1869 - CONSTRUCTION DU PONT DE DENANT SUR L'AUTISE (VENDÉE)

20 juillet 2014

1869 - CONSTRUCTION DU PONT DE DENANT SUR L'AUTISE (VENDÉE)

CONSTRUCTION DU PONT DE DENANT SUR L'AUTISE (VENDÉE)

NOTICE

Les cours d'eau du département de la Vendée ont tous une marche torrentueuse. Rarement calme et paisible, à sec la plupart du temps, même en hiver, chaque rivière coule avec une impétuosité effrayante, dès que les pluies se prolongent. Parfois un orage suffit pour faire monter les eaux jusqu'à la clef de nos ponts et même au-dessus. De là des accidents inévitables. C'est ainsi qu'au mois de juillet 1868, nous avons eu la voûte d'un pont, récemment construit, soulevée par la masse d'eau considérable qui s'est présentée tout à coup à son ouverture, entraînant avec elle les arbres qu'elle déracinait, les brouettes, barriques et autres meubles qu'elle ramassait dans sa course impétueuse.

Dans de telles conditions, on conçoit aisément l'embarras du constructeur pour déterminer les dimensions à donner à l'ouvrage qu'il veut édifier. Réussir, surtout quand l'on n'a que des données aussi variables qu'incertaines, à donner à un pont un débouché ni trop grand ni trop petit, est assurément une solution tout à la fois avantageuse à l'auteur du projet et aux budgets communaux, souvent très-restreints.

L'Autise, qui prend sa source près de Dilay (Deux-Sèvres) et se jette dans la Sèvre-Niortaise, à Bazouin, limite de la Vendée, est aussi capricieuse que les autres rivières de ce dernier département. Elle traverse un bassin calcaire, puis des marais jusqu'à son embouchure. C'est à peu près à la limite séparative de ces deux natures de terrain que j'ai fait élever un pont.

Les pluies prolongées de l'automne de 1868 firent atteindre un tel niveau aux eaux de cette rivière, que le pont de Denant, construit en 1820, dépendant aujourd'hui du chemin de grande communication n° 104, fut détruit. Les voûtes furent soulevées par les eaux : les culées et les piles restèrent debout. Il a fallu faire usage de la poudre pour achever l'oeuvre de destruction commencée par les eaux.

Arrivé tout nouvellement dans la Vendée, je dus vérifier scrupuleusement les renseignements qui m'étaient fournis, lorsque je fus chargé de présenter le projet de reconstruction du pont de Denant. La question du débouché était assurément la plus embarrassante. Je ne pouvais me servir des éléments ordinaires d'appréciation ; car, avec de tels cours d'eau, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de connaître la relation qui existe entre le débit, la section du lit d'une rivière et la vitesse moyenne des eaux. J'eus la bonne fortune de trouver un pont construit en 1778, à trois kilomètres en aval, sous la route nationale n° 148, de Limoges à Nantes, dont l'ouverture avait été, m'assurait-on, suffisante jusqu'à ce jour. Je partis de cette base.

Malgré cette donnée, j'avoue que j'étais toujours dans l'incertitude. On le comprendra aisément si, après ce que j'ai déjà dit, j'ajoute que pendant toute la durée des travaux de construction du pont de Denant, il a fallu prendre de l'eau de puits pour la fabrication des mortiers. Il n'y avait pas une goutte d'eau dans l'Autise, et, deux mois après, les chaperons des becs de mon nouveau pont restèrent couverts d'eau pendant plusieurs jours.

Les eaux s'étendant sur les prairies au moment des grandes crues, je pensai qu'il était utile de faciliter leur écoulement en leur donnant le plus grand débouché linéaire possible ; et, au lieu d'un pont de deux arches en plein cintre, comme celui qui avait été détruit, je présentai à l'administration un pont de trois arches en arc de cercle, chaque arche ayant huit mètres d'ouverture et 3m20 de hauteur sous clef.
Depuis 1869, les eaux se sont très-bien écoulées sous ce pont. Pendant la crue exceptionnelle de l'hiver 1872-1873, il restait encore un mètre de vide sous chacune des arches. L'épreuve a donc été subie avec succès, puisque de mémoire d'homme on n'avait vu les eaux aussi hautes. Le résultat que je désirais obtenir a été complet.

Le pont de Denant fut adjugé le 14 mai 1869. Les travaux de construction d'une passerelle provisoire et de démolition des anciennes maçonneries durèrent tout le mois de juin. Les fondations du nouveau pont ne furent commencées que vers les premiers jours de juillet. Le 1er octobre, les voitures passaient sur cet ouvrage d'art. Pas la moindre fissure au moment du décintrement, qui a cependant eu lieu trois jours après l'achèvement des voûtes, pas un moellon fendu, et la flèche, après comme avant le décintrement, à 5 millimètres près, était de 1m20 pour une corde de 8 mètres.

Cette construction a été élevée sur un sol graveleux. Les fondations se composent d'une simple couche de béton de un mètre d'épaisseur en bon mortier, comme tous les mortiers de la construction, de chaux hydraulique de Marans (Charente-Inférieure). Un radier composé d'un massif de maçonnerie ordinaire de 0m30 d'épaisseur et d'un pavage de moellons échantillonnés ayant 0m30 de queue existe sous chaque arche. Les extrémités de ce radier sont terminées par une bordure en pierre de taille brute, afin de prévenir tout affouillement. Le socle, les angles des pieds-droits, et des piles, les becs, voussoirs, chaînes, plinthe, clefs, bahuts et les rampes des murs en aile sont en pierre de taille. Toutes les autres parties vues des maçonneries sont en moellons piqués. Les trottoirs sont dallés. La chape est en ciment de Portland.

Les dépenses prévues se décomposaient ainsi :

Les dépenses faites n'ont été que de 26,990 fr. 69 c., et une haie d'aubépine, qui n'avait pas été prévue, a été plantée, de chaque côté du pont, sur toute la longueur des remblais.
C'est avec l'espoir d'être utile à quelques-uns de mes collègues que je me suis décidé, en 1873, à mettre sous leurs yeux un résumé succinct de mon travail de 1869.

La Roche-sur-Yon, 1er septembre 1873.
DARBON,
Agent voyer inspecteur de la Vendée.