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La Maraîchine Normande
22 septembre 2015

NUILLÉ-SUR-OUETTE (53) - 1794 - LES CHADAIGNE ET L'ABBÉ ANDRÉ-CHARLES DORGUEIL

ANDRÉ-CHARLES DORGUEIL est né au Mans, paroisse de la Couture, le 22 novembre 1760.

acte naissance curé Dorgueil

 

En 1794, un prêtre fut arrêté à l'Anjauron, village situé sur la route de Nuillé à la Chapelle-Rainsoin.

Monsieur André Dorgueil, né au Mans vers 1760, était au commencement de la Révolution vicaire de Saint-Cosme-de-Vair, canton de Mamers, diocèse du Mans.

 

signature curé Dorgueil

 

Obligé de quitter sa paroisse, il se retira dans les environs d'Angers. On ignore ce qu'il devint quelque temps après, mais il y a lieu de croire qu'il suivit l'armée vendéenne comme le porte le jugement rendu contre lui et qu'il se cacha dans notre pays, après les désastres de cette armée.

Monsieur Bachelier, prêtre de la paroisse de La Bazouge de Chemeré, se retirait souvent pendant l'été de 1794 chez Louis Chadaigne, laboureur, demeurant à l'Anjoron, paroisse de Nuillé-sur-Ouette, sur les bords de l'ancien étang de la Ramée.

Ce brave homme était veuf et avait avec lui la veuve Boulay, sa soeur, et Louise Chadaigne, sa fille. Cette famille était profondément religieuse.


Le 25 juin, Monsieur Dorgueil alla voir Monsieur Bachelier et passa la nuit avec lui chez Chadaigne.

L'Anjauron


Il y était encore le lendemain, quand des soldats en cantonnement à Montsûrs, étant venus avec l'intention de pêcher dans l'étang, entrèrent pour demander si on pourrait leur prêter des lignes.


A leur aspect les deux ecclésiastiques se trahirent eux-mêmes par leur trouble, et les soldats comprirent tout de suite que, malgré leur costume de paysans, c'étaient des hommes bons à capturer. Ils se jetèrent d'abord sur Monsieur Dorgueil, le plus jeune et le plus vigoureux, et l'arrêtèrent sur le champ.


Un soldat s'avança aussi vers Monsieur Bachelier, Louise Chadaigne s'élança entre eux et saisit vigoureusement l'habit du soldat qu'elle emporta en morceaux. A la faveur de cette lutte, Monsieur Bachelier eut le temps de s'enfuir.


Les soldats arrêtèrent avec Monsieur Dorgueil les trois membres de la famille et les conduisirent en prison à Laval, après avoir pillé et bouleversé la maison dans laquelle ils trouvèrent le calice, les ornements et les autres objets composant la chapelle de Monsieur Bachelier.

Dès le lendemain, 27 juin, les quatre prisonniers furent traduits devant la commission révolutionnaire. Cette fois on vit des témoins à l'audience. C'étaient les soldats qui avaient opéré l'arrestation et qui firent leurs dépositions.


Celui qui avait lutté avec la fille Chadaigne raconta le fait et dit que, sans elle, on eut eu deux prêtres au lieu d'un ; il excite l'hilarité de l'auditoire en montrant son habit déchiré et en avouant n'avoir pas été le plus fort.

On pressa Monsieur Dorgueil de questions sur le serment, sur son état réfractaire, sur le lieu où il se retirait et qu'il refusa d'indiquer.


Le président demande à Chadaigne : depuis combien de temps Monsieur Dorgueil était chez lui, quand on l'avait arrêté. Il répondit que c'était depuis la veille, et qu'à son arrivée, il s'était empressé de lui faire un lit bien blanc, car, ajoute-t-il, on est content de recevoir chez soi de si honnêtes gens.


Le président lui demande s'il voulait prêter le serment de fidélité à la République. Point de serment, répondit-il, menez-moi à la guilloche. On comprend ce que veut dire ce mot.


La veuve Boulay et Louise Chadaigne refusèrent aussi de prêter le serment et se déclarèrent franchement chrétiennes. Loin de nier avoir participé à recevoir les prêtres dans la maison, chacun des membres de la famille faisait de généreux efforts pour prendre sur lui la responsabilité du fait.


Les juges parurent pendant quelque temps hésiter sur ce qu'ils avaient à faire. Ils adressèrent encore la parole à la veuve Boulay et, après sa réponse, ils se dirent entre eux : N'a-t-elle pas une figure de fanatique ? Mais le président s'adressant à Monsieur Dorgueil lui dit avec véhémence : gueux de calotin est-il possible que tu nous forces à condamner ces gens-là ? Monsieur Dorgueil, sans répondre à cette apostrophe, dit aux Chadaigne avec l'accent d'une profonde douleur : mes amis, que j'ai de la peine d'être la cause de votre mort. Ah ! Monsieur, répondirent le frère et la soeur, nous n'en sommes point fâchés, nous sommes trop contents de mourir pour une si belle cause ; non, nous n'en sommes point fâchés. Et la veuve Boulay se tournant vers sa nièce lui dit : Et toi, Louise ? ni moi non plus, répondit la pieuse fille avec un calme parfait.


Le jugement daté du 9 messidor an II, 27 juin 1794, fut rendu contre tous ensemble en la teneur qui suit :


Vu le procès-verbal d'arrestation et l'interrogatoire subi aujourd'hui, devant-nous, par Jeanne Chadaigne, veuve de Joseph Boulay, laboureur, âgée de 54 ans ; Louise Chadaigne, âgée de 30 ans ; Louis Chadaigne, laboureur, âgé de 61 ans de la commune de Nuillé-sur-Ouette, district de Laval, sont prévenus d'avoir retiré dans leur maison des prêtres réfractaires et brigands ... André Charles Dorgueil, prêtre de la ville et commune du Mans, âgé de 33 ans et demi ci-devant vicaire de la commune de Saint-Cosme-de-Vair, district de Mamers, département de la Sarthe, prévenu de s'être jeté au milieu des brigands à l'époque du décret rendu portant la peine de la déportation contre tous les prêtres rebelles ; d'avoir passé la Loire avec eux et de ne les avoir quittés qu'après leur déroute complète ; qu'il se retira dans les campagnes de la Sarthe, de la Mayenne où il continua de distiller le poison subtil et mortel du fanatisme.


La Commission révolutionnaire déclare :


Louis Chadaigne, Jeanne Chadaigne, sa soeur, veuve de Joseph Boulay, Louise Chadaigne, sa fille, atteints et convaincus d'avoir retiré dans leur maison des prêtres réfractaires et brigands qui y ont exercé leurs fonctions, d'après leur aveu et la découverte qu'on a faite de calice, burettes, pierre sacrée, etc. ...

André Dorgueil atteint et convaincu d'être prêtre réfractaire et brigand

En conséquence, ouïes les conclusions de l'accusateur public, l'auditoire invité à parler pour ou contre les accusés ;

Vu la loi des 29ème et 30ème jour du 1er mois de l'année de l'an second de la République, article 5 et celle du 22 germinal dernier, article 2 ;

Condamne à la peine de mort les nommés : André-Charles Dorgueil, Louis Chadaigne, Jeanne Chadaigne, Louise Chadaigne ;

Ordonne qu'ils seront livrés au vengeur du peuple pour être mis à mort dans les 24 heures et que leurs biens seront confisqués au profit de la République.

Après être restés quelque temps dans une salle du greffe, où Monsieur Dorgueil put confesser ses compagnons, les quatre condamnés partirent pour le supplice. Le calme et la sérénité brillaient sur leurs visages. Le bon prêtre adressait quelques paroles pour les fortifier.


Louis Chadaigne monta le premier à l'échafaud sans dire une parole. Sa fille le suivit ; elle tenait les yeux élevés au ciel pendant qu'on l'attachait sur la planche ; on l'entendit distinctement prononcer ces paroles d'un ton affectueux : Jésus, ayez pitié de moi ! Jésus, pardonnez-moi ! Jésus mon amour ! Jésus, Jésus ... le coup fatal arrêta la suite de cette fervente prière.


La veuve Boulay au moment de monter les degrés entonna d'une voix claire et sonore le cantique : Je mets ma confiance, Vierge, en votre secours. Elle le continuait encore pendant qu'on l'attachait. On remarqua une circonstance qui prouvait sa présence d'esprit et la paix de son âme au moment du sacrifice. Arrivée à ces mots : et quand ma dernière heure viendra fixer mon sort ! Elle y fit un heureux changement qui les rendit plus applicables à la circonstance, et elle chanta : Voici la dernière heure qui va fixer mon sort !


Restait Monsieur Dorgueil, il avait une taille élevée et une belle figure, il monta à l'échafaud avec un air de dignité qui frappa les assistants. Il se tourna vers le peuple en s'écriant : Vive la religion ! Vive le Roi !


L'exécution de ces quatre justes fit une profonde impression sur les spectateurs, tant elle rappelait d'une manière frappante les martyrs de l'âge d'or de l'église. Des patriotes très ardents avouaient eux-mêmes en avoir été touchés.


Les circonstances en furent religieusement recueillies et se sont fidèlement conservées dans la mémoire des contemporains. (Mémoires de M. Boullier)

Extrait : Monographie communale - Nuillé-sur-Ouette - MS80 08/07 - p. 18-19-20

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