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La Maraîchine Normande
26 février 2015

LA LÉGENDE DE L'AIGUILLON-SUR-VIE (85)

L'Aiguillon-sur-Vie

 

Il y a bien longtemps, bien longtemps - huit à neuf cents ans au moins - un Saint Ermite avait établi son domicile au fond d'un clair vallon, près des bords de la Vie, non loin de la petite cité de Saint-Gilles. Le lieu était sauvage et tranquille ; le solitaire aimait sa solitude qu'égayait le chant des oiseaux et le murmure de la rivière. Ses besoins étaient modestes ; il vivait de peu ; un jardin qu'il cultivait lui-même lui fournissait les légumes en suffisance ; de la viande il ne connaissait plus le goût ; l'eau d'une source pure était sa boisson.

Son temps se passait au travail des mains et à la prière, en longues oraisons et en récitation de ses Heures, car notre Ermite était Prêtre.

Chaque matin, de bonne heure, il se rendait à une antique chapelle de Sainte-Hélène que fréquentaient les gens d'un village voisin. Il y disait la messe ; il y recevait les habitants ; il consolait les affligés et distribuait des aumônes aux pauvres. Avec le temps, sa réputation de sainteté et de bonté s'était étendue et de bien plus loin que du village des chrétiens accouraient le dimanche pour assister au St Sacrifice et entendre la parole de Dieu, qu'il était heureux de leur donner.

Or, il advint qu'un jour les murs de la chapelle se trouvèrent trop étroits pour recevoir tout le monde ; beaucoup de "paroissiens" durent rester dehors. Au beau temps, il est vrai, on gardait la porte ouverte et, en suivant les mouvements des premiers entrés, en entendant le bruit de la sonnette, il y avait possibilité de satisfaire au devoir dominical. Mais quand, avec la saison d'automne, arrivèrent les pluies de septembre et d'octobre, il devint difficile, malgré la foi, de demeurer en plein air.

Le Bon Ermite s'en rendit bien compte. Un soir qu'il avait prolongé son oraison et réfléchi mûrement devant Dieu, il se dit qu'il n'y avait qu'un moyen de remédier au mal, c'était de construire une église véritable ... Au reste, la chapelle était vétuste et ses murs entourés de lierre étaient branlants ; on pourrait peut-être les conserver comme témoins du passé, mais il y aurait tout avantage à bâtir un édifice plus vaste et plus digne de la majesté de Dieu.

Le dimanche suivant, sans plus tarder, il exposa son idée à ses "paroissiens" et leur demanda un concours bénévole, tout au moins en faisant les charrois nécessaires pour amener à pied d'oeuvre les matériaux indispensables.

Comme nos Vendéens d'aujourd'hui quand il s'agit de construire une église ou une école, nos ancêtres ne refusaient jamais un tel service. Il y eut même de l'émulation. Chaque matin, deux équipes d'hommes de bonne volonté s'en allaient au travail, les uns dans la forêt voisine pour abattre les chênes vénérables dont le tronc au coeur dur formerait la charpente, les autres à la carrière de pierre, et des charrettes attelées de grands boeufs blancs allèrent chercher ces matériaux.

Naturellement, personne ne posa la question de l'emplacement de la nouvelle église ; ce devait être au centre du village même, non loin de la vieille chapelle.

Déjà plusieurs pieds de chênes et de nombreuses toises de pierres s'amoncelaient ; déjà l'Ermite s'était abouché avec des ouvriers capables et traçait le plan des fondations : tous étaient à la joie et au travail.

Or, un jour que trois ou quatre paysans ramenaient les charrettes chargées de pierres, l'un d'eux ayant rencontré des gens avec qui il avait une certaine affaire à traiter, laissa passer ses compagnons en leur disant qu'il ne "muserait" pas, mais qu'il les rejoindrait avant qu'ils eussent fini de décharger.

 

charette et boeufs

 

Voilà donc notre homme qui arrête ses boeufs et, comme le font encore nos paysans de Vendée, plante devant eux son aiguillon en l'appuyant sur le joug, entre la tête de ses animaux. Chacun sait que jamais les bêtes ne bougeront tant que l'aiguillon restera droit planté devant elles.

Et il s'écarta un peu avec ses partenaires. Combien de temps ? un quart d'heure ? une demi-heure ? Entre amis les moments ne comptent plus ...

Quand il revint vers ses boeufs, les bonnes bêtes étaient tranquilles, mais quelle ne fut pas la surprise du brave paysan !? Qu'était devenu son aiguillon de châtaignier ? ... A sa place, une tige droite comme un jonc, garnie de rameaux aux feuilles verdoyantes, montait sa pointe vers le ciel : l'aiguillon de châtaignier avait pris racine et était devenu un arbuste plein de sève et de VIE.

Était-ce un rêve ? une imagination ? une réalité ? un artifice du diable ? un miracle ? ... L'homme y regarda à plus d'une fois ; il toucha de ses grosses mains l'arbuste et son feuillage et, obligé de se rendre à la vérité, il fit un grand signe de croix et courut de toute la vitesse de ses jambes vers la chapelle, criant à l'Ermite et aux ouvriers : "Venez vite ! venez vite voir le prodige qui est arrivé."

Et tous de courir vers le lieu de l'évènement et de s'ébahir : "MIRACLE ! Miracle ! s'écria-t-on, sans discuter davantage."

- Oui, mes amis, dit le solitaire, c'est un miracle ! un miracle qui doit avoir un sens. Le bon Dieu ne veut-il pas nous indiquer par là l'endroit où doit se bâtir notre église ? Comme ce lieu est agréable ! Il est uni ; il n'a pas besoin de nivellement ; il est sur le chemin de St Gilles à la Mothe-Achard ; il est plus près des villages des alentours que de notre chapelle. Oui, ne pensez-vous pas que le Bon Dieu nous désigne l'emplacement de notre église ?

- C'est vrai, Père, répondirent les paysans ; c'est la volonté de Dieu. Bâtissons ici une belle église.

Ainsi fut fait. Pierres et troncs de chêne furent transportés autour de L'AIGUILLON VIVACE ; les lignes de fondation furent tracées ; les ouvriers maçons et charpentiers se mirent à l'oeuvre ; chaque homme voulut contribuer à l'ouvrage, tant et si bien que l'église fût élevée en l'espace de trois mois et que dans l'allégresse générale on put chanter l'Alleluia le jour de Pâques. Le lieu était si doux, agréable que bientôt un artisan se fit bâtir un atelier auprès de l'église ; puis ce fut un sabotier ... Au bout de quelques années, ce fut une bourgade dont le nom fut facile à trouver. On l'appela sans hésiter : L'AIGUILLON SUR VIE.


Bulletin paroissial - L'Aiguillon-sur-Vie - 1966

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