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La Maraîchine Normande
15 juin 2015

DIEPPE (76) - PIERRE-POMPONNE-AMÉDÉE POCHOLLE, DÉPUTÉ DE LA SEINE-INFÉRIEURE A LA CONVENTION

Pocholle a voté la mort de Louis XVI, sans appel, sans sursis. L'épithète de régicide reste attachée à son nom, et quels que soient les éloges qu'il ait depuis mérités comme administrateur et comme homme privé, rien ne peut effacer ce triste souvenir.

 

acte naissance Pocholle


Né à Dieppe le 30 septembre 1764, Pierre-Pomponne-Amédée Pocholle fit ses études au collège de cette ville, dirigé alors par les Oratoriens, et fut agrégé à cette congrégation comme professeur laïque. Il fut envoyé en cette qualité au collège d'Angers et revint ensuite à Dieppe, où ses anciens maîtres lui confièrent la chaire de rhétorique. La Révolution eut toutes ses sympathies. Il prêta serment à la constitution civile du clergé, le 23 janvier 1791, et quitta l'Oratoire peu de temps après.

 

DIEPPE

 

Nommé maire de Dieppe en novembre 1791, il fit preuve de sagesse et de fermeté pendant les moments difficiles de son administration. Les électeurs de notre département le nommèrent le second sur la liste des députés à la Convention. Il y siégea obscurément et n'y prononça jamais de discours. Son vote pour la mort du roi est le seul morceau de rhétorique qu'il ait laissé. Alors qu'Albitte prononça ces simples mots : "Je vote pour la mort," Pocholle éprouva le besoin de faire de l'emphase ; il parla "des Tarquins, des tyrans, de chaînes, de Rome asservie, de l'étendard de la révolte et de la tombe", en homme qui a ses souvenirs classiques encore frais. On ne l'entendit plus ouvrir la bouche après ce grand effort.

 

Lyon 1813

 

A la suite du 9 thermidor, il fut envoyé à Lyon comme commissaire de la Convention. Il s'y conduisit en homme de coeur. Il répara, autant qu'il le put, les maux épouvantables que cette ville eut à souffrir après l'insurrection d'octobre 1793, et y mit fin au régime de la Terreur. La Convention était revenue, après la chute de Robespierre, à des sentiments plus humains. Pocholle se conforma avec zèle à ses instructions. Il fit suspendre toutes les exécutions, ouvrit les prisons, rappela bon nombre d'exilés, et provoqua le décret qui rendait à cette noble ville son nom défiguré par le sobriquet de Commune Affranchie. La ville de Lyon reconnut ses services en faisant exécuter son buste par un sculpteur renommé, Chinand. Le musée de Neufchâtel a depuis recueilli cette oeuvre d'art.

 

tombeau Agnès Sorel Loches

 

Satisfaite des résultats de sa mission à Lyon, la Convention envoya Pocholle en Bretagne et en Touraine, afin d'y désarmer les terroristes et de pacifier ces malheureuses provinces. Il y réussit. On cite de lui des actes de justice et d'humanité qui lui font honneur. On l'a accusé, il est vrai, d'avoir violé la sépulture d'Agnès Sorel à Loches et d'avoir dispersé ses cendres. Prud'homme et Lesourd ont singulièrement exagéré le fait, qui se réduit à un acte de curiosité. Pocholle fit ouvrir en sa présence l'urne qui contenait les ossements d'Agnès, exhumés en 1777 du choeur de la collégiale de Loches et placés dans un vase funéraire. Il prit une boucle de cheveux et quelques dents en état de parfaite conservation. Il fit replacer avec respect les ossements dans l'urne qui est demeurée à Loches. On sait que le coeur d'Agnès Sorel, légué par elle aux moines de Jumièges, a toujours été conservé dans la célèbre abbaye.

 

îles Ioniennes

 

Envoyé aux Cinq-Cents par le département de la Mayenne, Pocholle se vit contester son élection et ne fut pas admis à siéger. Le Directoire le dédommagea de cette déconvenue en lui confiant une mission à l'armée d'Italie. Bonaparte apprécia ses services et le nomma commissaire du gouvernement aux îles Ioniennes. Il résida à Céphalonie, où ses goûts archéologiques trouvèrent une ample satisfaction. Il réussit à former une collection d'objets d'art et de débris antiques, qu'il ne put malheureusement emporter avec lui. Il dut sortir précipitamment en mars 1799 de l'île assiégée et traversa sans encombre à bord du Généreux les flottes ennemies réunies dans l'Adriatique. De retour à Paris, il demeura quelques temps sans emploi. Pocholle n'avait pas de fortune ; il avait pris goût aux fonctions publiques, et comme il arrive d'ordinaire, il fut pris de nostalgie du pouvoir.

C'est un fait qui se reproduit à chaque page de la vie de nos conventionnels. Ces hommes qui avaient été tout, à un des moments les plus terribles de notre histoire, ne pouvaient se résigner à n'être plus rien. Beaucoup d'entre eux firent des bassesses incroyables auprès du gouvernement consulaire, et plus tard auprès du pouvoir impérial, pour obtenir une place, si modeste fût-elle. Et chose singulière, ils préférèrent descendre tous les échelons de la hiérarchie administrative plutôt que de rentrer dignement dans la vie privée. Plus on étudie ces farouches Jacobins qui firent trembler des millions d'hommes, plus on se convainc qu'ils manquaient absolument de caractère. Ils furent terribles par la peur qu'ils inspirèrent. Ils étaient eux-mêmes, presque tous du moins, dépourvus de force morale. Ils subirent docilement tous les jougs, celui de Robespierre, comme plus tard celui de Napoléon. La légende qu'on leur a faite est toute d'imagination. D'ailleurs, il faut bien le dire, et l'histoire du temps présent ne le prouve que trop, la France acclame toujours le maître qui sait s'imposer à elle. La force du gouvernement présente une masse inexpugnable, contre laquelle échoue le morcellement des forces opposées. Quand Napoléon voulut gouverner, les Jacobins furent les premiers à lui offrir leurs services et s'accommodèrent très-bien des emplois les plus subalternes.

 

Neufchâtel-en-Bray

 

Pocholle fit comme les autres. Il devint en 1802 secrétaire général du département de la Roër, et résida en cette qualité à Aix-la-Chapelle. Il descendit encore un échelon en 1804. Le conventionnel, le commissaire tout-puissant de la Bretagne, de la Touraine, le préfet des îles Ioniennes, le secrétaire général de 1802, est appelé en 1804 à la sous-préfecture de Neufchâtel-en-Bray. Un de ses biographes trop complaisant a dit "qu'il se cacha au fond d'une vallée obscure pour y pleurer la mort de la République". Ce sont des mots. Il servit avec zèle, dans ce poste secondaire, le pouvoir impérial. Il porta avec une certaine grâce le costume de sous-préfet de l'Empire, comme on peut le voir dans le portrait peint par Devouge, conservé au musée de Neufchâtel. Il resta dix ans en fonction, pendant toute l'épopée impériale. Il administra du reste à la satisfaction générale son arrondissement, où il a laissé, comme on l'a écrit, d'honorables souvenirs.

Destitué en 1814, réintégré aux Cent-Jours, Pocholle fut de nouveau remercié à la seconde Restauration et atteint en 1816 par la loi qui proscrivait les régicides. Il dut se réfugier en Belgique. Là, il demanda aux lettres de consolation de son exil et des moyens d'existence. Plusieurs recueils littéraires, et notamment la Galerie historique, accueillirent sa collaboration. M. P.-J. Féret, son neveu, a dit de lui : "Il avait beaucoup d'aménité. Sa parole et ses écrits étaient faciles et élégants, et, dans le trait de vigueur qu'il donnait à sa pensée, on trouvait toujours de l'atticisme. Un de ses premiers écrits porta sur les Ruines de Volney. Il était lié avec la plupart des écrivains et des artistes éminents de son temps. Dans leur jeunesse, Talma et lui se ressemblaient à ce point, que souvent, à la ville, on prenait l'un pour l'autre. De là date leur amitié, qui ne cessa qu'à la mort du grand tragédien."

Nous voulons tenir le fait pour avéré, puisque M. Féret l'atteste. Nous citerons seulement comme rapprochement ce passage des Mémoires de Brifaut, de l'Académie française, lié, lui aussi, avec Talma. Brifaut, en 1804, se promenait avec Talma sur la route qui conduisait à Brunoi, la maison de campagne du célèbre acteur. "Chemin faisant, écrit Brifaut (tome Ier, p. 256 et suiv.), Talma paraissait émerveillé du calme des villages. Si vous aviez vu il y a dix ans ces diables de cantons-là, me disait-il, ah ! quelle différence ! La Révolution avait mis sur pied tout le peuple. On ne pouvait faire un pas sans être arrêté comme suspect, mené à la mairie, fouillé, emprisonné, pour peu qu'on n'eût pas ses papiers en règle. Terrible époque ! Dieu nous garde d'un nouveau 93 ! Je fis un mouvement de surprise qu'il remarqua. Eh bien ! eh bien ! qu'avez-vous ? s'écria-t-il avec émotion. Seriez-vous aussi de ceux qui ont osé me croire le partisan des Jacobins ? En vérité, je n'ai jamais frayé avec de tels monstres. J'étais dans le parti des Girondins. Je ne savais pas plus qu'eux ce que je voulais ; mais ce que je ne voulais pas, je puis le déclarer. Ni despotisme ni anarchie : tel était le mot d'ordre et le mien. Qu'ils avaient d'esprit, ces braves Girondins ! ... - Mais vous, dis-je à Talma, vous dont les Montagnards connaissaient l'antipathie pour eux et leurs oeuvres, comment avez-vous pu échapper à la hache de ces hommes de sang ? - En me réfugiant au théâtre, en me cachant derrière les républicains grecs et romains, en m'appuyant sur l'autel de l'antiquité. Encore étais-je défendu par la tunique et la toge. Sans la protection du parterre, je ne sais trop ce que serait devenu l'artiste Talma.
Sur ce propos, il s'endormit ; ce qui lui arrivait souvent."


Pocholle végéta à Bruxelles. "Sa vie n'était plus qu'une série de privations", écrit l'un de ses biographes. Un des amis de l'exilé voulut en 1829 faire par souscription un recueil de ses oeuvres en prose et en vers ; mais le volume ne vit pas le jour. La révolution de 1830 rendit à Pocholle la liberté et la patrie. Il revint à Paris, où, au témoignage de M. Hardy, dans sa notice sur M. Féret, mourut en 1831 (le 5 juin - 11e arrondissement), à 68 ans, "dans une position voisine de la misère."

Extrait : La Semaine Religieuse - 15e Année - n° 22 - Samedi 28 mai 1881

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