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La Maraîchine Normande
27 septembre 2014

LA GAUBRETIERE (85) - JACQUES YOU, CURÉ - FRANCOIS THIBAULT, VICAIRE ...

LA GAUBRETIERE

YOU Jacques, Curé.
THIBAULT (François), Vicaire.

 

église de La Gaubretière

 

M. René-Esprit Chesneau, curé de la Gaubretière depuis 1729, étant devenu incapable en 1779, à l'âge de 84 ans et après 50 ans de ministère, M. You, qui était son vicaire depuis le 25 avril 1765, fut appelé à lui succéder.

Il était né, en 1743, à l'Herbaudellerie, village de la paroisse de la Gaubretière, et était l'aîné de cinq enfants. Le 19 juillet 1786, il enterra son prédécesseur, mort à 91 ans, et célèbre, le 17 novembre 1788, le mariage de "messire Maurice-Joseph-Louis Gigot d'Elbée, ancien officier de cavalerie, avec demoiselle Marguerite-Charlotte du Houx de Hauterive, dont le père commandait pour le roi dans l'île de Noirmoutier." M. You refusa le serment constitutionnel ; il signa, pour la dernière fois, sur les registres paroissiaux, le 18 juillet 1792, ne quitta pas le pays, se cachant tantôt chez sa mère à l'Herbaudellerie, tantôt à la Petite Renaudière, tantôt aux Laitières, et échappa à la grande tuerie du 27 février 1794. C'est en sortant, cette nuit-là, de la messe célébrée par M. You à la Renaudière, que le père Rangeard, maréchal-ferrant, et quelques vieillards du bourg, furent arrêtés, sur le chemin de la Verrie à Beaurepaire, par les bleus, et, sur leur refus de crier "Vive la République !" furent tous hachés à coups de sabre. Les femmes qui les accompagnaient s'étaient dissimulées dans un champ de genêts. M. You était caché lui aussi non loin de là. Après le départ des bleus, il accourut à la hâte, et vit l'horrible spectacle. Il prononça les dernières prières sur les cadavres, qu'il fit conduire à la Gaubretière sur une charrette à boeufs, et inhumer secrètement dans le cimetière de la paroisse.

 

signature curé You


M. You mourut à la Renaudière, d'une fluxion de poitrine, au mois de juillet suivant, assisté par un confrère, M. Texier-Desjardins, à qui il confia, en mourant, le soin de sa paroisse.


M. Thibault, vicaire à la Gaubretière depuis le 8 janvier 1781, ne prêta pas le serment schismatique. Il obéit à la loi de déportation, et, le 19 septembre 1792, comparut devant la municipalité de Saint-Gilles-sur-Vie, avec huit autres prêtres insermentés des environs, dans l'intention de passer en Espagne. Quelques-uns, qui avaient dû s'embarquer aux Sables-d'Olonne, avaient trouvé le navire parti, et étaient venus à Saint-Gilles où le sieur Cavois avait promis de leur trouver un embarquement. Le procès-verbal de comparution porte que "led.t Thibaud est âgé de 41 ans, taille de 5 pieds 4 pouces, sourcils et barbe noire, gros yeux, nez un peu aquilin, bouche médiocre, menton rond, front large et portant perruque".


Le 4 octobre, M. Thibault et onze autres prêtres furent conduits à Croix-de-Vie par la garde nationale, après avoir été dépouillés de l'or et de l'argent "qu'ils auraient pu exporter du territoire de la République". Le capitaine Mornet les prit à son bord pour les transporter à Saint-Sébastien, et délivra à la municipalité de Saint-Gilles un certificat d'embarquement.


Arrivé à Saint-Sébastien, M. Thibault s'établit à quatre kilomètres de là, à Guétaria. En 1794, il dût quitter cet asile, menacé par les incursions des patriotes français dans le Guipuscoa. Mgr de Mercy écrivait à ce propos à M. Paillou, le 14 octobre 1794 : "Je reste inquiet sur nos frères de Guétaria ; mon coeur sera en peine tant que vous ne pourrez pas me donner de bonnes nouvelles de tous."


M. Thibault s'était retiré à Mascueras, d'où il adressa une lettre à sa famille le 1er juillet 1796 : c'est le dernier souvenir qu''on ait de lui ; il mourut probablement à Mascueras peu après cette date.


Un certain nombre de prêtres insermentés se réfugièrent à la Gaubretière pendant la tourmente révolutionnaire, et y maintinrent sans interruption le culte et la tenue des registres paroissiaux. Quatre d'entre eux, du diocèse d'Angers, furent tués le jour du grand massacre, le jeudi gras, 27 février 1794. Parmi ceux qui échappèrent, on peut citer, M. You, le curé de Saint-Pierre de Chollet, et deux missionnaires de Saint-Laurent, MM. Supiot et Renaud, qui célébrèrent la messe dès les premiers jours de mars dans une grange incendiée de la ferme de la Soularderie.


Pierre Rangeard, de la Gaubretière, qui a laissé un récit de ces évènements, dit que M. Durand, curé de Torfou, parent de sa mère, était allé chez elle, ainsi qu'un autre M. Durand, curé de Saint-André de la Marche. M. Buffard, vicaire de la Verrie, disait la messe dans le petit bois de Bouillé. M. Oger, desservant de Saint-Aubin-des-Ormeaux, la disait dans un grand champ de genêts derrière la métairie de la Jambière ; M. le curé de Bazoges à la Touche-aux-Roux, dans des rochers sur le bord de la Crûme ; le vicaire de Saint-Martin, retiré à la Petite-Fauconnière, officiait dans les bois taillis de la Châtaigneraie ; on comptait trente-deux prêtres dans le même cas.

 

La Gaubretière


Dans un Mémoire pour la citoyenne Monsorbier, épouse Vigneau, Cavoleau, défenseur, rapporte "qu'après la mort de M. le curé You, l'autorité ecclésiastique mit à sa place un desservant fortement attaché à ses principes religieux, mais d'une probité sévère, et remplissant jusqu'au scrupule ce qu'il croyait son devoir. Un vide de plusieurs mois dans les registres de l'état-civil pouvait compromettre le sort d'une foule de citoyens. Le prêtre Desplobein sentit qu'il était important de le remplir et il invita les habitants de la Gaubretière à lui faire la déclaration des morts et des naissances dont ils avaient été les témoins."


M. Desplobein (1), curé de Puymaufrais, se cachait en effet à la métairie de Vauvert, où s'étaient également réfugiées des religieuses Augustines de Chollet, dont il sera parlé plus loin.

 

signature Desplobein


M. Desplobein tint les registres de la Gaubretière du 7 septembre 1794 au 1er mars 1795, et les signa : "curé desservant de la Gaubretière".

Mais, en effet le véritable successeur de M. You fut M. Nicolas-René Le Texier-Desjardins, prêtre breton, vicaire de Clion, canton de Pornic, né le 6 juin 1759, ordonné le 2 juin 1787, réfugié à la Gaubretière, et qui avait assisté M. You à ses derniers moments.

 

signature Le Texier Desjardins

 


M. Desjardins signa les registres paroissiaux dès le 5 juillet 1794 jusqu'au 8 octobre 1798, avec le titre de "vice-gérant de la Gaubretière". Prêtre et chirurgien, il assistait à la fois les âmes et les corps et soignait les soldats blessés sur le champ de bataille. Il établit un hôpital au château de Boistissandeau dès le mois de février 1794, et en fut le médecin en chef ; une compagnie de volontaires vendéens assurait le service de garde des malades et des approvisionnements. On y soigna jusqu'à 120 blessés ou malades. Mais, à la fin, les vivres manquèrent, l'ennemi devint menaçant ; il fallut évacuer l'hôpital et se cacher dans les genêts et dans les bois.


Il avait été secondé dans les soins nécessaires aux hospitalisés par une infirmière aussi entendue que dévouée, Jeanne Guesdon, dont les parents avaient été tués et la maison incendiée le jour du grand massacre. Elle a laissé des souvenirs manuscrits dont voici un extrait : "Lorsque nous quittâmes le Boistissandeau, les malades en état de marcher furent renvoyés ; les autres, nous les conduisîmes, en janvier 1795, sur des charrettes, jusqu'à la Gaubretière. Là, nous nous établîmes dans une maison à moitié brûlée que l'on couvrit avec des branches. Nous continuâmes d'y soigner les malades et les blessés qui nous arrivaient de tous côtés. Jusqu'à la fin de la guerre, M. Desjardins, une religieuse, Mme de Saint-Laurent, et moi nous avons soigné tous les blessés, quelquefois obligés de nous sauver dans les bois avec nos malades, que nous emmenions comme nous pouvions. Lorsque les colonnes étaient passées, nous rentrions. Il n'y avait que l'amour de Dieu qui pouvait nous soutenir à panser des blessés dont les plaies trop souvent nous infectaient. Mais, ce M. Desjardins était si bon, si charitable, il soutenait notre courage. Chaque soir, après que les malades avaient eu tout ce qu'on pouvait leur procurer, ce saint prêtre nous faisait la prière. Comme nous priions tous de bon coeur, car nous nous disions chaque soir ; ce sera peut-être pour la dernière fois ! Effectivement, chaque jour nous perdions quelques uns des nôtres." Jeanne Guesdon survécut jusqu'à 80 ans.


M. Desjardins n'échappa pas aux dénonciations des fonctionnaires patriotes qui tenaient à se faire valoir. Le citoyen Merlet, commissaire du pouvoir exécutif près l'administration municipale du canton de Saint-Fulgent, adresse, le 15 ventôse an V, la lettre suivante au citoyen commissaire du Directoire exécutif près l'administration départementale de la Vendée :
"Saint-Fulgent, le 15 ventôse an V de la République française.
Citoyen, l'agent de Bazoges en Paillers m'a chargé de vous instruire que plusieurs prêtres se rassemblent journellement dans des maisons isolées. Il a été averti, à ce qu'il m'a dit, par plusieurs personnes de la campagne, que le curé de la Gaubretière disait journellement qu'aux frontières tout était en le plus grand désordre, que la troupe n'était ni chaussée, ni habillée, ni payée, et qu'ils étaient tous prêts à déserter, et que la plus grande partie de la Convention était d'accord avec les assassins pour les assassinats qui se commettent journellement, et que le gouvernement fait ouvrir les prisons, afin de faire commettre de nouveaux assassinats pour occasionner la contre-révolution qui ne doit pas tarder à éclater, et que le peuple de Paris criait publiquement : Vive le roi ! dans les rues, et qu'ils sont sur le point de prendre les armes contre la République. Il veut persuader au peuple des campagnes qu'ils ne doivent point payer d'impôts, ni de fermes de domaine national, leur disant que c'est du bien volé, qu'il est aussi bien à eux comme à la nation.
Salut et fraternité,
Merlet."


Une instruction fut ouverte, le 4 germinal suivant, contre M. Desjardins, et donna lieu à des dépositions dans le genre de celles-ci :
"Le premier, Pierre Aubin, officier de santé et agent municipal de la commune de Bazoges en Paillers, déclare qu'il n'a aucune connaissance des faits énoncés dans la dénonciation faite au département, qu'il ne connaît ni la moralité, ni le physique de la Gaubretière, si ce n'est que sur la fin du mois de pluviôse dernier, un nommé Massé, ci-devant domestique de feu Sapinaud, père, fut chez le déposant et lui dit que le curé de la Gaubretière était un scélérat et un monstre, et que s'il était connu des citoyens comme il l'était de lui-même, qu'il ne vivrait pas deux heures ; que ces propos ont été tenus en présence de Marie Aubin et Pélagie Aubin, filles du déposant et demeurant avec lui ; déclarant le déposant qu'il ignore la demeure dudit Massé, que celui-ci lui a dit qu'il partait pour Paris, qui est tout ce que le déposant ... etc,
Marie Aubin, fille du citoyen Pierre Aubin, déclare qu'elle n'a aucune connaissance des faits énoncés dans la dénonciation faite au département, dont elle a entendu lecture, si ce n'est que le citoyen Massé, tailleur d'habits et ci-devant domestique à la Chaize, commune de Bazoges en Paillers, fut, il y a environ cinq semaines dans la maison de la déposante, et dit, en présence du citoyen Aubin, son père, que le curé de la Gaubretière était un scélérat et un monstre, et qu'il était connu des citoyens comme de lui il ne serait pas longtemps existant ; qui est tout ce que la déposante ... etc."


L'affaire ne paraît pas avoir eu d'autres suites, car M. Desjardins ne figure sur aucune liste de déportés à Rochefort, à l'Ile de Ré, à l'Ile d'Oléron, ni à la Guyane. Il est vraisemblable qu'à cette occasion il retourna dans son diocèse d'origine, puisque les registres de la Gaubretière ne portent plus sa signature après le 8 octobre 1798.


Le 20 avril 1800, il fut nommé vice-gérant de l'église d'Oudon, arrondissement d'Ancenis, puis curé de la même paroisse en 1803. Il démissionna en 1818, et mourut à Meaux, canton de Châteauneuf, au diocèse d'Angers, le 19 mai 1819.


Après M. Desjardins, on trouve, sur les registres de La Gaubretière, la signature de M. Seguin, chanoine d'Angers, réfugié au village de la Roche-Blin, et qui administre la paroisse jusqu'à la nomination de M. Jaunet, en septembre 1805.


Cinq religieuses Augustines de Cholet étaient venues chercher un asile à la Gaubretière depuis le début de la guerre civile. Elles y tenaient une petite Providence où elles soignaient les blessés et les malades. Elles avaient à leur tête Mme Marot, une pieuse laïque. Lors du massacre du 27 février 1794, elles purent échapper à la mort et se réfugièrent dans une paroisse voisine.


Le 10 mars 1794, comme elles revenaient à La Gaubretière, elles rencontrèrent devant la croix de Mission un détachement de bleus. Elles ne cachèrent pas qu'elles étaient religieuses. - "Criez vive la République !" leur dit le chef du détachement, "et à bas Dieu !" - Plutôt mourir mille fois.", s'écrièrent-elles ensemble. Puis, tombant à genoux, et embrassant les débris du Calvaire, elles entonnèrent le cantique : Vive Jésus, vive sa croix ! Ce fut le signal du massacre ; les six religieuses eurent la tête tranchée ; parmi elles se trouvaient les soeurs Jobard et Meunier. Leurs corps furent exhumés quelques jours après, pour chercher dans leurs corsets l'argent qu'elles devaient y avoir caché, et qu'on n'y trouva pas.

Edgar Bourloton
Revue du Bas-Poitou et des Provinces de l'Ouest
18ème année - 1ère livraison
1905

(1) Pour en savoir plus sur l'abbé Desplobein, suivre ce lien : http://chemins-secrets.eklablog.com/saint-vincent-et-puymaufrais-a3286569

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