LE FORT BOYARD (17)

LE FORT BOYARD

Au cours de la seconde moitié du XVIIème siècle, Louis XIV soucieux des risques encourus par une grande partie de la flotte royale qui cherchait souvent abri dans la rade de l'île d'Aix avait demandé à Vauban, l'édification d'un ouvrage d'art militaire en pleine mer pour compléter le dispositif défensif déjà en place sur les îles et le continent. Les sondages effectués sur le banc de sable Boyard ne devaient pas permettre de trouver l'enrochement nécessaire. L'idée devait être reprise par Napoléon Bonaparte. A cette époque, les boulets tirés par les batteries des îles d'Aix et d'Oléron laissaient encore inviolable un couloir de deux kilomètres de large. Les bateaux anglais ne se privaient pas alors d'aller bombarder Rochefort et ses occupants. Il était urgent d'entreprendre la construction d'un rocher artificiel. La décision prise, les travaux débutaient en 1804.

Les roches extraites de l'île d'Aix allaient être transportées sur place par seize, puis par plus de trente navires. En deux ans près de 27.000 m3 étaient déversés mais les tempêtes hivernales réduisaient tous ces efforts pratiquement à néant. En 1806 et 1807, bien que la taille des blocs ait été portée à 4 m3 et que 6.000 m3 supplémentaires aient été amenés, la mer balayait une fois encore le travail des hommes.

En 1808, des blocs atteignant 10 m3 et reliés par des crampons de fer permettaient un dépôt de 20.000 m3 supplémentaires. Napoléon en personne se rendait sur les lieux en inspection mais le blocus mis en place par la flotte anglaise devait contraindre à suspendre les travaux. Décidée sous Louis XVIII, la reprise ne sera effective qu'en 1849 et l'ouvrage ne sera terminé qu'en 1859 ... sous le Second Empire.

Après cinquante ans d'efforts sur un rocher artificiel de 150.000 m3 le fort se dresse, aux dimensions impressionnantes : 65 m de long, 40 m de haut en quatre étages, avec quelque 100 salles et soutes pouvant abriter plusieurs centaines d'hommes qui devaient servir 46 bouches à feu. Celles-ci ayant maintenant une portée trois fois plus grande, le fort est rendu inutile à tout jamais !

Aujourd'hui un brise-lames qui protégeait la bâtisse à l'ouest et un port abrité à l'est permettant le déchargement de la nourriture et des munitions par l'intermédiaire d'un pont-levis ont été détruits par la violence des vagues, mais le fort se dresse altier et heureusement très difficile d'accès.

Pour la petite histoire, il faut indiquer qu'il a été vendu par les Domaines à un particulier : 30.000 F. en 1962, piètre somme pour qui connaît maintenant tous les aléas de sa construction.

Classé en réserve de chasse du domaine maritime au milieu d'une zone d'un mille alentour, par décision ministérielle l'on pourrait penser qu'il est à l'abri de toute tentative de braconnage et pourtant ... la découverte le 17 juin 1981 d'une boîte de cartouches 22 long rifle grande vitesse et de nombreuses douilles dans les salles sont un témoignage édifiant et particulièrement navrant.

Extrait : Annales de la Société des sciences naturelles de la Charente Maritime - Volume VII - Février 1983