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La Maraîchine Normande
10 novembre 2014

LA BASTILLE - LA PRISON - LES PRISONNIERS - LES ARCHIVES - 1871

LA PRISON

 

 

La Bastille en 1690

 

 

Nous empruntons au bibliophile Jacob la description de la prison (Paris à travers les âges, Firmin Didot) :


"Après avoir franchi le second pont-levis jeté sur le fossé de la Bastille, on entrait dans le fort par une grande porte en chêne, toute revêtue de fer, à la suite de laquelle était une barrière à claire-voie, faite de grosses pièces de bois, entre-croisées, qu'on tenait fermée ordinairement à triple serrure et à doubles verrous, jusqu'à ce que le nouvel arrivant se fût fait reconnaître par le commandant du corps de garde chargé de veiller à l'entrée et à la sortie. L'intérieur de la forteresse se trouvait divisé en deux cours, l'une de cent vingt pieds de long sur soixante-douze de large, l'autre de même largeur sur quarante-deux pieds de longueur : la première cour était qualifiée de Cour d'honneur ; la seconde s'appelait Cour des cuisines, et n'était à vrai dire que la basse-cour de la prison. Le bâtiment à trois étages qui s'élevait entre les deux cours avait été construit sous le règne de Louis XIV, pour servir d'habitation au gouverneur et aux officiers attachés à divers services de la Bastille. Mais ceux-ci ne tardèrent pas à se sentir mal à l'aise dans un milieu où l'air ne se renouvelait pas suffisamment, et qui concentrait une atroce chaleur en été et une fraîcheur de cave dans les temps humides. C'est là ce qui fit établir hors de la prison l'hôtel du gouverneur.


Le rez-de-chaussée du bâtiment moderne, qui séparait les deux cours, était occupé, d'un côté, par la salle du conseil et par les archives, de l'autre côté, par les cuisines et leurs dépendances. Le lieutenant du roi, le major, le chirurgien et l'aumônier avaient conservé leurs appartements dans l'hôtel du Gouvernement, lorsque le gouverneur alla se loger plus sainement en dehors de la forteresse ; les chambres qui n'avaient pas d'emploi aux étages supérieurs furent attribuées à des prisonniers distingués, que leur famille mettaient sous la main du roi pour les punir ou pour les sauvegarder, et à des malades qui obtenaient de se faire soigner à leurs frais hors de la prison.


De la Cour d'honneur, on accédait directement aux escaliers des six tours qui l'environnaient avec leurs massifs ; les tours de la Liberté, de la Bertaudière, de la Bazinière, de la Comté, du Trésor, et de la Chapelle. Les deux autres tours, les tours du Puits et du Coin, n'avaient d'issue que dans la cour des Cuisines, où l'infection était permanente, à cause des fumiers, des eaux grasses et des débris d'animaux qu'on y accumulait. Les porte-clefs et les domestiques subalternes logeaient dans cette affreuse cour du Puits. La forteresse ne renfermait que des prisons, à l'exception d'une petite chapelle au rez-de-chaussée de la tour de la Liberté et d'une chambre de la Question, qui fut débarrassée du hideux appareil des instruments de torture, lorsque la question eût été abolie sous le règne de Louis XVI.

 

BASTILLE TOURS


Les quatre tours d'angle avaient cinq étages au-dessus des cachots. Les tours de la Chapelle et du Trésor n'avaient que deux étages, sans cachots ; celles de la Liberté et de la Bertaudière en avaient trois, avec des cachots inférieurs. Chaque étage contenait une seule prison, outre la cage de l'escalier de pierre. Mais cette prison demi-circulaire était fort grande, puisqu'on y réunissait quelquefois trois ou quatre détenus : autrement, la Bastille n'aurait pu avoir que cinquante à soixante prisonniers. Toutes les prisons étaient fermées par des portes épaisses de deux à trois pouces avec des serrures et des verrous énormes.


Les prisonniers qu'on enfermait seuls ne tardaient pas à se mettre en rapports avec leurs voisins, au moyen de coups frappés à la muraille et au plancher ; c'était là ce que l'on appelait le langage des murs. Les prisonniers détenus ensemble dans la même chambre, échangeaient entre eux leurs confidence et inventaient mille espèces de jeux pour passer le temps.


L'ordinaire de la prison n'était pas aussi frugal qu'on aurait pu le croire ; chaque prisonnier avait par jour une livre de pain et une bouteille de vin ; on lui apportait au dîner un bouillon et deux plats de viande ; au souper, une tranche de rôti, un ragoût et une salade. La cuisine, il est vrai, au dire des délicats, était peu soignée et souvent détestable. En somme, on ne mourait pas de faim, et le régime de la prison au pain et à l'eau n'était plus appliqué qu'à certains criminels de basse origine que des circonstances particulières avaient fait incarcérer avec des prisonniers arrêtés et détenus au nom du roi par ordre signé d'un ministre d'Etat.


Les ministres transmettaient directement les ordres du roi au gouverneur, qui avait, du reste, un pouvoir absolu dans le château confié à sa garde. Ce gouverneur n'était plus, depuis la Fronde, un grand officier de la Couronne, comme le duc de Sully, le connétable de Luynes, le maréchal de Bassompierre."

 

MARQUIS DE LAUNAY


Le dernier gouverneur fut le marquis de Launay (1776) ; c'était le poste que son père avait occupée jusqu'en 1749. On sait combien devait lui être funeste cette position à la fois honorifique et lucrative, car la place de gouverneur de la Bastille produisait, dit-on, plus de soixante mille livres par an. Il ne faut donc pas s'étonner que la plupart des gouverneurs, à partir du règne de Louis XIV, soient morts dans l'exercice de leurs fonctions qui exigeaient néanmoins une sollicitude de tous les instants, et, par conséquent, une vie absolument sédentaire ; ce qui a fait dire que le gouverneur de la Bastille était son propre prisonnier.

 

LES PRISONNIERS

On a publié mille horreurs sur les prisons de la Bastille ; le bibliophile Jacob, que nous citons plus haut, accuse naïvement les Jésuites d'y faire détenir depuis trente ans un écolier qui, à l'âge de douze ans, fit un jeu de mot contre son professeur, et cinquante romans ont des récits aussi vrais sur la Bastille ; nous n'avons voulu parler aujourd'hui que des murs, mais il serait temps qu'un savant historiographe relevât ce qu'il y a d'historique dans tant d'histoires des prisonniers, et démasque ce qui est méchant et fabuleux.


Avant Louis XVI la moyenne annuelle des prisonniers était de 40 ; on sait, rapporte M. d'Héricault dans son savant travail sur la prise de la Bastille, qu'on arrêta l'horloge un jour parce qu'elle leur déplaisait, ce qui n'annonce pas un régime terrible.


Le prisonnier de Sade, qui ne cessait d'envoyer au peuple des écrits datés de "l'antre", écrits qui préparaient la journée du 14, n'était pas au secret bien absolu. Ce vertueux était sorti dès le 12 juillet.


Quand on prit la Bastille le 14 juillet, dit M. d'Héricault, on y trouva sept prisonniers, quatre faux-monnayeurs, trois fous. Nous avons les noms. Un citoyen vertueux voulut adopter une de ces victimes de la tyrannie, "un vénérable vieilard". Il accourut le lendemain, affolé, traînant ce père adoptif à l'Hôtel de ville. Le vénérable vieillard aurait voulu étrangler le citoyen vertueux. Il le restitua aux électeurs, qui se hâtèrent de l'envoyer à Charenton.


"Point de cadavres, point de squelettes, point d'hommes enchaînés. Ce sont des bruits populaires dénués de fondement". Qui parle ainsi ? C'est la Bastille dévoilée, publiée pour célébrer la mémorable victoire. Mais on vit bien porter des chaînes en triomphe ? C'étaient les chaînes de l'horloge. Mais on promena lugubrement des tibias ? c'étaient les pièces anatomiques du chirurgien. Mais on convoqua solennellement le peuple à visiter un cachot effroyable ? C'était la glacière. - On torturait les victimes du despotisme au point de leur donner de la glace quand il faisait très chaud."


On enterra au cimetière Saint-Paul, sous un tombeau construit aux frais de l'Etat les tibias enlevés au cabinet du docteur, qu'on attribuait à des victimes, alors qu'on refusait sur la fosse commune une pierre à un roi, à une reine, et bientôt à un enfant cruellement martyrisé et enterré près de cette Bastille.

 

BASTILLE PRISE

 

Le 14 juillet, à cinq heures du soir, la Bastille était prise par le peuple et ses prisonniers délivrés. Il ne restait alors dans la prison que sept personnes :

1° - JEAN BECHADE LA BARTE, employé ;
2° - BERNARD LAROCHE, âgé de 18 ans, employé ;
3° - JEAN LA CORREGE, employé ;
4° - JEAN-ANTOINE PUJADE, négociant ;
Tous quatre enfermés au mois de janvier 1787 et accusés d'avoir fabriqué de fausses lettres de change.
LE COMTE DE SOLAGES, enfermé en 1782 à Vincennes, sur la demande de son père, pour cause de dissipation et de mauvaise conduite, et transféré à la Bastille le 28 février 1784 ;
TAVERNIER, accusé de complot contre la vie du Roi, enfermé d'abord pendant dix ans aux îles Sainte-Marguerite, puis transféré à la Bastille le 4 août 1759 ; il était en état de délire. Il fut placé à Charenton peu de temps après sa sortie de la Bastille ;
LE COMTE DE WHYTE DE MALLEVILLE, enfermé d'abord au château de Vincennes, puis transféré à la Bastille le 29 février 1784. Il était ordinairement en état de délire depuis plusieurs années : il fut aussi placé à Charenton quelques jours après sa sortie de la Bastille. (Extrait : Le registre d'écrou de la Bastille, de 1782 à 1789 par Alfred Bégis 1880)

 

LES ARCHIVES

La Bastille contenait peu de prisonniers, mais de merveilleuses archives ; c'est là qu'on plaçait les papiers auxquels on attachait plus de prix : les traités de paix, les écrits confidentiels.


Il semblait que les gros murs et les vastes serrures missent ces richesses à l'abri ; elles furent dilapidées les premières en 1789.


Ce trésor, dont on célébrait à nouveau la perte irréparable le 14 juillet dernier, devait être bien précieux si l'on juge par ce que l'on connaît encore, mais que la France ne possède plus. Un Russe, M. Dobrowsky, grand amateur de livres et de manuscrits, qui était à Paris en 1789, recueillit en effet une partie des grands portefeuilles en maroquin rouge que le peuple jetait à la rue ; il en racheta d'autres aux ignorants.
En 1805, l'empereur Alexandre de Russie acheta ces débris et les fit installer avec honneur dans une salle spéciale de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, où ils se trouvent encore (Il y a un grand nombre de manuscrits relatifs à l'histoire de France ; nos traités de paix avec les différents pays et des notes confidentielles sur l'histoire, qu'il a paru bon de ne pas publier.).


En 1812, lorsque la grande armée pénétra en Russie, on s'effraya à Saint-Pétersbourg de voir le trésor tomber aux mains de Napoléon ; on le cloua donc en douze caisses pour être caché au fond de la Sibérie.


Ces circonstances et la suivante montrent le prix considérable qu'on attache à ces papiers. Chaque soir, avant de se retirer, le conservateur doit, par une mesure toute exceptionnelle, après avoir fermé la porte de la salle des documents français, nouer deux bouts de corde fixés à chaque battant, enduire le noeud de cire et y apposer son sceau. (M. Léouzon-Leduc, chargé d'une mission de l'instruction publique à Saint-Pétersbourg, dans son livre : Volaire et la police, dossier recueilli dans les manuscrits originaux enlevés à la Bastille en 1789. Ambroise Bray, 1867)

 

LA BASTILLE EN 1871


1871

Avant les fêtes du 14, destinées à renouveler chaque année les émeutes en France, la place, berceau des révolutions, a eu un jour de grand éclat en 1871.
On vit sortir du canal des flammes immenses ; c'est que là était la réserve du pétrole, et la colonne faillit couler, comme la lave d'un volcan.


La censure qui nous avait interdit de publier ce spectacle au 14 juillet, dans le Pèlerin, nous le permet aujourd'hui.

V. de P.B.
La Croix
Août 1880 - 5e livraison

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