1784 - LES HERBIERS - MORT DE FRERE CHARLES-AUGUSTE GRELIER DE CONCIZE

MORT DE FRERE CHARLES-AUGUSTE GRELIER DE CONCIZE

Lettre de M. Moisgas, Avocat-Feudiste, à Mortagne.
Jeudi 29 Avril 1784

"Nous ne pouvons, Monsieur, sans passer pour ingrats, manquer d'honorer les cendres de tout Citoyen qui a su défendre la Religion, & se rendre utile à la Patrie. Les oublier, ce seroit pour ainsi dire les fouler aux pieds, & par là se rendre coupable de la plus noire ingratitude.

Pénétré de ces sentimens, je m'empresse, Monsieur, à annoncer au Public par le secours de vos Feuilles, la mort de Frère Charles-Auguste Grelier de Concize, Commandeur de l'ancien Hôpital d'Angers, arrivée subitement au bourg de Saint-Pierre des Herbiers, le jeudi 25 Mars dernier entre neuf & dix heures du matin, où il a été enterré le Samedi 27.

Il étoit âgé de 82 ans révolus, sans avoir jamais eu aucune infirmité ; il avoit été Gouverneur du Gozo, île d'Afrique sur la côte de Barbarie, appartenante aux Chevaliers de Malte ; on ne voit point dans ces isles de bêtes venimeuses.

Il s'étoit retiré depuis deux ou trois ans au Bourg des Herbiers, pour être plus à portée de l'Église où il édifioit tous ceux qui y assistoient, tant par sa ferveur que par sa modestie. Il habitoit auparavant la terre de Concize, paroisse de Notre-Dame des Herbiers, où il se livroit par manière de récréation à l'art utile de l'agriculture, semblable aux Sénateurs Romains qui, après avoir commandé avec distinction les belles Légions de la République, venoient cultiver leurs possessions.

Il ne sut multiplier les instrumens de sa fortune que pour la répandre avec plus d'abondance dans le sein des pauvres de son canton, & surtout des malades, qui trouvèrent toujours chez lui un secours assuré par la distribution qu'il leur faisoit des alimens & des remèdes convenables à leur état, & en particulier des poudres d'Ailhaud, dont il étoit fort partisant. Pauvres, souvenez-vous à jamais de ses bontés ! Souvenez-vous que le jour de son arrivée à Concize fut celui de votre bonheur. Que vos enfans, que toute la postérité sachent combien il vous a chéris ; ce sera une marque de votre vertu, & ce digne témoignage vaudra seul des inscriptions & des statues & tout ce que les hommes ont pu inventer jusqu'à présent pour consacrer la mémoire des vivans & des morts.

Il étoit né d'une humeur douce & agréable, d'un esprit droit dans les affaires. Parent bienfaisant, ami généreux, bon citoyen, voisin aimable, doux & pacifique, ennemi de tout procès, doué de toutes les vertus de l'âme & du coeur, il ne cherchoit qu'à faire le bien. Maître charitable, au dernier bail de la Commanderie, il préféra de l'affermer par partie dans la crainte qu'un fermier général ne vexât les sous-fermiers. Il seroit bien à souhaiter que tous les riches suivissent cet exemple si digne d'être publié ; leurs fermiers se trouveroient par ce moyen plus en état de soulager les pauvres de la campagne, en les occupant plus volontiers à la culture des terres, trésor indicible pour l'Etat.

Je goûte un vrai plaisir, Monsieur, en rendant publics ces témoignages de l'estime & du respect que j'ai toujours eu pour lui ; je regrette seulement de ne pouvoir semer sur sa tombe des fleurs dignes de lui, & je me borne à l'arroser avec tous ses voisins, des pleurs qui lui sont si justement dûs.

J'ai l'honneur d'être, &c."

Annonces et Affiches
de la Province du Poitou,
Apanage de Monseigneur, COMTE D'ARTOIS
du Jeudi 29 Avril 1784