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La Maraîchine Normande
21 octobre 2014

DE LAUNAY - COMMANDANT GÉNÉRAL DE L'ARMÉE DU CENTRE ET DE LA DIVISION DES SABLES

DE LAUNAY

C'est une des figures les plus étranges des guerres vendéennes que le lieutenant de Charette de Launay. (Il signait ainsi ; voir une pièce reproduite dans les Mémoires de Poirier de Beauvais, page 370).


Il se disait gentilhomme normand et, d'après de Bourniseaux, se vantait d'être "parent de l'ancien gouverneur de la Bastille en 1789" ; mais on n'a jamais pu savoir d'une manière certaine à quelle famille il appartenait, ni quel était son pays d'origine. Son accent semblait prouver qu'il était bien de la Normandie. "On a prétendu qu'il avait été curé constitutionnel". (La Fontenelle de Vaudoré)


Il avait environ trente ans. Tous ceux qui l'ont connu s'accordent à dire qu'il était de visage agréable, avait beaucoup d'esprit, de l'instruction, une éloquence naturelle et intarissable, un courage brillant, même "héroïque", dit Poirier de Beauvais, mais intermittent, suivant Lucas de la Championnière, et variant avec la quantité d'eau-de-vie qu'il avait bue avant le combat. Il mentait audacieusement et, chose singulière, "affectait un parfait athéisme, même dans la Vendée". (Alphonse de Beauchamp, Histoire de la guerre de la Vendée, 4e édition, tome III, page 388)


Il servait parmi les républicains quand il fut pris par la grande armée royaliste à Fougères (de Bourniseaux).
Lucas de la Championnière écrit dans ses Mémoires sur la Guerre de la Vendée (page 123) : "Il dut la liberté et la vie à un des chefs qui l'avait fait prisonnier et remplit quelque temps auprès de lui le vil emploi de palefrenier".


Mais il n'était pas homme à rester garçon d'écurie, ayant au plus haut degré l'esprit d'intrigue et l'ambition de parvenir. Il se battit "pour la cause royale avec valeur à la Flèche et à Dol" (de Bourniseaux), et sut se faire bien voir du général de Sapinaud qui l'emmena avec lui dans la Vendée après la déroute du Mans.


Arrivés aux environs de Mortagne-sur-Sèvre, ils y trouvèrent du Chillou, de Concise et de Vaugiraud et réussirent à rassembler une petite armée où de Launay fut nommé "commandant général de l'infanterie". Il acquit vite sur les soldats une grande influence, grâce à ses harangues pleines de verve, malgré sa voix de femme et "ses formes peu viriles" qui lui donnaient l'apparence "d'un hermaphrodite".


Il paraissait d'autant plus attaché à Sapinaud "qu'il était amoureux de sa soeur". (de Bourniseaux).
"Mal accueilli dans ses prétentions" il quitta l'armée du Centre. Allard, chez lequel il s'était caché en arrivant dans le pays, le conduisit à Charette qui lui donna d'abord les fonctions de major de division, puis le mit à la tête de sa division des Sables d'Olonne commandée auparavant par le vieux général Joly.

 

de Launay 3


C'était en juillet 1794.


Le 17 de ce mois, au combat de la Chambaudière, "il s'avança, comme un hussard pour narguer l'ennemi ; une balle lui traversa la poitrine : sa blessure semblait mortelle ; cependant il fut guéri en très peu de temps." (Lucas de la Championnière, Mémoires, page 97.)


C'est lui qui, le 5 septembre suivant, entra avec l'avant-garde de Charette dans le camp de la Roullière aux portes de Nantes et en chassa les Républicains. "Il fit des prodiges de valeur", dit le Bouvier-Desmortiers (Vie du général Charette, p. 236).


Le 14, à l'assaut du camp de Fréligné près de Touvois, il fut encore blessé d'une balle dans la poitrine. (La Fontenelle de Vaudoré, Biographies des Vendéens et des Chouans publiées en 1890, par M. René Vallette dans la Revue du Bas-Poitou, sous le titre Autour du Drapeau blanc).


D'après les papiers du même auteur conservés à la Bibliothèque municipale de Niort, lorsque Joly eût été assassiné, "Delaunay somma sa femme de dire où étaient les trésors de son mari. Celle-ci s'y refusa d'abord ; menacée de mort elle conduisit le divisionnaire au lieu où était la cachette. Delaunay s'étant assuré de la vérité de la révélation mit à mort la malheureuse épouse de Joly."

Lucas de la Championnière, le plus impartial des historiens de la Vendée, confirme cette accusation dans ses mémoires (pages 91 et suiv.). "La manière splendide avec laquelle Launay vécut depuis dans sa division, dit-il, ne donne que trop d'autorité à de pareils bruits. Nous verrons bientôt que son crime ne resta pas impuni."


Dans les premiers jours de décembre 1794, de Launay se joignit à Charette, Sapinaud, Poirier de Beauvais, de Fleuriot, Baudry d'Asson et autres chefs vendéens pour tenir le 6, à Beaurepaire, quartier général de l'armée du Centre, un conseil où fut proclamée la rupture du pacte de Jallais conclu avec Stofflet, rupture à la suite de laquelle chaque armée reprit son autonomie. De Launay fut chargée de la rédaction de cet arrêté.


Jusqu'à la paix de la Jaunaye, il employa ses troupes à ravager les environs des Sables d'Olonne pour affamer cette place. Il avait alors sa résidence au château de la Bouchère près de Belleville.


Quand il vit Charette décidé à traiter avec les Représentants du peuple, il devint furieux contre lui. Il dit hautement que c'était un traître et "qu'il lui casserait la tête d'un coup de pistolet".


Il refusa de signer le traité du 17 février 1795 et partit de la Jaunaye en toute hâte pour Clisson, avec Savin et Le Moëlle, afin de s'emparer de l'armée de Charette en son absence. Arrivés à Clisson "ils envoyèrent une protestation contre la paix, motivée et signée par eux." De Launay rêvait de prendre dans l'armée du Centre la place de Sapinaud qui avait adhéré au traité ; Savin aurait remplacé Charette dans l'armée du Bas-Poitou et du Pays-de-Retz. C'était aussi le désir de Poirier de Beauvais très hostile à la pacification, car il écrit dans ses Mémoires, page 341 : "Nous aurions mis Savin à la tête de l'armée de Charette, de laquelle à juste titre il possédait la confiance, et nommé de Launay général de l'armée du Centre ; il y était adoré." Ce plan avait été agréé par Stofflet.

 

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Charette sut que de Launay menaçait de lui "casser la tête". Il résolut de se venger et courut à Belleville dans la soirée du 17 février s'assurer de la fidélité de ses troupes.


Savin ayant fait promptement sa soumission, il sembla lui pardonner ainsi qu'à Le Moëlle ; mais apprenant que de Launay était arrivé au château de la Bouchère, il y envoya Prudent de la Robrie avec des cavaliers pour l'arrêter. De Launay était sur ses gardes et s'enfuit au camp de Stofflet en Anjou, "avec ses meilleurs chevaux et ses trésors", dit La Fontenelle de Vaudoré.


Bien qu'il eût à se plaindre de lui qui avait rédigé l'arrêté de Beaurepaire, Stofflet le reçut dans son armée et subit bientôt l'influence de cet homme intelligent et rusé.


De Launay se mêla activement aux négociations engagées entre l'armée d'Anjou et les Représentants du peuple pour conclure enfin la paix, et le 2 mai 1795, près de Saint-Florent, il signa, avec Stofflet, Poirier de Beauvais, Monnier et une foule d'autres chefs secondaires, la déclaration de soumission "aux lois de la République".


Mais bientôt le marquis de Rivière, aide-de-camp du comte d'Artois, réussit à réconcilier Stofflet avec Charette.
Le 8 ou le 9 mai, au château de Beaurepaire, chez Sapinaud, ils eurent une entrevue où les trois généraux se partagèrent le commandement des armées royalistes.


Charette, tenace dans ses vengeances, demanda qu'on lui livrât de Launay. On accusa celui-ci d'avoir voulu empoisonner Stofflet "en lui versant de la liqueur avec une bouteille à double fond". Une lettre circulaire signée des trois chefs fut envoyée aux trois armées ordonnant de l'arrêter.


Il fut livré à Sapinaud, dit Chassin (Pacification de l'Ouest, tome Ier, page 356) comme "scélérat et voleur", mais il s'échappa.


Au bout de trois semaines le commandant de cavalerie Bossard le retrouva à Saint-Malo-du-Bois et le conduisit à Belleville résidence de Charette. Le général en chef était absent. De Launay, espérant sans doute qu'il n'oserait le faire mettre à mort, ne chercha pas à s'enfuir de nouveau. Il alla voir ses amis qui le rassurèrent.


Mais Charette revint à Belleville, et, apprenant qu'il s'y trouvait, fit venir le colosse allemand nommé Pfeiffer qui lui servit de bourreau : "Va-t'en, lui dit-il, me fusiller cet homme ; s'il reparaît devant moi, je vous brûle la cervelle à tous deux."


De Launay était en ce moment chez le bon M. de Couëtus, général en second de l'armée, et causait avec ses deux filles. Le féroce Pfeiffer entra. Malgré les supplications de Melles de Couëtus, il arracha de Launay de la maison, après l'avoir garrotté, l'entraîna dans un taillis voisin et l'y tua à coups de sabre.


Son corps, dépouillé de ses vêtements, resta plusieurs jours sans sépulture, montrant, dit Lucas de la Championnière, "les blessures honorables qu'il avait reçues aux deux côtés de la poitrine".

JOSEPH ROUSSE
Revue de Bretagne et de Vendée
2e Série - 4e Année
Juillet 1905 - Tomme XXXIV

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