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La Maraîchine Normande
9 mai 2014

NEUFCHATEL-EN-BRAY (76) - FRANCOIS-GUILLAUME DELESTRE - PRETRE

FRANCOIS-GUILLAUME DELESTRE [DE LETTRE]

Acte naissance François Delestre



François Delestre, né [le 4 octobre 1761] à Neufchâtel [en Bray - Paroisse Saint-Pierre], où il exerçait les fonctions de principal du collège à l'époque de la révolution, après avoir rempli celles de chapelain des Cordelières établies en cette ville. Il perdit sa charge en 1791, pour refus de serment, et quitta la France en 1792.


La paix paraissant renaître dans l'Église en 1796 et 1797, l'abbé Delestre revint à Neufchâtel, pour revoir sa mère, et dans la pensée d'être utile aux catholiques ; mais la catastrophe du 18 fructidor (4 septembre 1797) éclata, et il fut de nouveau dans la nécessité de quitter son pays. Nous savons par un témoin oculaire que, la veille de son départ de Neufchâtel, "le pauvre abbé pleurait à chaudes larmes de se voir encore obligé de fuir". Le lendemain, 8 septembre 1797, il partait sans trop savoir ce qu'il allait devenir ! Rencontré à Caen par un séminariste défroqué qui le connaissait, sa retraite fut découverte, et il fut condamné à la déportation.

 

la décade

 

Embarqué sur la frégate la Charente, le 12 mars 1798, et sur la Décade, le 25 avril suivant, à la suite d'un naufrage, le pauvre prêtre fut déposé à Cayenne vers le milieu de juin, et relégué dans le canton de Makouria, où il obtint d'être placé chez le colon Lane. Attaqué par une fièvre putride, si commune en cette terre homicide, il y périt, le 6 août de la même année, à l'âge de trente-sept ans. Sa mère mourut du chagrin que lui occasionna le second départ de son fils.

L'abbé Delestre employa les loisirs forcés de sa déportation à la rédaction d'un ouvrage intitulé : "Six années de la Révolution française ou Précis des principaux évènemens correspondant à la durée de ma déportation, de 1792 à 1797 inclusivement, par F. D*******, prêtre, mort en 1798". Ce volume in-8° contient 434 pages, et a été publié en 1819 par T.-F. Delestre-Boulage, neveu de l'auteur, libraire à Paris, et auteur lui-même de plusieurs ouvrages.


Voici le résumé que M. l'abbé Malais, curé de Martin-Eglise, a bien voulu nous communiquer :


"François Delestre, réfugié d'abord à Rouen, constate que cette grande cité était, jusqu'en septembre 1792, une des plus sûres et des plus paisibles de France pour les réfractaires. Mais après le massacre des Carmes et de l'Abbaye, il fallut songer à laisser notre capitale normande. L'abbé Delestre se dirigea donc sur Eu, et s'embarqua au Tréport par une nuit obscure.


Arrivé à Douvres, il se décida, comme beaucoup de ses confrères, à ne pas rester en Angleterre, et, malgré une tempête épouvantable, il gagna Ostende, puis Bruges, Gand et Bruxelles.


Un comité de bienfaisance établi à Gand envoya l'abbé Delestre avec dix autres ecclésiastiques à l'abbaye de Baudeloo, située dans la ville même, où on leur offrit l'hospitalité. Cependant, à l'approche des républicains français, nos émigrés furent contraints à fuir par Locres, Hulst, Middelbourg, jusqu'à Flessingue, où ils séjournèrent. C'est en ce lieu qu'ils apprirent la mort cruelle de Louis XVI.


Après quelques revers éprouvés par les Français, nos voyageurs ne se firent pas prier pour retourner à Baudeloo, dont l'abbaye avait beaucoup souffert. Ils quittèrent de nouveau en toute hâte ce monastère le 30 avril 1794,  à la suite d'une alerte, gagnant Locres, Tenremonde et la route de Malines. Ils se rassurèrent pourtant et revinrent à Baudeloo. Le 23 juin suivant, l'arrivée des patriotes obligea François Delestre et un compagnon d'infortune à laisser pour toujours Baudeloo ; après avoir erré assez malheureusement quelques jours, ils arrivèrent à Malines, où ils s'embarquèrent pour Louvain ; à la suite de plusieurs haltes plus ou moins favorables dans les presbytères, ils atteignirent Ruremonde.


Le mardi 1er juillet, nos pèlerins se mirent en route pour Venloo, où les Pères de la Croix leur firent un excellent accueil ; rendus à Gueldre, les Carmes à leur tour les reçurent affectueusement ; enfin, ils atteignirent le Rhin à Weset, où les Dominicains les logèrent : puis, à quelques lieues, des Augustins leur donnèrent à souper et les congédièrent un peu lestement.


Le 7 juillet, ils entraient à Borcken, le 8 à Koesfeld, ensuite à Munster, où l'organisation charitable du baron de Furstenberg, vicaire-général de l'évêque, fit indiquer à nos exilés un asile au chapitre de Cappenberg. Ils gagnèrent cette résidence le 12 du même mois.


Notre spirituel abbé Delestre esquisse une peinture très-fine du prévôt de Cappenberg, à l'occasion de la réception qu'il leur fit du haut de sa grandeur. Le digne homme ne survécut pas longtemps à l'arrivée de nos prêtres ; à la fin de l'année, il mourut et fut remplacé par un titulaire d'une bienveillance telle quelle.


Dans le courant de 1797, la troisième année de son séjour à Cappenberg, dont il raconte certains détails, l'abbé Delestre écrivait ces lignes en terminant : "... Plusieurs de mes confrères sont déjà repartis. Si le Ciel que j'implore ne met point d'obstacls à mes projets, mon intention est d'entreprendre sous peu le même voyage. De retour en France, après soixante-cinq mois d'exil, rendu à mes parents, à mes amis et à moi-même, je varierai l'uniformité de ma retraite en lisant, de temps en temps, quelques pages de ce mémoire ..."

A ce passage expansif, où se peint si bien notre exilé, l'éditeur a joint cette douloureuse note :
"L'auteur n'a pas joui de ce bonheur si simple qu'il espérait goûter dans sa patrie. A peine eût-il touché le sol natal, qu'il fut arraché de nouveau à sa famille, et, peu de temps après, transplanté dans les déserts de la Guiane ..."


Tel est le récit abrégé de l'abbé Delestre en ce qui le concerne ; qu'on ne croie pas toutefois que toutes les pages du volume soient uniquement consacrées à raconter ses voyages et ses angoisses ; ce prêtre intéressant entremêle son narré de réflexions judicieuses et de pieuses considérations qu'on parcourt avec satisfaction. Il parle souvent du mouvement des armées, des victoires et des revers de nos républicains et des alliés. Il donne son sentiment sur Louis XVI, l'archiduc Charles, Dumouriez, Robespierre et même sur Mme de Genlis et Buonaparte. Il décoche certains traits piquants contre les prêtres jureurs, l'empereur Joseph II et l'assemblée d'Ems : alors, il exagère quelquefois. M. de Pradt, à l'époque, grand-vicaire de Rouen, et qui pouvait bien mériter déjà la censure, reçoit sa critique en passant. Mais l'abbé Delestre excelle, quand une scène plaisante vient faire diversion à sa position attristante. C'est ainsi qu'il décrit avec entrain la fête du premier de Louvain, la procession mouillée de Cappenberg, la danse burlesque que lui offre une communauté. Il ne peut s'empêcher de rire, et de porter le lecteur à l'imiter, en nous montrant son hôtesse "pleurant sur la perte de trente jambons", au milieu d'une ville en désastre. Il ne ménage à l'occasion ni les Hollandais, ni les Allemands. "Les troupes des premiers, dit-il, reculent, selon l'usage" - "En Allemagne, écrit-il ailleurs, on délibère en buvant et l'on assure que les délibérations en valent mieux."


En somme, le volume que nous venons d'analyser est incontestablement intéressant, et nul doute que sa rareté ne le fasse un jour rechercher, jusqu'à ce qu'un amateur des mémoires sur cette époque le fasse réimprimer pour le redonner au public."

Extrait :
Les prêtres du diocèse de Rouen
pendant la Terreur, 1790-1801
par l'Abbé J.-E. Decorde
1868

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