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La Maraîchine Normande
23 janvier 2015

MORTAGNE-SUR-SÈVRE (85) - TERRIBLE ÉPIDÉMIE EN L'ANNÉE 1774 A LA SUITE D'UNE INHUMATION DANS L'ÉGLISE

Mortagne sur sèvre église

 

La coutume des inhumations dans les églises était autrefois très répandue. Fondée en partie sur la vanité humaine, cette coutume avait donné lieu, en certains endroits, à de regrettables abus, auxquels vint remédier une déclaration royale du 10 mars 1776, interdisant à l'avenir de semblables inhumations.


Voici, à ce propos, ce que je relève dans une lettre signée Moisgas, insérée dans le n° 50 des Affiches du Poitou, à la date du 12 décembre 1776 (lettre dans son intégralité en fin d'article) :

Si cette déclaration eut été rendue plustôt, la petite ville de Mortagne, habitée par environ 1.000 à 1.200 personnes, sans compter les enfans, n'auroit sûrement pas été exposée à pleurer 134 pères ou mères de familles ou autres personnes formées, qu'elle perdit depuis le 17 janvier 1774 jusqu'au 27 avril 1775 ; car l'opinion générale, même des médecins et chirurgiens, est que cette mortalité ou épidémie, dont il a été dans le temps fait mention dans vos feuilles, fut occasionnée par le mauvais air que plusieurs respirèrent dans l'église, pendant l'exposition et après l'inhumation du sieur Augustin-Pierre Le Breton, négociant, qui s'y fit ledit jour, 17 janvier 1774.


La Vendée Historique
Cinquième année - N° 105 - 5 mai 1901

 

Inhumation de Augustin-Pierre Le Breton en la nef de l'église de Mortagne-sur-Sèvre en date du 17 janvier 1774.

acte décès Le Breton Mortagne Sur Sèvre

A noter qu'une seconde inhumation eut lieu dans la nef de l'église en date du 12 février 1774, celle de Pierre-René Lomedée.

acte décès Pierre René Lomedée

 

LETTRE DU FOSSOYEUR DE LA PAROISSE DE ... AU SONNEUR DE CLOCHES DE LA MEME ÉGLISE

Sais-tu une nouvele, mon camarade, qui est que bientôt, à ce qu'on dit, on n'enterrera plus les morts dans les Églises, & que les cimetières seront même hors des villes ; qu'il y a un digne Archevêque de France qui a fait sur cela, l'année dernière, un beau Mandement, qui a touché tout le monde, & que le Clergé dans sa dernière assemblée a adressé au Roi des sollicitations pour qu'il y ait un règlement général ; ce sera bien fait ; pour mon compte j'en serai bien aise : car tu le sais, ma santé a toujours eu mauvaise mine, & je fais réflexion à présent que c'est à mon métier que je dois l'atribuer. Mon père & mon grand père qui faisoient le même métier, car dans une famille les pères sont bien aise de laisser leurs emplois à leurs enfans, cela prouve qu'on s'en aquite bien, c'est un titre ; & puisqu'il y a des gens qui meurent, il faut bien qu'il y en ait qui les enterrent. Je dis donc que mon père & mon grand-père sont morts à l'âge de 40 ans, & c'est sûrement de cela qu'ils sont morts. J'en ai 36, juges de ma peur : car j'aime encore mieux enterrer les autres que s'ils m'enterroient. En effet, comment résister long-temps, quand on passe la plus grande partie de sa vie au milieu des cadavres corrompus ou qui se corrompent, à remuer des ossemens, toujours au sein d'une terre puante de putréfaction ? car dans cette paroisse, il est étonant combien il y a encore de gens qui se font enterrer dans l'Église, mal-gré que Monseigneur notre Évêque ait rendu une Ordonance, il y a quelques années, afin d'en éloigner tout le monde. Tiens je connois les morts, puisque j'en vois tant ; ils ont autant de vanité que les vivans, & puis les vivans en donnent bien un peu aux morts. J'aimerois bien mieux aller faire mon métier hors de la ville, au grand air, que dans un endroit sombre, renfermé comme est l'Église de notre paroisse, où on sent quelquefois, sur-tout l'été, une mauvaise odeur, à s'y trouver mal. Je connois un Monsieur qui a défendu à la gouvernante de ses enfans de les y amener. Lui-même va à la Messe dans une Église où on n'enterre persone. La loueuse de chaises ne gagne pas à tout cela ; elle me le disoit encore l'autre jour. J'atends donc la réforme que l'on propose avec bien de l'impatience. Je m'en porterai mieux, & tu ne te moqueras plus de moi ; tu m'appele rat de terre, taupe, que sais-je ? tu es fier, parce ton emploi te tient plus souvent au haut qu'au bas, tu humes le bon air à ton aise dans ton clocher ; aussi n'es-tu pas aussi pâle que moi. (4 décembre 1775)

Affiches du Poitou - Jeudi 21 décembre 1775 - N° 51

 

mortagne sur sèvre porte principale église

Lettre de M. Moisgas, Avocat & Feudiste à Mortagne, bas Poitou, à M. Jouyneau Desloges, 18 novembre 1776

LOUIS le Bienfaisant, toujours attentif aux besoins & à la conservation de ses Sujets, vient donc, M., d'après le voeu unanime porté aux pieds de son Trône par le Clergé & la Magistrature, d'éloigner les morts de nos Églises & même de nos Villes. Nous en sommes redevables à l'humanité de son coeur. En lisant cette Loi si sage, quelle a dû être la joie du fossoyeur de la Paroisse de ... (Affiche du 21 décembre 1775)

Vous savez, M., que pendant les premiers siècles de l'Ère Chrétienne on n'enterroit point dans les Églises ; ce fut un Empereur Léon qui permit d'y inhumer. Le premier qui l'a été, & encore fut-ce sous le porche, fut l'Empereur Constantin le Grand, par ordre de son Fils. Les Papes Benoît VIII, & Nicolas I, qui siégeoient en 857 & 867, n'osèrent se faire inhumer que dans le Parvis de l'Église de Rome. Le Canon 17 du Concile de Tribur ou Trebur, de l'an 895, permit aux Prêtres de s'y faire enterrer ; & celui de Meaux, de 962, étendit cette permission aux Laïcs, honeur qui ne manqua pas de flater les vivans ainsi que les mourans.

Les différens peuples ont eu différentes méthodes de rendre les derniers devoirs à leurs morts. Les Hircaniens, les Médes & les Parthes avoient l'atrocité de les faire manger aux chiens ou aux oiseaux ; d'autres, comme les Scythes, les couvroient de neige ou de glace, ou les brûloient. Les Romains les enterrèrent jusqu'au temps de Sylla, qui a été le premier dont le corps fut brûlé à Rome. Je croirois la méthode de brûler les corps, plus saine pour les vivans, parce que l'action du feu est plus prompte que celle de la terre, qui cependant peut mériter la préférence parce qu'elle est plus naturele, puisqu'on lui rend nos corps qui sortent de son sein. L'Histoire Sainte fait mention qu'Abraham acheta un champ pour y être inhumé avec les siens.


Mausole

L'art. V de la Déclaration du 10 mars 1776, laisse la liberté à ceux qui ont droit d'être enterrés dans les Églises des Paroisses, de choisir dans les Cimetières un lieu séparé pour leur sépulture, même de faire couvrir le terrain, y construire un Caveau ou Monument. Les monumens sont ainsi appelés, parce qu'ils avertissent l'esprit, quod moneant mentem ; c'est pour cette raison qu'on les plaçoit autrefois le long des grands chemins & hors des villes ... Les Mausolées ont pris leur nom de celui qu'Artemise, femme de Mausole lui fit faire en Carie. Il étoit si superbe, qu'il a passé pour une des merveilles du monde.


Enfin, grâces au Coeur vraiment paternel de LOUIS XVI, on va observer en France la Loi des Decemvirs ... ; & tous ses sujets vont cesser d'être exposés à un inconvénient contre lequel on se récrioit depuis long-temps. Si cette Déclaration eût été rendue plutôt, la petite ville de Mortagne, habitée par environ 1.000 à 1.200 persones, sans compter les enfans, n'auroit sûrement pas été exposée à pleurer 134 pères ou mères de familles ou autres persones formées, qu'elle perdit depuis le 17 janvier 1774, jusqu'au 27 avril 1775 : car l'opinion générale, même des Médecins & Chirurgiens, est que cette mortalité ou épidémie dont il a été dans le temps fait mention dans vos Feuilles, fut occasionée par le mauvais air que plusieurs respirèrent dans l'Église, pendant l'exposition & après l'inhumation du sieur Augustin-Pierre Le Breton, Négociant, qui s'y fit ledit jour, 17 janvier 1774.


La putréfaction de ce cadavre causa une puanteur si insupportable qu'on fut obligé pendant quelque temps d'abandoner pendant le Service Divin les envitons de sa tombe : ce qui altéra un peu la salubrité de l'air de la ville, qui est ordinairement très sain par son exposition. Delà cette épidémie que les Médecins définirent "fièvre maligne ou maladie populaire", parce qu'elle attaqua principalement le peuple : car sur les 134 victimes qui forment le huitième ou environ des habitans, on ne compte que 4 ou 5 persones aisées ; encore celles du peuple qui eurent le moyen ou l'attention de recourir promptement aux secours de l'Art, ne succombèrent pas ; & on peut dire que de cette classe des habitans, il y en eut entre le tiers & la moitié d'attaqués. Les morts noircissoient incontinent & sentoient mauvais. On n'eut point l'attention de les faire enterrer à une certaine profondeur : ce qui continua sans doute à infecter l'air, quoique le Cimetière soit hors les murs de la ville & assez bien exposé. Les Gens de l'Art ne rendirent point compte de cette maladie dans le temps, parce qu'elle paroissoit être la même que celle qui avoit régné à la plaine, à Chollet, &c. Mais quoiqu'elle eut fait dans ces endroits autant de ravages qu'ici, elle y fit beaucoup moins de bruit : car la plupart des habitans des paroisses voisines n'osoient venir faire le commerce d'usage, & même faisoient difficulté de recevoir chez eux les habitans de Mortagne, tant cette maladie paroissoit contagieuse, & tant l'alarme étoit répandue ...

Il y eut ici pendant le même espace de 15 mois, 14 mariages & 52 baptêmes.


Affiches du Poitou - du Jeudi 12 décembre 1776 - N° 50

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