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La Maraîchine Normande
21 août 2014

COUSSAY-LES-BOIS (86) - LE T.R.P. PIERRE COUDRIN

LE T.R.P. COUDRIN

L'abbé Coudrin

 

La vie d'un bon prêtre est toujours douce à contempler, parce qu'on y voit en action les meilleurs sentiments du coeur humain et les sublimes vertus de l'Evangile. On a eu raison, à ce point de vue, de faire connaître au public l'histoire édifiante du T.R.P. Marie-Joseph Coudrin. Cet homme de Dieu a été de plus le fondateur d'un Institut religieux cher à notre diocèse ; il mérite par lui-même et par ses enfants le souvenir reconnaissant de notre pays.

MAISON NATALE DE P

 

Pierre Coudrin est né à Coussay-les-Bois, à quelques lieues de Châtellerault, au diocèse de Poitiers, [de François-Abraham et de Marie Riom, baptisé le 27 février 1765], d'une famille hautement chrétienne. Élevé d'abord par son oncle M. l'abbé Riom, puis au collège de Châtellerault, il fit sa rhétorique et sa philosophie à Poitiers, où il prit les grades de bachelier et de licencié ès-arts. Il commença en 1787 ses études de théologie sous les docteurs Quintard, Brault et Guillemot, et reçut en avril 1790 le sous-diaconat. Mgr de Bonald, évêque de Clermont, lui conféra le sacerdoce, le 4 mars 1792, dans la bibliothèque du Séminaire des Irlandais, convertie en Oratoire.

 

acte de naissance de Pierre Coudrin


Les jours devenaient très mauvais pour l'Eglise de France. La plupart des prêtres qui avaient refusé le serment à la constitution civile du clergé avaient pris ou allaient prendre le chemin de l'exil. Des apôtres au coeur héroïque s'obstinèrent à rester en France, au péril de leur vie, pour continuer aux fidèles le secours religieux. M. Coudrin fut de ce nombre. En mai 1792, il inaugura son apostolat à la Motte-d'Usseau, caché dans un grenier pendant le jour, et célébrant la nuit les saints mystères. C'est dans une de ces nuits saintes, au milieu des faveurs spirituelles dont la bonté divine consolait quelquefois ses dures épreuves, que l'homme de Dieu conçut la première idée et eu comme la claire vue de l'Institut qu'il devait fonder un jour.

 

GRENIER DE LA MOTTE-D'USSEAU


Le 20 octobre 1792, M. Coudrin quittait son grenier, et, après avoir erré quelque temps dans les campagnes, il se fixa dans un faubourg de Poitiers, Montbernage, où vivait "une population énergique, sincèrement attachée à la religion et unie, à quelques exceptions près, par une admirable communauté de sentiments."


Ces braves gens, au moyen de signaux et de vedettes, trouvaient le moyen d'assurer à leurs réunions nocturnes une certaine sécurité ; et de fait, en pleine Terreur, M. Coudrin et d'autres prêtres célébraient les saints mystères au milieu de ces vaillants, leur administraient les sacrements, et les fortifiaient par de pieuses exhortations. A certaines fêtes plus solennelles, l'assemblée chantait des cantiques de circonstance, dont plusieurs étaient l'oeuvre du missionnaire. M. Coudrin se rendait assez souvent à Poitiers et dans les environs, où l'appelaient des âmes en détresse. Il allait, l'homme de Dieu, sans crainte, avec son bon sourire, priant le long du chemin, inspirant parfois la compassion par son aspect misérable, toujours calme et affable, prêt à tous les dévouements, et sauvé des pas les plus difficiles par la Providence qui veillait visiblement sur lui. Il avait pris le surnom de Marche-à-terre ; il passait aux yeux de certains pour un guenilleux ; mais sous les livrées de la pauvreté il y avait un apôtre, un saint, qui portait le Christ avec lui, et allait répandre partout où il passait les bienfaits de son amour.


Ce ministère clandestin, héroïque, dura cinq ans, de 1792 à 1797. On mit à prix la tête du pauvre Marche-à-terre, on lui tendit des pièges, on pensa le tenir enfin ; Dieu déjoua les complots des méchants. Aussi la confiance du bon prêtre en la Providence, affermie par tant de témoignages prodigieux, était-elle sans limites comme sans efforts. M. Coudrin se contenta de changer son surnom en celui de Jérôme, qu'il porta jusqu'en 1804.


Sa vie de 1797 à 1802 est dépensée, comme précédemment, au service des âmes, dans le diocèse de Poitiers ; mais les circonstances devenues moins critiques, les épreuves vont aussi en diminuant. C'est dans cette période de sa vie qu'il jette à Poitiers les fondements de son Institut.


Nous n'avons qu'à recommander à nos lecteurs les pages excellentes que l'auteur de la Vie du T.R.P. Coudrin a consacrées aux origines de la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie et de l'Adoration perpétuelle. Ces origines sont des plus édifiantes, et le mot n'est que juste, des plus saintes. Pour nous, nous suivrons ici M. Coudrin dans sa vie extérieure.


Mgr de Rohan-Chabot, évêque de Saint-Claude avant la Révolution, appelé, après le concordat, à l'évêché de Mende, pria M. Coudrin, dont il avait pu connaître et apprécier les éminentes vertus, d'accepter les fonctions de vicaire général. M. Coudrin accompagna l'évêque dans ses premières tournées pastorales, notamment à Saint-Chély, où tous deux purent retrouver le souvenir tout vivant de notre bon cardinal de la Rochefoucauld et le manoir de sa noble famille.


Le curé de Saint-Chély en 1813, M. Vors, en fit l'acquisition et y fonda une institution ecclésiastique secondaire, qui fournit un certain nombre de prêtres jusqu'en 1834, époque où l'on installa dans la maison du Cardinal des Frères du Puy qui y donnaient, l'année dernière encore, l'enseignement chrétien.


Nous nous sommes permis cette digression, parce que l'auteur de la Vie du T.R.P. Coudrin parle du prédécesseur de M. Vors, le vénérable doyen de Saint-Chély, M. Monteil, qui voua à M. Coudrin une amitié inaltérable. Le diocèse de Mende renaissait sous les efforts de l'Evêque et de son digne grand vicaire, lorsque le gouvernement impérial, qui ne goûtait pas le zèle de M. Coudrin, voulut contraindre Mgr de Rohan-Chabot à l'éloigner de sa personne et du diocèse. Ce prélat, qui était homme de caractère, ne céda pas aux injonctions du ministre Portalis et préféra donner sa démission (1805). M. Coudrin revint à Paris, où Dieu l'appelait pour donner la dernière main à la fondation de son Institut, en l'établissant à Picpus.

 

BARRIERE DU TRONE


Picpus, où la Congrégation des Sacrés-Coeurs fixa son centre d'action, est un lieu sacré et inoubliable dans l'histoire religieuse de la France. La Terreur y a jeté treize cents têtes de martyrs guillotinés presque tous en haine de la foi, à la barrière du Trône, du 11 juin au 27 juillet 1794. Les hommes de sang qui gouvernaient alors la France n'avaient pas même le respect des cadavres. Ils firent jeter dans une carrière de sable, transformée en fosse commune, les restes mutilés des treize cents victimes. Ce cimetière fut acheté par des parents des victimes et entouré de murailles. Plus tard, les parents de ces victimes, réunis en comité, firent élever la chapelle actuelle de la communauté des Soeurs, où ils posèrent des plaques portant les noms des suppliciés, dont la plupart appartiennent à l'élite de la noblesse française.


La Congrégation des Sacrés-Coeurs s'établit à l'ombre de ce champ des martyrs. Elle acquit les terrains avoisinants et y édifia la maison des Pères d'un côté et de l'autre celle des Soeurs. A la tête des Soeurs se trouvait une femme d'un rare mérite et d'une haute vertu, Mme Henriette Aymer de la Chevalerie, parente de Mgr de Rohan-Chabot. Dieu l'avait favorisée de dons extraordinaires, et elle avait répondu fidèlement à ses grâces. Un jour, en février 1802, le divin Maître lui avait fait entendre "qu'il s'était montré corporellement à la soeur Marie Alacoque, afin qu'elle fît connaître la dévotion à son Coeur. Il a accordé cette grâce aux Soeurs de la Visitation, parce que leur règle plus douce est accessible à tous, quoiqu'elle exige beaucoup de renoncement et d'esprit intérieur. Il a répandu sur elles une certaine suave dilection, afin de faire aimer et étendre cette dévotion. Maintenant qu'elle est adoptée, il veut un ordre qui soit destiné à adorer son Coeur, à réparer les outrages qu'il reçoit, un ordre qui entre dans la douleur intérieure de ce Coeur sacré, qui retrace les quatre âges de sa vie : son enfance, en élevant la jeunesse ; sa vie cachée, par l'adoration perpétuelle et le silence ; sa vie évangélique, par la prédication et les missions ; sa vie crucifiée, par les pratiques de la mortification chrétienne et religieuse."

 

HENRIETTE AYMER DE LA CHEVALERIE


Mme Aymer de la Chevalerie s'appliqua à se rendre digne de sa mission et eut la consolation d'en suivre les progrès, car tout l'Institut fondé par le R.P. Coudrin est la réalisation de ce plan divin.


Une fois installée à Paris, la Congrégation se développe et se répand merveilleusement. Une cinquantaine de religieux et cent cinquante religieuses se groupent de 1802 à 1814 autour des fondateurs, et diverses maisons sont établies en province. Il fallait à l'Institut la sanction du Saint-Siège : la Congrégation des Evêques et Réguliers approuva les constitutions le 21 décembre 1816, et Pie VII le confirma solennellement le 17 janvier 1817 par la bulle Pastor oeternus.


Cet acte du Vicaire de Jésus-Christ donnait à l'Institut sa suprême consécration. La bulle fut remise le jour de Pâques 1817 au R.P. Coudrin, qui la reçut avec une pieuse allégresse et la plus vive reconnaissance. La douce vision de l'avenir et des bienfaits de son oeuvre illumina son visage comme d'un rayon de lumière céleste. Il donna la bulle à baiser à l'un des religieux qui l'accompagnaient : "Mon enfant, lui dit-il, cela vous portera bonheur." Ce religieux était le P. Vieillecazes, que nous avons connu et aimé, et qui fut, en effet, pendant sa longue et vénérable vie, un modèle de dignité, de sagesse, de vertus sacerdotales.


A la joie de ce grand acte succéda, comme il arrive presque toujours dans la vie, une épreuve douloureuse. L'administration diocésaine de Paris n'ayant pas voulu accorder à l'Institut les exemptions auxquelles il pouvait prétendre, le R.P. Coudrin quitta sa chère maison de Picpus et accepta le titre et les fonctions de vicaire général que lui offrit Mgr de Boulogne, l'éloquent et célèbre évêque de Troyes. Le R.P. Coudrin et plusieurs de ses religieux se livrèrent à l'oeuvre si tuile des missions et évangélisèrent avec les succès les plus consolants un certain nombre de paroisses de ce diocèse. Après la mort de Mgr de Boulogne, et diverses difficultés locales exposées en détail dans l'ouvrage que nous analysons, le R.P. Coudrin fut l'objet des instances du prince de Croÿ, qui, en lui offrant la charge de premier grand vicaire à Rouen, se plaisait à l'assurer que "s'il se rencontrait des obstacles dans le diocèse, il y avait de grandes ressources et un grand bien à faire". M. Coudrin accepta par une lettre du 6 juillet 1826. Il pouvait se consacrer à l'administration d'un grand diocèse, sans abandonner la direction de son Institut, qui était en pleine prospérité. Le deuxième chapitre général s'était tenu en 1824, on y avait constaté les succès toujours croissants de la famille religieuse : 124 profès parmi les hommes, 520 religieuses travaillaient avec zèle, sous la conduite si sage et si douce du bon Père, à la gloire de Dieu et au salut des âmes.


D'ailleurs, un nouveau et plus vaste champ allait être ouvert à ses efforts. La Propagande confia au R.P. Coudrin et à son Institut la mission des îles Sandwich (1825). Le P. Alexis Bachelot reçut le titre de Préfet apostolique et ses deux compagnons prêtres, celui de missionnaires apostoliques ; plusieurs Frères convers leur furent adjoints. Il faut le dire à l'honneur de l'Institut, un grand nombre de Pères avaient demandé à partir pour cette mission lointaine et périlleuse, et le Supérieur avait été très touché, mais aussi embarrassé de cet empressement. Il revêtit, le 23 septembre 1826, dans une cérémonie des plus émouvantes, les six missionnaires, de la soutane blanche et du scapulaire des Sacrés-Coeurs (habit régulier de l'Institut), puis leur baisa respectueusement les pieds ; ce que fit également toute la communauté. Les premiers missionnaires de la Congrégation quittaient Bordeaux le 21 novembre 1826 et arrivèrent aux îles Sandwich le 7 juillet 1827.

 

SIGNATURE R


Nous ne suivrons pas M. Coudrin, premier grand vicaire, dans son administration à Rouen de 1826 à 1833. Il faudrait, pour être complet, donner à ce compte rendu des développements par trop considérables. Nous renvoyons à l'ouvrage que nous analysons ceux de nos lecteurs qui ne connaissent pas suffisamment la part considérable que M. Coudrin a prise à cette période de notre histoire. Il abandonna Rouen en 1833 et revint à Paris, dans sa maison de Picpus, où il reprit avec son zèle et sa ferveur ordinaires la vie commune et la direction de son Institut.

MAISON FONDATEUR PICPUS


Il arrivait au déclin de ses ans ; les ombres de la douleur précédèrent celles de la mort. La vénérée mère Henriette Aymer de la Chevalerie rendait à Dieu sa belle âme le 24 novembre 1834, en présence de celui qui, pendant quarante ans, avait été son guide, son conseil, son collaborateur, son père. Cette séparation fut dure au coeur du R.P. Coudrin. Sa nièce, la soeur Henriette, rejoignit bientôt la fondatrice dans un monde meilleur, 24 mai 1836. D'autres deuils vinrent le préparer au détachement suprême. Il fut atteint, en mars 1837, d'une grippe qui dégénéra en pneumonie. "Il faut mourir avec joie," dit-il, et il demanda les derniers sacrements. Il renouvela ensuite ses voeux de religion, et le lundi de Pâques 27 mars 1837, après avoir baisé une dernière fois le crucifix, il alla chanter au ciel l'éternel Alleluia.
Il avait soixante-huit ans.

 

TOMBE FONDATEURS PICPUS


Le livre où se déroulent les évènements si divers de sa sainte vie est écrit dignement, sobrement, non sans doute sans une certaine émotion, celle de la piété filiale, mais avec le souci de la vérité. On peut ne pas souscrire à tous les jugements portés par l'auteur sur les hommes et les choses du temps, notamment sur la Restauration ; mais on partage sans effort sa vénération, son affection pour l'homme de Dieu qui a enrichi l'Eglise d'un nouvel Institut, et qui a été lui-même, pendant toute sa vie, un modèle de piété, de bonté, de dévouement, de vertus apostoliques.

L'abbé Julien Loth
Extrait : La Semaine Religieuse
du Diocèse de Rouen
26e année - Samedi 20 février 1892 - n° 8

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