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La Maraîchine Normande
13 juillet 2014

VALMONT (76) - L'ABBAYE NOTRE-DAME DU PRÉ EN 1791

LES HABITANTS DE VALMONT
& LES RELIGIEUX DE L'ABBAYE EN 1791

 

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La décision de l'Assemblée Nationale prononçant la dissolution des ordres religieux ne fut pas accueillie à Valmont avec enthousiasme. L'abbaye était pour les habitants une source importante de revenus et faisait vivre leur commerce. Sa suppression ne pouvait manquer d'avoir les plus graves conséquences pour le bourg.


Pour parer à ce désastre, la municipalité songea à établir dans le monastère vide de ses moines, un vaste établissement d'instruction, une sorte de collège qui, par le mouvement qu'il occasionnerait de la part des élèves et de leurs familles, récupérerait une partie des pertes que le départ des religieux allait occasionner aux commerçants.


Mais bientôt on apprit que le monastère allait être mis en vente. C'était la ruine de cette dernière espérance et le désastre aussi complet que certain.


C'est alors que la municipalité songea à s'adresser au Directoire du département dans le but d'obtenir au moins que, si les moines ne pouvaient être conservés à Valmont, le cloître ne fût pas mis en vente, mais conservé à la commune pour en faire une maison d'éducation.

 

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Voici l'intéressante supplique que la municipalité et les habitants de Valmont adressaient, le 30 avril 1791, au Directoire du département :


A Messieurs les administrateurs composant le directoire du département de la Seine-Inférieure.


Les Maire, Officiers Municipaux, Notables, et principaux Habitants du Bourg et Paroisse de Valmont-en-Caux, district de Cany, et canton dudit Valmon, pénétrés de la plus vive sensation, viennent déposer dans votre sein leurs justes réclamations ; ils osent se flatter de vous intéresser en leur faveur ; dans cette confiance ils vous supplient d'accueillir leur pétition.


Comme citoyens, ils respectent tous les décrets du Corps Législatif ; comme citoyens il demandent avec instance à jouir de toute l'étendue de cette qualité ; la Constitution doit faire le bonheur de tous ; cette vérité une fois reconnue, ils sont assurés d'obtenir ce qu'ils demandent parce qu'ils croient à la Justice qui dirige les opérations de tous ceux qui leur sont préposés.


Ils avaient cru jusqu'à cet instant qu'on conserverait le cloître qui existe dans leur enceinte, soit comme maison de réunion, soit comme maison d'éducation. Dans l'un ou l'autre cas le bonheur du canton était assuré ; ils apprennent aujourd'hui avec douleur que cette abbaye est supprimée pour être exposée en vente. S'il en résultait un bien réel pour le pays, ils garderaient le plus profond silence, mais un acquéreur quelconque ne peut seul contribuer au bien-être d'un endroit.


Le bourg de Valmont est situé dans une vallée dans laquelle coule une rivière assez intéressante qui fait tourner, depuis sa source, nommée Vertangle, jusqu'à Fécamp, c'est-à-dire de l'orient à l'occident, quatorze moulins, tant à farine qu'à huile et à foulon ; plusieurs marchands se sont établis dans cet endroit avec l'espoir de gagner de quoi subvenir aux besoins de leur famille ; quantité d'ouvriers de différents arts et métiers s'y sont retirés ; toutes sortes de comestibles et marchandises y sont apportés des  bourgs et paroisses voisines les dimanches, fêtes et les jours de marché qui se tient tous les mercredis ; les messes qu'on y célèbre pendant toute l'année y amènent un grand concours de monde ; les habitants se sont mis en frais et ont donné beaucoup dans la bâtisse, ce qui deviendra à pure perte s'il faut que les religieux se retirent.


Valmont pour lors deviendra à  rien et peut-être pire qu'un méchant village comme il s'est trouvé lors de la suppression des religieux de l'ancienne observance. Le canton était réduit à la plus affreuse misère depuis l'année 1753, époque où les religieux de la Congrégation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoît, y ont été introduits. Le bourg s'est accru à vue d'oeil et a repris son premier lustre. Depuis ce temps, Valmont s'est soutenu et par l'existence d'une justice seigneuriale et par celle de l'abbaye. Tout étant supprimé, il ne lui reste aucune espèce de ressource si vous n'accordez pas un établissement qui lui fasse remplacement propre à consoler ses malheureux habitants de cette suppression.


Vous le pouvez, Messieurs, et les suppliants espèrent que vous voudrez bien leur permettre de vous exposer les motifs qui doivent vous y porter naturellement, les vues bienfaisantes qui vous ont déjà concilié le respect et la reconnaissance publique doivent d'avance leur promettre de grandes espérances sur leur demande.


Les suppliants ont donc l'honneur de vous exposer, Messieurs, que la maison religieuse de leur bourg étant supprimée met une infinité d'ouvriers sans travail et de pauvres sans secours, et va rendre un lieu désert, sans commerce ni activité, et obligera peut-être une partie des habitants à aller chercher fortune ailleurs.


Valmont, par sa position, se trouve comme un point central et à une distance presque égale de Fécamp, Goderville, Benarville, Fauville, Grainville la Teinturière, Cany et Vittefleur. Dans tous ces endroits, il n'y a pas d'éducation, et cela par le défaut d'emplacement. Il n'y a donc que Valmont à qui ceci puisse convenir. Le local est un endroit qui deviendra considérable par la réunion des paroisses ; l'église abbatiale qui est une basilique superbe, est suffisamment grande pour contenir tous les fidèles. Le marché des mercredis est une ressource considérable pour le pays. Sans frais l'on peut établir un collège dans cet endroit. Tout y est propice ; le local est sain ; l'enclos consiste dans une grande et superbe cour d'entrée, dans un grand et magnifique jardin légumier autour duquel, sont deux canaux parallèles ornés de tilleuls, et, au milieu, une belle nappe d'eau courante et un verger bien intéressant. Le quartier abbatial qui consiste en un bâtiment neuf et environ une acre de terre close de murs, servirait pour les classes, l'église pour la paroisse, et les bâtiments de la maison conventuelle pour les professeurs qui pourraient être au nombre de huit. Les religieux ou à leur défaut les prêtres sans fonction adopteraient avec empressement toutes les occasions de se rendre utiles. Ils n'aspirent qu'à la gloire de développer leur patriotisme, ils s'offrent d'être les instituteurs de cette éducation, si la nation veut leur accorder cette marque de confiance.


Guidé par l'amour du bien chacun remplirait sa tâche avec zèle et activité, que les religieux ou les prêtres sans fonction acceptent cette offre, ils ne demandent qu'un supplément de pension et se chargeraient d'acquitter les fondations. Ceci occasionnerait peu de frais à la nation et ferait un bien infini à tout le canton.
Il est encore bon de vous observer, Messieurs, que depuis Le Havre, Caudebec, Yvetot, Doudeville et Saint-Valery-en-Caux, il n'y a aucune maison d'éducation, en sorte qu'il est très intéressant, depuis le nouvel ordre des choses, d'établir un collège audit Valmont qui seul jouit de toutes les choses nécessaires.


Les faits exposés sont d'une vérité supérieure ; les suppliants sont convaincus, Messieurs, que vous rendrez à toutes les parties de votre département l'activité dont elles ont besoin et que vous voudrez bien prendre en considération l'objet de leur pétition en leur accordant l'établissement qu'ils ont l'honneur de solliciter, et les habitants du bourg de Valmont ne cesseront de faire des voeux pour vous, en reconnaissance de votre bienveillance pour eux.


30 avril 1791.

Signé : Lassé, maire ; Ferry, officier municipal ; Duchaussay, officier municipal ; Dauthemare, procureur de la commune ; Dubos, notable ; Eude, notable ; Mesrienne, notable ; Binet, notable ; Jourdain, Vasteran, Durand, Frebourg, Pierre Dusausay, Bellenger, Bazire, Pierre Lefèvre, Levasseur, Lhirondel ; Bénard, curé de Valmont ; Plessy, agent du prince de Monaco ; Le Cesne.

Cette supplique des habitants de Valmont devait rester sans effet. Le 11 juillet 1791, le monastère, comprenant l'église, le parc, l'abbatiale et tous les bâtiments claustraux, était adjugé par le prix de 50,000 livres, à MM. Fribourg et Bataille.

L. FRÉMONT
La Normandie Littéraire
1903 (A18, T11)

 

 

 

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