par les frères Jean et Charles Ballereau qui habitaient, rue des Deux-Frères, les maisons qui bordent cette courte rue et qu'ils avaient fait bâtir. L'ensemble de la cathédrale est du XIVème siècle. Une découverte faite par les frères Ballereau architectes, en fouillant à la base du transept nord, prouve l'antiquité de la fondation. Ils recueillirent là des fragments de briques à figures du genre de celles trouvées à Vertou et à Rezay et qui remontent à la fin de la période mérovingienne.
La cathédrale fut reconstruite sous Pierre de la Voirie (ou Veyrie) premier évêque de Luçon (1317-1333) dont les armes sont placées aux clefs de voûtes du choeur. ...
La consécration eut lieu le 3 octobre 1523, par Louis, évêque de Termopyles, sous l'épiscopat du cardinal Jean de Lorraine.
C'est en 1703 que fut construite la tribune par Mgr de Lescure (1699-1723) qui acquit et inaugura les grandes orgues.
La remarquable sonnerie est l'oeuvre de Mgr Baillès (1845-1856) ; les cloches sont au nombre de six.
Le bourdon, Reine des Anges, Saint Jean-Baptiste, Saint-Benoît, Saint-Mathurin, Sainte-Marie qui la cloche des offices canoniaux et Saint-Hilaire.
Ces cloches, sauf Saint-Jean et Saint-Hilaire, ont été fondues en 1847, par Ernest Bollée du Mans, et consacrées le 25 août de la même année.
Les cloches Saint-Jean et Saint-Hilaire, qui dataient de Mgr de Lescure, furent refondues par le même Ernest Bollée en 1850. Le bourdon pèse 5420 kilogrammes.
On sait ce que chantent nos belles cloches quand sonnent les heures : "Le temps est court, le temps fuit et l'éternité vient."
Voici une anecdote qui nous fut racontée par le chanoine Edmond Bourbon :
Au moment de procéder au montage du bourdon, on s'aperçut que son diamètre était plus grand que celui de la couronne de la voûte. On profita de l'effondrement de la tribune des orgues pour le hisser, par la nef, au lieu de l'élever directement dans le clocher. Mais la couronne du premier étage était aussi trop étroite.
Demander une autorisation, c'était se heurter aux difficultés et aux lenteurs administratives d'usage. On résolut donc de s'en passer. L'inspecteur des édifices diocésains, M. Boisrel, fut officieusement prévenu par M. l'abbé Bourbon et promit de fermer les yeux. Le montage s'opéra, avec facilité, par les charpentiers Gauffriau et Joseph David et, pour ce faire, la couronne démolie et reconstruite en 24 heures.
Dans la chapelle du Sacré-Coeur, face à l'autel, se voit un monument funéraire élevé par Mgr Nivelle à la mémoire de son neveu du même nom, grand archidiacre et chanoine, mort à l'âge de 32 ans, le 16 septembre 1648.
Le beau Christ de la chapelle du Christ, classé comme monument historique, date aussi de l'épiscopat de Mgr Nivelle, de même que l'ancienne chaire à prêcher dont les décorations picturales sont de la main de cet évêque.
Les stalles du choeur, grilles, maître-autel et baldaquin, les autels Saint-Jean et Saint-Roch sont l'oeuvre de l'architecte angevin Sébastien Leysner, sous l'épiscopat de Mgr Gaultier d'Ancyse, en 1773. Pour établir les stalles, on avait eu la malheureuse idée de supprimer, à chaque pile du choeur, la colonne intérieure. C'est à M. Balleyguier, architecte des édifices diocésains, qu'on doit la réfection de ces colonnes.
Le groupe de l'Assomption est attribué à Coysevox (?)
La chapelle funéraire des évêques de Luçon est placée sous le choeur, côté-évangile. On y accède par un escalier partant de la chapelle Saint-Roch et aboutissant à la crypte qui contient quatre cercueils : à savoir ceux de Nosseigneurs Gaultier d'Ancyse, Baillès, Soyer et Catteau.
Une autre crypte découverte en 1908 dans le choeur de la cathédrale, consiste en un caveau mesurant 2 m 20 sur 3 m. La hauteur, du sol au sommet de la voûte, est de 2 m 25.
Ce caveau voûté en ogive, bien qu'il ne soit pas celui des évêques de Luçon, à servi, cependant, à des sépultures puisqu'on y a trouvé des débris de cercueils pourris et des ossements.
La trouvaille la plus précieuse fut celle d'un anneau d'or, de fortes dimensions et d'un poids respectables dont, malheureusement la pierre s'était détachée.
Il ne s'agit certainement pas de la chapelle ornée de peintures signalée par La Fontenelle de Vaudoré et, aussi, par M. du Tressay, et dont on ignore encore la situation exacte.
Celle que M. l'architecte Balleyguier a découverte est placée dans le choeur et dans l'axe du premier arc longitudinal. On y a recueilli d'innombrables fragments de pierre sculptée provenant d'un autel placé, peut-être, dans cette crypte ou, plus vraisemblablement ailleurs. Ces sculptures, qui datent du XVIème siècle, sont remarquables par leur finesse et certains morceaux sont d'une délicatesse telle qu'il a fallu un ciseau bien léger pour les exécuter sans les briser.
A quelle occasion cet autel fut-il réduit ainsi en tant de morceaux ? Pour nous, il n'y a aucun doute attendu que, parmi les sculptures trouvées dans la crypte, on a ramassé un fragment de l'écusson de Milon d'Illiers (1527-1552) sous l'épiscopat duquel le diocèse de Luçon fut mis à feu et à sang par les huguenots.
Mais la cathédrale fut particulièrement ravagée sous son successeur René de Daillon du Lude (1552-1562). La Chronique du Langon, dit, en effet, que les protestants arrivèrent audit lieu de Luçon le dernier jour d'avril 1562, entrèrent dans l'église cathédrale, rompirent et brisèrent tous images et autels.
L'autel en question aurait donc été construit sous Milon d'Illiers et détruit sous René de Daillon du Lude.
Quant à la crypte elle-même, elle date vraisemblablement de cette partie de l'église, XIVème siècle.
Dans la chapelle du Sacré-Coeur se voit une "Descente de Croix" dont quelques parties sont très bonnes. Il s'y trouve des figures bien dessinées et des mouvements habilement traités, mais l'ensemble eut gagné beaucoup à l'absence du grand suaire blanc étendu sur le sol. Quoiqu'il en soit, cette peinture ne manque pas de réelles qualités.
Un autre tableau représente la Vierge Mère tenant l'Enfant Jésus. Peinture mondaine d'où le sentiment religieux ne tient qu'une place secondaire ; mais la facture en est bonne.
La chapelle de la paroisse est ornée d'un grand tableau de Giraud rappelant un épisode des apparitions de Lourdes. M. Renaudin du Fondreau, artiste de valeur, faisait grand cas de cette peinture, mais d'autres compétences, cependant bien intentionnées, n'ont jamais pu, tout en reconnaissant la bonne disposition des lieux et des personnages et même aussi des habiletés artistiques certaines, aller jusqu'à l'emballement. Cela nous paraît à nous froid et d'épourvu d'émotion vraie.
Le grand vitrail du choeur et les verrières des autels Saint-Jean et Saint-Roch ne sont pas quelconques, tant s'en faut. Le vitrail du choeur représentant l'Assomption et la Glorification de la Sainte Vierge aurait pu être de ton plus sombre capable d'atténuer un peu l'éclat du soleil levant, et puis aussi les anges sont, à notre idée, bien peu célestes. Mais le dessin est soigné, composé avec science et les groupements sont très étudiés.
Malgré la langue du chien de saint Roch, qu'on a faite noire contre toute vraisemblance, nous préférons aux autres la verrière de son autel où il a été dépensé une incontestable somme de talent.
Le 11 novembre 1925 eut lieu l'inauguration solennelle de la plaque commémorative dédiée à la mémoire des morts de la guerre 1914-1918 et apposée sur le mur de la chapelle, face à l'autel.
Bulletins paroissiaux de Luçon - 1925 - 1926