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La Maraîchine Normande
23 mars 2015

LES HERBIERS (85) - L'AMIRAL HENRI-FRANÇOIS DES HERBIERS, MARQUIS DE L'ÉTENDUÈRE

 

Henri-François des Herbiers

 

Le 6 juin 1681, à Angers, naissait, Henry-François des Herbiers, celui qui allait devenir le puissant chef d'escadre, marquis de l'Étenduère.


Sa famille avait connu d'illustres marins tels que l'Archevêque Henri d'Escoubleau de Sourdis, le chevalier de la Roche Saint-André, ses oncles qu'ils soient chevaliers de Malte ou capitaines de vaisseaux et son propre père ; tous originaires de la région des Herbiers. C'est brillamment qu'il allait perpétuer la tradition de ces serviteurs de la Royale.


A l'âge de dix ans, ne pouvant s'accoutumer à rester chez un curé de campagne en Poitou où on voulait lui faire apprendre le latin, il s'échappa et vint à Rochefort trouver son oncle, Armand des Herbiers, qui allait justement partir en campagne.

Armand des Herbiers avait déjà derrière lui une carrière prestigieuse : capturé par les anglais la veille de la Saint Michel 1666, alors qu'il n'avait que dix-sept ans, il fut page du prince Rupert pendant quatre ans et demi ; en 1672, il est à la bataille de Sole-bay, capitaine de brûlot en 1677, il prend part à une campagne aux Antilles et est promu capitaine de vaisseau en 1680.

Le conseil de famille ne dut faire aucune difficulté à ce qu'Armand des Herbiers prît en charge son neveu. Dès lors, Henri-François avait commencé sa carrière dans la Royale. Il commença sa première campagne en qualité de mousse sur le vaisseau Le Téméraire que commandait son oncle.

En 1693, toujours sur le même vaisseau;, il servait en tant que volontaire sous les ordres d'un autre de ses oncles, le capitaine Montbeault. Incorporé à l'escadre de Tourville, Le Téméraire prit part à l'opération menée contre le convoi de Smyrne. Le 28 juin, au large des côtes portugaises, les quinze vaisseaux d'escorte de l'amiral Rooke s'enfuirent devant les soixante et onze bâtiments français. Tourville donna la chasse aux navires du convoi qui furent arraisonnés ou coulés.

L'année suivante, Montbeault embarqua Henry-François sur Le Bizarre en qualité de Soldat, son oncle voulant le faire passer par tous les grades pour les lui faire connaître.

S'il avait pu échapper au latin quelques années plus tôt, il n'allait pas en être de même pour l'enseignement qu'allaient lui inculquer son oncle et ses autres maîtres. Fait garde de la marine en 1696, il fut détaché sur les côtes de la Rochelle pour y servir sous les ordres d'Armand des Herbiers.

Après avoir servi en 1698 sur l'Emporté, commandé par monsieur Bellisle-Errard, il revint sous les ordres d'Armand des Herbiers qui le fit embarquer sur le Faucon, vaisseau pris aux anglais et dont il avait le commandement. En 1700, le Faucon se joignit au Modéré que commandait le capitaine de la Galissonnière. Les deux commandants avaient reçu l'ordre du Roy "de faire la guerre aux forbans".

Sur les comptes rendus par les officiers sous les ordres desquels il s'était trouvé, Henry-François fut fait, par une distinction particulière, aide d'artillerie en 1701.

"Il fut fait enseigne de Vaisseau en 1703, et servit cette qualité sur la frégate La Prohibition, commandée par Puligni, en 1704 et partie de 1705. Il servit sur Le Gaillard monté par d'Osmont, capitaine redouté par sa grande sévérité dans le service ; Létanduère sut si bien se concilier son estime et son amitié, que cet officier qui avait toujours porté des plaintes de tous ceux qui étaient sous ses ordres, ne cessait de donner des éloges de celui-ci. Il fut question pendant cette campagne de détacher une chaloupe avec un officier pour aller secourir le Saint Michel qui se perdait. D'Osmont proposa Létanduère à l'amiral de Toulouse, en lui en faisant les plus grands éloges. Cet illustre amiral répondit en riant : "Il faut en croire d'Osmont, car il n'a jamais loué que cet officier". Le commandement de cette chaloupe lui ayant été donné, il se comporta avec tant de valeur et de prudence, que Riberet qui montait le Saint Michel, en racontant son naufrage à l'amiral de Toulouse lui dit que Létanduère méritait le grade de lieutenant de vaisseau pour ce qu'il avait fait en cette occasion ..."

 

combat Malaga

 

Au combat de Malaga contre la flotte anglaise en 1704 (24 août), il reçut un éclat de bombe à la tête qui le blessa grièvement et lui fracassa une partie de la mâchoire. Au siège de Gibraltar, pendant la même campagne, il obtint le commandement de la frégate l'Étrille. Malheureusement, il se retrouva au beau milieu d'une escadre ennemie. Plutôt que de se rendre, il préféra couler son navire :

D'abord, il fait débarquer tout son équipage. Puis, il descend dans les soutes avec son canonnier, met le feu aux poudres dans la "sainte barbe" et s'enfuit dans son canot. En s'éloignant, il s'aperçoit que le feu n'apparaît pas. Ayant peur de l'avoir mal mis, il se rapproche dangereusement du trois-mâts. Horreur : la fumée sort par un des sabords ! Il s'éloigne de la gigantesque bombe à en casser les rames, mais trop tard, la frégate explose dans un fracas épouvantable. Une nuée de débris retombe autour du canot dans lequel par miracle, Henry-François est sauf.


Celui-ci perdit tout de même dans cette catastrophe tous ses meubles et ses papiers qu'il regretta beaucoup, parce que la plupart contenaient les principes que ses oncles lui avaient donnés. Cependant, Antoine-Benjamin, son frère cadet, officier d'artillerie au siège de Gibraltar eut la tête emportée d'un boulet de canon.

Henry-François rejoignit son oncle, Armand des Herbiers qui commandait l'Arrogant, mais la série noire continuait : il fut capturé par les escadres combinées d'Angleterre et de Hollande. Au cours de l'abordage, l'oncle et le neveu furent envoyés sur deux vaisseaux différents.

Le capitaine du bâtiment, sur lequel était emprisonné Henry-François, était un véritable barbare. Le jeune homme fut entièrement dépouillé. Ses ennemis ne lui laissèrent que le strict nécessaire dont une paire de souliers dans lesquels le captif réussit à glisser quelques Louis d'or. Il ne tarda pas à les échanger à un matelot contre une plume et un morceau de papier pour écrire à son oncle dans quelle fâcheuse position il se trouvait. On ne sait pas comment est parvenu ce courrier à Armand des Herbiers, mais il est probable que la livraison devait faire partie du marché qu'avait conclu Henry-François avec le matelot.

Pendant ce temps, Armand des Herbiers était sur le vaisseau amiral où l'état major le traitait avec les égards dus à son rang.

Lorsqu'il lut la lettre de son neveu à l'amiral anglais, celui-ci fut confus et indigné de l'accueil réservé à ses prisonniers à bord de l'un de ses navires.

Henry-François fut conduit à Lisbonne où il fut mis en liberté sur parole. Quant au capitaine, il fut relevé de ses fonctions et traité avec toute la sévérité que méritait sa dureté envers ses prisonniers.

Henry-François mit à profit son séjour à Lisbonne pour pratiquer de l'espionnage sur les flottes ennemies. A plusieurs reprises, ses déguisements lui firent courir de gros risques. Ses rapports et sa bravoure furent si satisfaisants que ses supérieurs le nommèrent lieutenant de vaisseau le 1er novembre 1705.

En 1706, le ministre de la marine le fit embarquer comme officier de confiance sur l'Achille, commandé par monsieur de Lupé dans l'escadre de Defaugiers. Pendant la campagne, le commandant mourut et Henry-François dut prendre la barre du vaisseau. Malgré une mer déchaînée et la peste qui sévissait à bord, il réussit à ramener l'Achille à bon port.

A la suite de toutes ces actions valeureuses, les officiers supérieurs discutaient pour savoir qui prendrait Henry-François des Herbiers sous son commandement. C'est ainsi qu'il passa du Magnanisme commandé par monsieur de Chavagnac à l'Hercule commandé par le célèbre Ducasse et qu'enfin le comte de Pontchartrin dont l'autorité était indiscutable "lui fit dire qu'il lui ferait plaisir de s'embarquer en second sur l'Achille commandé par le comte d'Arquin, parce que c'était un armement particulier, et que l'on jugeait à propos de mettre un officier de confiance et de capacité reconnue sur ce vaisseau".

"En 1710, il eut le malheur de perdre son oncle Des Herbiers (Armand), qui laissa un fils âgé de dix ans. L'attachement formé par les liens du sang et de la reconnaissance rendit cette perte très sensible à l'Étanduère. Par suite de ses sentiments, il fit pour le fils ce que le père avait fait pour lui, et travailla à son instruction autant qu'il lui fut possible".

Cette même année et une partie de 1711, il fut demandé par monsieur de Chamelin qui commandait l'Élisabeth pour aller à la Martinique.

De 1711 à 1720, monsieur le comte de Ponchartrain lui confia l'armement de la frégate la Vénus qu'il devait commander pour un voyage aux Indes dans l'escadre de monsieur Guimond du Coudray. Au cours de cette campagne d'exploration, il leva des plans et fit de très bonnes cartes des côtes, ports et rades par lesquels il passait.

En 1721, le ministre lui commanda de nouveau un travail de géographe, mais cette fois sur les côtes du Labrador. Il passa par Louisbourg, place forte française qui commandait l'entrée du Saint-Laurent. L'amiral de Toulouse fut si content des résultats de cette expédition qu'il renvoya Henry-François pour la même destination l'année suivante. Cette fois-ci non plus sur la flûte le Porte-Faix mais sur le Dromadaire.

En 1723, il épousa la veuve de Descoyeux, mort capitaine de vaisseau, fille de Gaillard, commissaire de la marine au département de Rochefort, née d'une famille bourgeoise honnête de l'isle de Ré. Il en eut deux enfants, une fille et un garçon."

En 1725 et partie de 1726, il est reparti au Canada pour terminer son étude du Labrador.

Il est promu capitaine de vaisseau en 1727 avec de vives félicitations du ministre, Maurepas.

Le Héros fut le premier navire dont Henry-François eut le commandement en tant que capitaine de vaisseau. Sa mission fut une fois de plus dirigée vers le Canada. Le nouveau capitaine de vaisseau était en effet devenu un spécialiste de la navigation sur cette partie du globe. Pendant cette campagne, "il s'occupa à relever la côte du fleuve Saint Laurent et à faire des cartes pour la navigation du dit fleuve". Il s'adonna à sa tâche qui avait commencé en 1730, pendant deux ans. Estimant nécessaire de dresser un premier bilan, il revint en France. Infatigable, il repartit cette même année de 1732 pour achever son laborieux travail. Il commandait alors le Rubis.

En 1733, Duguay-Trouin voulut l'avoir sous ses ordres pour être son capitaine de pavillon sur le vaisseau le Neptune qu'il commandait dans l'escadre qu'il préparait contre les anglais. Mais la paix conclue rendit inutile l'armement considérable qu'avait réuni le Malouin.

Le roi lui donne le poste de commissaire général d'artillerie au département de Rochefort en 1736.

"Depuis son retour de la campagne de l'Inde, toutes les fois qu'il avait commandé, le jeune Desherbiers, son cousin avait armé avec lui ; et il voyait avec plaisir qu'il était devenu un officier de distinction, et propre à être employé à tout. En 1740, il le maria avec Marie-Olive des Herbiers Létanduère sa fille ..."

Au cours de cette année, il fut chargé de conduire le vaisseau le Juste à Brest et d'y prendre le commandement du Mercure. Il se rendit à la Martinique avec trois autres vaisseaux sous les ordres de Lépinay. "Ils essuyèrent dans leur navigation un coup de vent affreux qui les démâta et emporta toutes leurs voiles ; ils se rendirent à leur destination et se radoubèrent à la Martinique et de là furent joindre l'escadre que commandait monsieur le marquis d'Antin. D'où ayant été détaché avec l'Ardent, le Diamant et la Parfaite pour aller croiser sous le cap Tiberon, ils rencontrèrent le 18 janvier 1841 six vaisseaux de guerre Anglais qui feignant de les prendre pour des Espagnols les attaquèrent. Le combat dura depuis dix heures du soir jusqu'à quatre heures et demie du matin, il fut des plus rudes, les anglais furent vigoureusement repoussés malgré leur supériorité ; et pour réparer cette imprudence, envoyèrent un de leurs officiers à bord de monsieur de Lépinay qui commandait pour lui faire des excuses de leur méprise".

En 1742, on lui donna le commandement d'un corps d'artillerie à Dunkerque. Sous les ordres d'Henry-François, cette arme acquis une grande réputation. Au siège de Furnes, des officiers de l'armée de terre, jaloux du corps de marine, firent de faux rapports au maréchal de Noailles qui dirigeait les opérations. Celui-ci, étonné que l'artillerie de la Royale reste dans une telle inactivité, voulut se rendre compte de ce qu'il en était sur le terrain ; "en arrivant il aperçut un feu vif et soutenu, et demanda d'où il partait ; on lui répondit que c'était de la marine ; et comme il approchait des batteries, la place arbora pavillon blanc sur la brèche que la marine avait faite."

Ayant été nommé chef d'escadre, il eut le commandement du vaisseau le Juste et de quatre autres navires. Un jour, sortant de Brest, il rencontra quatre frégates anglaises qui croisaient au large et avec son escadre, il s'en empara. Après cette prise, il put enfin se rendre à St Domingue comme ses ordres le consignait.

En 1746, il fut employé par ordre de la cour à la visite des batteries des côtes de Saintonge et d'Aunis et à les mettre en état de défense si les ennemis s'y présentaient.

 

 

l'Amiral des Herbiers

 

 

L'année suivante, le gouvernement reçut des nouvelles alarmantes des colonies françaises d'Amérique. Celles-ci manquaient de vivres à un tel point qu'elles étaient au bord de la famine. Un projet de sauvetage fut immédiatement élaboré. Plus de deux cent cinquante navires marchands furent rassemblés et remplis de provisions pour secourir les colonies qui se perdaient. Mais cette gigantesque flotte courait un grand danger à la merci des escadres anglaises qui croisaient dans ces parages et au milieu desquelles il fallait passer. Le ministre Maurepas confia le soin de l'escorte du convoi à Henry-François des Herbiers, marquis de l'Étanduère car il estimait qu'il serait le meilleur pour forcer le blocus.

Voici le rapport d'Henry-François sur le combat qu'il a dû soutenir contre les quatorze vaisseaux de l'amiral Hawke :

"Je suis parti de la rade de l'isle d'Aix le 17 octobre avec deux cents cinquante voiles marchandes ; mon escadre étant, comme vous savez, composée des vaisseaux :
Le Tonnant que je montais, de 80 canons
L'Intrépide : Vaudreuil
Le Trident : d'Amblimont
Le Terrible : Duguay
Le Monarque : Labedoyer
Le Sévère : Duroure
Le Neptune : Fromentier
Le Fougueux : Duvigneau
Le Castor, frégate : Dessonville.

Je réglai mon ordre de marche de façon que la flotte était au milieu de nous. Je dirigeai ma route pour passer dans le nord de Rochebonne, pour éviter, le plus qu'il me serait possible, le passage occupé par les anglais. J'eus le vent très favorable pour ce projet qui m'aurait très bien réussi, si je n'avais été découvert le 21 par deux vaisseaux qui, après m'avoir reconnu, manoeuvrèrent de façon à me faire connaître qu'ils étaient les découvertes de l'ennemi, d'autant qu'avant de partir de l'isle d'Aix, j'avais eu des avis certains que les anglais se tenaient en croisière à trente et quarante lieues des caps Finisterre et d'Ortegal ; c'est ce qui me fit diriger ma route au nord de Rochebonne, pour passer le plus loin possible des parages occupés par les anglais. Les jours suivants, il ne se passa rien de remarquable, si ce n'est que quelques vaisseaux de la flotte, que je n'ai pas connu, distribuaient la nuit de faux ordres de ma part et faisaient changer de route à plusieurs vaisseaux de cette flotte, ce qui m'obligeait le matin de mettre en panne pour les rallier ; ce qui me faisait perdre beaucoup de temps. Sans cela les anglais ne m'auraient pas joint par la route que j'avais prise. La nuit du 21, Duvigneau força de voiles pour m'avertir qu'il paraissait dans nos eaux une flotte de cinquante voiles ; au jour, il se trouva que c'était cinquante bâtiments de ma flotte qui, sur ces faux ordres étaient séparés de nous, et qu'il fallut attendre. Dans ce moment nous découvrîmes du haut des mâts, dix neuf vaisseaux qui étaient dans nos eaux qu'on prit d'abord pour des traîneurs de notre flotte ; je restai donc en panne pour les attendre ; mais j'eus bientôt reconnu à leur grosseur et manoeuvre, et peu de temps après à leurs pavillons qu'ils étaient ennemis. Je fis tout de suite signal à la flotte de passer sous le vent et de forcer de voiles, et à l'escadre de se mettre en ordre de bataille et de se préparer au combat.

La flotte prit chasse en courant vers l'Ouest-nord-ouest, et le général prit la route du sud-ouest, afin que les ennemis s'attachassent à l'escadre et les vaisseaux marchands eussent le temps de se sauver. Le temps qu'il fallut aux vaisseaux de guerre de l'arrière pour laisser passer et protéger cette flotte jusqu'à ce qu'elle fut sous le vent les empêcha pour le combat de serrer la file, et à crier de l'avant de faire moins de voiles, afin que, la ligne étant plus resserrée, le feu fût plus vif et plus soutenu.

Les ennemis se partagèrent en deux, pour nous attaquer des deux côtés ; le plus grand nombre vint par tribord qui était sous le vent, et se trouvèrent à midi à une petite portée de canon des vaisseaux de l'arrière ; je fis signal de commencer le combat. Ces mêmes vaisseaux venant à toutes voiles eurent bientôt gagné jusque par mon travers, et combattirent avec moi ; ceux qui avaient pris du côté de babord, qui était celui du vent, prolongèrent pareillement toute la ligne et me mirent entre deux feux. Nous nous battîmes des deux bords pendant une heure et demie faisant un feu des plus chauds et des plus étonnants.

Les quatre vaisseaux de l'arrière qui se battaient également étaient attaqués par un nombre bien supérieur à eux. Je restai presque toujours en panne, afin qu'ils pussent se rapprocher de moi, pour les secourir ; mais après trois heures de combat je vis le Neptune démâté ; une heure et demie après les trois autres furent totalement hachés et désemparés, qu'il ne leur fut plus possible d'obéir à mes signaux, et qu'ils furent obligés de se rendre après avoir combattu jusqu'à l'extrémité. Pendant ce temps, les ennemis qui forçaient de voiles, pour gagner la tête, combattirent contre moi, en passant, le commandant, portant pavillon blanc à croix rouge au mât d'artimont, me passa sous le vent, suivi d'un vaisseau plus fort que lui ; aucun ne resta longtemps par mon travers ; quelques-uns de ceux qui m'avaient dépassé revinrent pour combattre contre moi. Enfin je combattis successivement contre quatorze vaisseaux, et à deux reprises différentes ; et j'eus à faire jusqu'à cinq à la fois ..."

 

l'Intrépide au secours du Tonnant

 

Ayant à soutenir un tel combat, le Tonnant fut mis dans un lamentable état de délabrement. "Dans cette triste situation, les ennemis qui me battaient devaient s'attendre au plaisir de me prendre (ce qui sûrement n'aurait jamais été). Je leur faisais toujours un grand feu de canons et de mousqueteries. Vaudreuil qui commandait l'Intrépide, et qui combattait à une demi-lieue de l'avant de moi avec le Terrible et le Trident, s'aperçut de l'état et du danger où je me trouvais. Malgré le nombre de vaisseaux ennemis qu'il avait à combattre, il revira de bord, et vint à pleines voiles partager le péril avec moi. Il n'est pas douteux que la belle manoeuvre de Vaudreuil, en venant au travers de tant d'ennemis se rallier à moi, nous sauva. Un tel renfort déconcerta les vaisseaux qui me battaient ; ils s'éloignèrent un peu de nous, et nous donnèrent un petit intervalle de repos.

Dugay commandant le Terrible, et d'Amblimont le Trident firent ce qu'ils purent pour faire la même manoeuvre ; mais ils avaient à faire contre tant d'ennemis, ils étaient si désemparés, que cela ne leur fut pas possible. Peu de temps après le Trident fut obligé de se rendre, le Terrible continua de se battre ; mais l'état où j'étais m'ôtait la possibilité de le secourir.

Enfin, voyant cinq des vaisseaux de l'escadre rendus et le sixième qui ne pouvait éviter d'être pris, et qu'il ne m'était plus possible d'empêcher mes corps de mâts de tomber en tenant le côté en travers, je pris le parti d'arriver vent arrière dans la ligne des ennemis suivi par l'Intrépide qui allait le moins vite qu'il pouvait, pour rester de l'arrière, mais qui me dépassait, malgré lui, avec les deux huniers sur le ton, à cause du mauvais état des seules voiles basses qui me restaient.

Par cette manoeuvre, je laissais à babord trois ou quatre des derniers vaisseaux que j'avais combattus, qui, en arrivant comme moi, auraient pu me couper le chemin, en continuant de me combattre ; le commandant était du nombre ; quatre autres vaisseaux frais (qui ne se sont point comptés dans les dix-neuf dont j'ai parlé) formaient la queue de cette ligne, pouvaient aussi en arrivant me combattre par tribord ; mais les premiers ne firent aucune manoeuvre pour me suivre ; et le plus avancé de ceux-ci me fit la politesse de me laisser passer, soit qu'il eût vu ou senti la vivacité de mon feu, et qu'en même temps la fière manoeuvre de Vaudreuil leur en eût imposé. Ils nous laissèrent donc passer tranquillement au milieu d'eux et de leur ligne ; et lorsque nous l'eûmes coupée, il y eut trois ou quatre vaisseaux dont je viens de parler qui crurent que leur Honneur les obligeait à venir nous livrer un combat à huit heures du soir ; il en vint un jusque par mon travers et les deux autres par l'arrière ; ils nous tirèrent plusieurs bordées de canons ; l'Intrépide et moi leur ripostâmes par un feu si vif et si soutenu, qu'ils prirent bientôt le parti de nous laisser en repos. Le Terrible se défendait encore à la dite heure ; mais je ne vois nulle apparence qu'il ait pu éviter d'être pris ...

Je crois que nous avons suivi nos instructions, puisque nous nous sommes bien faits hacher pour sauver la flotte.

Le jour d'après le combat, je me suis fait donner la remorque par l'Intrépide, et j'ai dirigé ma route par le nord-ouest et l'ouest afin de m'éloigner de celle que les ennemis devaient prendre pour aller en Angleterre, et que je puisse travailler à me mettre en état de rendre un second combat. Il y a eu deux vaisseaux anglais démâtés et plusieurs désemparés. Mais à peine y en avait-il un de maltraité qu'il était remplacé par un autre.

La belle manoeuvre que Vaudreuil a fait est de la plus grande distinction. Je dois vous assurer que je lui doit mon salut, puisque l'état où j'étais, lorsqu'il m'a rejoint ne me laissait pas d'autres ressources que de mettre le feu à mon vaisseau. Il doit paraître honteux que le commandant anglais m'ait ainsi laissé passer et traverser sa ligne dans l'état où j'étais d'un délabrement total. Enfin c'est une affaire malheureuse par la perte des vaisseaux qui se sont sacrifiés pour sauver la flotte mais dont la résistance contre des forces aussi supérieures doit faire porter bien du respect au pavillon français. Après huit jours pour me réparer pour faire un peu de voiles, j'ai fait route pour Brest où je suis arrivé, et où j'attends vos ordres.

Je suis avec respect. Signé, Des Herbiers de l'Étanduère.
A bord du Tonnant, en rade de Brest, le 10 novembre 1747."


Des officiers rapportèrent ce curieux épisode qui se déroula pendant la bataille :

"A un moment donné, un boulet emporta la tête d'un timonier, et la cervelle du malheureux jaillit sur la figure de M. de l'Étanduère qui cherche à s'essuyer sans perdre un instant le combat de vue. Donnez-moi votre mouchoir, dit-il à son fils embarqué comme garde à bord, et qui se trouvait auprès de lui. Comme ce dernier ne pouvait contenir son trouble et ses larmes, M. de l'Étanduère lui fit comprendre en deux mots que sur le champ de bataille un homme de leur nom ne devait jamais faiblir." Son fils, François, meurt en 1749.

A la suite de ce combat, le roi récompensa l'amiral des Herbiers en le nommant commandant de la marine à Rochefort, et en le gratifiant du cordon rouge avec deux mille livres de pension.

Il mourut le 20 mars 1750 après cinquante huit ans de service actif dans la Royale.

tableau des commandements marquis de l'étenduère

Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée (1982) - p. 83-101

 

P1290071

P1290073

 

 

 En,1829, le Conseil d'Amirauté de France appelé à examiner quels ont été les hommes de mer les plus illustres, les classa ainsi pour l'époque du règne de Louis XV :

De La Galissonnière,
De L'Étenduère,
De La Jonquière.

 

On a fait sur ces deux derniers les vers suivants au sujet de leurs combats contre les Anglais :


Contre le fer, les feux, l'orage,
Contre l'adresse et la force et la rage,
Du peuple anglais rassemblé sur les eaux,
Neptune et le Dieu de la guerre
Ont illustré sur nos vaisseaux
Le nom du brave La Jonquière.
Cherche-t-on son pareil entre tant d'amiraux
Français et d'escadre étrangère ?

Il n'est pas. Le vaillant L'Étenduère
Nous prouve que sur mer aussi bien que sur terre
Notre France en un an produit plus d'un héros,
De nos tristes débris enrichissons l'histoire ;

Les vaincus n'ont-ils pas dans ce double conflit
Sur les vainqueurs remporté la victoire ?
Si les Anglais ont le profit
Nous en avons toute la gloire.

P.G.R.

 

CANADA - 1730

Le vaisseau du Roi qui, en 1730, apportait au Canada la nouvelle officielle de la naissance du Dauphin, n'arriva à Québec que le 31 juillet. Il était commandé par M. de l'Étenduère, qui remit au gouverneur et à l'intendant les dépêches de la cour. "Alors, dit la chronique, on se prépara pour la fête que l'on méditait". On y employa tout le mois d'août. La fête commença le 11 septembre et se continua par intervalles jusqu'au 15 octobre. Le programme renfermait quatre parties, qui devaient se jouer chacune sur une scène différente : la première avait lieu à la Cathédrale et au Château Saint-Louis ; la deuxième à l'église des Récollets et au Palais de l'Intendant ; la troisième sur le vaisseau royal de M. de l'Étenduère ; enfin la dernière partie, le couronnement des fêtes, avait lieu chez les Jésuites. ...

Nous avons dit que la troisième partie du programme des fêtes du Dauphin eut lieu à bord de la frégate royale. Ce fut le 9 octobre. M. de l'Étenduère reçut ses hôtes avec beaucoup de distinction :
"La grand'messe et le Te Deum furent chantés, dit la chronique, au bruit de l'artillerie du navire et de celle du Château. Il y eut ensuite grand dîner. Tous les vaisseaux dans la rade étaient pavoisés ; et sur les sept heures du soir il y eut plusieurs décharges de mousqueterie et de canons. Il fut tiré nombre de fusées. Le vaisseau du Roi et les navires marchands parurent illuminés ; le premier était orné d'une si grande quantité de lumières, qu'on en distinguait parfaitement tout le corps et toutes les manoeuvres." ...

Extrait : Église du Canada - deuxième partie - 1912

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