Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
14 juin 2014

JEAN-PIERRE-CLARIS DE FLORIAN - HOMME DE LETTRES FRANCAIS - 1755-1794

JEAN-PIERRE-CLARIS DE FLORIAN

 

Florian portrait



Jean-Pierre-Claris de Florian naquit le 6 mars 1755, au château dont sa famille portait le nom, et qui était bâti au pied des Cévennes, non loin de la petite ville d'Anduze.
Il connut à peine sa mère, qu'il regretta toujours, ce qui lui fit dire, un jour, à un pauvre enfant qui pleurait d'une correction maternelle : "Tu es bien heureux, toi, de pouvoir être battu par ta mère !" Bientôt il perdit aussi son père et resta à la garde de son aïeul qui, ayant épousé une nièce de Voltaire, voulut le présenter au château de Ferney, résidence du vieux philosophe. Voltaire discerna d'abord les heureuses dispositions de cet enfant et s'attacha à lui au point de le garder pendant deux ans dans sa maison.


Le jeune Florian fut placé ensuite comme page auprès du duc de Penthièvre, vieillard aussi doux, aussi pieux, que celui de Ferney était hautain et impie. Le jeune Florian se fit chérir du second comme du premier.
Il entra ensuite à l'Ecole d'artillerie de Bapaume, devint capitaine d'une compagnie de dragons, et bientôt trouva moyen, tout en restant sur les cadres de l'armée, d'habiter encore dans le château du vieux duc qui l'aimait comme son enfant et l'avait chargé de distribuer ses aumônes. Dans cette douce et heureuse condition, Florian sentit grandir en lui les goûts littéraires qu'il avait reçus du ciel et que le séjour à Ferney avait augmentés et fixés.  Il commença à écrire des romans, des pastorales, et de petites comédies en prose, dont le succès fut pour lui un précieux encouragement. L'Académpie, qui avait couronné plusieurs de ses oeuvres, le reçut lui-même dans son sein en 1788, quand il était à peine âgé de trente-trois ans. Il était alors gentilhomme ordinaire du duc de Penthièvre, qui fut toujours son protecteur et son ami.
La Révolution vint troubler la vie si douce et si bien remplie de Florian.


Son noble protecteur, désolé des crimes de la Convention, et surtout du massacre de sa belle-fille, la princesse de Lamballe, et de la mort de Louis XVI, descendit au tombeau dès le mois de mars 1793. Florian ressentit vivement cette perte, et fut d'ailleurs très affecté, lui aussi, des malheurs de la famille royale et des forfaits de la Révolution. Il espérait cependant traverser sans être personnellement inquiété, cette terrible tempête, quand il fut banni de Paris par le décret qui interdisait à tous les nobles le séjour de la capitale, et obligé d'aller s'établir à Sceaux. Cet exil, qui l'éloignait du théâtre des plus grands crimes, ne l'affectait guère, et il vivait assez heureux dans une obscure retraite ; mais la passion politique ne tarda pas à l'y découvrir. Il fut arrêté en 1793, et maintenu en prison jusqu'après la mort de Robespierre. La liberté lui fut rendue alors, mais il n'en jouit que deux mois. Tant de douleurs, tant d'alarmes, avaient brisé son âme. Il ne mena qu'une vie languissante et mourut le 13 septembre 1794, âgé de trente-neuf ans.

 

acte décès Florian



Les premiers ouvrages de Florian furent des pastorales, ou petits romans dont les héros sont des bergers, et dont la trame se déroule au milieu des champs et des bois. Né sur les bords du Gardon, dans l'une des plus belles contrées du midi de la France, il eut toute sa vie devant les yeux l'image des riants vallons où s'étaient écoulées les premières années de son enfance. "Que ne puis-je être certain, disait-il, de reposer sous le grand alisier de mon village, où les bergères se rassemblent pour danser ! Je voudrais que leurs mains pieuses vinssent arracher le gazon qui couvrirait mon tombeau, que les enfants, après leurs jeux, y jetassent leurs bouquets effeuillés ; je voudrais que les bergers de la contrée y fussent quelquefois attendris en y lisant cette inscription :
Dans cette demeure tranquille,
Repose notre bon ami.
Il vécut toujours à la ville,
Et son coeur fut toujours ici."


Quoique exprimé d'une manière un peu recherchée, ce sentiment est réel, il fut l'inspiration constante de Florian, et il se reflète dans toutes ses oeuvres. La nature fut sa muse. Ce n'est pas pourtant qu'il fût arrivé à la vérité complète dans la contemplation et la description. Il eût fallu pour cela rompre avec toutes les habitudes de son siècle, s'élever au-dessus de tous ses contemporains, les dominer, les entraîner, et Florian n'était pas de force à le pouvoir faire. Lui aussi, d'ailleurs, il a étudié la nature dans Virgile, dans Théocrite, dans Gessner pour lequel il professait un enthousiasme véritable. Il a admiré ces bergers des Eglogues, si délicats, si harmonieux qui parlent mieux que des académiciens et des rhéteurs. Ces types sont dans son esprit, ils y recouvrent la réalité qu'il connaît cependant très bien et avec laquelle il a vécu. Les descriptions des lieux et des choses sont vraies et souvent même vives et originales ; mais pour les discours et les sentiments, Florian n'est guère au-dessus de ses contemporains que par un insensible progrès vers la vérité. Les sentiments sont justes, les discours sont vrais, nobles, touchants ; et toutefois, on le sent à chaque page, ils ne sont pas assortis aux personnages ou plutôt les personnages eux-mêmes sont une fiction et si éloignée de la réalité qu'elle approche du ridicule. Il n'y a nulle part de pareils bergers. Paul et Virginie feront faire à l'art un grand pas vers la vérité, vers la nature, puis Chateaubriand viendra, et alors la fiction sera vaincue, le naturel régnera dans la poésie.

 

FLORIAN PORTRAIT 3

 


Amant de la nature, Florian se montra aussi très sensible aux charmes de la bienfaisance. On sent à la lecture de ses oeuvres qu'il était lui-même très bienfaisant ; c'est le trait essentiel de son caractère, sa seconde muse, la seconde inspiration de sa vie. Encore provient-elle peut-être de la première avec laquelle il serait aisé de la confondre, car l'amour de la nature, sa contemplation quotidienne, un rapport, un contact assidu avec elle suppose ou produit infailliblement la bonté du coeur. Mais de même que la nature de Florian n'est pas la simple et véritable nature, de même aussi sa bonté, sa bienfaisance n'est pas encore la grande et simple charité. C'est un penchant, un tempérament du coeur, une heureuse et gracieuse disposition plutôt qu'une véritable et sainte vertu. C'est une transition, un milieu entre la philanthropie des philosophes et cette sublime abnégation de soi-même au profit des autres que le catéchisme catholique appelle la charité. "Cet esprit aimable, a dit M. Géruzez, ce coeur ingénu, épris d'innocence, de candeur, d'héroïsme même, adoucit et amollit tout ce qu'il touche. Il n'y a pas un loup dans ses bergeries, pas un félon parmi ses chevaliers ... Partout il offre je ne sais quoi de doux, d'aisé et de caressant qui a du charme et dont on ne se lasse jamais."
Ce charme est répandu surtout dans les contes ou romans de Florian. Galathée, Estelle, Numa Pompilius qui lui ouvrit les portes de l'Académie, Gonzalve de Cordoue, en sont tout remplis, tout imprégnés, quoique à des degrés différents. Tous ces ouvrages étaient dans le goût du public, ils le dépassaient même ou le prévenaient un peu dans le sens de la vérité, ils furent aussi reçus avec une grande faveur de sa part. On voulut croire un moment que Numa remplacerait Télémaque ou serait du moins mis en parallèle avec lui ; l'on se trompait immensément. "Télémaque a l'air de la traduction d'un ouvrage antique, comme l'a fort bien dit M. Lacretelle, mais cette couleur de l'antiquité manque à Numa. L'histoire y est trop voilée, et la fable ne s'y montre pas avec assez de prestige." Il y avait entre Florian et Fénelon la différence d'un talent distingué à un génie supérieur.
Florian a fait d'autres ouvrages dont l'analyse nous obligerait à d'excessives longueurs. Il y a d'abord, la traduction ou plutôt l'imitation de Don Quichotte où les caractères de l'original sont trop arrangés et, pour bien dire, un peu effacés, plusieurs poèmes, grands et petits, dont les plus beaux sont le Serf du mont Jura, qui fut couronné par l'Académie, et les églogues de Tobie et de Ruth qu'on met dans les mains de tous les enfants. Florian a fait aussi de petites comédies, les Deux billets, le Bon ménage, le Bon père, la Bonne mère. Elles sont charmantes, pleines d'intérêt, malgré leur simplicité, et respirant la plus douce et la plus aimable vertu. On a encore du même auteur un Eloge de Louis XII assez médiocre, et un Précis historique sur les Maures, excellent morceau qui sert de préface au poème de Gonzalve de Cordoue. La totalité des oeuvres de Florian a été imprimée en plusieurs éditions, toujours facilement écoulées. Elle forme jusqu'à seize volumes in-octavo.

Mais, dans ces seize gros volumes, il y a un petit ouvrage formant à peine cent cinquante pages d'impression qui pouvait, à lui seul, faire la réputation de son auteur. Ce sont les Fables de Florian.

 

fables Florian


On l'a dit cent fois et Florian le dit lui-même bien fort dans sa préface, non seulement La Fontaine ne peut être égalé, mais il ne faut même pas espérer de rien voir dans le même genre qui puisse lui être comparé, "car il sera toujours infiniment supérieur à tous ceux qui voudront marcher dans le même chemin que lui." Voilà certes un jugement tout fait, que tout le monde admet et répète et auquel personne n'oserait opposer de contradiction. Mais ce jugement est-il bien juste ? N'est-ce pas au contraire une opinion très discutable ? C'est sur quoi j'élèverais volontiers des doutes. Sans doute La Fontaine n'a pas d'égaux, et il est probable qu'il n'en aura point. Florian, notre fabuliste après lui le plus admiré, ne l'approche pas. Mais la différence entre eux est-elle si grande ? Je ne parle pas de l'utilité, de la moralité des deux ouvrages ; sous ce rapport celui de Florian serait de beaucoup supérieur, par l'impression de bonté répandue sur toutes les fables au lieu du sentiment assez personnel et quelquefois un peu égoïste qui paraît dans celles de La Fontaine, sans compter quelques situations, quelques expressions qui rendent ces dernières dangereuses à l'enfance au lieu que les premières ne peuvent jamais faire que du bien à l'esprit et au coeur. Mais, à ne considérer que l'intérêt, qui est ce que la plupart des lecteurs cherchent avant tout et sans quoi le meilleur livre ne sert à rien puisqu'il n'est pas lu, les fables de Florian sont vraiment charmantes et il en est plusieurs qu'on peut appeler des chefs-d'oeuvre. Si le recueil de La Fontaine était comme on dit infiniment supérieur à celui de son aimable imitateur, il en résulterait sans doute que les moins belles fables du premier seraient bien plus belles que les meilleures du second. Or, tout lecteur judicieux conviendra que cela n'est point, et qu'il y a dans le volume de Florian des pages qui, loin d'être indignes de celui de La Fontaine, pourraient au contraire y occuper une bonne place. Le Milan et le Pigeon qui rappelle le Loup et l'Agneau, le Lapin et la Sarcelle qui fait pendant aux Deux pigeons moins l'invraisemblance d'une séparation volontaire qui dépare la fable de la Fontaine, l'Hermine, le Castor et le Sanglier, la Carpe et les Carpillons, le Singe de la lanterne magique avec son discours si amusant et si vrai sont de petits drames d'une vérité délicieuse, d'une facile moralité et d'un intérêt saisissant. Oui, sans doute, Florian est inférieur à La Fontaine et de beaucoup pour la naïveté et le coloris, mais il l'est moins qu'on ne le pense communément, et en tout cas, il dépasse autant nos autres fabulistes français, Lamotte, Lebailly, Guichard, Boissard, La Chambaudie, qu'il est dépassé lui-même par La Fontaine. Occuper sans contestation le second rang, quand on voit au premier un génie unique dans tous les siècles, n'est-ce pas déjà une grande gloire ?

 


La Fontaine avait mis à la fin de ses fables un projet d'épitaphe où il a voulu faire son portrait en le chargeant sans doute pour le rendre plus plaisant. Florian, dans une épilogue finale a voulu nous donner aussi le sien. Le lecteur reverra, je pense, avec plaisir ces deux petits morceaux, ces deux croquis plus ressemblants peut-être que les auteurs eux-mêmes ne le pensaient.

LA FONTAINE
Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant son bien après son revenu,
Croyant trésor chose peu nécessaire ;
Quant à son temps, sut bien le disposer,
Deux parts en fit dont il voulait passer
Une à dormir et l'autre à ne rien faire.

FLORIAN
C'est assez, suspendons ma lyre,
Terminons ici mes travaux.
Sur nos vices, sur nos défauts,
J'aurais encore beaucoup à dire,
Mais un autre le dira mieux.
Malgré ses efforts plus heureux,
L'orgueil, l'intérêt, la folie
Troubleront toujours l'univers.
Vainement la philosophie
Reproche à l'homme ses travers,
Elle y perd sa prose et ses vers.
Laissons, laissons aller le monde
Comme il lui plaît, comme il l'entend ;
Vivons caché, libre et content
Dans une retraite profonde.
Là, que faut-il pour le bonheur ?
La paix, la douce paix du coeur,
Le désir vrai qu'on nous oublie ;
Le travail qui sait éloigner
Tous les fléaux de notre vie ;
Assez de bien pour en donner,
Et pas assez pour faire envie.

Extrait :
Fauteuils de l'Académie Française
par PR. VEDRENNE
1887-1888

 

FABLE FLORIAN 3

FABLE FLORIAN 5

FABLE FLORIAN 4

FABLE FLORIAN 6

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité