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La Maraîchine Normande
20 septembre 2014

MORTAGNE-SUR-SEVRE (85) - RAPPORT DE LA COMMUNE AUX REPRÉSENTANTS DU PEUPLE PRES L'ARMÉE DE L'OUEST

LEF

 

RAPPORT DE LA COMMUNE DE MORTAGNE
AUX REPRÉSENTANTS DU PEUPLE
PRES L'ARMÉE DE L'OUEST

Nantes, le 7 germinal, l'an deuxième de la République Française, une & indivisible. [27 mars 1794]

CITOYENS REPRÉSENTANTS,

La Commune de Mortagne sincèrement attachée au système Républicain, & qui n'a d'autre crime que de se trouver malgré elle au centre de l'abominable contre-révolution de la Vendée, vous doit le compte fidèle qu'elle sait de l'évacuation presque générale de la ville & de ce qui peut y avoir donné lieu.


Les Brigands n'ont pas tellement été écrasés à Angers & au Mans, qu'il en est repassé la Loire environ cinq à six mille. Sur un mot de proclamation du Citoyen Cambon, pour lors Commandant de Cholet, une grande partie des Révoltés étoit rentrée dans ses foyers & avoit même rendu les armes ; il est de notoriété publique dans le pays que si tout ce qui restoit d'hommes dans les campagnes a repris les armes & se bat avec le courage du désespoir, c'est parce que l'armée du Nord & la division aux ordres du Citoyen Huchet, ont mis à mort hommes, femmes, enfants & vieillards. Les Brigands n'ont point actuellement de canons, ou du moins nous n'en entendions pas le tonnerre.


Le Citoyen Lefort, Commandant la ville de Mortagne commença à faire relever les brêches des anciens remparts, ces travaux se sont continués avec plus d'activité encore par le Citoyen Fouquerole qui lui a succédé ; sept à huit cents hommes des soixante-douxième ; soixante-dix-septième Bataillon & du troisième Bataillon de l'Orne, joint à environ cent cinquante Républicains, tristes restes des citoyens de Mortagne, morts en défendant la Liberté, formoient toute la Garnison.


Pendant plusieurs semaines il a été impossible à la Commune & au Commandant, d'apprendre aucune nouvelles des Colonnes Républicaines, ni des Garnisons de Montaigu & de Tiffauges, & ce qu'il y avoit de plus triste, c'est que tous les Cavaliers que le Commandant envoyoit en ordonnances ne revenoient jamais ; il y a toute apparence qu'ils étoient massacrés par les Brigands qui obstruoient tous les chemins, au poins que personne n'osoit voyager.


Le trois Germinal, la Garnison ayant besoin de Fourrages, détacha deux cents hommes environ pour protéger le convoi. De ce nombre étoient trente à quarante Citoyens de Mortagne ; une armée de Brigands qui parut tout-à-coup, les cerna & les battit de manière qu'il n'en rentra que dix à douze dans la ville. De suite cette armée qui pouvoit être de deux mille hommes se présenta en bataille hors la portée du fusil devant les remparts, & se retira le soir sans rien tenter.


Le lendemain sur les neuf heures du matin, cette armée qui s'étoit beaucoup grossie parut au même endroit & y planta deux pavillons blancs. Deux autres colonnes se présentèrent devant la porte Nantaise & la porte Rochelaise où elles firent de fausses attaques ; ces trois colonnes pouvoient monter à cinq à six mille hommes. La générale eut bientôt rassemblé la Garnison, & tous les Citoyens en état de porter les armes furent occuper le poste qui leur étoit connu d'avance.


A onze heures, les Brigands attaquèrent les portes de Saint-Louis & de Poitiers par un feu épouventable, le Commandant de la Place, le Citoyen Lenormand, chef du troisième Bataillon de l'Orne, dont le nom nous est particulièrement connu, & les autres chefs voloient sur les remparts recommandant spécialement de ne tirer que lorsque les Brigands seroient à portée sûre.


Les assiégeants prenant pour timidité cet acte de prudence s'avancèrent alors avec des échelles pour monter à l'assaut, poussant des cris épouventables. Ce fut pour lors qu'il se fit un feu d'enfer de part & d'autre, qui dura pendant six heures & demie, presque sans relâche. Les Brigands ne pouvant plus tenir au feu de la place, furent contraints de se retirer, promettant de revenir le lendemain ; pendant le combat, on voyoit les femmes porter les rafraîchissements nécessaires aux Soldats & crier avec eux : vive la République.


La Commune vous fait l'éloge du Commandant de la place, des chefs & de tous les soldats. Tous étoient bien disposés à vaincre ou mourir, puisque les portes de la Ville avoient été murées en dedans au contentement général ; à dix heures du soir la Commune étoit disposée à dresser son procès-verbal de cette action mémorable, lorsqu'elle apprit que le Conseil de Guerre venoit d'arrêter qu'on évacueroit la Ville à une heure après minuit, avec le plus de secret possible pour se rendre à Nantes ; ce parti étoit nécessaire parce que la Ville étoit sans munition de guerre, & qu'à peine en restoit-il pour se défendre pendant la retraite en cas d'attaque.


Le bruit de l'évacuation s'étant répandu dans la Ville, ceux qui furent avertis & qui eurent assez de force pour entreprendre le voyage, partirent sans hésiter ; nous pouvons vous assurer, citoyens Représentants, que presque tous ceux qui ont resté eussent également parti sans leur âge avancé, ou leurs infirmités, ou des enfants en bas âge, car vous voudrez bien remarquer qu'il n'y avoit aucunes voitures de transport pour les infortunés citoyens de Mortagne, néanmoins le nombre qui est parti est considérable & chacun n'a pû emporter qu'un bien foible trousseau sous son bras. Le départ se fit sur les deux heures ; le secret, l'ordre & le silence furent parfaitement observés pendant la retraite. Rendus à Tiffauges, le pont se trouva coupé & le fort évacué depuis deux jours. Dans cette cruelle position, le Commandant, au lieu d'aller à Montaigu, comme étoit le projet, fit prendre la route de Clisson. A peine arrivés au Bourg incendié de Gérigné, à demie lieue de la Ville, l'avant-garde trouva des brigands armés, déterminés à disputer le passage, il fallut se battre, les brigands furent repoussés jusqu'à Clisson, où ils furent encore délogés ;


Rendus au Palet, on apperçut environ trois ou quatre cents paysans embusqués dans une gorge de Montagne, au bas de laquelle étoit une petite rivière dont ils avoient grossi le gué en fermant les palles d'un moulin ; les Républicains réunis aux citoyens de Mortagne, sans avoir égard à l'avantage du poste, attaquèrent les brigands avec un feu si vif qu'ils n'y purent tenir, ils voulurent se retrancher sur la montagne, ce fut inutilement, les soldats passèrent la rivière & les chassèrent encore, en un mot, voir l'ennemi, attaquer & le vaincre, furent l'affaire d'un instant ; les brigands ont perdu plusieurs d'entre eux dans ces trois actions, & la République n'a eu qu'un homme de blessé. Tout le convoi fut contraint de passer la rivière à gué, les enfants n'en furent pas exempts eux-mêmes ainsi que les femmes. Enfin, après vingt-six heures de marche sans s'arrêter, & par des chemins difficiles & détournés qui firent faire 13 lieues pour 10, qu'il y a de Mortagne à Nantes, la troupe & le convoi arrivèrent à trois heures du matin sous les murs de Nantes, à neuf heures, tout est entré dans la ville, & c'est de là que la Commune de Mortagne s'empresse de vous donner ces détails qui vous instruiront que les brigands ne sont pas tous détruits & que vraisemblablement ils auront entré dans Mortagne après le départ de la garnison. Peut-être ignorez-vous que Mortagne n'a pas reçu une seule loi de la Convention pendant tout le temps de la contre-révolution.
Nous sommes avec fraternité, vos frères de la Commune de Mortagne.


Certifié conforme à l'original, & délivré par nous soussignés, Membres de la Commune de Mortagne.
Signé BUREAU, maire ; SACLIER, Officier Municipal, LAFUY, LAURIER, Officiers Municipaux ; BARÉ, Notable ; GOURIN, aîné, Notable ; GROLLEAU, Notable ; LUCAS, Officier Municipal ; BODIN, Secrétaire-Greffier.

 

MORTAGNE SUR SEVRE

Extrait de la déclaration qui suit ce rapport :


Nous soussignés déclarons que les Républicains commandés par le citoyen Fouquerole, Commandant temporaire de la place de Mortagne, ont évacué cette place le cinq germinal, à deux heures du matin ;
Que Landrau Lerovre, est allé ledit jour sept heures du matin, prévenir les brigands que la place étoit évacuée & qu'ils sont entrés dans la Ville au nombre de six mille, qu'ils ont d'abord coupé l'arbre sacré de la Liberté, qu'ils se sont ensuite tous portés dans les magasins de grains, qu'ils en ont enlevé ledit jour environ cinquante charrettes chargées tant de grains que farines, qu'ils ont conduits sur la route des Herbiers, & qu'ils ont continué la même opération le lendemain sur les huit heures du matin jusqu'à la fin du jour & toujours sur la même route.
Que le même jour, sur les cinq heures du soir, ils ont brûlé le ci-devant Château.
...

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