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La Maraîchine Normande
5 juin 2015

SAINT-JEAN-LA-POTERIE (56) - LA CHAPELLE SAINT-JEAN-DES-MARAIS

LA CHAPELLE SAINT-JEAN-DES-MARAIS
(EN SAINT-JEAN-LA-POTERIE)

 

saint-jean-des-marais chapelle

 

La chapelle Saint-Jean-des-Marais, est située à l'extrémité orientale du département du Morbihan, sur les bords de l'Oust, dans la commune de Saint-Jean-la-Poterie, canton d'Allaire.


Tout dénote la haute antiquité de ce sanctuaire où l'on n'est pas surpris de trouver, perdu dans les herbes du vieux cimetière qui l'entoure, un lec'h bas, arrondi, sépulture d'incinération des premiers siècles de l'ère chrétienne. Cachée parmi les arbres séculaires, dans le cadre le plus pittoresque qui se puisse imaginer, en face des marais dont le nom significatif de Duretières semble rappeler celui de la station gallo-romaine de Duretie (maintenant Rieux), on la découvrirait avec peine de la nouvelle route de Redon à Saint-Jacut par Aucfer si une croix très ancienne, plantée sur le bord de cette route et rappelant du même coup la présence en ces lieux de l'Ordre du Temple, ne lui servait en quelque sorte de poteau indicateur ou de signal avancé. C'était jadis l'église paroissiale de Saint-Jean, ancienne trève de Rieux. Placée sous le vocable des sanctuaires de Saint-Jean de Jérusalem, elle porte les restes d'une ancienne construction avec restauration du XVIIe siècle. Son portail sud, à plein cintre, repose sur de petites colonnettes cylindriques engagées à chapiteaux simples ; ses autres portes sont à cintre brisé. Ses arcades, à plein cintre aussi, repose sur des piliers carrés massifs. Quant à ses fenêtres ogivales, elles ont perdu leurs meneaux.


Saint-Jean-des-Marais fait partie de ce merveilleux ensemble de chapelles et d'églises qui jalonne le cours de l'Oust et font de cette grande rivière, affluent de la Vilaine, la plus bretonne des routes fluviales de la Péninsule armoricaine.


Eh bien ! la chapelle Saint-Jean-des-Marais au vocable Templier, dont l'histoire très curieuse se confond, on va le voir, avec celle du Broërec, et dont l'existence est prouvée en Allaire à une époque où la paroisse ducale de Rieux n'existait pas encore, cette chapelle tombe en ruines, et dans dix ans, il n'en restera que des décombres. Un beau, ou plutôt un vilain jour, les Morbihannais apprendront qu'elle est passée à l'état de souvenir.


Il est probable que la chapelle Saint-Jean-des-Marais, comme celle de Saint-Jean-d'Epileur en Sainte-Marie, sur la Vilaine, et celle de l'Hôpital Saint-Jean, en Cournon, sur l'Aft, sont d'anciennes dépendances de l'Ordre du Temple jadis si riche en possessions dans l'est du pays de Vannes. En tout cas, elle existait au XIIe siècle, ainsi que nous l'apprend le Cartulaire de Redon (Edition de Courson, p. 284), et elle était propriété de la grande abbaye de Saint-Sauveur au territoire de Broërec : "In Halaer, ecclesia, sancti Johannis nuncupata sita super ripam Hult fluminis". - En Allaire, l'église dite de Saint-Jean, située sur le bord de l'Oust.


Pendant le Moyen-Âge, les seigneurs voisins, très dévôts à leur vieux sanctuaires, ne cessèrent de l'enrichir et de le décorer. Avant la Révolution on voyait sur ses vitres les preuves de ces munificences. Une prise de possession, en date du 25 septembre 1755 (archives du Vaudeguix) des terres du Plessix (le Mail, en Redon), Comenan, la Ricardaye, la Graë, Bellenoë, Launay, le Vaudepierre et le Vaujouan, etc, au profit de Mathurin-Pierre-François Chéreil de la Rivière, président en la Chambre des Comptes de Bretagne, décrit les armoiries de ses fenêtres :

"Dans la vitre derrière le maître-autel : parti de gueules à 3 bourdons d'or (La Bourdonnaye) et à un oiseau d'argent (Le Trezle), et écartelé de gueules à 3 molettes d'argent (de Quinstinic) et d'argent à 3 pins d'azur (du Bouëxic) avec couronne de comte. - Dans une vitre du côté de l'Evangile, de sable au lion d'argent soutenant deux épées de même en sautoir et surmonté d'une espèce de fleur (de Chamballan)." Les Le Trezle fondus dans les La Bourdonnaye possédèrent Le Vaudepierre ; les de Quistinic eurent Comenan ; les du Bouëxic eurent la Graë, seigneuries voisines.


Avec la Révolution, la chapelle Saint-Jean-des-Marais connut le moment le plus tragique de sa longue histoire. Et ceci nous amène à dire un mot du combat d'Aucler qui fut livré en 1793 à deux pas d'elle et où elle joua un rôle glorieux tandis que ses cloches aujourd'hui sont muettes sonnaient trois fois le tocsin pour rassembler les Chouans du Morbihan.


Pour défendre la frontière du nord de la France que menaçaient les armées Autrichiennes, la Convention décida, le 25 février 1793, la levée par tirage au sort de 300.000 conscrits de 18 à 40 ans. Quand cette mesure, nécessaire sans doute mais souverainement impopulaire, fut connue à Redon, le pays était déjà mûr pour l'insurrection. La proclamation de la République et l'exécution du Roi avaient exaspéré les royalistes ; de plus, grâce à la persécution religieuse, toutes les campagnes s'étaient lancées dans la contre-révolution. On commençait un peu partout à se moquer des mesures prises par les autorités constituées. Le directoire du district de Redon avait envenimé les choses quelques jours auparavant en ordonnant aux municipalités rurales de contribuer à la formation d'un détachement de la Garde Nationale destiné à faire partie de la force demandée par le Département pour aller tenir garnison au fort de Châteauneuf près de Saint-Malo ; ce à quoi plusieurs communes avaient répondu par un silence inquiétant. A Bains, Brain, Langon, Pipriac, Sixt, Bruc, Maure, Saint-Séglin, les protestations dégénérèrent en mouvements tumultueux et en troubles graves. Le maire de Bains fut insulté, maltraité. D'autres communes menaçaient de se soulever. Le Directoire de Redon prit peur et fit demander à Rennes quatre pièces de canon et des boulets.


Sur les entrefaites, on apprend que le district a 314 conscrits à fournir, 34 pour la seule commune de Redon. Personne ne bouge. La municipalité organise des réunions : personne n'y vient. La mauvaise volonté de la ville est manifeste. Celle de la campagne l'est encore plus. Le 15 mars toutes les paroisses du pays, Morbihan, Loire-Inférieure et Ille-et-Vilaine, se soulèvent et s'apprêtent à marcher sur Redon par Saint-Jean-la-Poterie, Saint-Perreux, Bains et Saint-Nicolas. On apprend que les locaux des districts de Blain, Savenay et Rochefort sont en flammes. Les insurgés - on commence à les appeler : Chouans - forcent la ville de Redon et y sont accueillis avec enthousiasme par la population. On crie partout : "Vivent les aristocrates !" "Vive la noblesse !" "Au diable le District, les Administrations et ... la caisse !" On arbore la cocarde blanche. Un navire hisse le pavillon blanc. On s'attend à l'attaque en règle de Redon pour lundi, jour de marché.


Alors le commissaire du département Jehanne prend peur. Il accourt de Rennes avec un bataillon et de l'artillerie. Mais ce maigre secours est vite jugé insuffisant. En désespoir de cause, les autorités font alors appel aux conventionnels Billault-Varennes et Sevestre qui justement se trouvaient en mission dans l'Ille-et-Vilaine. Le général Beysser venait lui aussi d'arriver en Bretagne pour s'occuper du recrutement de l'armée et de la défense des côtes. Il reçoit l'ordre de marcher rapidement sur Redon.


On ne saurait mieux faire que de publier ici in extenso le rapport que Beysser adressa au général de la Bourdonnaye :


"La situation de Redon inspirait les plus vives alarmes. Les communications étaient presque toutes interceptées. Les ennemis avaient coulé bas et mis à sec les bateaux destinés au passage de la Vilaine (lire : l'Oust) ; des corps de garde avancés fermaient les grandes routes et la terreur enchaînait la navigation. Une partie des troupes en garnison dans la ville venait d'en sortir, désespérant de pouvoir la défendre. Il était question de l'évacuer complètement et de l'abandonner aux rebelles. Dans ces circonstances, je fus appelé par les commissaires de la Convention Nationale (Billault-Varennes et Sevestre) à une assemblée du Conseil général du Département. Le service que j'avais eu le bonheur de rendre à Vitré fit présumer que je ne serais pas inutile dans cette occasion. On voulut bien me charger de dissiper les brigands et les rebelles et de rétablir des passages pour la circulation des denrées. Je partis avec un détachement du 30e Régiment et de la Garde Nationale de Rennes.

En arrivant à Redon, je fus reconnaître le poste d'Aucfer. On ne parlait dans la ville que de la multitude des ennemis et de la force de leurs retranchements, de leur nombreuse artillerie, de la science militaire de leurs chefs. Je n'eus pas de peine à m'assurer qu'ils n'étaient redoutables que parce qu'on en avait peur. Je crus devoir les effrayer à leur tour et travailler à ranimer la confiance des troupes. La Garde Nationale de Redon était dans un état de désorganisation complète. Je l'organisai. Je divisai mes forces en pelotons. Je fondis les soldats peu exercés dans les corps qui l'étaient davantage, et je fis lire aux troupes une proclamation tendant à les enflammer d'une ardeur martiale et du désir de venger la République des attentats des rebelles et des brigands. J'ordonnai de percer le flanc au premier soldat qui tournerait le dos. Je défendis de faire des prisonniers et déclarai que le butin pris sur l'ennemi serait partagé par les vainqueurs, dispositions nécessaire dans les circonstances tant pour épouvanter l'ennemi par la crainte du pillage que pour animer, par l'espoir du gain, cette partie des troupes qui par son éducation et l'influence du régime tyrannique sous lequel elle a vieilli, n'est pas encore susceptible d'être mue par des sentiments nobles et élevés. J'avais sommé, dès le matin, les rebelles de rentrer dans le devoir. Je n'avais reçu aucune réponse. J'avais pris mes dispositions pour l'attaque. Le décret du 19 mars qui me fut transmis dans la journée m'engagea à la différer d'un jour. Je le leur notifiai et leur enjoignis par une proclamation, conformément à la loi, de mettre bas les armes. Ils ne répondirent que par des menaces et des coups de fusil au citoyen Blancheville, un de mes adjoints que j'avais chargé du message.

Le lendemain matin 26 mars je me mis en marche. Une colonne d'infanterie se porta avec deux pierriers sur la chaussée d'Aucfer et tint l'ennemi en échec de ce côté, pendant que je marchais avec le reste des troupes et deux pièces de canon de 4 sur le poste de Saint-Perreux situé à 3 quarts de lieue du premier et qui m'était nécessaire tant pour m'assurer le passage de la rivière (l'Oust) que pour pouvoir tourner la montagne d'Aucfer et attaquer l'ennemi par les derrières si, comme on le disait, il avait de l'artillerie et était en état de défendre le passage d'Aucfer contre ceux qui l'auraient tenté en sa présence. Des bateaux portés sur des charrettes précédaient les troupes. Je les fis mettre à flot et avancer le long de la chaussée de Saint-Perreux sous le feu de mon artillerie.
Les ennemis nous attendaient. J'avais été les reconnaître moi-même avant l'attaque et les avais sommés d'ouvrir les passages et de rétablir la communication avec la terre ferme. On les voyait retranchés derrière l'église (Saint-Perreux) et le long d'une clôture de pierres qui borde le cimetière ; d'autres se tenaient derrière une espèce de parapet en terre qu'ils avaient commencé à élever. Quelques décharges de notre artillerie les mirent en déroute et nous passâmes la rivière (l'Oust) sous le feu de leur mousqueterie qui n'atteignit aucun des nôtres. Ils s'enfuirent tous de l'autre côté de l'île (c'est-à-dire vers la rivière d'Arz et la chapelle Saint-Jean-des-Marais) où ils avaient rassemblé leurs bateaux ; ils s'y jetèrent et furent rejoindre le gros de leurs troupes à Aucfer ; deux d'entre eux furent tués, tout le reste s'échappa. Il paraît qu'ils y avaient transporté dès le matin leurs femmes et leurs enfants, car on n'en trouva aucun dans l'île (c'est-à-dire dans la presqu'île de Saint-Perreux).

Dans le premier moment de fureur, le soldat mit le feu à deux maisons. La lueur de l'incendie acheva de porter la terreur dans les retranchements d'Aucfer, et dans les communes voisines (Rieux, la Poterie, Allaire, Saint-Jacut). Durant la nuit tous les attroupements se dissipèrent. Le lendemain dès le matin, on vint de toutes parts faire des actes de soumission à la loi, et ceux d'Aucfer vinrent offrir de relever le bateau destiné au passage. J'avais déjà fait réparer celui de Saint-Perreux.

Tout contribuait à me confirmer dans l'opinion que je m'étais faite des dispositions et des forces de l'ennemi. Cependant je m'aperçus que toutes les alarmes n'étaient pas dissipées, et quoique on n'eût répondu que par quelques coups de fusil à la fausse attaque que j'avais fait diriger contre le poste d'Aucfer, on s'obstinait encore à croire aux retranchements et à l'artillerie. Je continuai en conséquence à suivre mes premières dispositions, et tandis qu'une colonne de troupe tournait la montagne d'Aucfer afin de surprendre l'ennemi et de l'attaquer avec avantage en gagnant la crête des rochers (qui dominent le passage d'Aucfer), une partie des troupes que j'avais fait embarquer à Redon vint effectuer un débarquement au point que j'avais indiqué. Nous n'éprouvâmes aucune résistance. Tout avait fui. Je fis marcher des détachements pour fouiller les villages voisins (Saint-Jean-des-Marais, la Ricardaye, etc.) et dissiper le reste des rassemblements. Je laissai une garnison de 30 hommes à Rieux (lisez Saint-Jean-des-Marais) ; ils y vécurent pendant plusieurs jours à discrétion, pour punir cette commune d'avoir arboré la cocarde blanche. Je pris des otages et profitai de la circonstance pour contraindre plusieurs municipalités à fournir sur le champ des contingents pour le recrutement de l'armée. Je pris aussi des mesures pour la conservation du grain et des propriétés nationales.

J'eus l'avantage de faire ces deux expéditions sous les yeux des commissaires de la Convention Nationale (Billault-Varennes et Sevestre) qui ne quittèrent pas l'armée et dont le courage ne contribua pas peu à ranimer celui des militaires".


Dans un autre rapport, adressé celui-là aux administrateurs du Morbihan le 27 mars à 11 heures du soir, Beysser donnait des détails nous touchant encore de plus près :

"J'ai mis, dit-il, 30 hommes à discrétion à Rieux (lire Saint-Jean-des-Marais) qui a sonné trois fois le tocsin et dont presque tous les habitants avaient arboré la cocarde blanche et été complices de l'attroupement d'Aucfer. Pendant que je me concertais sur une proclamation avec les membres de la Convention Nationale, mes soldats ont jugé à propos d'entrer dans l'église. Elle était tapissée d'armoiries et ils ont tout dévasté. Je suis arrivé à temps pour sauver le calice, le ciboire et le linge que j'ai mis sous la garde de l'officier militaire. J'espère que vous voudrez bien pardonner à des soldats l'expression un peu militaire de leur indignation dans une église où ils ne voyaient que des armes et où il n'y a jamais eu de prêtres constitutionnels, et que vous les excuserez d'avoir brisé les cloches en considérant qu'ils ont ôté aux aristocrates de Rieux le moyen de sonner le tocsin." (arch. dép. du Morbihan).

Le 5 avril suivant, le citoyen Gentil, commissaire nommé par le directoire du district de Redon à la demande du commissaire Jehanne "pour désarmer les habitants suspects de Saint-Jean-des-Marais et enlever les cloches dont on s'était servi pour réunir les factieux", se rendit à Saint-Jean accompagné d'un détachement de gardes nationaux et de troupes de ligne. Il fouilla toutes les maisons, saisit quatre fusils appartenant à la veuve Foucault, de la Ricardaye, à Yves Maucoueffé, à Joseph Cheirel et à la veuve Hidoux. Entré dans la chapelle, il fit descendre les cloches et les envoya à l'Abbaye de Redon (arch. dép. d'Ille-et-Vilaine)

 

saint-jean-des-marais chapelle

 

Comme je le disais en commençant, la chapelle Saint-Jean-des-Marais tombe maintenant en ruines, personne ne se souciant plus de son sort ni de son passé. Son clocher perd ses ardoises et penche lamentablement ; son porche ravissant s'est effondré ; sa toiture menace de s'écrouler ; ses murs portent des lézardes effrayantes, cependant que missel, tableaux d'autel et ornements sacerdotaux abandonnés à tous les vents, victimes des intempéries, sont à la merci des voleurs, et des antiquaires, ce qui souvent, est la même chose. A qui doit-on imputer la responsabilité d'un tel scandale ? A tout le monde, les autorités religieuses et civiles devant chacune en prendre sa part, et les habitants de Saint-Jean étant sans excuse de laisser à l'abandon l'église où leurs pères furent baptisés, mariés, enterrés, et à la pâture des animaux un cimetière rempli de tombes, où l'on rencontre un beau lec'h et que domine un vieux calvaire datant du XVe siècle.

R. DE LAIGUE

Bulletin de la Société polymathique du Morbihan - année 1932 -

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