SAINT-ÉTIENNE-DU-BOIS (85) - PREMIÈRES ESCARMOUCHES - GRAND COMBAT DE PALLUAU
Les faits qui vont suivre ont été annotés dans les archives ou chroniques paroissiales par M. le curé Boutin, arrivé ici en 1883. Il les a lui-même recueillis soit dans des ouvrages d'histoire générale, soit ici même, près des anciens, dont les parents ou grands-parents avaient vécu à l'époque de la Révolution, ou encore dns un cahier, conservé à la cure de Legé, et qui a été écrit par M. Gillier, vicaire de Legé, et resté à Legé pendant ces années des guerres de Vendée. Il y raconte surtout ce qui s'est produit dans la paroisse de Legé, mais aussi par occasion ce qui est arrivé à Saint-Étienne.
PREMIÈRES ESCARMOUCHES
Comme on le sait, dans notre région, comme dans toute la Vendée, la Loire-Inférieure et le Maine-et-Loire, au début de mars 1793, les esprits étaient tellement excités par les injustes lois faites par le gouvernement révolutionnaire, que le moindre incident faisait éclater des révoltes locales, des manifestations de mécontentement et de colère qui aboutissaient à des combats armés et faisaient des victimes.
La première escarmouche sérieuse de ce genre se produisit d'abord au Papin, en bas de Legé, sur la route des Sables, se continua à Legé puis au Retail.
C'est la mise en vente forcée par les autorités municipales de Legé des meubles du propriétaire et seigneur du Retail, M. de Goulard, qui en fut l'occasion. Ce seigneur du Retail qui avait dû s'exiler, était très estimé dans la contrée, aussi les hommes des paroisses des Lucs, dont faisait partie le Retail, et de Saint-Étienne-du-Bois, décidèrent-ils de s'opposer à cette injustice. Ils s'avancèrent vers Legé par la route des Sables, armés de fusils, de faux ou de fourches. Arrivés au Papin un groupe de patriotes de Legé, de gendarmes de Palluau, conduits par un ardent patriote de Legé nommé Collinet voulut les arrêter. Collinet tira sur eux un coup de pistolet ; mais ceux-ci répondirent par un coup de fusil qui l'abattit raide mort.
Les assaillants continuèrent jusqu'au bourg où ils rencontrèrent une troupe de patriotes et gendarmes et en tuèrent onze. De là, ils partirent au Retail où ils fusillèrent le commissaire chargé de la vente, deux gendarmes de Pont-James et une dizaine d'autres hommes qui participaient à la vente. Le lendemain on portait une vingtaine de cadavres au cimetière de Legé.
Le même jour, 11 mars, ou le lendemain, une rencontre entre Vendéens et une troupe révolutionnaire eut lieu au Gué-au-Chaud. On ne sait quelle en fut l'occasion. La troupe vendéenne comprenait des hommes de Palluau et de Saint-Étienne parmi lesquels une dizaine furent tués, dont Lachaise, notaire à Saint-Étienne, un Boiscourbeau, sans doute originaire de St-Étienne où habitait cette famille.
On devine l'émotion que dût susciter dans le pays ces premiers combats meurtriers et à quel degré d'excitation les esprits étaient montés. Aussi, loin de cesser, les batailles vont se renouveler et s'amplifier.
LE GRAND COMBAT DE PALLUAU
Le résultat des rencontres sanglantes entre blancs et bleus rapportées précédemment fut d'exciter les esprits et de déterminer un plus grand soulèvement d'hommes prêts à soutenir la cause de la Religion.
Aussi, pendant que dans le Haut-Bocage Vendéen et l'Anjou s'organisait sous le commandement de Cathelineau ce qu'on appellera "la Grande Armée", dans la Basse Vendée se recrutaient des divisions qui formeront ce que sera l'armée de Charette, dont la collaboration avec la Grande Armée ne sera pas toujours heureuse, mais qui aura une influence décisive sur le résultat final et heureux des guerres de Vendée.
Pour ce qui est de notre petite région de Palluau, à la suite des escarmouches de Legé-St-Étienne-Palluau, dès la fin de mars 1793, Savin se trouve à la tête d'une troupe importante. D'accord avec Jolly qui commandait les insurgés de la région de La Mothe-Aizenay, il participa à une attaque contre Les Sables les 28 et 29 mars, attaque qui ne réussit d'ailleurs pas.
C'est alors que Charette s'avança par ici avec ses maraîchins et fixa son quartier général à Legé. Il s'adjoignit la division dite de Palluau, à la tête de laquelle il mit Savin.
Ensemble, ils livrèrent contre les bleus divers combats à la fin d'avril, et commencement de mai, au cours desquels les "places" de Legé et Palluau furent tour à tour prises, perdues et reprises. On peut se figurer les dégâts et mauvais traitements de toutes sortes qu'eurent à subir les habitants de tout St-Étienne pendant les passages répétés des troupes ennemies.
Finalement les bleus sous le commandement du général républicain Boulard restèrent maîtres de Palluau. Pour les en chasser, Charette, maître de Legé, et Savin de St-Étienne, décidèrent, d'accord avec Jolly, qui se tenait du côté d'Aizenay, de les attaquer le 15 mai.
On se battit vaillamment de côté et d'autre. Les blancs allaient l'emporter sans une faute de Jolly. Celui-ci devait avec sa division rester au-delà de la Vie et couper le pont de la Chapelle pour arrêter la fuite des bleus bousculés par Charette et Savin. Mais il passa la Vie et coupa le pont derrière lui. Si bien que sa troupe se trouva acculée à la rivière par les bleus en fuite mais tout de même plus forts que sa division. Ils furent pris de panique et s'enfuirent vers Beaufou. C'est alors que la division de Savin venant en sens contraire par les chemins de traverse, prirent les soldats de Jolly pour des bleus et leur tirèrent dessus, ce qui amena la déroute. Les Vendéens perdirent dans cette bataille plus de cent hommes tués ou blessés.
Malgré cela les bleus, ne se trouvant pas en sécurité, abandonnèrent Palluau, où Charette reprenant sa marche en avant pénétra tuant les traînards de l'armée révolutionnaire et s'emparant d'un important butin en armes et autres choses. Puis il chargea Savin d'occuper et garder la place. Cette bataille garda longtemps dans le pays le nom de "grand combat de Palluau".,
A ce combat du 15 mai 1793 se rattache un épisode mi-plaisant, mi-triste. Ce même jour avait lieu au Pâtis de St-Étienne-du-Bois une noce de la famille Don. Pendant qu'on noçait gaiement, arriva une demande pressante de Savin aux hommes de venir le renforcer autour de Palluau. Aussitôt tous les hommes valides, abandonnant la noce, coururent prendre tenues et armes de combat pour répondre à l'appel du chef ; tous, excepté pourtant le nouveau marié. Évidemment la fête dût, à ce moment, perdre de sa gaîté et de son charme.
Bulletin paroissial - Saint-Étienne-du-Bois - AD85 - 1955