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La Maraîchine Normande
30 septembre 2014

LA VENDÉE, LA GUERRE

Sacré-Coeur

 

LA VENDÉE, LA GUERRE

De tous les fléaux qui peuvent affliger l'humanité, la guerre devient facilement le plus grand. Que peut-il y avoir de pire ? la peste, la famine ? mais souvent elle les traîne après elle. Considérez même les guerres les plus régulières, celles qui se font par calcul, sans haine, sans presque aucune animosité, pour des intérêts éloignés ; ne semble-t-il pas odieux et absurde que l'on dépense tant de savoir, tant d'intelligence, tant de force, que l'on consomme tant de richesses pour s'entre-tuer, et qu'un seul coup de canon puisse coûter plus que le pain nécessaire pour nourrir un malheureux pendant une année entière ? A beau jeu qui vent déclamer contre un pareil emploi des forces humaines.


S'agit-il d'une guerre civile, c'est bien pire. Que de haines, de spoliations ; que de dévergondages ; que de brigandages et de massacres peuvent en devenir la conséquence.


Or, parmi les guerres et les guerres civiles, il y en a peu qui ont amené tant de désastres, fait tant de victimes, provoqué tant de désordres que la guerre de la Vendée. Et voilà cependant qu'elle nous apparaît comme une grande et belle chose ; nous y applaudissons, nous nous en honorons, et nous ne voudrions pas, pour toutes les prospérités du monde, que la perspective de ce qui allait arriver et les observations des hommes clairvoyants qui hésitèrent à se mettre à leur tête, eussent arrêté ces courageux jeunes gens, ces paysans héroïques, qui, au mois de mars 1793, se sont soulevés contre une tyrannie qui leur paraissait insupportable.


Leur mobile principal était leur attachement à leur religion déjà fortement atteinte par la persécution. Or, au point de vue de la foi, il n'y a pas de plus grand mal que le péché ; et cette guerre cruelle allait faire commettre des péchés par milliers ; elle devait plus d'une fois provoquer des excès condamnables de la part même des défenseurs de la cause catholique et royale.


Pour avoir une idée de la perturbation que peut apporter dans les esprits et les moeurs la mise en dehors de toutes les conditions normales de la vie, produites par une semblable guerre, qu'on se rappelle cet officier de l'armée vendéenne qui, commandé pour faire fusiller une pauvre femme, servante d'un curé assermenté, qui était convaincue d'espionnage, jugeait qu'il lui était permis, en conséquence, de la déshonorer avant de la faire mourir. Ce n'était pas, il est vrai, et grâce à Dieu, un Vendéen, mais un déserteur de l'armée républicaine, connu seulement sous le surnom de Piquet, et Stofflet, indigné, le fit lui-même impitoyablement fusiller, bien qu'il servit bravement la cause à laquelle il s'était rallié ; mais où en était-on pour qu'une semblable répression eût été nécessaire ?


Et bien, malgré tout, malgré tant d'horreurs, malgré le Mans, Savenay et les colonnes incendiaires, malgré tant de crimes dont la guerre de la Vendée a été l'occasion, cette grande guerre demeurera une gloire pour le pays qui l'a soutenue, et finalement dans cette alternative, ou d'entreprendre une pareille lutte avec toutes les conséquences, ou de laisser passer la Révolution sans lui résister, il est préférable et bien préférable pour la France et pour la Vendée elle-même d'en avoir subi toutes les rigueurs, afin d'en obtenir les résultats. De deux maux, quand on peut choisir, ne faut-il pas choisir le moindre ? Or, pour un pays chrétien, il n'y a pas de plus grand mal que de se laisser enlever sa religion sans résistance ; et c'est aussi un grand mal, mal analogue et quelquefois d'une égale portée, de se laisser enlever, sans les défendre, les institutions séculaires qui, en protégeant l'ordre social, protègent votre religion elle-même.


Si vous ne résistez pas alors, si vous ne vous défendez pas, en ayant le droit, c'est aveuglement, ou pusillanimité, ou impuissance : c'est que vous manquez de ressort. Or, tous les maux qui peuvent menacer un pays, le pire c'est qu'il manque d'énergie pour le bien.


Celui qui résiste légitimement à un mal ne saurait être responsable de tout ce que sa résistance peut amener de douloureuses conséquences. Et cependant son courage même, exaltant ses adversaires, peut provoquer chez eux un redoublement de vigueur. On sait que le mal se présente toujours sous couleur de bien, et que l'on peut apporter à la défense d'une mauvaise cause toute l'énergie des facultés que nous avons reçues pour le bien. Si donc le mal lui-même est soutenu énergiquement, il faudra combattre à outrance, et quand il s'agit surtout d'une guerre civile, la lutte acquerra des proportions épouvantables. Vaudrait-il mieux n'avoir pas résisté ?


Quelque soient cependant les enivrements du combat, la surexcitation des passions, les cris de la nature provoquée à la vengeance, l'homme conserve dans les crises les plus violentes la responsabilité de ses propres actions. Les circonstances peuvent en diminuer la culpabilité, mais elles ne sauraient être disculpées si au fond elles sont mauvaises. Et rien n'est plus préjudiciable aux bonnes causes que les actions coupables de leurs propres défenseurs.


Dans les convulsions sociales, les grandes responsabilités n'en remontent pas moins aux grands coupables qui en ont été les véritables fauteurs. Tout ce qui fait alors gémir la nature, tout ce qui excite la haine, tout ce qui porte  à la licence accuse, à proportion de leur degré de sourde perversité, ceux qui ont propagé, peut-être d'abord dans l'ombre, les erreurs et les vices, dont la perturbation sociale n'a été que la conséquence. Et lors de l'explosion, il faut encore distinguer entre ceux qu'ont animé les convoitises les plus criminelles et ceux qui ont seulement cédé à l'entraînement d'un torrent désordonné.


Au milieu du pêle-mêle des évènements, il nous est souvent bien difficile de porter un jugement complet sur les hommes qui y prennent part. Mais l'oeil de Dieu ne laisse rien échapper. Il ne perd jamais de vue, comme étant à lui, ceux qui combattent pour sa cause, alors même qu'il leur échappe quelques écarts. Et si, dans les rangs de ses ennemis, il se fait quelques bonnes actions, il leur en tient compte également, et il ne confond pas les faibles avec les pervers. Il y a aussi des hommes qui, par peur, dépassent ceux-là même dans le mal ; mais des lâches de cette espèce on ne saurait en parler que pour leur réserver le dernier des mépris.


Laissez faire ; Dieu saura toujours reconnaître les siens. Ce mot, sous la forme plus cruelle encore que lui attribue une fausse histoire, n'a point été dit dans le sens monstrueux qu'on lui a donné pour légitimer le sac de Béziers, mais la catastrophe accomplie, en dehors de tout calcul et sans excuser les véritables auteurs du massacre, on a pu le dire, ce mot, et il est permis de le répéter par rapport à la Providence divine, sans la permission de laquelle il n'arrive pas de mal qui ne doive aboutir à des résultats conformes à sa parfaite bonté et à sa suprême sagesse.


Dieu a ses héros et ses victimes de choix qui, par le fait des crises sociales, s'élèvent pour l'éternité à des degrés suprêmes de mérite et de gloire. S'ils étaient restés dans la voie des vertus faciles, ils n'auraient été que de vulgaires honnêtes gens. Peut-être même que, croyant pouvoir satisfaire honnêtement des passions modérées, ils se seraient énervés jusqu'au point de se perdre ; retrempés au contraire par l'épreuve, ils se sont montrés capables de tous les courages. Tout bien pesé dans une juste balance, il arrive, de la sorte, que la somme de bien réalisée définitivement surpasse de beaucoup la rigueur des moyens que le souverain Modérateur de toutes choses laisse passer, sachant bien comment il les tournera en remède.


Jamais il n'est permis de faire le moindre mal, même avec la pensée d'en tirer le plus grand bien ; mais il est parfaitement dans l'ordre d'entreprendre un bien, même en prévoyant qu'il sera une occasion de mal, si l'on prévoit aussi que ce mal, finalement, sera tourné à bien. En cela, nous pouvons imiter, quoique de bien loin, notre Père céleste. Lui, il ne se contente pas de prévoir le bien qui résultera d'un mal ; il oblige le mal à produire le bien qu'il s'est proposé en le laissant faire. Mais, de part et d'autre, on peut considérer dans le mal le bien qui en proviendra : Dieu, en le permettant, nous, en lui donnant occasion de se produire, jamais d'une part ni de l'autre en le produisant par son action propre. Le mal ne peut jamais être produit que par un abus, toujours coupable, de la liberté.


Or, s'il nous est permis de donner occasion à un mal en faisant le bien, parce que nous pouvons prévoir que le mal, ainsi produit à notre occasion, devra néanmoins avoir pour conséquence un bien final, il nous sera également permis de faire un bien avec prévision du mal qu'il occasionnera, sans prévoir directement le bien qui pourra en résulter, mais sachant que Dieu non-seulement forme cette prévision, mais qu'il a la volonté et le pouvoir d'atteindre cet heureux résultat. Et, dans ce sens, voyant un bien à faire et par de là, quant aux suites de son action, l'exaspération du mal opposé, et par de là encore rien que les ténèbres d'un inconnu menaçant, on peut se dire résolument : Fais ce que dois, advienne que pourra, et agir en conséquence.


Ce qui est advenu de notre guerre de géants, par de là tant de violences, de spoliations, de massacres, d'incendies n'est plus un mystère. Nous lui avons dû le relèvement des autels en France et le Concordat, et nous lui avons dû, douze ans plus tard, le rétablissement du trône de nos rois et la Restauration.


Que ces biens aient été sans mélange et à l'abri de nouvelles vicissitudes, personne ne saurait le prétendre. Mais qu'on me montre, un bien sur la terre qui soit sans mélange et garanti de toute vicissitude. Par de là, l'esprit étroit qui, tout en comprenant la nécessité de rendre à la religion une existence légale en France, avait voulu en faire un instrument de règne tout personnel, il y eut les forces vives de l'esprit chrétien franchissant les limites qu'une trop stricte légalité essaya de leur opposer, elles firent largement produire au Concordat ses justes conséquences.


Quatre-vingts ans après, se sont retrouvées debout, rajeunies et adaptées aux conditions nouvelles de l'état social, toutes les institutions religieuses qu'on avait cru dix ans auparavant avoir détruit d'un seul coup par la violence, cette violence contre laquelle avait réagi l'insurrection vendéenne. Aujourd'hui, il faut au moins compter avec ce souvenir et chercher d'autres procédés pour atteindre le même résultat. Nous ne savons quel sera sur les masses le succès d'un calcul infernal, mais, quoiqu'il arrive, il y a des âmes qui, trempées par les grands exemples qu'elles ont reçue de nos pères, ne cèderont jamais aux efforts qui peuvent être faits pour nous déchristianiser.

GRIMOUARD DE SAINT-LAURENT
Revue de la Société littéraire, artistique et archéologique de la Vendée
1ère année - 1ère livraison
1882

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