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La Maraîchine Normande
13 mars 2015

CHARONNE - PARIS (20ème) - LA SÉPULTURE BIZARRE DE FRANÇOIS-ÉLOY BÈGUE, PATRIOTE

CHARONNE

 

LA TOMBE DE LE BÈGUE A CHARONNE


La vieille église de Charonne, si curieuse encore malgré les badigeonnages qu'elle a subis, est la seule de Paris qui ait conservé son cimetière ; aussi les amateurs du pittoresque parisien reconnaissent-ils qu'il existe là un des coins les plus imprévus et les plus curieux de la capitale. Le vieil édifice gothique perché au fait d'un escalier élevé, a conservé, groupées autour de ses murs et de ses contreforts, un grand nombre de tombes autour desquelles l'herbe pousse dru, tout comme dans les cimetières de village.

La sépulture de Bègue, qui se remarque au fond à droite de ce cimetière, est d'une origine singulière qui ne doit éveiller aucun souvenir digne d'être retenu. C'est un grand carré dépassant de beaucoup les dimensions des concessions ordinaires de nos cimetières ; l'entourage est formé d'un assemblage bizarre de grillages, de balcons, de panneaux en fonte de fer formant une collection des productions de la fonderie de l'époque de 1830, qui ont remplacé les belles ferronneries dont les logis parisiens étaient ornés autrefois. Au milieu de ce carré, un piédestal, et dessus une statue en fonte de fer représentant un personnage habillé à la mode de la fin du XVIIIème siècle. La génération actuelle des habitants de Charonne a laissé prendre racine à une légende suivant laquelle la statue serait la représentation d'un secrétaire (?) de Robespierre.

La communication de M.E.O. dans l'Intermédiaire, apprend qu'une autre légende - celle d'un médecin philanthrope dont les habitants de Charonne auraient voulu honorer la mémoire - cherche à s'établir.

Mais hélas ! Il ne s'agit de rien moins qu'un médecin ou un philanthrope dont les restes reposent dans ce coin du cimetière de Charonne. Il existe encore, à Charonne et à Bagnolet, des vieillards qui ont connu dans leur enfance le "Père Bègue".

C'était tout simplement un entrepreneur de serrurerie, dont l'atelier donnait par derrière, sur le cimetière en question. Original et esprit singulier, Bègue avait fait confectionner d'avance le cercueil qui devait lui servir ; puis il avait fait acquisition d'une concession dans le cimetière et s'était édifié son monument avec les pièces de fonte qui étaient d'un usage courant dans son industrie. Il put contempler pendant de longues années la place qu'il s'était aménagée pour reposer après sa mort.

Les habitants de Charonne ne furent pas peu surpris de la prodigalité manifestée par l'établissement de cette sépulture tapageuse, eux qui avaient appris, à leur dépens, que Bègue était un maître dans l'art de faire rapporter à l'argent un intérêt plus élevé qu'il n'est coutume.

Louis Tesson
L'intermédiaire des chercheurs et curieux - n° 1060 - 10 décembre 1904

 

CIMETIERE DE CHARONNE

 

DANS LE CIMETIÈRE DE CHARONNE

Nous parlerons ici d'une sépulture bizarre et anonyme (toute inscription ayant été enlevée), de laquelle on s'est souvent occupé dans la presse et ailleurs, en raison de la statue qui la surmonte, et qui passa longtemps pour être celle d'un ancien secrétaire de Robespierre (?)

Cette sépulture occupe une grande surface, 8 mètres environ de côté, située dans le fond du cimetière, contre le mur de clôture. Elle se compose d'une terrasse élevée sur une maçonnerie d'environ 0m70 à 0m80 de hauteur. C'est un simple gazonnement au milieu duquel se dresse la statue en question, paraissant être en fonte, représentant un vieillard campé sur un piédestal de pierre qui eut jadis des lettres de métal appliquées sur ses faces, mais qui furent toutes enlevées, et dont il ne reste que les trous d'attente les ayant jadis fixées sur la pierre. Le personnage, d'aspect quelque peu ridicule, porte un costume qui peut être d'époque révolutionnaire, du Premier Empire, ou même de la Restauration. Il est coiffé d'un bicorne, son habit est à la française, avec grand gilet descendant jusqu'aux genoux ; culotte, bas, et souliers à boucles. La main gauche s'appuie sur une canne et la droite tient un bouquet. La terrasse gazonnée, à laquelle on accède par un petit escalier de quelques marches, est entourée d'une grille en fer forgé, rongée par la rouille, et qui paraît avoir été établie à l'aide de spécimens d'appuis de fenêtres, de balcons de différents modèles, depuis le style du dix-huitième jusqu'à celui de la Restauration : morceaux hétéroclites raccordés les uns aux autres, et dont quelques-uns ne manquent pas d'intérêt.

La sépulture dont il s'agit avait été fondée par le sieur Bègue, François-Eloi, qui en avait fait l'acquisition de son vivant, pour lui et la famille de son ami, le sieur Herbeaumont, serrurier, dans la maison duquel il habitait, rue de Paris n° 9, ainsi qu'en fait foi l'arrêté de concession ci-après :

Nous, Maire de la commune de Charonne,
Vu 1° la demande en date du 29 de ce mois, à nous adressée par le sieur Bègue, François-Éloi, ancien peintre, demeurant à Charonne, rue de Paris n° 9, tendant à ce qu'il lui soit concédé à perpétuité quarante deux mètres cinquante centimètres superficiels (une perche de vingt pieds ancienne mesure) de terrein dans le cimetière de Charonne, pour sa sépulture et pour celle du Sr Herbeaumont, Nicolas, serrurier ; de dame Paul, Geneviève-Adélaïde, sa femme, et de tous leurs descendans directs, jusqu'à ce que le terrein soit rempli ; aux offres qu'il fait de payer le terrein cinquante francs par mètre superficiel, plus le quart en sus au profit des pauvres, et en outre les frais de timbre, enregistrement et autres auxquels cette concession donnera lieu ;
Vu 2° le décret du 23 prairial an 12, art. 10 et 11 concernant les sépultures ;
Vu 3° l'arrêté de M. le préfet de la Seine, du 10 juin 1808, concernant l'exécution du décret sus relaté ;
Vu 4° l'art. Ier de l'arrêté administratif du 24 avril 1809 qui fixe le prix du mètre à 50 francs ;
Arrêtons ce qui suit :
Art. Ier. Il est fait par le présent acte concession pleine et entière, à perpétuité d'une portion de terrein de 42m50c superficiels (une perche de 20 pieds ancienne mesure) située vers l'angle nord-ouest du cimetière, et tenant du sud-ouest au terrein acquis par le sieur Gaudy et du nord au mur de clôture du chemin du parc, pour la sépulture du sieur Bègue, François-Éloi, de celle du sieur Herbeaumont, Nicolas ; de la dame Paul, Geneviève-Adélaïde, sa femme ; et de tous leurs descendants directs, jusqu'à ce que le terrein soit rempli, en se conformant aux lois et règlements y relatifs.
Art. 2. Cette concession est faite à la charge par le concessionnaire de payer de suite à la Caisse municipale la somme de 2.125 fr. ; à la caisse du bureau de bienfaisance, celle de 531fr.25c. et d'acquitter en outre les frais de timbres auxquels cette concession donnera lieu.
Art. 3. Le présent arrêt sera soumis à l'approbation de M. le Sous-Préfet de l'arrondissement de St-Denis chargé de statuer sur les donations en faveur des pauvres.
Fait à Charonne, le 30 août 1832. Le maire : Delhoste
L'arrêté approbatif du sous-préfet de Saint-Denis fut signé le 31 août suivant.


Le sieur Bègue, "ancien peintre" décéda en 1837, étant alors rentier et possesseur, sans doute, d'une assez jolie fortune, pour s'offrir une sépulture de plus de 2.600 francs.

Les Archives de la Seine veulent bien nous communiquer son acte de décès :

Extrait du Registre de la Commune de Charonne des actes de décès.
Du 29 mai 1837 à deux heures de relevée. Acte de décès de Bègue François-Éloy, rentier, décédé ce jourd'hui à deux heures de relevée en son domicile à Charonne, rue de Paris, n° 6, né à Voux (Seine-et-Marne) le vingt huit septembre 1750, fils de Éloy Bègue, et de Marie-Anne Cousin décédés. Sur la déclaration faite à nous, maire et officier de l'état-civil de la commune de Charonne, arrondissement de Saint-Denis, département de la Seine, par le sieur Herbeaumont, Nicolas, serrurier, âgé de 43 ans, demeurant à Charonne, rue de aris, n° 6, et Prieur, Émile-Eugène, menuisier, âgé de 23 ans, demeurant à Charonne, rue de Paris, n° 16. Le décès ayant été constaté par M. Roger, docteur en médecine, qui en a délivré certificat ; lesquels déclarants ont signé avec nous le présent acte, après lecture à eux faite. Ainsi signé au Registre : Herbeaumont, Prieur et Delhoste, maire.

François-Éloi Bègue "ancien peintre", bourgeois cossu de Charonne, avait-il été secrétaire de Robespierre ? nous n'avons pu le découvrir, mais M. René Farge, le jeune historien de la Révolution, avec qui nous nous en sommes souvent entretenu, veut bien nous dire que personne ne le croit, parmi les auteurs actuels qui s'occupent le plus sérieusement de cette époque.

En ce qui concerne la statue, qui passe également, dans la Charonne et ailleurs, pour être celle de Bègue, exécutée de son vivant et par ses ordres, nous pensons plus simplement - à défaut d'autre indication - qu'elle devait aussi faire partie du fonds de commerce du sieur Herbeaumont, achetée à la ferraille comme les grilles et balcons de la sépulture, et que, à l'instar de ceux-ci, elle fut plantée, pour l'utiliser, ou par ostentation, au milieu de la concession. Image laissée pour compte de quelque personnage ayant cessé de plaire.

Les Herbeaumont étaient de vieux habitants de Charonne : en 1791, un Herbeaumont y est perruquier ; en 1793, un autre, qui est peut-être le même, est porté sur le registre des contributions mobilières.

Le 19 mars 1826, le sieur Herbeaumont, serrurier-entrepreneur, demeurant en sa maison, au Grand Charonne, rue de Paris n° 9, demande l'autorisation d'établir une porte cochère.

Histoire des communes annexées à Paris en 1859 - par M. Lucien Lambeau - Tome premier.

 

acte naissance François-Eloy Bègue

 

françois- éloy Bègue

TOMBE BEGUE

TOMBE BEGUE 3

TOMBE BEGUE 4

 

 

"Le bonhomme, étant aussi un bon ami de la bouteille, avait demandé que son inhumation n'engendrât pas la morosité. Dans le respect de ses dernières volontés, on raconte que ses amis placèrent un litre de vin dans son cercueil avant de l'accompagner à sa tombe en chantant :


Il faut chanter à la gloire
De Bègue François-Éloy
Ami rare et sincère
Fit mention dans son testament
Qu'il fut enterré en chantant
Pour le fêter en bon vivant
Il nous laissa chacun cinq francs.
En vrais disciples de Magloire
Versons du vin et puis trinquons
Buvons ensemble à sa mémoire ;
C'est en l'honneur de son trépas
Qu'il a commandé ce repas."

Ce petit texte et les photos proviennent du site : http://www.tombes-sepultures.com/crbst_1045.html

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