SENTIMENTS RELIGIEUX D'UN CHOUAN ...
Un chiffon de papier jauni, fripé, taché de sang, fut trouvé dans la veste d'un chouan, mort aux environs d'Antrain ; cet infime document est d'une éloquence probante :
ACTE DE FOI
Je crois fermement que l'Église, - Quoi que la nation en dise, - Du Saint-Père relèvera - Tant que le monde durera ; - Que les Évêques que l'on nomme - N'étant pas reconnus à Rome, - Sent des intrus et apostats - Et les curés des scélérats - Qui devraient craindre davantage - Un Dieu que leur service outrage.
ACTE D'ESPÉRANCE
Et j'espère, avant qu'il soit peu, - Les apostats verront beau jeu, - Que nous reverrons dans nos chaires, - Nos vrais curés, nos vrais vicaires, - Que les intrus disparaîtront, - Que les Évêques reviendront ; - Que la divine Providence, - Qui toujours règne sur la France, - En dépit de la nation, - Nous rendra la religion.
ACTE DE CHARITÉ
J'aime tous les aristocrates ; - Je prie Dieu pour les démocrates, - Du moins pour leur conversion, - Et qu'il revienne à la raison. - Je le prie d'apaiser leur rage, - De délivrer de l'esclavage - Notre roi, la reine et son fils, - Qui sont en prison dans Paris ; - De ramener à l'Évangile - Une nation indocile ; - Mais prions bas : s'ils m'entendaits, - Les coquins me lanterneraits.
Extrait : Revue des Deux Mondes - LXVIIIe année - Quatrième période - Tome cent quarante-sixième - 1898 - p. 859