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La Maraîchine Normande
24 septembre 2014

SAINT-VALERY-SUR-SOMME (80) - PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE

SAINT-VALÉRY 

 

PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE

 

saint valery sur somme

 

M. Prarond constate que Saint-Valery, comme Abbeville, fut épargné par les passions révolutionnaires. "Les mouvements politiques, dit-il, se font moins sentir sur les côtes, habituées à l'activité du commerce, à la liberté de la vie et au mouvement de la mer."

Une société populaire cependant se forma dans la ville, mais cette société, dirigée par des hommes bien intentionnés, s'appliqua à maintenir l'ordre et non à le troubler.

Il est bien vrai que Saint-Valery n'eut à regretter aucun crime. Il ne sera pas inutile cependant de rappeler la suite des évènements, afin de montrer ce que deviennent, en temps de Révolution, les pays les plus calmes.

 

ST VALERY L'ABBAYE

 

Rappelons d'abord, à l'occasion des évènements qui devaient amener la suppression et la vente de l'Abbaye, une manifestation qui honore nos aïeux.

Le 16 mai 1790, à la suite d'une réunion de tous les habitants, présidée par M. Masset, maire, et par tous les conseillers municipaux, une pétition est adressée à l'Assemblée nationale, à la fin de réclamer la conservation de la châsse de saint Valery et de la chapelle du tombeau. C'est cette pétition, sans doute, qui nous a valu la conservation de la chapelle. (Archives de la Mairie. La plupart des renseignements qui suivent viennent de la même source.)

Plusieurs religieux ayant manifesté le désir de se retirer dans leur famille, ils furent autorisés à enlever le mobilier de leurs chambres et leurs effets personnels. Le 29 janvier 1791, Anguier du Peuple et Carmier assistent à l'enlèvement des meubles et effets de dom Formé.

L'avant-veille, le 27 janvier, avait été, pour le clergé séculier, le jour de la manifestation des consciences. Appelé à prêter le serment à la constitution civile, un seul de ses membres eut la faiblesse de céder. Ce fut M. Larcher, curé de Saint-Nicolas. Nous avons constaté que, dans les six lignes de sa main, inscrites au greffe de la municipalité, il n'y a pas moins de trois fautes d'orthographe. Elles sont, sans doute, le résultat de l'émotion d'une conscience troublée.

M. Dubrun, curé de Saint-Martin, MM. Obry et Fiquet vicaires, M. Masse, sous-diacre d'office, refusent le serment.

M. Belliart, diacre d'office, hésite encore. Hélas ! il finira par céder, le 13 mars suivant. Cette faiblesse fut pour M. Dubrun, dont il était l'enfant d'adoption, une peine bien vive. Pour prix de sa faiblesse, on en fit un curé constitutionnel de Gorenflos. Chassé par la terreur, il reviendra à Saint-Valery, dont il était originaire, et nous le verrons, en 1795, rouvrir l'église et y exercer le culte schismatique !

La protestation de M. Dubrun, écrite de sa main, sur le registre de la mairie, est si belle, que nous n'hésitons pas à la reproduire.

"Je soussigné, J. François Dubrun, curé de la paroisse de Saint-Martin, de la ville de Saint-Valery, pénétré de l'obligation où je suis d'obéir aux puissances de la terre, je déclare que ma soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, n'aura jamais d'autres bornes que celles qui me seront essentiellement marquées par la religion catholique, apostolique et romaine, que j'ai toujours professée, et que j'espère, Dieu aidant, professer toute ma vie ; que c'est à regret, le coeur déchiré de douleur, que je me crois forcé de refuser aujourd'hui le serment pur et simple que le décret du 27 novembre prescrit ; qu'il n'y a que la voix supérieure de ma conscience qui me décide à ce refus ; que dans la seule réserve des intérêts de ma religion, je serai toujours disposé à prêter ce serment, et que toute ma vie, je me ferai un devoir de l'accomplir, avec la plus scrupuleuse fidélité ; que, privé de la consolation de pouvoir exprimer mes véritables sentiments à toute ma paroisse assemblée, je veux au moins qu'ils demeurent consignés en ce greffe. C'est pourquoi, je jure ici de veiller avec soin sur les fidèles qui me sont confiés, d'être soumis à la nation, à la loi et au roi. et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution du royaume, décrétée par l'Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, exceptant uniquement, mais formellement, tout ce qui peut nuire à la Religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle je déclare vivre et mourir."

Fait au greffe de la Municipalité de Saint-Valery, le 28 janvier 1791.

DUBRUN.

Malgré ce refus, la paroisse fut témoin, le dimanche suivant, d'une grande solennité religieuse. Il est vrai qu'elle eut lieu sur la réquisition du Conseil général et du syndic du district d'Abbeville, commissaire nommé pour l'apposition des scellés en l'Abbaye et dans l'Eglise.

Sur la dite réquisition, le 30 janvier, le clergé de Saint-Martin fait solennellement la translation des reliques de l'Abbaye en l'Eglise paroissiale ; la translation se composait de sept châsses et de plusieurs reliquaires. Elle eu lieu au bruit de nombreuses salves d'artillerie.

Le 12 février, une jeune anglaise, non catholique, étant venue à décéder, on l'inhuma dans les souterrains de la porte d'en haut, affectés par le Conseil à la sépulture des dissidents.
La population toute entière alors était catholique. Aussi ne sommes-nous pas étonné de voir, le 24 février suivant, les sieurs Bastel, huissier, et Marchant, maître menuisier, se mettre en mouvement, afin de faire signer une pétition, demandant à l'Assemblée nationale la conservation des prêtres insermentés. Le Conseil, craignant de se compromettre, interdit sévèrement le colportage de cette pétition qui se couvrait de très nombreuses signatures.

Nous trouvons, à la même époque, une requête de M. Dubrun à Mgr l'évêque d'Amiens.

Après avoir rappelé les fêtes qui se célébraient en l'église de l'Abbaye, avant sa destruction, le 12 décembre, jour de la mort de saint Valery, le 1er avril, fête de la translation de ses reliques, par saint Blimont, et le 2 juin, anniversaire de leur relation par Hugues Capet, M. Dubrun, interprète de tous les habitants de Saint-Valery, demandait à Monseigneur qu'il lui plût ordonner :

"1° Qu'indépendamment de la fête principale du 12 décembre, les fêtes de la translation et de la relations des reliques seraient désormais célébrées en la paroisse, comme elles l'étaient en l'Abbaye, et que, pour mettre les habitants en mesure de satisfaire leur dévotion, elles seront remises aux dimanches qui suivront le 1er avril et le 2 juin.

2° Qu'à la fête du mois d'avril, on aurait la liberté de porter solennellement la châsse dans les rues.

3° Que la fête de saint Blimont serait célébrée, non le dimanche qui suit le 26 novembre, qui est ordinairement le 1er de l'Avent, mais le dimanche précédant."

Considérant qu'il n'y avait dans la requête rien que de conforme à la religion et de propre à favoriser la piété des fidèles, M. Dargnies, vicaire-général, donnait à cette requête une entière approbation, le 15 février 1791.

Le 22 mars, nous trouvons une déclaration de dom Salve-Bruno Joly, né à Amiens, religieux bénédictin, et prieur de l'Abbaye de Saint-Martin-au-Bois, près Laon. Le 24 octobre 1790, il avait déclaré vouloir continuer la vie commune et le 22 mars suivant, il déclare qu'attendu la retraite des religieux composant sa communauté, son intention était de profiter de la liberté laissée par l'Assemblée nationale, et de se retirer dans sa famille, district d'Abbeville, pour y mener la vie privée.

Dom Bruno Joly était encore à Saint-Valery en 1802. Il a dû y mourir dans sa famille.

Malgré son refus du serment, M. Dubrun restait toujours à la tête de la paroisse. Il jouissait de l'estime générale, et personne, à Saint-Valery, n'aurait osé s'attaquer à lui.

Aussi le sieur Larcher, curé de Saint-Nicolas, qui avait prêté le serment, afin d'avoir droit à la cure de Saint-Martin, fut-il obligé de s'adresser aux administrateurs du district d'Abbeville, afin d'être installé en possession du prix de sa lâcheté. La municipalité fut mise en demeure de faire droit à sa demande.

La mise en demeure est du 11 juin, et l'installation eut lieu le lendemain dimanche. La municipalité redoute tellement l'émotion populaire, qu'un détachement de la garde nationale reste sous les armes, afin de maintenir l'ordre.

Ce même jour, la municipalité qui n'avait plus de salle d'échevinage, depuis la destruction de la tour du presbytère, s'empare des appartements au-dessus des portes, afin de les affecter au service de la commune. Le reste est laissé au citoyen Larcher.

En 1792, le curé assermenté, pouvant sans doute disposer de beaucoup de loisirs, s'était passé la fantaisie de se faire élire conseiller municipal. Mis en demeure d'avoir à résigner, soit les fonctions de conseiller, soit celles de curé, il renonce à celles de conseiller.

PORTE DE NEVERS

Au jour de son installation, le dit citoyen curé avait été maintenu en possession de la petite chambre, située au-dessus des portes, et donnant sur la rue de Nevers. Mécontent d'avoir été dépossédé des autres pièces, le curé, qui était musicien, s'amusait à toucher de l'orgue dans sa chambre, pendant les séances du conseil ou du tribunal de commerce.

Le conseil furieux décide, le 24 mars, que l'intrus aura à abandonner la chambre, et il lui donne huit jours comme à un domestique. Le domestique ne s'étant pas exécuté, les gendarmes furent chargés de la besogne, en jetant le mobilier dehors.

Toute autre était l'attitude du conseil vis à vis du curé légitime, le vénérable M. Dubrun. Elle fut toujours des plus respectueuses, et le lendemain de la délibération dont nous parlons, le dit conseil donnait à M. Dubrun une attestation des plus flatteuses, en constatant qu'il avait rempli pendant trente ans les fonctions de curé de Saint-Valery.

Peu de temps après, le 5 septembre 1792, M. Dubrun partait pour l'exil en Angleterre, en compagnie de M. Hénocque, chapelain de l'Hôtel-Dieu.

Les religieuses s'étaient adressées à MM. les membres du Directoire du département de la Somme, à Amiens et à ceux du district d'Abbeville, à la fin de conserver leur chapelain. Il fallut se résigner à se passer de prêtre, au nom de la liberté !

La tyrannie, du reste, s'accentue de plus en plus. Les prêtres déjà assermentés et les fonctionnaires doivent prononcer de nouveaux serments, et jurer d'être fidèles à la nation, et de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant.

Le 27 novembre 1792, eut lieu l'installation du tribunal de commerce. Les premiers juges furent les citoyens Masset, Romain Michel, Vasseur, Fleury, Nicolas Lejoille et Antoine Merchez.

Les affaires n'étaient pas plus prospères. L'argent faisant défaut, force avait été de recourir au papier. L'Etat émettait des assignats. La ville émit des billets de confiance, en leur donnant un cours forcé.

 

ST VAMERY VILLE

 

Nous sommes au lendemain de la mort de Louis XVI. La terreur règne à Saint-Valery, comme ailleurs.

Le 19 avril 1793, la loi des suspects est proclamée et le conseil décide que tous les citoyens suspects seront désarmés, et que toutes leurs armes seront déposées à la maison commune.

Les prêtres non assermentés, aussi, sont l'objet d'une surveillance active. C'est ainsi que, le 26 juillet, une visite domiciliaire minutieuse est faite en l'Abbaye, chez le citoyen Bruslé, afin d'y découvrir un ci-devant chanoine d'Abbeville, nommé Obry, oncle du propriétaire. Ce chanoine avait fait le serment, mais son nom n'était pas inscrit au-dessus de la porte, comme habitant la maison ; le propriétaire fut blâmé, et sommé d'exécuter la loi.

A la même époque, l'organiste de Saint-Martin était parti, à titre de volontaire, à la défense de la patrie menacée. Le conseil de fabrique, en raison de son dévouement, l'avait maintenu dans sa place d'organiste, et dans les émoluments qui y sont attachés, pendant le temps de son service.

Le curé ayant voulu faire toucher l'orgue, pendant son absence, les parents et amis du titulaire essayèrent de s'y opposer. Le conseil n'admit pas cette opposition, mais il fut décidé à nouveau que la place et les honoraires de l'organiste seraient conservés au titulaire pendant tout le temps de son service, comme volontaire de la garde nationale. (Après la restauration du culte, le jeune volontaire de 93 reprit sa place à l'orgue, et il la conserva jusqu'à la fin de sa vie).

Le 10 août, la fête de l'unité et de l'indivisibilité de la République eut lieu sur la place du Petit-Marché et à l'église. Le clergé dut, par ordre, chanter un Te Deum.

Un mois plus tard, le conseil décide que deux des quatre cloches seront descendues, et que l'aigle du pupitre de l'église sera vendu. Cet aigle était un des plus beaux de France, et un véritable objet d'art en bronze. Sa vente avait pour but de venir en aide à la municipalité qui, faute de fonds, ne pouvait plus se procurer ni papier, ni bois, ni encre, ni lumière, ni plumes, etc. Nous copions textuellement.

L'aigle a été vendu pour 600 livres au citoyen Charlot. Mais il faut croire qu'il n'a pas été livré, car une note de M. Dubrun, postérieure à la Révolution, constate avec regret qu'il a été impitoyablement brisé.

La descente des cloches exigeant trop de travail, elles furent cassées sur place, et les morceaux furent jetés à terre.

Le fanatisme s'accentue. Les arrestations sont à l'ordre du jour. C'est la terreur dans son plein épanouissement. On s'attaque aux fleurs de lys qui existent dans l'eglise. Ordre est donné de les faire disparaître. On oblige jusqu'aux anciennes religieuses, vivant dans leur famille, au serment de mourir en défendant la République.

Les religieuses de l'Hôtel-Dieu, elles-mêmes, durent s'y résigner, et s'habiller en séculières avec la cocarde tricolore. "Ainsi affublées, nous ne pouvions, disaient-elles, nous regarder sans rire." Elles étaient au nombre de quinze.

Le fer manquant sans doute pour la défense de la République, la magnifique grille en fer de la chapelle de Saint-Valery, et celle qui fermait le choeur de l'église, furent démolies pour en forger des piques. Il en fut de même de la Croix-l'Abbé et de celles du cimetière. "Ces dernières, dit-on, ne doivent plus être des dignes de distinction dans un siècle d'égalité !"

Les pierres aussi en sont vendues au profit de la commune qui reste pauvre.

La place de la Croix-l'Abbé s'appelle désormais place de la Liberté,

Celle du Petit-Marché, place de la Fraternité,

Et le jeu de battoir, place de l'Unité.

La rue de l'Abbaye s'appellera rue de la Montagne, et l'arbre de la liberté sera planté sur la place de la Fraternité.

Au cimetière, les croix de bois, elles-mêmes, sont enlevées, et les morts enterrés d'une manière uniforme. C'est alors que le Grand Crucifix est apporté à l'église.

Huit jours plus tard, le conseil municipal, à la pluralité des voix, et sur la demande de la société populaire, décide que la ville sera désormais appelée Montagne-sur-Somme.

La raison du considérant est que la ville a son assiette sur une montagne, et que la République doit son salut actuel à la Montagne.

La loi ayant supprimé les dimanches et les fêtes pour les remplacer par les décadis, l'office des patrons devait être transféré au décadi suivant. Le citoyen Larcher, cette fois, trouva que la loi allait trop loin. Aussi, le 21 brumaire an II (11 novembre 1793), le citoyen curé célèbre solennellement la fête de Saint-Martin, patron de la paroisse. Le conseil furieux, le fait arrêter le lendemain et transporter à Abbeville, pour y être mis à la disposition du représentant du peuple.

Le citoyen Larcher était entré par la fausse porte. Il eut le courage de tomber dignement.

La tradition locale nous apprend qu'à Abbeville il s'occupa de commerce pendant la période révolutionnaire. Il profita de son séjour au district, afin d'acheter quelques uns des ornements de l'église ou de l'Abbaye qui y furent vendus. Plusieurs de ces ornements sont encore au bourg d'Ault, dont il devint le curé, après la restauration du culte.

En frimaire, les églises sont fermées, et il est interdit aux prêtres de remplir aucune fonction religieuse. "Nous n'avons plus de nobles, disent nos conseillers, il ne faut plus de prêtres !"

L'officier public est devenu le prêtre du nouveau culte. Il va chercher les morts à domicile, et il les conduit au cimetière, sans aucune prière.

Le fanatisme ira plus loin. Le 31 janvier, le conseil ordonne de brûler toutes les croix placées par la piété filiale, sur les tombes de parents regrettés ; et défense formelle est faite d'en déposer de nouvelles.

 

ST VALERY CHANTIERS DE LA FERTÉ

 

La chapelle de la Ferté devient alors le temple de la Raison, et celle de Saint-Valery le temple de l'Eternel. L'église sera convertie en halle au blé.

Le 14 prairial, une délibération du conseil nous donne tous les détails de la fête de l'Eternel.

La cérémonie aura lieu à neuf heures. La réunion se fera au pied de l'arbre de la liberté, près du grand marché. Un piquet d'infanterie précédera la procession. Les vieillards marcheront à la suite, portant une bannière avec cette inscription : "Rendons hommage à l'Eternel".

Ils précéderont un groupe de jeunes filles vêtues de blanc, de quinze à vingt-cinq ans. L'une d'elles portera une couronne de chêne et une autre une bannière, sur laquelle on lira : "Nous sommes dans le chemin de la vertu".

La musique et les tambours viendront après. Ils seront suivis des gendarmes et de la garde nationale, sur deux lignes, escortant les corps constitués et les membres de la société populaire.

Les mères suivront. Leur bannière portera cette inscription : "Nous élèverons nos enfants dans le respect dû à l'Eternel."

Les hommes marcheront après les mères. Ils seront suivis des instituteurs et des institutrices, avec leurs élèves, et une bannière sur laquelle on lira : "L'Eternel est son nom, le monde est son ouvrage."

Le cortège se rendra par la Ferté au temple de la Raison et à la place de la Fraternité, en chantant des hymnes. Des discours seront prononcés sur la place, et on se rendra, par les champs, au temple de l'Eternel. L'encens fumera sur tout le parcours de la procession.

Malheur à qui troublerait l'ordre ou s'abstiendrait par mépris ! C'était en un mot, la procession obligatoire !

Une autre fête, du même genre, est organisée le 23 messidor, en souvenir du 14 juillet, anniversaire de la chute de la tyrannie. Et vive la Liberté !

Nous disions tantôt que l'église avait été convertie en halle au blé. Il semblait donc que tout devait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Malheureusement, il advient que la matière première fait défaut. La disette est telle, que pour approvisionner la halle, si merveilleusement trouvée, les gendarmes doivent aller dans chacune des communes voisines, réquisitionner la quantité de blé à apporter sur le marché.

Au 20 germinal an III, la municipalité avait dû se charger de distribuer le pain à tous les habitants, pour les empêcher de mourir de faim. Une demi livre par jour et par personne, voilà la distribution, et on se demande si elle pourra continuer ?

Les esprits, qui n'étaient pas dépouillés de tout préjugé, se demandaient s'il n'y avait pas dans cette disette un châtiment de Dieu. Pour ne pas mourir de faim, on arrive à piller les navires de blé qui entrent dans le port, et on partage avec Abbeville. André Dumont, touché de ces misères, obtient des provisions pour les habitants, et la municipalité adresse une lettre de remerciements.

Pour comble de maux, la maladie joint ses ravages à la famine. Les médecins sont sur les dents, et il faut en envoyer d'Abbeville pour les aider. (Registre aux délibérations d'Abbeville).

Ce fut pendant la suspension du culte dans l'église, qu'eut lieu l'orgie, dont le souvenir est resté dans la mémoire des contemporains qui en eurent connaissance.

Je le constate, avec un véritable soulagement, la responsabilité de cette bacchanale n'incombe pas aux habitants. Elle fut l'oeuvre de révolutionnaires plus ou moins étrangers à la localité.

Pénétrant dans le lieu saint, ces révolutionnaires mutilent les statues et les tableaux, ils dévastent le sanctuaire et pillent la sacristie. Puis, amassant les débris dans le choeur, ils en font un feu sacrilège.

Les reliques de Saint-Valery, avec beaucoup d'autres, disparurent dans cette saturnale dégoûtante. Et pendant longtemps on put voir, sur le pavé du milieu du choeur, les traces de ce triste incendie.

Le reliquaire du petit Saint-Valery échappa à la destruction. Il fut sauvé par une courageuse chrétienne, Geneviève Moncy, qui le cacha pendant toute la tourmente révolutionnaire.

Il est devenu, depuis, notre plus précieuse relique, avec quelques ossements qui ont été sauvés par des témoins de l'impie bacchanale.

Les excès devaient amener la réaction. C'est ce qui arriva. La loi du 11 prairial et l'arrêté du comité de Législation, du 29 suivant, en furent le commencement. La loi et l'arrêté proclamaient la liberté des cultes. Aussitôt une pétition se signe à Saint-Valery, afin de réclamer la réouverture de l'église. Le Conseil, faisant droit à cette pétition, décide que l'église principale pourra être livrée de nouveau au culte, à la condition que les soumissionnaires, qui en feront la demande, s'obligeront à exécuter toutes les prescriptions de la loi.

Le 7 thermidor, l'ancien diacre d'office Belliart, profitant de cette liberté, déclare qu'il se propose d'exercer le ministère du culte catholique, dans l'étendue de la paroisse.

L'église lui ayant été concédée à cette fin, l'abbé Belliart fit ce qu'il put pour la conserver. Il parvint même à empêcher la construction d'une cloison, au moyen de laquelle on voulait le confiner dans la nef de la Sainte Vierge, en réservant la nef principale pour des usages profanes.

Disons encore à la louange du pauvre prêtre assermenté, qu'un jour, il engagea son couteau pour se procurer les deux cierges nécessaires à la célébration du saint Sacrifice. Mais hélas ! il restait assermenté, et le peuple, désertant ses sermons, refusait son ministère pour courir la nuit, dans quelque appartement isolé et bien secret, entendre la messe de l'abbé Rabouille.

C'est que l'abbé Rabouille était, lui, le prêtre fidèle à son devoir. Obligé de s'exiler pour refus de serment, il n'avait pu se résigner à vivre loin de la chère France. Au risque de s'exposer à la mort, il était donc rentré en 1795, avec tous les pleins pouvoirs, accordés par Mgr de Machault, qu'il avait vu en exil.

Originaire de Bouillancourt-en-Sery, et curé de Belloy-sur-Mer, avant la Révolution, M. Rabouille demanda asile au frère d'une des religieuses de l'Hôtel-Dieu. Celui-ci l'amena à Saint-Valery, où il fut reçu par les soeurs comme un ange envoyé du ciel. Excellentes religieuses, n'ayant voulu avoir aucun rapport avec le clergé assermenté, elles avaient dû, depuis tantôt deux ans, se passer du ministère du prêtre !

Enterré tout vivant dans une cachette creusée dans la muraille, l'abbé Rabouille sortait la nuit pour porter au loin les consolations de son ministère, et renouveler les scènes des catacombes, en célébrant, dans des sanctuaires improvisés, le saint Sacrifice.

Plusieurs fois, il faillit être pris. Mais la Providence veillait sur son serviteur. Il échappa à tous les dangers, et fit un bien immense, non seulement aux religieuses qu'il soutint au milieu de toutes les épreuves, mais aussi dans la ville, dans les paroisses voisines, et même au-delà de la baie. On aurait cru se souiller en s'adressant à l'abbé Belliart, on avait recours au prêtre persécuté.

Aussi lorsqu'en 1800, il eut été nommé curé d'Estreboeuf, il resta toujours le directeur des religieuses, jusqu'à ce qu'en 1803, il devint le vicaire de M. Dubrun, avec M. Hénocque, l'ancien aumônier de l'Hôtel-Dieu.

 

ST VALERY MAISONS DE PECHEURS

 

Le XVIIIe siècle se termine : il nous est agréable d'adresser ici le salut de l'honneur à tant de marins ou de guerriers, à qui Saint-Valery s'honore d'avoir donné le jour. Sur les champs de bataille, comme sur toutes les mers du globe, ils ont porté bien haut le nom et la gloire de leur pays d'origine. Il est juste que la vieille cité ne les oublie pas.

Nous citerons donc le contre-amiral Perrée, qui mourut glorieusement sur son banc de quart en combattant Nelson ; le capitaine Le Joille, enlevé par un boulet, au moment où il forçait l'entrée du port de Brindes ; le lieutenant Blavet, qui mourut à Saint-Valery en 1792, des blessures reçues en combattant les Anglais.

Le capitaine de vaisseau Lambert, membre de la Légion d'honneur, commandant de la Flore et de la division de l'Adriatique, décédé à Corfou, à l'âge de 42 ans.

Le capitaine de frégate Prosper-Joseph Ravin, le père du docteur Ravin. Il contribua beaucoup à faire élever à Cayeux un mat de signaux pour les navires en détresse.

Louis-François-Valery Ravin, cousin du précédent, et comme lui capitaine de frégate, nommé en 1814 chevalier de l'ordre de Saint-Louis ; il rentra bientôt après dans la vie privée.

Jacques Parmentier, lieutenant de vaisseau, et capitaine de la 5e compagnie du 44e bataillon de flotille. Il mourut en 1812, dans la campagne d'Espagne, à l'âge de 35 ans.

Magloire-Benjamin Chatelain. Comme le précédent, il fut lieutenant de vaisseau et capitaine d'une compagnie dans le même bataillon de flotille. Il mourut à Saint-Valery, dans la vie privée.

Pierre Demay, lieutenant de vaisseau, né à Saint-Valery en 1762 et décédé en 1836.

Jean-Lambert Darras, enseigne de vaisseau, mis à la retraite en 1818. Il fut décoré le 21 octobre 1844.

 

Extrait :

Histoire de St-Valery

Le Bienheureux - L'Abbaye - La Ville

par l'abbé Caron

1893

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