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La Maraîchine Normande
5 septembre 2014

LA FORET-SUR-SEVRE (79) - AUDIENCE DU 22 AOUT 1845 - DÉBATS DE L'AFFAIRE DE M. LE COMTE DE ROHAN-CHABOT

AUDIENCE DU 22 AOUT 1845
DÉBATS DE L'AFFAIRE
DE M. LE COMTE DE ROHAN-CHABOT

château de la Forêt sur Sèvre

 

Le 1er novembre dernier, M. le comte de Rohan-Chabot avait reçu dans son château de la Forêt-sur-Sèvre un grand nombre de cultivateurs de son voisinage, à l'occasion de la fête de Mme de Chabot ; M. de Chabot profita de cette réunion pour distribuer les prix annuels de bonne conduite et d'agriculture qu'il a fondés depuis plusieurs années ; il remit en même temps des secours aux cultivateurs qui avaient fait des pertes de bestiaux. Il fit servir ensuite du vin, des gâteaux, etc., et les paysans burent à la santé de leurs nobles hôtes, en chantant des couplets en l'honneur de Mme la comtesse de Chabot.


Le soir, lorsque plusieurs personnes s'étaient déjà retirées, M. de Chabot vint voir ceux qui restaient encore, et il remit à sept d'entre eux sept médailles enveloppées dans du papier de soie. Ceux qui les avaient reçues ne connaissaient pas l'effigie qu'elles portaient, et M. de Chabot ne leur avait donné aucune explication à cet égard.

La gendarmerie de la Forêt eût connaissance de ce fait, et elle supposa que ces médailles, sans exergue, portaient l'effigie de M. le duc de Bordeaux ; le maréchal-des-logis en fit son rapport au procureur du Roi, tout en lui déclarant que cela n'avait fait aucune sensation et que la paix publique  n'avait été aucunement troublée.


Cependant M. le procureur du roi de Bressuire a cru devoir poursuivre, et il a requis de suite une visite domiciliaire qui a amené la saisie des sept médailles incriminées.


Devant le tribunal de Bressuire, en chambre du conseil, le procureur du roi a requis le renvoi de M. de Chabot
1° aux assises pour distribution d'emblèmes séditieux (9, § 3, loi du 25 mars 1822)
2° au Tribunal correctionnel pour publication sans autorisation (loi du 9 septembre 1835, art. 20). Le Tribunal n'ayant renvoyé l'inculpé qu'aux assises, M. le procureur du roi s'est pourvu contre l'ordonnance. L'arrêt de la Cour royale de Poitiers qui avait confirmé l'ordonnance de Bressuire a été cassé par la Cour suprême ; mais le Tribunal d'Orléans, définitivement saisi, a, dans son audience du 24 mai dernier, sur la plaidoirie de Me Fontaine, relaxé M. le comte de Chabot. Restait donc le délit de distribution de signes ou symboles destinés à propager l'esprit de rébellion, et à troubler la paix publique ; c'est sous cette prévention que M. de Chabot comparaissait devant la Cour d'assises des Deux-Sèvres.


Cette affaire avait attiré un nombreux auditoire ; quelques dames assistent aux débats, et paraissent témoigner une vive sympathie pour la cause de M. de Chabot. Le prévenu, accompagné par plusieurs de ses amis et par Me Barrion, avocat à Bressuire, son conseil, se place devant Me Henri Giraud, avocat du barreaux de Niort, qui est chargé de présenter la défense. Le siège du ministère public est occupé par M. Tortat, premier substitut de M. le procureur du roi.


Interpellé par M. le président, sur ses noms et qualités, le prévenu déclare se nommer Louis-Charles-Philippe-Henri-Gérard de Rohan-Chabot, comte de Chabot, âgé de 38 ans.


Il est procédé ensuite à l'audition des trois témoins produits par M. le procureur du Roi ;

le premier, Louis Avril dit Vrioget, est un vieillard de 83 ans, fort bien conservé, si ce n'est qu'il est affligé d'une surdité complète ; c'était un des plus vaillans soldats de l'ancienne armée vendéenne. On remarque en lui l'exquise politesse et le ton respectueux qui ne se retrouvent plus que chez les vieux paysans du Bocage. M. le président, désespérant de lui faire entendre ses questions à la distance du siège des témoins, le fait approcher de son bureau, et l'engage à se tourner du côté des jurés. Le vieillard manifeste alors un extrême embarras, et on ne savait à quoi attribuer son hésitation. "C'est que, dit-il, monsieur le président, je ne voudrais pas vous tourner le dos."
M. le président l'autorise, en souriant, à lui faire cette impolitesse, et on parvient ainsi à recueillir sa déposition.
"C'était la fête de Mme la Comtesse, dit-il ; je suis allé au château, comme les autres, sans y être invité, espérant que j'y serais bien reçu. Nous avons eu chacun un gâteau et plusieurs verres de vin ; on a distribué des récompenses ; les autres ont chanté des chansons que je n'ai point entendues. Dans la soirée, M. le comte m'a mis dans la main une médaille enveloppée dans du papier, en me disant : "Tiens, voilà pour toi." Je ne sais pas ce que représente cette médaille : j'ai cru que c'était le portrait de M. le comte.


Le deuxième témoin, Maré, garde-champêtre de la commune et en même temps garde particulier de M. de Chabot, est âgé de 72 ans. C'est lui qui a averti M. de Chabot des visites domiciliaires pratiquées pour rechercher les médailles. Le prévenu lui a dit alors : "Mais que veulent-ils donc ? Je n'ai pas voulu faire de politique ni agir contre le gouvernement ... Je ne sais pas si Henri V règnera ou ne règnera pas, Dieu seul le sait. "Ces paroles, ajoute le témoin, que j'ai rapportées au maréchal-des-logis de gendarmerie, ont été mal comprises par lui, car il a dit dans son procès-verbal que M. le comte les avait dites à ceux qui recevaient les médailles, et ce n'est pas vrai.


Le fermier Petit, troisième et dernier témoin, est celui qui a composé et chanté des couplets en l'honneur de Mme la comtesse de Chabot. M. le comte, dit-il, m'a remis quelque chose enveloppé dans du papier en me disant : "Tiens, voilà un cadeau que je te fais." Comme il était tard et que je craignais d'être grondé par ma femme, je me suis rendu précipitamment sans regarder ce que j'avais reçu. Depuis j'ai vu que c'était une médaille, et j'ai cru qu'elle représentait la tête de M. le comte.


On fait passer sous les yeux des jurés les médailles saisies ; elles sont en zinc doré de diverses dimensions ; elles portent en relief la tête d'un jeune homme dont les cheveux sont longs, et le visage orné de petites moustaches et d'un léger collier de barbe. On remarque qu'à la différence des cheveux, que M. de Chabot porte courts, il existe entre sa tête et celle des médailles assez d'analogie pour que des paysans aient pu croire que M. de Chabot leur avait remis son portrait.


M. de Chabot, interrogé par M. le président, répond avec franchise que cette médaille représente en effet M. le duc de Bordeaux ; il déclare qu'il n'a pas eu pour but, en les remettant de troubler la paix publique, mais seulement de flatter d'anciens souvenirs.


M. le substitut de M. le procureur du Roi a pris ensuite la parole, et dans son réquisitoire empreint d'une haute impartialité, il a rappelé brièvement les faits incriminés, prenant soin de relever tous les éléments du début favorables au prévenu : il s'en est rapporté en finissant à la sagesse du jury.


M. de Chabot s'était proposé de prendre lui-même la parole pour exposer nettement au jury sa conduite et ses sentimens politiques ; mais en présence d'un réquisitoire aussi digne et aussi modéré, le prévenu a renoncé à son projet, et Me Giraud a pris de suite la parole en ces termes :


Vous avez à juger, Messieurs, un délit politique ; c'est aujourd'hui une chose rare dans notre département. Aussi, j'ai peu d'expérience en pareille matière ; il est cependant un exemple fourni par mes devanciers que je n'ai pas voulu suivre ; j'ai vu, dans les affaires de ce genre, récuser les jurés qui ne partagent pas l'opinion politique de l'accusé. Nous nous serions bien gardé d'en agir ainsi ; et ceux d'entre vous qui ne pensent pas comme M. de Chabot, au lieu de les éliminer, nous les aurions choisis pour jurés. En effet, ce n'est pas à des sympathies politique que M. le comte de Chabot veut demander son acquittement ; il veut le devoir à son bon droit, il veut l'obtenir de votre justice.


C'est la loi du 25 mars 1822 qu'on invoque ; c'est une loi de la restauration. Les hommes ont changé, mais les lois sont demeurées. Celui dont elle avait pour but de protéger les droits est exilé ; et son effigie sur une médaille, voilà le fait que la loi de 1822 aurait à punir.


Ces médailles, ce sont des signes ou symboles, aux termes de l'article 9 ? Vous dites que c'est l'effigie du duc de Bordeaux : mais, voyez, on ne lui a pas mis au front le moindre débris de sa couronne ; on n'a pas écrit son nom ; les médailles n'ont aucun exergue ; ceux qui les ont reçues ne savaient pas qui elles représentaient ; ils supposaient que c'était M. de Chabot. Qui vous dit que c'est l'effigie du duc de Bordeaux ? ... M. de Chabot , M. de Chabot tout seul ; on avait besoin de sa franchise pour l'accuser ; sans son aveu, qui aurait osé graver un nom sur ces médailles ? Mais mon client n'aurait pas voulu éviter une poursuite par un mensonge ; il ne fera jamais comme l'apôtre, qui renia son maître trois fois avant le lever du jour. Quelque part qu'il soit, quelque danger qu'il attire sur sa tête, quand le comte de Chabot sera mis en présence de cette image, il la saluera avec respect, et d'une voix émue il proclamera son nom.


L'avocat discute ensuite le fait de distribution qui, pour être coupable, doit être public et grave. Le tribunal d'Orléans a jugé avec raison que, dans les mêmes faits, il n'y avait pas publication. Comment y aurait-il eu distribution publique ? C'était dans une fête qui n'avait rien de politique, et qui était consacrée tout entière à la reconnaissance des paysans et aux nouveaux bienfaits de M. et Mme de Chabot. Il n'y a donc, à vrai dire, ni symbole séditieux ni distribution, deux élémens essentiels du délit. D'ailleurs la loi exige encore une autre condition : destinés à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique. La paix peut-elle être plus profonde ? Au dehors, elle est partout et quand même ; au dedans, les partis ont abandonné les armes meurtrières, pour ne plus combattre qu'avec celles de la logique et de la raison. La Vendée, loin de s'agiter pour combattre, se cueille pour prier. Le département où nous sommes jouit du calme le plus complet. Que vous dirais-je de la commune de la Forêt ? ... Elle est si paisible, le maréchal-des-logis de gendarmerie a si peu à s'occuper de l'ordre public, qu'il ne sait pas même de quel genre est ce mot ; il écrit dans un procès-verbal : "Ces faits n'ont pas troublé l'ordre public, qui est fort bonne dans ce moment-ci".


Quel espoir aurait conçu M. de Chabot, en voulant troubler la paix publique ? Le moment était mal choisi. Depuis dix ans qu'il habite la Forêt, a-t-il jamais cherché à soulever les populations qui l'entourent ? Il est venu apporter des soulagemens aux maux qu'ont soufferts les cultivateurs de cette contrée ; il est venu pour jeter un baume sur leurs blessures ; leur premier besoin n'est-il pas le repos ? Ce n'est pas lui qui les a troublés dans leurs travaux agricoles, qu'il encourage et qu'il récompense ; ce n'est pas lui qui les a jetés dans le trouble et l'inquiétude ; si quelque chose a répandu l'émotion dans la contrée, ce sont ces visites domiciliaires, c'est le transport de la justice dans ces pauvres maisons de paysans fouillées jusqu'au grenier pour y trouver une petite médaille de zinc. M. de Chabot n'a donc pas troublé la paix publique, il ne pouvait pas avoir conçu la pensée d'agiter et de soulever ces pauvres gens, en remettant secrètement sept médailles à des vieillards de quatre-vingt-trois ans. Cependant, c'est en présence de ces faits qu'une poursuite a été dirigée contre M. de Chabot. C'est du parquet de Bressuire qu'est venue cette attaque, et c'est dans le réquisitoire de M. le procureur du roi de ce tribunal que nous trouvons notre acte d'accusation. On dit dans le réquisitoire de Bressuire : "Attendu que la distribution de ce symbole, dans un pays où la guerre civile est de tradition, par une sommité du parti légitimiste, dont les sympathies en faveur du duc de Bordeaux sont de notoriété publique, témoigne qu'elle a dû être faite sous l'influence de sentimens politiques." Sommité du parti ... Ah ! c'est cela, un grand exemple, un procès d'éclat. Autrefois on disait, peut-être en calomniant la magistrature, que la loi criminelle était une toile d'araignée, bonne pour arrêter les moucherons, aujourd'hui, grâces à Dieu, il n'en est pas ainsi ; mais, pour être justes, il faut prendre garde de tomber dans l'excès contraire ...


Ainsi l'opinion politique de M. de Chabot est mise en cause. A vos yeux, Messieurs, toute opinion politique est honorable quand elle est sincère. Ceux qui se jettent dans l'opposition pour se faire un nom, se préparer une candidature, et arriver plus sûrement, par une habile conversion, aux places ou aux honneurs ; ceux dont les opinions varient au gré de leur intérêt, et qui, semblables aux appareils mobiles placés sur nos édifices, nous indiquent toujours par leur conduite de quel côté souffle le vent de la faveur et du pouvoir ; ceux-là je vous les abandonne, et je ne veux rien vous en dire. Mais celui qui marche d'un pas ferme dans la voie que ses ancêtres ont suivie et que sa propre conviction lui a tracée, celui-là, quelque opposée que soit votre route, chacun de vous lui dira : "Marche, marche ! c'est bien ..."


Un mot sur M. de Chabot ; je ne vous parlerai pas de sa haute noblesse pour le soustraire à l'application de la loi, c'est devant vous qu'est la véritable égalité. Le niveau est l'un des attributs de la justice ; et nous sommes les premiers à demander que jamais la justice ne soulève son bandeau pour voir la couleur de ceux qui sont devant elle.


Je ne vous parlerai pas non plus de la noblesse de son origine, pour en faire un homme supérieur aux autres hommes ; la vrai supériorité, c'est le coeur, c'est l'intelligence qui la donne. Et pourtant, gardons-nous de briser la chaîne qui nous unit à nos ancêtres ; le culte des aïeux inspire de nobles sentimens. Qui de nous ne se plaît au souvenir d'un parent, qui n'est plus et qui nous a légué de beaux exemples ? Qui de nous lira sans émotion le nom qu'il porte, écrit dans l'histoire ?


Permettez donc à M. de Chabot d'ouvrir aussi l'histoire et d'y lire, les larmes aux yeux, le nom qu'il est fier de porter. C'est pendant huit siècles qu'il verra briller ce nom ; ce sont de beaux faits d'armes, des batailles gagnées, des libéralités pieuses qui l'ont illustré ; c'est un noble dévoûment au trône héréditaire, un dévoûment éclairé qui honore le prince et le sujet.


Il est, Messieurs, dans notre histoire, une page douloureuse, écrite avec du sang, avec du sang français versé par ordre d'un roi de France. C'était dans les mois où nous sommes, c'était le jour de la Saint-Barthélémy que la cloche lugubre de Saint-Germain-l'Auxerrois appelait au meurtre des chrétiens fanatisés. Paris ne devait pas être sur le théâtre de ces scènes déplorables, et l'histoire  conserve avec reconnaissance les noms des commandans de provinces qui refusèrent d'exécuter des ordres sanguinaires. C'est un de Chabot qui commandait en Bourgogne ; il répondit au roi : "Sire, je crois servir Votre Majesté en la préservant du remords que lui causerait mon obéissance." Et les protestans de la Bourgogne ont dû la vie à cette magnanime désobéissance.


Si de là nous reportons les yeux sur les larges pages de 1789, nous voyons un de Chabot venant des premiers faire le sacrifice de ses privilèges, et concourir à l'oeuvre de la révolution. Mais bientôt il regretta d'avoir salué ce soleil qui se couvrait de vapeurs sinistres et amoncelait tant d'orages sur la tête de son roi. Quand il voit la vie du roi menacée, il se place à ses côtés, il ne veut plus le quitter. Louis XVI était bon et généreux, il veut éloigner ceux qui l'entourent pour les soustraire aux dangers qui le menacent ; il insiste auprès de Chabot, il le supplie de le quitter, et lui cite l'exemple de ceux qui l'ont déjà abandonné. "Sire, répond de Chabot, ceux-là n'avaient rien à réparer". Et il reste auprès du roi, pour le défendre le 10 août, être arrêté près de lui, et périr dans le massacre des prisons.


Voilà, Messieurs, les exemples, voilà les enseignemens qui ont été donnés à M. de Chabot par ses ancêtres ! Lui aussi, il s'est attaché au trône héréditaire, il s'est dévoué au malheur ! Ses sympathies sont de notoriété publique. C'est vrai, il n'en a fait mystère à personne ; il ne veut pas vous les dissimuler non plus ; il vous les confie, MM. les jurés, et si quelqu'un venait pour les atteindre, vous seriez les premiers à dire avec moi : "Respect aux sympathies de M. le comte de Chabot !"


Nous lisons dans le réquisitoire :


"Attendu que cette appréciation intentionnelle est d'autant plus fondée, que les médailles ont été données à des hommes appartenant à la classe pauvre de la société, principalement connus par leurs sentimens légitimistes et par le rôle qu'ils ont joué dans les guerres ou troubles de la Vendée".
A la "classe pauvre". Je ne vois pas quel argument l'on voulait tirer par là. Est-ce à dire qu'il existe un lien mystérieux entre M. de Chabot et les gens pauvres de son voisinage ? C'est vrai, un lien sacré, établi par d'innombrables bienfaits et une vive reconnaissance. Interrogez toute la contrée, vous saurez le bien qu'il a fait ; allez prononcer son nom et celui de Mme de Chabot dans les communes qui avoisinent le château de la Forêt, et vous verrez si chacun ne le répète pas avec respect. Il a pourtant une grande fortune ; mais l'usage qu'il en fait la lui fait pardonner par les plus pauvres. Si tout cela c'est mal, si c'est un délit, punissez, MM. les jurés, épuisez toute la rigueur de la loi ; car, je vous le dis en vérité, M. de Chabot est bien coupable.
Connus par leurs "sentimens légitimistes", etc. Eh bien ! s'ils pensaient autrement, il aurait donc cherché à faire des prosélytes, à exciter des dévoûmens en leur remettant des médailles qui auraient été par là bien plus séditieuses. Si vous voulez faire à quelqu'un le cadeau d'une médaille, vous y ferez graver l'image qu'il aime ; à celui qui croit en la divinité de Jésus-Christ, vous remettrez l'image du Fils de Dieu mourant sur la croix ; à celui qui a bivouaqué sur les champs de bataille de l'empire, l'effigie de son empereur ; et ce vieillard de 83 ans, qui a versé son sang dans les bocages de la Vendée pour la cause de ses rois légitimes, M. de Chabot lui remettra en silence une médaille du petit-fils de ses rois ; et ce vieillard placera cette médaille, avec son chapelet, au chevet du lit où il doit bientôt mourir. Quoi de plus pacifique et de plus pieux ?


Le réquisitoire finit ainsi :


Attendu, d'après tous ces élémens, que cette distribution de médailles n'a pas eu seulement pour but de flatter d'anciens souvenirs, comme le prétend le sieur de Chabot, mais que cet emblème a dû être donné et reçu comme un gage d'espérance et un signe de ralliement pour l'avenir. A dû, c'est une supposition ; mais qu'importe, à la place de cette hypothèse, écrivez une conclusion nécessaire, écrivez à été donné. Ce n'est pas tout, il faut ajouter : "pour propager l'esprit de rébellion, troubler la paix publique", rien de tout cela n'est même allégué par le réquisitoire, il dit seulement : "gage d'espérance". L'espérance est bien loin de la sédition. Mais dans un autre passage, sans doute pour enlever toute espérance, le réquisitoire rappelle que ce prince a été "banni à perpétuité" ; à perpétuité, c'est vrai. Mais ce mot a été écrit bien souvent par les hommes sur les tables mobiles des lois politiques. "A perpétuité", et c'est trop d'un demi-siècle pour mesurer l'espace qui sépare 1789 de 1830 ! "Signe de ralliement pour l'avenir !" ... et comment oser incriminer l'avenir ? Occupons-nous du passé et du présent ; mais laissons, laissons l'avenir. Le passé, il appartient à tous les hommes qui doivent y lire souvent pour y puiser de graves enseignemens. Le présent, il appartient aux lois qui nous gouvernent ; mais l'avenir ! ... l'avenir n'appartient à personne, un poète l'a dit : l'avenir est à Dieu !


Après le résumé de M. le président, le jury entre en délibération, et rapporte bientôt un verdict de non-culpabilité.

Niort
Imprimerie de ROBIN et Cie.

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