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La Maraîchine Normande
1 novembre 2015

BRETAGNE - JANVIER 1790 - LETTRE DE JEANNE LA NANTAISE A LUDIVINE LA MARAÎCHINE

DES NOUVELLES DE NANTES
par Louis-René Cullerrre

NANTES Gravure

 

Lettre de Jeanne la Nantaise à Ludivine la Maraîchine, janvier 1790


Chère Ludivine,

Je t'adresse tous mes voeux pour l'année qui vient de commencer et souhaite bien vivement qu'elle nous donne le bonheur que l'on nous promet depuis quelques mois mais qui prend de bien étranges voies pour nous parvenir.

Es-tu au fait dans ton lointain marais de Soullans de tous les évènements survenus dans ce qui était notre bonne ville de Nantes, comme disait, jadis, notre bien aime duchesse Anne ?

Depuis l'avant-dernier Noël qui vit partir pour Rennes plus de cinq cents escholiers pour aider leurs amis à soutenir l'action du tiers-état qui n'étaient que cinquante-neuf contre les quatre cent quatre vingt quinze des deux autres ordres, et depuis que le Roy eut ajourné à l'an prochain, c'est-à-dire à l'an passé, les États, il y eut grands désordres et blessures au coeur et au corps en notre cité.

Enfin la noblesse, qui avait continué de siéger, fit contre mauvaise fortune bon coeur et le clergé a suivi. Le tiers état aura donc un député pour dix mille âmes, il sera roturier et libre. La représentation de l'ordre sera égale à celle des deux autres. Les curés non issus de la noblesse pourront être admis dans les plus hautes fonctions du clergé, ce que nous ne pouvons qu'approuver et, enfin, les corvéables seront délivrés de leur astreinte, l'impôt devant être équitablement réparti.

Tout ceci et aussi les détails d'application furent étudiés et mis au point par l'Assemblée qui commença, ici, le 4 avril. Tous les Français de plus de 25 ans, y compris les étrangers naturalisés s'ils sont inscrits sur le rôle des impôts, furent invités à participer, tous ensemble, à la rédaction des Cahiers de Doléances de la ville et à désigner les délégués chargés de choisir les députés aux États devant siéger à Paris.

Les revendications, à ce que l'on dit, furent à peu près celles de toutes les grandes villes des provinces : suppression des privilèges, égalité de tous devant la loi et les impôts, droit d'accès pour tous aux fonctions publiques et élection des curés par leurs paroissiens.

Mais n'oublions pas que nous sommes en Bretagne, c'est pourquoi nos concitoyens insistèrent tout particulièrement sur l'impérieuse nécessité de conserver aux Bretons les libertés et exemptions d'impôts, en particulier de la gabelle, dont nous jouissons, et, bien entendu, d'assurer toutes garanties aux commerçants et importateurs nantais, entre autres ceux qui se livrent à la traite des nègres et au trafic des épices.

Le petit clergé, seul, rédigea ses cahiers et nomma ses électeurs qui, le 20 avril 1789, choisirent trois curés comme députés. Le même jour, les électeurs du tiers en choisissaient huit pour les représenter à l'Assemblée Constituante.

Ce fut après cela la fièvre de l'attente, de l'espoir mêlé de crainte. Des orateurs nantais, d'autres venus d'ailleurs, de Paris, de Rennes soulevaient et soutenaient les passions. Cela se traduisit le 16 juillet par la confiscation des derniers royaux, le 17, la poudrière de Barbin fut prise lorsque, le 18, on connut la nouvelle de la prise de la Bastille, la population, ou du moins la partie qui depuis quelques temps s'agitait dans la rue, se rua vers le château où le gouverneur, pour éviter tout drame, se rendit aussitôt.

Le 26 juillet, on hissa un peu partout le drapeau tricolore et une garde nationale fut créée et recrutée pour assurer l'ordre et la protection des citoyens quoiqu'on ne sût pas très bien à quel danger elle était exposée.

Le 30 septembre, à l'Assemblée des Paroisses de la Sénéchaussée de Nantes, on renonça aux privilèges provinciaux, c'est-à-dire que fut prononcé l'arrêt de mort de la Bretagne, par 136 voix contre 74, et on souscrivit aux décrets des 5 et 6 août enfantés lors de la nuit du 4 et qui bouleversent notre société.

C'est ainsi que ces jours-ci notre comté a fait place, dans toutes les écritures des environs, au département de la Loire-Inférieure et que Nantes devient le siège d'un des neuf districts que comprend ce département. Nous ne voyons pas nettement ce que va être maintenant notre destinée, avons un peu peur de faire confiance aux gens et aux idées qui, en si peu de temps, ont transformé notre présent.

Je souhaite qu'une prochaine lettre, qui n'attendra pas la fin de cette année 1790, te parle de bonheur et de joie de vivre. Du moins te portera-t-elle, comme celle-ci, mes plus tendres amitiés.
Jeanne

Extrait : Blanc et Bleu - La Mémoire Vendéenne - "On l'appellera Vendée ... - n° 9 - 1er trimestre 1990

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