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La Maraîchine Normande
31 octobre 2015

BOTZ-EN-MAUGES (49) - 1830 - LA FERME DE SOURS - L'ADMIRABLE FRANÇOIS BRICARD

TOUCHANTE HISTOIRE D'UN PAUVRE CULTIVATEUR DU CANTON DE SAINT-FLORENT couronné l'année dernière (1856) par l'Académie française.


C'est ainsi qu'à son insu, au comice de Thouarcé, quelques mois avant qu'il reçût un prix Monthyon, nous le proposions pour modèle dans une nombreuse réunion de laboureurs :


"Puisqu'ici, Messieurs, le mot de charité est venu sur mes lèvres, je veux finir ces quelques mots par le récit de l'admirable dévouement d'un pauvre cultivateur, qui peut servir à nous tous d'exemple et de modèle. Son nom, Messieurs, je puis bien vous le dire : il n'est pas ici ; je ne crains donc pas de blesser sa modestie : il se nomme François Bricard, et habite la commune de Botz, canton de Saint-Florent-le-Vieil.

Carte Botz-en-Mauges - Sours

Marié jeune encore, il était venu cultiver, avec sa femme, la petite ferme de Sours, où demeurait sa mère. Dieu n'avait pas tardé à bénir son union si chrétienne : dix enfants .... ont été élevés dans l'amour de la vertu et du travail.

L'intelligence et le courage de Bricard, l'économie et l'ordre de son excellente femme, et les produits d'une ferme d'un peu plus de six hectares avaient suffi à cette nombreuse famille. Bricard n'avait pas cessé, même dans les plus mauvaises années, de bien payer son maître, et lorsque son troisième fils était tombé à la conscription, il avait réuni toutes ses économies, et trouvé 1.500 francs pour lui acheter un remplaçant. Béni de Dieu et aimé de ses voisins, le pauvre ménage prospérait, car s'il n'avait pas d'argent, il n'avait pas de dettes. La ferme cultivée comme un jardin, nourrissait la famille entière ; l'aîné des cinq garçons avait vingt-sept ans et la plus jeune des filles en avait onze.

On était alors à la fin de 1830. A la même époque, dans la commune de Saint-Quentin-en-Mauges, vivait un frère de Bricard, marié et père de cinq enfants, dont l'aîné avait sept ans à peine. Il était dans un état voisin de l'indigence, lorsqu'il fut atteint, avec sa femme, de la fièvre typhoïde.

Bricard accourt à cette mauvaise nouvelle, et ne pouvant, que quelques jours, rester éloigné de sa ferme, il laisse sa femme au chevet du lit de son frère et de sa belle-soeur ; elle y resta six mois entiers, sans rétribution, ni salaire, séparée de son mari, de ses enfants, de son ménage ; puis, quant la mort frappa successivement les deux époux, Bricard revient trouver sa femme. Ils adoptent les cinq orphelins, et malgré les conseils qu'on leur donne, quoiqu'il n'y ait d'autre héritage que deux couchettes et un berceau, ils conduisent tous leurs neveux et nièces à la petite ferme de Sours.

Vainement, leurs voisins leur disent qu'ils ne peuvent pas les élever tous, qu'il y a d'autres parents plus aisés, que c'est presque tenter la Providence. A toutes ces objections, Bricard n'a qu'une réponse : "Je suis le frère de leur père. Ma femme, mes enfants et moi les aimerons mieux que tous les autres ; et Dieu ne nous abandonnera pas.

Mais la ferme de Sours ne peut ni loger ni nourrir les nouveaux venus. Qu'importe ! Bricard dira alors à ses propres enfants : "Mes amis, vous êtes grands et forts : il faut aider votre père à nourrir les petits orphelins. Quatre de vous vont quitter la maison et se gager chez de bons métayers. Il y aura encore neuf enfants à la ferme, et de plus votre père et votre mère."

Voici aujourd'hui (1870) six ans que cet excellent homme continue cette oeuvre de dévouement, quoique ses forces soient épuisées par un travail excessif. Si on lui parle de sa charité, il paraît tout surpris. Il croit avoir fait une action très-ordinaire, et s'étonne du prix qu'on y attache. Sa seule science est d'aimer Dieu et de bien cultiver ses champs. Rien n'égale sa foi et son abandon à la Providence. Ses petits neveux sont devenus ses enfants, et il leur prodigue les soins de la nourrice la plus tendre.

La première fois que j'allai le voir à Sours, il berçait le plus jeune, en tenant le second sur ses genoux, tandis que sa femme, entourée des trois autres, préparait le laitage qui devait servir de nourriture à tous. Des larmes d'émotion me vinrent alors aux yeux, et je pensai à ces trésors de charité et de vertu enfouis dans le coeur des admirables paysans de nos contrées, "familles vraiment patriarcales au milieu des excès d'une civilisation corrompue, inébranlables contre les blasphèmes qu'ils sont forcés d'entendre, purs au sein des scandales qui les environnent et les affligent, vivant pour Dieu et pour le bien public." (M. l'abbé Gourdon)

Je pourrais ajouter, Messieurs, une foule de traits d'obligeance de Bricard pour ses voisins. Mais il faudrait allonger indéfiniment ce récit. Cependant il m'est impossible de passer sous silence un dernier acte de dévouement qui égale presque tous les autres.

L'année dernière (1869), le cinquième fils de Bricard tombait à la conscription. Resté avec ses parents, il en était la consolation et la joie. Ses trois frères aînés se réunissent à cette triste nouvelle, et prennent la résolution de lui acheter un remplaçant. Mais quel moyen prendre ? Ils ne possèdent rien à eux trois. Leurs gages ? depuis six ans, ils les ont donnés à leur vieux père, sans se réserver autre chose que leur entretien. Mais ils ont confiance en Dieu et en des maîtres qui les aiment. Ils les prient de leur avancer cinq ou six années de gages. Ils travailleront gratuitement pendant tout ce temps, et auront ainsi le bonheur de conserver leur frère.

Très-bien ! mes garçons, dit un des bons métayers qu'ils servent si fidèlement, je ne demande pas mieux que de vous venir en aide ; mais si vous alliez mourir, mon argent serait perdu. - Nous n'y avions pas pensé. C'est vrai, vous ne seriez pas remboursé, répondent ces pauvres jeunes gens d'une voix attristée. - Non, mes amis, Dieu vous conservera pour terminer votre bonne oeuvre, mais en tout cas cette crainte n'est pas un obstacle. Voici l'argent que vous demandez."

Quelques jours après, au conseil de révision, Bricard présentait un remplaçant pour son fils : "il avait coûté 3.200 francs !

Ici, Messieurs, tout est admirable, et en vérité on est fier d'habiter un pays qui produit de telles vertus."

 

BIBLE ET CHAPELET


Extrait : Une paroisse vendéenne sous la Terreur - Théodore, comte de Quatrebarbes - 1870

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