Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
14 août 2015

SOULAINES-SUR-AUBANCE (49) - JULIEN-GABRIEL VALLÉE, CAPITAINE DES CHASSEURS DE STOFFLET

M. VALLÉE, CAPITAINE DES CHASSEURS DE STOFFLET ET CHEVALIER DE SAINT-LOUIS

chasseur de Stofflet - St-Paul-du-Bois

Il y a quelques années, un beau et robuste vieillard, à figure calme et courageuse, la boutonnière ornée d'une large croix de Saint-Louis, venait à Chanzeaux serrer la mains à d'anciens compagnons d'armes. Après avoir parlé des combats de jeunesse, de Cathelineau, de Stofflet, de M. de Bonchamps, de M. Henri, il se rendit au château, où il savait d'avance le plaisir que ferait sa visite. Un motif plus élevé le dirigeait en outre. Trop pauvre pour entreprendre un long voyage, et aller voir dans l'exil le fils de ses rois, il voulait au moins qu'une voix amie se fit l'interprète de son dévouement.

Je reconnus à l'instant un des plus vaillants capitaines des chasseurs de Stofflet, dont souvent dans mon enfance j'avais entendu conter les glorieuses aventures. Je le retrouvais tel que je l'avais vu autrefois, jeune de coeur malgré ses quatre-vingts ans, ne regrettant aucun de ses sacrifices, avec le même dévouement désintéressé, les mêmes convictions, la même espérance. Nous causâmes longtemps ensemble des grandes choses où il avait été mêlé. Sa mémoire lui en retraçait fidèlement les moindres détails. Je le pressai alors d'écrire ses Souvenirs, au moins pour ses enfants.

Peu de temps après, il m'apportait un manuscrit d'une cinquantaine de pages, entièrement de sa main. J'ai tâché en les publiant de leur conserver leur naïveté touchante. Puisse le généreux vieillard, qui m'a donné cette marque de confiance, voir un hommage rendu à sa longue carrière d'honneur et de fidélité !

Né au village de Soulaines, le 2 mars 1774, il appartenait à une chrétienne famille de riches cultivateurs, entourés de l'estime et de l'affection générale. Son père, aîné de sept garçons, labourait lui-même la petite ferme qui lui était échue en héritage. Il y vivait heureux dans une aisance modeste, près de ses frères et soeurs, laboureurs comme lui, quand la Révolution vint tout à coup briser sa tranquille existence.

Extrait : Une paroisse vendéenne sous la Terreur - Théodore, comte de Quatrebarbes - 1870

Vallée Julien-Gabriel Le Marillais baptême

 


 

Soulaines sur Aubance

 

JULIEN-GABRIEL VALLÉE

Né à Soulaines-sur-Aubance le 2 mars 1774 de Gabriel Vallée et de Perrine Chauvigné (baptisé le lendemain).

Interné à Angers en mars 1793 pour ses opinions royalistes (il avait d'ailleurs précédemment fait évader de la prison du Grand Séminaire le curé de St-Martin), il réussit à s'enfuir de celle des Ursules et rejoint à Cholet son père et ses oncles engagés dans l'armée vendéenne. Il y participera à 87 batailles et combats comme capitaine de sa paroisse de Soulaines ; une centaine de jeunes gens auxquels allaient bientôt se joindre ceux de Ste-Gemmes, de St-Jean-de-la-Croix, de Denée et de Mozé, formant un bataillon de 400 hommes rattaché au corps d'armée Bonchamps.

Après l'écrasement de la Grande Armée à Savenay, capturé, il s'échappe à l'instant d'être fusillé au Marillais le 25 mars 1794 (Henri Boré : Le Marillais à travers les siècles) :

Les Républicains avaient surpris Vallée recrutant des soldats pour La Rochejaquelein et Stofflet. Conduit à Montglonne, il est incarcéré dans la vieille église bénédictine, où des femmes et des enfants prisonniers crient de faim. C'est une veille d'exécution. Le Directoire du district ne nourrit pas de bouches inutiles. L'officier de garde, exaspéré par les gémissements, l'a fait comprendre aux femmes et aux enfants. "Dans mon pays, quand un boucher conduit un boeuf à l'abattoir, il ne le panse pas, il le tue". Et il sortit sur ces ignobles paroles, en ricanant.

Les gardiens ne sont pas tous aussi cyniques. Certains s'appitoient sur le triste sort de ces malheureux. L'un d'eux, entrant dans l'église pour son service, voit une jeune femme qui sanglote dans un coin. Il lui demande la cause de son chagrin. Elle lui explique qu'elle est inquiète pour son bébé qu'elle nourrissait et qu'on lui a enlevé. Le soldat, qui était un brave homme, lui glissa à l'oreille : "Ne bouge pas d'ici, attends que j'ai terminé ma tournée."

En revenant vers la sortie, il cache la prisonnière sous son manteau et la conduit au dehors. Il lui sauva ainsi la vie. Cette jeune femme appartenait à la famille Redureau de Marillais.

Maintenant, les ténèbres envahissent le sanctuaire : naguère, à pareil moment, les voix graves des moines psalmodiaient complies. Les détenus ont cessé de se plaindre. Ils ne dorment pas tous cependant car, dans l'obscurité, des prêtres passent, qui exhortent au sacrifice, recueillent les confidences et accordent le pardon. Et la nuit s'écoule en prière. A l'heure des matines, les condamnés n'oublient pas de saluer la Vierge : c'est la fête de l'Annonciation qui se finira pour eux au Ciel. "Quand l'aube parut, nous confie Vallée, la mort n'avait plus rien qui nous effrayât."

Legros a tenu à commander lui-même le massacre. De bon matin, ce 5 germinal an II, il a convoqué la garnison en armes et fait préparer des cordes. Deux par deux, les Vendéens sont attachés à une solide chaîne, qui s'allonge indéfiniment sur la butte : il y a ce jour-là plus d'un millier de captifs ! Les derniers, les liens faisant défaut, sont laissés les mains libres, entre deux rangées de baïonnettes. Et la colonne s'ébranle au grand jour, dans la direction du Marillais, derrière le tambour qui bat la charge. Sur ce même chemin de Saint-Nicolas, entraînant une autre théorie, les clochettes des Rogations tintaient jadis plus gaiement.

Pendant ce temps, au lieu du supplice, des pionniers creusent près de la haie, à l'endroit le plus élevé du terrain, une fosse. Elle n'est pas terminée, lorsque le lugubre convoi entre dans la prairie. Debout, le chapelet à la main, entourant les fossoyeurs qu'ils regardent travailler, ceux qui vont mourir attendent que leur tombe soit prête. Douze jeunes gens - et Vallée est du nombre - n'ont pas été enchaînés. L'instant leur semble propice pour tenter l'évasion. Ils se consultent du regard. Une même espérance les anime. D'un commun accord, ils s'élancent et, à toute allure, bondissent au travers des champs. Les Bleus sont tellement stupéfaits qu'ils n'essaient pas de poursuivre les fuyards."

"A coup sûr, dira vers 1850 Vallée, l'ancien Capitaine de Chasseurs, Notre-Dame du Marillais me fut en aide et c'est à elle, après Dieu, que je fois mon salut. Pendant plus de quarante ans, je suis venu célébrer la fête de l'Annonciation dans son sanctuaire et réciter à genoux mon chapelet sur la tombe des martyrs."

Il réussit encore à rassembler une cinquantaine de soldats en forêt de Beaulieu et rentre avec eux en Vendée par le Pont-Barré, "tambour battant, cocarde blanche au chapeau et cinquante cartouches dans la ceinture" pour rejoindre Stofflet et La Rochejaquelein dans les landes de St-Lézin.

Il participera encore aux soulèvements de 1799 et de 1815, et sera fait chevalier de St-Louis à la Restauration.

A la demande du comte Théodore de Quatrebarbes, il allait, peu de temps avant sa mort, rédiger ses mémoires - une cinquantaine de pages - dont des extraits importants figurent dans "Une paroisse vendéenne sous la terreur".

Il mourut peu avant juin 1857.

Son fils, Antoine Vallée qui, séminariste, avait fait le coup de feu avec lui en 1815, fut curé de Pellouailles de 1826 à 1868.

Un de leurs parents, René Vallée, né à Soulaines le 24 février 1760, lieutenant dans l'armée vendéenne, commandait en 1794-1795 le détachement chargé de la défense du Pont-Barré.

(AD49 - Dictionnaire de Maine-et-Loire - Célestin Port)

 


 

effets d'un Vendéen

 

LIEUTENANT DE CHASSEURS DE STOFFLET
Blessé dans l'ancienne guerre ;
Ancien Vendéen qui a toujours servi avec une grande distinction, notamment dans cette campagne au combat de la Grolle, où il a contribué au gain de l'affaire (AD85 - SHD XU 16-20)

 


 

EXTRAIT DU MANUSCRIT DE M. VALLÉE


"Les premières nouvelles de l'insurrection de la Vendée commençaient à circuler dans la ville. En apprenant ces victoires inouïes de pauvres laboureurs, les autorités républicaines furent saisies d'inquiétude et de trouble. Elles convoquèrent immédiatement la garde nationale, et la chargèrent d'arrêter les suspects. Pendant plusieurs jours, les rues se couvrirent d'hommes armés, qui frappaient à toutes les portes. Dénoncé comme royaliste, conduit entre deux rangs de baïonnettes aux Carmes, puis à l'église Toussaint, je fus incarcéré au château, et jeté dans une tour tellement encombrée de prisonniers, qu'il était impossible de s'y coucher et même de s'y asseoir. L'air était infect, et trois de nos compagnons moururent dans la nuit. Le lendemain nous fûmes transférés aux Ursules. Là, au moins, nous avions de l'air et un jardin pour nous promener.

Nous y trouvâmes une vingtaine de paisibles habitants de Coron et de Vezins, qu'une colonne républicaine avait arrêtés dans leur maisons, à défaut de prisonniers de guerre. Jugés par le Comité révolutionnaire, ils furent condamnés à mort, quoique pas un seul n'eût pris les armes.

Cependant chaque jour nous apprenait de nouvelles victoires des Vendéens. Je me désolais de ma captivité, qui me séparait de ces braves, lorsqu'un hasard heureux favorisa mon évasion.

Par ordre du Comité, une bande de couvreurs était venu un beau matin arracher le plomb qui recouvrait les cloîtres et l'église des Ursules. L'occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Mêlé aux ouvriers, je chargeai un rouleau de plomb sur mon épaule, et passai ainsi inaperçu au milieu des hommes armés de piques, qui gardaient la prison. Le soir même je rejoignais à Cholet mon père, mes oncles et les braves soldats de l'armée catholique. Les deux grandes batailles de Fontenay furent les premières, où je vis brûler la poudre.

Ce fut mon début, ajoute M. Vallée avec le noble orgueil du devoir accompli. Déjà j'avais exposé ma vie pour sauver de pauvres prêtres ; maintenant j'étais devenu soldat de Dieu et du Roi. Le bonheur me suivait dans toutes les rencontres. Toujours au premier rang, plein de vigueur et de santé, j'ai assisté à quatre-vingt-sept batailles et combats (le manuscrit en contient le tableau nominal), sans avoir reçu autre chose qu'une balle et quelques coups de sabre ; et personne, même dans les temps les plus malheureux, ne m'a jamais vu abaisser mon fusil sur un blessé à terre, ou un prisonnier désarmé."

 


 

[Une historiette assez plaisante, quoique difficile à redire dans tous ses détails, montre quels étaient les sentiments d'humanité qui animaient les officiers de l'armée royale. Après avoir plaisamment raconté la joie d'enfant des Vendéens, à la bataille de Fontenay, de couper les cheveux des soldats républicains, M. Vallée ajoute qu'il fut chargé, avec une centaine d'hommes, de conduire un millier de prisonniers au dépôt de Mortagne. Dès la première lieue, dit-il, l'évasion de plusieurs d'entre eux me donna fort à réfléchir, et je ne savais trop quel parti prendre. Tirer sur des hommes sans armes m'était à peu près impossible ; et d'un autre côté, des menaces sans effet n'effrayaient personne.

Il fallait donc recourir à la ruse, et voici le moyen que j'employai : tous les prisonniers portaient, suivant la mode du temps, une culotte courte fort large, au bas de laquelle se boutonnaient les guêtres d'uniforme. Les bretelles à cette époque étaient complètement inconnues ; et une ceinture, ou tout simplement une ficelle, passée en lacet, retenait le vêtement sur les hanches. Il suffisait donc de la couper, pour que tout tombât sur les talons. C'est le moyen que j'employai, au grand déplaisir de mes pauvres prisonniers, qui regardaient, bien à tort, comme un sanglant outrage, la mesure que je ne prenais que pour leur sauver la vie. Obligés constamment de relever d'une main leur vêtement, ils ne pouvaient plus courir, ni sauter les haies, ni prendre la fuite. Je les fis ainsi entrer tous à Mortagne au milieu de la foule, qui riait de grand coeur de cet étrange accoutrement. Quant à moi, à la vue de leur douloureuse confusion, je ne savais trop si je devais m'affliger avec eux, ou rire avec tout le monde. Mais, au moins, j'évitai ainsi une répression sanglante, et fus assez heureux, jusqu'à leur mise en liberté, pour les préserver de toute insulte.]

Une paroisse vendéenne sous la Terreur - Théodore, comte de Quatrebarbes - 1870

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité