COURLAY (79) - PAROLES DE JOSEPH TEXIER
Nous partîmes pour Courlay. C'étoit toujours cette multitude de champs plus ou moins grands, entourés de haies soutenues par des arbres ; mais les chemins étoient plus profonds, les champs moins étendus, les arbres plus touffus, les ruisseaux plus forts, et les terres exigeant un long repos, servent presque toujours de pâturages. On sent bien ici qu'on est dans le Bocage.
Nous arrivâmes à Courlay où nous voulions voir Joseph Texier.
"Puis-je me fier à eux," demanda-t-il d'abord à Fonteny qui nous guidoit, et sur sa réponse affirmative ; tout son coeur nous fut ouvert.
C'est lui qui en 1814 vint aux Tuileries, et qui disoit, à la vue des aigles et des N : "Rien n'est changé ici, nous n'y resterons pas longtemps."
Il refusa la croix de Saint-Louis, ne voulant pas, disoit-il, de récompense pour lui, mais pour ses compagnons.
L'élévation de son âme et de son esprit nous étonna, "J'étois à leur tête pour les pousser, nous disoit-il en parlant des paysans qui servoient sous lui ; quand je dis pour les pousser, je n'en avois pas besoin, et pour cela il auroit fallu être par derrière."
"Vous aurez votre épée d'honneur, lui disions-nous. - Je ne m'inquiète pas de cela, pourvu que ma religion et mon Roi soient bien ; c'est tout ce que j'ai voulu."
Je lui demandai si les sentimens de tous les Vendéens étoient toujours les mêmes. "Il y en a beaucoup qui ont dérogé, me répondit-il. Ah ! monsieur, les honnêtes gens deviendront rares. Il faudroit que nous pussions confier nos enfans à de bonnes mains ; mais aujourd'hui on ne leur apprend plus que la belle parole : la religion, on n'y pense pas."
Extrait :
Voyage dans la Vendée
et dans le midi de la France
par M. Eug. Genoude
1821