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La Maraîchine Normande
1 août 2014

PASSY - L'AFFAIRE DE LA MUETTE - MADAME CHALGRIN, VICTIME DE LA TERREUR

MADAME CHALGRIN, VICTIME DE LA TERREUR

Un des arrière-petits-fils d'Horace Vernet, Paul Delaroche, a légué au Louvre en 1890, le portrait de son arrière-grand-tante, madame Chalgrin, Emilie-Félicité Vernet. C'était une pieuse pensée : la fille du peintre des Ports de mer est bien à sa place dans ce palais où elle a été élevée, et où, jusqu'à sa dix-septième année, elle a vécu au milieu des arts et des artistes.


Ce souvenir familial et intime se double d'un intérêt purement esthétique : le portrait est de David, et, par une coïncidence assez curieuse, il n'est pas plus achevé que le portrait de madame Récamier - la tête seule est finie. Madame Récamier, on le sait, ne voulut plus poser devant le peintre, elle n'était pas contente de voir immortaliser la beauté de ses jolis pieds. L'histoire du portrait de madame Chalgrin est bien différente ; il ne s'agit plus de coquetterie, au contraire. Mais, certains épisodes de la vie d'Emilie Vernet nous apprendront pourquoi les séances du peintre furent interrompues.

 

portrait Mme Chalgrin - de David



Émilie-Félicité Vernet naquit le 20 juillet 1760, à Bayonne, où son père, Joseph Vernet, faisait un séjour pour le compte du roi et devait rapporter plusieurs études et deux grands tableaux : Vue de la ville et du port de Bretagne, prise à mi-côte sur le glacis de la citadelle, et même vue prise de l'allée de Boufflers, près de la porte de Mousserolles ; ces deux compositions, qui furent peintes en 1761, sont au Louvre et proviennent de la collection de Louis XV.


De l'enfance et de la jeunesse d'Emilie, l'on ne sait guère autre chose que ce que nous révèlent les Livres de raison du peintre, publiés en 1874 par Léon Lagrange. Nous voyons figurer les dépenses du baptême, nous savons ce que coûtèrent les premiers joujoux, puis viennent, peu à peu, les fanfreluches, les rubans et les frais d'éducation.

 

VERNET


Vernet voyageait avec toute sa famille, et nous suivons la petite Emilie dans ces pérégrinations à travers la France - il y a plusieurs voitures, la smala étant nombreuse et les bagages considérables ; mais, dès 1774, la tristesse interrompt les ébats de la joyeuse caravane : Madame Vernet, née Virginia Parker, devient folle, et son mari est obligé de la faire interner dans une maison de santé.


On se mariait de bonne heure au XVIIIe siècle ; à seize ans, Emilie épousa Jean-François-Thérèse Chalgrin. C'était un homme de trente-huit ans, qui avait déjà une certaine réputation comme architecte. Il avait obtenu le prix de Rome en 1758 ; on lui avait confié plusieurs travaux importants, entre autres : l'achèvement de l'hôtel de La Vrillière, rue Saint-Florentin ; la restauration du collège royal, place de Cambrai, et celle du séminaire du Saint-Esprit, rue des Postes. En 1770, il était devenu membre de l'Académie royale d'architecture ; ensuite, il fut nommé intendant des bâtiments de Monsieur, comte de Provence, et, l'année même de son mariage, il avait achevé les tours de Saint-Sulpice, en sa qualité d'élève distingué de Servandoni. De 1769 à 1784, il fit construire l'église de Saint-Philippe-du-Roule. Plus tard, en 1809, Chalgrin devait, avec Reymond, travailler aux plans de l'arc de triomphe de l'Etoile.


Ce mariage, on le voit, flattait surtout Joseph Vernet. La fille, jolie et soigneusement élevée, devait être insensible aux considérations qui guidaient son père. Il est probable qu'on ne lui laissa pas le temps de la réflexion ; on fit miroiter aux yeux d'Emilie les avantages qu'elle aurait à se marier dans son monde et à épouser un homme qui avait une si belle place au soleil.


Chalgrin offrait à sa femme, en même temps que son coeur, un équipage à deux chevaux et une existence fort luxueuse, que Viel nous fait entrevoir à travers la pompe de son style 1814 :
"La manière d'être de Chalgrin dans le monde, avant la Révolution, était grande, magnifique même. Selon lui, le talent avait besoin d'être soutenu du vernis de l'opulence, opinion vraie et fondée sur l'esprit dominant de la société."


Joseph donna à sa fille une dot de quarante mille francs et offrit à son gendre un tableau, les Cascatelles de Tivoli, puis, tout fut dit.

 

LES CASCATELLES DE TIVOLI


L'année suivante, madame Chalgrin mit au monde une fille ; mais il ne paraît pas qu'elle fut très heureuse en ménage. En 1782, il y eut séparation. Les torts ne devaient pas être du côté de cette jeune femme, à en croire les contemporains et particulièrement Voltaire, qui disait : "Voilà madame Chalgrin qui nous quitte, nous allons être bien malheureux, car, sans Elle, il ne reste que Chagrin."


MME VIGEE-LEBRUN AUTOPORTRAITMadame Vigée-Lebrun nous a laissé, dans ses aimable Souvenirs, le récit d'un souper grec impromptu où, entre autres jolies femmes, assista la fille de Vernet :
"La charmante madame Chalgrin arriva la première. Aussitôt, je la coiffe, je l'habille. Puis vint madame de Bonneuil, si remarquable par sa beauté ; madame Vigée, ma belle-soeur, qui, sans être aussi jolie, avait les plus beaux yeux du monde, et les voilà toutes trois métamorphosées en véritables Athéniennes."
Et, successivement, madame Vigée-Lebrun costume tous ses invités, Lebrun-Pindare, le marquis de Cublères, M. de Rivière, Guinguené, Chaudet, le célèbre sculpteur, mademoiselle de Bonneuil, qui fut plus tard madame Regnault de Saint-Jean-d'Angely ; c'était une petite surprise que l'on ménageait aux derniers arrivants, et quand entrèrent le comte de Vaudeuil et Boutin, ils trouvèrent toute cette brillante assemblée autour d'une table sans nappe et devant un brouet noir ; ces néo-Grecs chantaient le choeur de Glück, le dieu de Paphos et de Gnide, que M. de Cubières accompagnait sur sa lyre ...
Ce souper eut lieu en 1788 ; la tourmente révolutionnaire approchait, et tous ces convives allaient bientôt s'enfuir loin de France ou rester imprudemment à Paris.


Madame Chalgrin devait, l'année suivante, voir mourir son père, dans ce Louvre où s'était écoulée sa jeunesse et où, depuis sa séparation, elle était revenue prendre place au foyer paternel. Après ce triste évènement, elle reste auprès de son frère Carle, qui, lui aussi, est de l'Académie, et logé, par conséquent, aux frais du roi. Mais, au 10 août 1792, il faut s'enfuir au péril de sa vie et chercher refuge ailleurs que dans le palais, mis à feu et à sang. Madame Chalgrin se réfugia à Passy, chez une amie, madame Filleul, née Boquet.

 

château de la Muette - Passy


Madame Filleul était une personne fort distinguée, élève de Briard, comme madame Vigée-Lebrun, et artiste de talent. Elle fit plusieurs portraits des princes de la famille royale, entre autres un portrait du duc de Berry, que l'on voit au musée de Versailles. Madame Vigée-Lebrun parle, à plusieurs reprises, de mademoiselle Boquet, et nous apprend qu'elle était ce qu'on appelle aujourd'hui à Londres "a professional beauty". Elle raconte, à ce sujet, une anecdote très caractéristique : "Nous ne pouvions passer dans cette grande allée du Palais-Royal, mademoiselle Boquet et moi, sans fixer vivement l'attention. Toutes deux nous étions âgées de seize à dix-sept ans, et mademoiselle Boquet était fort belle. A dix-neuf ans, elle eut la petite vérole, ce qui intéressa si généralement, que, de toutes les classes de la société, une foule de gens s'empressaient de venir s'informer de ses nouvelles, et que l'on voyait sans cesse une grande quantité de voitures à sa porte. A cette époque, réellement, la beauté était une illustration."


Madame Chalgrin loua donc un petit appartement dans un "hôtel situé rue de l'Église, au coin de celle Bois-le-Vent", appartenant à la veuve Filleul. Lors de la réforme que l'on fit, en 1786, Filleul, ancien écuyer de Louis XV, vieux serviteur de la maison royale, jusqu'à cette époque concierge du château de la Muette, avait obtenu, en dédommagement de sa place, qui ne valait pas moins de 12 à 15 000 livres par année, une pension de 6 000 livres réversibles sur sa femme. De plus, madame Filleul, en qualité d'artiste, touchait une pension de 6 000 livres sur la cassette ; enfin, le roi avait donné à Filleul, avec les meubles qui garnissaient son appartement, l'hôtel en question où, depuis la mort de son mari, résidait madame Filleul ; elle avait pris soin de rédiger une déclaration de propriété pour les experts chargés de faire l'estimation du château, le 22 août 1791. On verra combien sont importants tous ces détails, empruntés au dossier de l'Affaire de la Muette ; ils sont le préambule nécessaire de l'histoire de madame Chalgrin.


Ces formalités remplies, madame Filleul n'avait nullement été inquiétée ; aussi put-elle accueillir avec une certaine confiance la fille de Joseph Vernet.


Une autre pièce officielle, qui se trouve aux Archives nationales, nous renseigne sur la vie de madame Chalgrin à Passy ; c'est une note (non signée) relative à la citoyenne Chalgrin, détenue à la Conciergerie - il est probable que cette pièce fut rédigée par Carle Vernet.


Nous y voyons que cette malheureuse femme avait des ressources plus que modiques ; sa dot lui avait été restituée, et le maigre revenu qu'elle retirait de cette somme de 40,000 francs, composait tout son avoir.
Elle menait une existence des plus paisibles, elle était tout occupée de l'éducation de sa fille. Dans cette résidence de Passy "elle trouvait les moyens d'économie qu'on ne rencontre plus dans la capitale", son loyer étant de 300 francs par an.

 

cour de la Conciergerie


Que s'était-il donc passé ? Et par quel concours de circonstances madame Chalgrin se trouvait-elle à la Conciergerie, dans cette prison que l'on appelait "l'antichambre de la mort" ?

Le 2 messidor an II (20 juin 1794), le farouche Blache, agent du Comité de Sûreté générale de la Convention, fait une perquisition au château de la Muette. Deux dénonciations ont informé le comité que "la nommée Filleul, intime amie de la Messaline Antoinette et concierge de ladite maison, a volé ou soustrait une quantité d'effets précieux provenant des ameublements appartenant à la liste civile ..., qu'elle a eu des complices ... et que, dans la maison qu'elle occupe et qui lui a été donnée par ladite Antoinette, elle a soustrait notamment du linge et des cartels de cheminée, etc ..." Et, le même jour, madame Filleul est arrêtée et "transférée en la chambre de la maison commune de Paris", où elle subit un premier interrogatoire.
Cinq jours après, le même Blache revient à Passy, accompagné de madame Filleul, il saisit ce qu'il y a de précieux dans l'hôtel, et entre autres, deux caisses d'argenterie et une grande provision de bougies ; il fait charger le tout sur une voiture appartenant à la Nation. C'est ici que reparaît madame Chalgrin. Laissons la plume à Blache lui-même :
"Au moment de faire partir la voiture pour conduire lesdits effets au comité de Sûreté générale, la femme de chambre de la citoyenne Chalgrin (souligné en rouge), femme du nommé Chalgrin, cy-devant architecte de Capet cadet (le comte de Provence) ayant la clef de l'appartement occupé par sa maîtresse, en la maison de ladite Filleul, nous en avons, en la présence de ladite Filleul, levé les scellés ..., et, y étant entré ... nous n'avons rien trouvé de suspect qu'une grande quantité [de lettres] sans signatures, datées, pour la plupart, d'avant l'époque de la Révolution ; sous le coussin d'une bergère, il a été trouvé, cachés, six paquets de lettres, qui nous ont paru suspectes par la tournure de quelques-unes que nous avons parcourues, et remarqué et fait remarquer à ladite Filleul ainsi qu'à la femme de chambre, que toutes les lettres sont sans adresse, sans date, ni signature ; deux au moins de ces lettres portaient des adresses, elles ont été effacées d'une manière illisible, ainsi que les noms qui se trouvent écrits dans le foyer de ladite lettre ... Lesquels paquets nous avons rattaché et enveloppé dans une grande feuille de papier, liée avec un filet, sur lequel a été apposé mon cachet et celui du comité révolutionnaire de Passy. Plus, il a été trouvé deux fragments d'une brochure portant pour titre : Avis aux Emigrés (souligné en rouge) lesquels ont été joints au susdit paquet, avec une feuille de papier entourée des mêmes cachets ... Plus, a été trouvé dans une armoire 20 livres de bougies, que ladite Filleul a déclaré avoir fait présent à ladite Chalgrin ; dans une autre armoire, il a été trouvé douze couverts, une grande cuiller, deux moyennes cuillers, le tout en argent, et portant un chiffre, etc ... desquels effets nous nous sommes saisis pour être déposés au comité de Sûreté générale."
Suivent les signatures : Filleul, Blache, Devera (maire), Hollande, Devillié, comiser (sic) Defayot, Bondgoust notaire du comité, L. Magnant, mambre (sic) du comité de surveillance."
Mais il y a un post-scriptum :
"Après les signatures apposées est survenue la nommée Chalgrin, accompagnée du nommé Piscatory, payeur général de la Trésorerie de la guerre, lequel nous a déclaré, sans savoir quel était l'objet de notre mission, que la correspondance trouvée chez ladite Chalgrin lui appartenait et qu'il l'avait prêtée à cette dernière pour lire ; que c'était pour la soustraire à la connaissance de sa mère, qu'il ne voulait pas que cette dernière la lût et qu'il était prêt à faire preuve d'écriture pour prouver que les lettres lui appartenaient et qu'elles ne contenaient que des phrases amoureuses (souligné en rouge).
"Observé par moi, dit agent, audit Piscatory, qu'un bon républicain, chargé d'un intérêt aussi conséquent pour le bien général, ne quitte pas comme lui son poste, et n'est point à Passy à cinq heures du soir passées, pour être le défenseur officieux d'une femme dont la réputation est plus que tarée, au surplus, cette correspondance qui paraît plus que criminelle, c'est au comité de Sûreté générale à en juger.


En voilà plus qu'il n'en fallait pour faire arrêter madame Chalgrin ; cette correspondance si suspecte n'est pas à elle, peu importe ; la pauvre femme n'a-t-elle pas de l'argenterie ? Et, quoi de plus compromettant que ces 20 livres de bougies que lui a données la citoyenne Filleul ? Et les deux lambeaux d'une brochure royaliste ne prouvent-ils pas que l'on conspire dans ce modeste appartement ? Enfin, il ne suffisait pas de tirer d'abominables conclusions de cette enquête ridicule, Blache prend sur lui de traiter madame Chalgrin de femme tarée ... Nous sommes en pleine folie révolutionnaire.


Ce même jour, la fille de Vernet est conduite à la prison de la Conciergerie pour être traduite au tribunal révolutionnaire. Et avec elle sont incarcérés ceux qui se trouvaient alors à la Muette ; tous ils sont complices de la principale inculpée et prévenus d'enlèvements, soustractions et vols d'effets appartenant à la République. Parmi ces coupables, il y a la mère de madame Filleul ; la veuve Boquet (Marie-Rosalie Hallée), âgée de soixante-douze ans ; Pierre Longrois, ex-garde-meuble, quatre-vingt-quatre ans, sa femme et sa fille ; le nouveau concierge Hollande et André-François Chéron, adjudicataire d'une partie des bâtiments de la Muette.

Carle Vernet fit démarche sur démarche pour sauver sa soeur ; aux Archives nationales on ne trouve pas moins de quatre notes dans lesquelles est exposée la défense de madame Chalgrin - deux de ces notes avaient été jointes aux pièces du procès, les deux autres étaient restées au comité de Salut public.
Les accusations principales sont reprises une à une.


Les couverts d'argent dont la marque a paru semblable à celle de la citoyenne Filleul portent le monogramme J.F.C. (Jean-François Chalgrin) ; "il est de notoriété publique qu'ils proviennent de partage de meubles faits depuis plusieurs années entre elle et son mari".


Les lettres "ne contiennent rien de relatif aux affaires publiques. Elles sont uniquement le fruit d'une confiance intime. On sentira facilement que la précaution qu'on a prise d'effacer les noms a été dictée par un juste motif de bienséance et d'égard pour soi-même et pour les autres."


Il n'est pas question des bougies, l'accusation paraissait insignifiante sans doute, pas plus que des lambeaux de la brochure contre-révolutionnaire - mais le solliciteur anonyme insiste sur la réputation de madame Chalgrin.
"La voix publique et les différents rapprochements ne doivent jamais être indifférents lorsqu'il s'agit d'approfondir des probabilités importantes. Il est à désirer que dans ce moment-cy ces moyens soient mis en usage par le comité de Sûreté public ; il reconnaîtra bientôt combien une femme qui réunit une estime et un intérêt aussi général est loin de mériter le soupçon de complicité dans une spolliation à laquelle elle n'a pas pu contribuer et dont les témoignages de détresse qui l'environnent éloigneroient seuls l'idée."


Ces appels désespérés ne sont pas entendus. Carle Vernet se décide à aller voir David, le peintre, qui pouvait, d'un seul mot, obtenir la liberté de la prisonnière. L'ami de Marat fut inflexible : "J'ai peint Brutus, dit-il, je ne saurais solliciter Robespierre ; le tribunal est juste ; ta soeur est une aristocrate, et je ne me dérangerai pas pour elle."


David avait été fort épris de madame Chalgrin, mais elle avait repoussé les avances de l'artiste. Cet incident expliquerait même pourquoi le portrait dont nous avons parlé resta inachevé. Le peintre avait gardé rancune à cette honnête femme. De là cette réponse, qui porte bien la marque de ce parler ronflant et pseudo-romain qui fut une des formes extérieures du révolutionnarisme.

Un mois s'écoula. Nous sommes au 5 thermidor  ; à travers les barreaux du couloir, on passe aux prisonniers leur acte d'accusation - leur journal du soir comme disaient les geôliers, qui ne perdirent jamais une occasion de faire une plaisanterie, même aux moments les plus tragiques. Madame Chalgrin est toute rayonnante ; les faits sont tellement faux, disait-elle, qu'ils ne peuvent me condamner. Riouffe, qui a retracé cette scène douloureuse dans ses Mémoires, ajoute :
"Elle était digne d'un père aussi célèbre, dont elle parlait sans cesse avec le respect filial et l'admiration d'une âme fortement éprise des beaux-arts. Elle a cru, jusqu'à son dernier jour, que c'était le féroce David qui la conduisait à l'échafaud. David, faire périr la fille de Vernet !" Et, en une apostrophe un peu théâtrale, Riouffe dit encore : "Ton acte d'accusation te remplit de joie ; la sécurité animée et la gaieté reparurent sur ton visage ... L'espérance, qui a des ailes, te reporta en un instant dans les bras de ton père, de ta fille, de ton frère ... Je les verrai ... Non, tu ne les reverras plus ! Ils t'ont assassinée !"


Le 6 thermidor, les huit accusés de la Muette comparaissaient, mêlés à toute une fournée de divers aristocrates. On n'accepte aucune de leurs explications ; les faits qu'on leur reproche réclamaient des témoignages, on leur refuse d'entendre des témoins ; Ils sont jugés et condamnés sans autre forme de procès.


FOUQUIER-TINVILLEFouquier-Tinville se contente de reprendre l'acte d'accusation, il déclare, qu'examen fait des pièces "la femme Chalgrin est bien constamment la complice de la femme Filleul". Elle a concouru avec elle au vol du garde-meuble, elle était l'intime amie de la Filleul, elle logeait avec elle, "on a trouvé, dans son appartement, cinquante livres de bougies". Toutes ces circonstances démontrent évidemment que la femme Chalgrin avait partagé avec son amie "le fruit de cette spoliation criminelle".


L'accusateur public a retenu seulement le vol des bougies, il a mis une certaine conscience à ne parler que du crime dont Carle Vernet ne disait mot. Et c'est pour ces vingt livres de bougies (Fouquier-Tinville dit cinquante) que l'on envoya à l'échafaud la fille de Vernet. Elle avait accepté un cadeau, c'était là son crime.
Le même jour tous les condamnés sont conduits à la barrière du Trône renversé. Le temps presse, les magistrats n'ont pas de loisirs, comment perdre des minutes précieuses à faire venir des témoins ? Blache, chef des quarante-huit sections de Paris, parle d'or, son enquête suffit. On dirait que le tribunal de sang, à le voir grossir ainsi ses fournées de victimes que toute une vie d'honnêteté et de vertu défend, se doute qu'il n'a plus longtemps à siéger et sait que, dans quatre jours, le couteau de la guillotine se lèvera pour Robespierre et pour ses fidèles serviteurs.

 

portrait Mme Chalgrin - de David


Le portrait de madame Chalgrin, qui est au Louvre, nous la représente assise, vêtue d'une simple robe noire à ceinture bleue ; sur les épaules est négligemment drapé un grand fichu de linon blanc. La tête est expressive, la physionomie a quelque chose d'anglais - madame Chalgrin devait ressembler à sa mère - de légers cheveux abondants encadrent le visage frais et jeune.
Le fond du tableau est d'un rouge sang qui fait frémir quand on connaît la triste histoire de cette charmante femme.

Extrait : "Deux victimes de la Terreur" - Casimir STRYIENSKI
1899

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