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La Maraîchine Normande
27 août 2014

LES SOLDATS DU DÉPARTEMENT DE LA DROME - FRAGMENTS DE CORRESPONDANCES - 1793-1796

LES SOLDATS DU DÉPARTEMENT DE LA DROME
DANS LES ARMÉES DE LA RÉVOLUTION

DROME

FRAGMENTS DE CORRESPONDANCES
1793-1796

1793 - Année héroïque ... La France est envahie, l'ennemi campe à trente lieues de Paris, soixante-quinze départements sont soulevés contre la Convention nationale ; la Vendée, l'Anjou, la Bretagne, le Poitou sont insurgés, cent mille chouans occupent la Loire de Saumur à Nantes, trente mille paysans arborent le drapeau blanc dans la Lozère et les Cévennes ; la Corse, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Caen, Toulon sont en pleine révolte ; Wissembourg, Landau, Landrecies, Strasbourg sont menacés, Dunkerque et Maubeuge sont assiégés ; Mayence, Condé, Valenciennes sont pris. De la mer du Nord au Rhin, du Rhin aux Alpes, des Alpes à la Méditerranée, des Pyrénées à l'Océan, l'Europe est debout en armes pour écraser la République. Hollandais, Prussiens, Autrichiens, Piémontais, Espagnols, Anglais couvrent nos frontières de mitraille. Cinq cent mille bayonnettes étincellent dirigées contre nous.

Un cri formidable retentit sur toute l'étendue du territoire :
Citoyens, la Patrie est en danger !

Et dans un pays où le commerce est mort, l'industrie anéantie, le travail arrêté, où la misère règne dans les campagnes, la pénurie dans les villes, la famine dans la capitale, où les accapareurs sont maîtres des marchés, les faussaires possesseurs d'une monnaie en papier, chiffons sans valeur ; où les volontaires sont sans discipline, les camps dans le désordre, les drapeaux trahis, les hôpitaux sans médicaments, les chevaux sans harnais et sans fourrages, les soldats sans pain et sans souliers ... Cambon troue de l'or, Prieur des fusils, Lindet des subsistances, Carnot enrégimente douze cent mille hommes et organise quatorze armées.


Notre département suivit l'exemple de plusieurs autres restés fidèles à la Convention, malgré l'énergie sauvage qu'elle déployait contre ses adversaires de l'intérieur. La guerre était devenue nationale, il s'agissait de sauver la patrie, un élan généreux emportait les masses vers les frontières. Le seul district de Crest enrôla sous les drapeaux de la République "pour la destruction des satellites du despotisme" 2.177 volontaires, dont quelques-uns avaient vu de près les soldats du grand Frédéric. Les uns furent envoyés à cette vaillante armée de Sambre-et-Meuse que tant de victoires ont immortalisée ; d'autres furent incorporés dans les 4e et 8e bataillons de la Drôme (armée d'Italie), d'autres dans les 2e et 12e bataillons (armée des Pyrénées-Orientales).


Vétérans, conscrits et volontaires se conduisirent comme des braves ; réunis à leurs frères d'armes des autres provinces et commandés par Jourdan, Dumouriez, Hoche, Kléber, Pichegru, Kellermann, Dugommier, Moncey, ils démontrèrent à l'Europe conjurée que la France est toujours la reine du monde par le courage et l'honneur.
Il nous a paru intéressant de recueillir les correspondances que quelques soldats de notre pays adressèrent à leurs parents, à leurs amis, aux municipalités et aux Sociétés populaires pendant cette époque tourmentée mais si glorieuse de notre histoire militaire, de façon à prendre sur le vif leur état d'âme, leurs invincibles espérances.
Après la capitulation de Mayence, la garnison était sortie de la place avec armes et bagages, et dirigée sur la Vendée alors en pleine insurrection.

Oullier, sergent-major, à "L'Armée des côtes de la Rochelle", écrivait à la municipalité de Loriol, le 10 septembre 1793 :
... Le 10 août les Chouans attaquèrent Luçon ; ils furent repoussés et perdirent 4.000 hommes et 1.200 prisonniers. Le 16, avec 15.000 hommes nous avons attaqué 25.000 de ces brigands et nous leur avons tué 11.000 hommes et fait 3.000 prisonniers. Le 25 août aux Sables d'Olonnes, ils revinrent encore à la charge et perdirent 6.000 hommes. On ne fit point de prisonniers, le général Salomon fit tout tuer, ne voulant garder personne et disant que c'étaient des hommes inutiles à la République et qu'il valait mieux conserver pour de braves soldats le pain qu'ils auraient mangé. De 62 hommes, ma compagnie n'en compte plus que 36. Mais si ma santé se conserve, je vous enverrai l'oreille d'un de ces républicains.
Je finis en vous saluant avec fraternité.

Boisset, représentant du peuple à l'armée des Alpes, adressait les lignes suivantes à la Société populaire de Crest, le 27 octobre 1793 :
... Victoire ! citoyens, les ennemis viennent d'être battus à plate couture entre le Var et le Stéron, dans un combat commencé depuis trois jours et qui s'est terminé par une action très-vive, depuis quatre heures du matin jusqu'à cinq heures du soir. Les soldats républicains se sont battus comme des lions ; le nombre de prisonniers est si grand qu'on ne peut encore les compter, on les évalue de 12 à 1500, tous Autrichiens ; on dit pourtant qu'il y a des Anglais. Le nombre de morts et des blessés ennemis est incroyable, il est en raison des prisonniers, on est toujours à la poursuite. On annonce en ce moment la prise de 40 à 50 gros mulets d'artillerie et de pièces de canon avec munitions et affuts. On vient de prendre grande partie de l'état-major de l'armée ennemie et un prince de Naples. Les journées de demain et d'après-demain nous promettent l'anéantissement de cette armée. L'allégresse la plus vive règne dans le camp.

Voici maintenant la copie d'une lettre envoyée par un volontaire de l'armée des Pyrénées-Orientales à la Société populaire de Valence au mois de mars 1794 :
La garnison de Perpignan a mis en déroute les Espagnols : elle en a tué et fait prisonniers beaucoup, pris et détruit leur camp, 1.000 tentes, 8 canons, leur trésor, leurs reliques. Ils ont repassé la rivière, détruit et enlevé tous les préparatifs de siège ; il y a plus de 80.000 hommes à leurs trousses, dans quinze jours ces brigands n'existeront plus.

Roumarin Guillaudin, capitaine à la même armée, disait de son côté à la Société populaire de Crest, le 8 mai 1794 :
Frères et amis,
Les satellites du despote Castillan ne souillent plus le territoire sacré de la République. C'est le premier mai (style esclave), jour à jamais mémorable à la postérité, que le trône du tyran de Madrid a reçu un choc qui lui vaudra sous peu la ruine entière.
Le signal de l'attaque la plus vive fut donnée le premier mai (style esclave) à 6 heures du matin, par notre brave et vertueux général Dugommier. Nos troupes brûlant du désir de vaincre nos ennemis les attaquèrent, tout de suite, dans la première de leurs redoutes appelée Montescou et après quelque résistance de leur part, ce qui ne leur est pas naturel, nous nous en emparâmes.
Nous y bivouaquâmes toute la nuit et le lendemain à la même heure, nous chargeâmes l'ennemi dans une autre de leurs redoutes et après une vive fusillade nous y entrâmes en vainqueurs aux airs de Ca ira et de la Carmagnole.
De là, nous attaquâmes une troisième de leurs redoutes très-fortifiée, qui défendait leur grand camp de Boulou et nous les obligeâmes par l'ardeur avec laquelle nous les chargeâmes, de fuir devant nous. Le général en chef et le représentant du peuple nous joignirent avec la cavalerie et l'artillerie volante. Mille cris de Vive la République ! Vive la Convention ! firent retentir les airs et nous les poursuivîmes pendant deux jours, jusqu'au pied des Pyrénées où ils trouvèrent une gorge à laquelle ils durent leur salut, sans cela ils auraient tous été faits prisonniers. Les colonnes de cette même armée, qui ont attaqué nos ennemis des autres côtés, n'ont pas eu des succès moindres, car ils les ont chassés de plus de trente hauteurs impraticables, malgré qu'elles fussent hérissées de pièces de canon.
Nous avons ignoré jusqu'à ce jour le nombre de nos ennemis morts ; quant à celui des prisonniers il est de 3.400, parmi lesquels se trouvent 150 émigrés qu'on a conduits à Perpignan par le chemin de la guillotine. Les profits que la République a faits dans cette journée mémorable sont immenses, car elle a profité de plus de 200 bouches à feu, d'un nombre infini de fusils, d'environ 6.000 tentes et de 10 grands magasins à Céret, pleins de toutes sortes de munitions de guerre et de provisions. J'oubliais de vous dire, frères et amis, que l'empressement avec lequel les esclaves fuyaient devant les hommes libres, leur a fait abandonner au moins 100 chariots chargés de toutes les malles des officiers et des effets de l'armée. Je me réjouis avec vous de la prospérité de la République après l'entière destructions des tyrans !

Paul Chaix, à l'armée du Rhin, exprime des sentiments d'un patriotisme non moins ardents à la Société populaire de Crest, le 29 juin 1794 :
Chers concitoyens, frères et amis,
Charleroi est réduit en décombres par la foudre républicaine. La garnison autrichienne composée de 3.000 hommes s'est rendue le 7. Le lendemain Cobourg, Beaulieu et l'archiduc Charles sortirent de leurs retranchements et vinrent au nombre de 75.000 hommes attaquer l'armée du brave Jourdan qui n'était forte que de 50.000. Trois fois nous avions été obligés de reculer, et nous étions prêts à la retraite, lorsqu'une colonne de 10.000 grenadiers a crié à haute voix qu'ils ne feraient point retraite et qu'il fallait vaincre ou mourir ! Leur courage au-dessus de tout éloge a mis en déroute les satellites des tyrans qui ont laissé 10.000 des leurs sur le champ de bataille ; le reste a pris la fuite et nous laisse la conquête de la Belgique qui se fera rapidement ...
Vive la République ! Vive tous nos braves sans-culottes !
Vive le Comité de salut public et toute la Convention !
Salut, joie et fraternité !

Et maintenant, quelques mots sur la capture de la flotte hollandaise à Ostence. Germigny écrit à la Société populaire de Crest, le 20 janvier 1795 :
Les victoires, mes amis, sont à l'ordre du jour. Tournay et Ostende sont à la République. Les vents secondant les efforts des républicains ont empêché les vaisseaux qui étaient dans le port de nous échapper : ceux qui ont voulu fuir ont été coulés bas ou brûlés, les autres ont été pris. Nous voilà donc en possession de toute la vaste Flandre, par conséquent bientôt maîtres de Valenciennes, Condé, Le Quesnois. Nos ennemis du dehors périssent dans les combats, ceux du dedans sur les échafauds !
Vive la République ! L'outrafe fait à la représentation du peuple par tous les scélérats est vengée ou le sera.
Salut et fraternité.

En dépit de la Terreur, Lyon était toujours en révolte contre la Convention. Ces lignes, extraites de la correspondance d'un volontaire, au sujet du siège de cette ville, à la Société populaire de Crest, le 15 septembre 1796, nous donnent quelques détails :
... Une attaque faite par l'armée de la République contre la Croix-Rousse occupée par les Lyonnais a parfaitement réussi le jour d'hier. Le poste le plus important a été enlevé. Rien n'a plus résister à l'impétuosité de nos braves frères d'armes : tout plia devant eux ; 600 brigands restèrent sur le carreau, leurs redoutes furent emportées. Les bombes et les boulets rouges tombèrent au même instant dans la Croix-Rousse et mirent le feu en plusieurs endroits. Au même moment, toutes les batteries de notre armée donnèrent sans exception. Il semblait que le feu sortait de terre pour dévorer cette ville rebelle.
Dans quinze jours, Lyon sera à la République ou n'existera plus.

André MAILHET
Extrait : Bulletin de la société archéologique, historique et artistique
LE VIEUX PAPIER
Cinquième année - Fascicule n° 24 - 1er Mai 1904

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