UNE MESSE SOUS LA TERREUR
Pendant la Révolution, il y avait à Crozet, près de Roanne, un brave magister qui maniait avec la même dextérité la férule du pédagogue, l'outil de l'horloger et l'archet du ménestrel : Thilliers était son nom.
Brave catholique, il procurait chez lui la cachette où le prêtre fidèle disait la messe.
Une nuit, la maréchaussée républicaine envahit soudain la maison ; par bonheur, tout était fini, mais comment expliquer le rendez-vous.
Pour mieux donner le change, le père Thilliers prend son violon et donne la branle à une joyeuse bourrée.
"Que faites-vous là, à pareille heure, dit le brigadier d'une voix un peu rogue ?
- Vous le voyez, répondit avec un grand sang-froid le magister, nous buvons un verre et nous dansons un brin. Voulez-vous vous rafraîchir avec vos hommes ?
- Pas de refus, reprit le brigadier, et les gendarmes s'en allèrent en se léchant les lèvres, car le vin était excellent en l'an de malheur 1793.
La Croix - n° 3729 s - 28 juin 1895