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La Maraîchine Normande
13 décembre 2014

JACQUES-CHARLES-GABRIEL DELAHAYE, CONVENTIONNEL

JACQUES-CHARLES-GABRIEL DELAHAYE

 

ORBEC

 

 

Jacques-Charles-Gabriel Delahaye, , était avocat et avoué à Caudebec, quand les électeurs de la Seine-Inférieure lui confièrent le mandat de député de la Convention. Il se lia avec les principaux Girondins et partagea un instant leurs illusions. Ses votes lors du procès de Louis XVI furent dictés par le désir de sauver la vie du roi. Il ne prit aucune part aux luttes oratoires de la Convention dans la querelle des Jacobins et des Girondins ; et quand ceux-ci succombèrent, il se réfugia dans le Calvados, et seconda les efforts de Buzot, Barbaroux et Wimpfen, pour armer la Normandie et la pousser au combat.


Les troupes fédéralistes levées par les soins des conjurés dans les départements de l'Eure, du Calvados, de la Manche et de l'Orne, placées sous le commandement du général de Wimpfen, célèbre par sa belle défense de Thionville, se firent battre avec Puisaye à Vernon et à Lisieux. Les Girondins, au lieu de marcher avec leurs soldats, faisaient les beaux esprits et les philosophes à l'hôtel d'Harcourt de Caen, et perdirent la partie sans retour.


Décrété d'accusation le 3 octobre et forcé de se cacher, Delahaye gagna la Bretagne, où il souffrit les privations et toutes les douleurs d'un proscrit, errant dans les bois, fuyant les centres populeux, manquant de tout, jusqu'à ce qu'ayant trouvé un asile dans la commune de Plouasne, district de Dinan, dans les Côtes-du-Nord, il se mit à exploiter une petite ferme et à gagner la confiance des habitants. Il demeura près d'un an au milieu de cette bonne population, qui l'estimait et sut le soustraire aux recherches ardentes de ses ennemis.


Delahaye ne put bénéficier du décret qui, après le 9 thermidor, ouvrit la Convention aux députés mis hors la loi. On l'accusa en effet d'avoir porté les armes parmi les révoltés, confondant son nom avec celui d'un des chefs de l'armée vendéenne.


Ce ne fut qu'en avril 1795, après s'être justifié, reprendre sa place parmi nos députés. Les épreuves avaient modifié ses opinions et trempé son caractère. Il ne se contente plus d'écouter, il parle assez fréquemment à la Convention et soutient avec énergie ses motions. Les Jacobins trouvent en lui un adversaire déterminé. Tenace dans ses desseins, il combat les révolutionnaires sur tous les terrains et parvient à faire voter quelques mesures excellentes, telles que l'abolition des certificats de civisme qui donnaient lieu à tant de vexations et d'arbitraire. Il fit partie du comité de législation, dans les derniers jours de la Convention, et défendit en cette qualité J.-B. Lacoste avec tant de vivacité, qu'il s'attira la censure. D'ailleurs, opposé au projet d'organisation des pouvoirs constitutionnels, Delahaye réclamait, non sans raison, contre cette prétention de la Convention de se survivre dans la nouvelle législature, et demandait que les assemblées primaires fussent laissées maîtresses de leur choix. Notre député, qui avait abjuré de plus en plus les illusions révolutionnaires, avait alors la conviction que la monarchie pouvait seule sauver la France. Il désirait, avec nombre de bons esprits, que des élections sensées ouvrissent le conseil des Anciens et celui des Cinq-Cents aux royalistes, qui eussent ainsi préparé les voies à une restauration. Mais la Convention coupa court à ces projets en décrétant que les deux tiers de ses membres siégeraient dans la prochaine législature.


Delahaye fut élu aux Cinq-Cents par le département de l'Aisne. Il prit place dans le côté droit de l'Assemblée, et se montra, dès les premiers jours, favorable à la cause de la religion persécutée. Il vota la mise en liberté des prêtres détenus, intervint dans la célèbre discussion au sujet de la pétition des habitants de Vassy, qui réclamaient la faculté de faire sonner les cloches, discussion qui fut, comme on sait, le point de départ des revendications d'innombrables communes de France suppliant les législateurs de leur rendre leurs églises et leurs prêtres.


Ce fut dans la séance du 24 prairial an V, sous la présidence de Pichegru, que cette question fut soulevée.
Comme on demandait le renvoi à une commission spéciale, Savary s'écria : "Si vous adoptez cette proposition, tous les ministres du culte vous inonderont bientôt de pétitions de ce genre. A la suite des pétitions auxquelles vous vous serez rendus accessibles, on verra les rues garnies de chapelles et chamarrées de processions, dont le résultat sera d'exalter les esprits et de les fanatiser. Je demande l'ordre du jour."


Delahaye prit la parole : "Il n'est pas question, dit-il, de divaguer ici ; il y a bien, à la vérité, une loi qui défend de sonner les cloches, lorsqu'il s'agit de l'exercice du culte catholique ; mais il n'en est pas moins vrai que le culte catholique est encore en France le culte dominant. Or, je vous le demande, ne vaudrait-il pas mieux que cette loi fût rapportée, que de s'obstiner à la maintenir, lorsque personne ne veut l'exécuter ?" La question fut maintenue à l'ordre du jour, et fournit, dans les séances suivantes, matière à des discours importants en faveur de la liberté du culte catholique. C'est à cette occasion que Pavie prononça, dans la séance du 23 messidor, ces paroles mémorables : "LE VOEU DU PEUPLE N'EST PAS DOUTEUX ; IL VEUT SUIVRE LIBREMENT LE CULTE DE SES PÈRES, ET REVOIR SES PASTEURS. Trop longtemps on a versé le sang des prêtres, avec la même prodigalité que les bourreaux versaient celui des martyrs. Mettez un terme à leurs persécutions."


C'est dans cette séance que Boissy-d'Anglas fit cet aveu, confirmé par l'histoire, que "l'Assemblée constituante aurait épargné des maux infinis à la France et des regrets à l'humanité", si elle avait respecté la liberté religieuse et n'eût pas proclamé la constitution civile du clergé.


Cette discussion, qui dura près de deux mois, fut terminée par un vote favorable à la liberté religieuse, et les lois de proscription édictées contre les prêtres catholiques furent rapportées.


Delahaye se montra l'un des plus courageux défenseurs du clergé. Il était devenu, à cette époque, ardent royaliste. Les députés du parti de l'opposition au Directoire, et favorables à la monarchie, qu'on désignait sous le nom de Clichiens, avaient pris Delahaye pour secrétaire et se réunissaient dans son logement, rue Neuve-des-Capucines. Aussi fut-il un des premiers inscrits sur la liste des déportés, après le 18 fructidor, et reprit-il de nouveau la route de l'exil. Il vécut désormais en pays étranger, et devint l'un des agents politiques des princes français. Cette partie de sa vie est entourée d'obscurité ; elle serait cependant des plus intéressantes à connaître.


Employé dans les négociations et les démarches de tout genre que le parti royaliste tenta sous l'Empire, Delahaye était à Münster en 1804, puis à Anvers, où il se fixa assez longtemps, et correspondait au nom des princes avec leurs amis de France et d'Angleterre. On ne saura sans doute jamais complètement l'histoire de la diplomatie secrète de Louis XVIII, qui fut des plus actives et des plus étendues, les documents principaux ayant disparu. Delahaye n'a laissé aucun papier sur cette époque si agitée de sa vie. On sait seulement qu'il fut un des agents des princes, comme il appert par la déclaration suivante, signée le 20 août 1816 par le ministre secrétaire d'Etat au département de la police générale, le comte de Cazes : "Il résulte, dit ce document, de l'examen des pièces déposées aux archives du ministère de la police générale que le sieur Delahaye (Jacques-Charles-Gabriel), ex-membre de la Convention et du conseil des Cinq-Cents, et proscrit après la journée du 18 fructidor an V, a servi la cause royale, en portant les armes pour le roi en Normandie et en Bretagne, sous les ordres de M. de Puisaye ; que subséquemment il a correspondu pour la même cause d'Anvers, où il était retiré, avec des personnes à Londres, paraissant jouir de la confiance des princes, et que ces diverses circonstances motivèrent ses arrestations à Anvers en 1807 et à Paris en 1808."


Arrêté plusieurs fois, en effet, par la police impériale, Delahaye sut échapper à ses rigueurs et recouvrer la liberté. Il ne reparut en France qu'en 1814, et eut à cette époque un procès retentissant avec le baron d'Imbert, ancien capitaine de vaisseau et l'un des agents politiques des princes. Delahaye gagna son procès devant toutes les juridictions. Il sollicita vainement la place de secrétaire de la Chambre des députés, et se mit à écrire des articles et des brochures, dont les deux principales ont pour objet la perception des impôts indirects.


Mme la duchesse douairière d'Orléans donna à Delahaye des marques de son estime en l'appelant dans son conseil et en lui confiant ses intérêts. Il reprit en même temps ses fonctions d'avocat et vécut à Paris, pendant les premières années de la Restauration, dans une paix qu'il n'avait jamais connue. Il avait épousé une femme de bien, Mme Anne-Elisabeth Poulain Grandchamp, et il surveillait l'éducation de son fils, qui fut le premier maître de Lacordaire et devint conseiller à la cour de Rouen. La mort vint frapper à Paris notre député, le 31 décembre 1819, au moment où il pouvait se promettre de recueillir les fruits de longs travaux et d'une carrière bien remplie.


(La Semaine Religieuse du Diocèse de Rouen - 15e Année - Samedi 15 janvier 1881 - n° 3)

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