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La Maraîchine Normande
1 mai 2014

UNE ÉMEUTE A FRONTENAY-ROHAN-ROHAN (79) - LE 8 SEPTEMBRE 1790

UNE ÉMEUTE A FRONTENAY-ROHAN-ROHAN LE 8 SEPTEMBRE 1790

Par Raymond Rousseau.

 

EGLISE FRONTENAY ROHAN ROHAN



La rareté et la cherté des grains sur le marché de Niort du 2 septembre 1790 provoquèrent une véritable émeute dans cette ville.
Le peuple excité, dit-on, par certains agents secrets, vitupère contre les spéculateurs, menace de pendre tous les marchands de blé et réclame la taxation de ces denrées alors que l'assemblée nationale vient d'en décréter la libre circulation.
Pendant 48 heures la colère gronde. Finalement, le dimanche 5, le peuple assiège l'Hôtel de ville. Les cris, menaces et injures montent de tous côtés. Craignant pour leur vie, les maire et officiers municipaux font appel à la garde nationale et aux cavaliers du quartier Duguesclin. Mais les émeutiers restent les maîtres de la situation et ne se dispersent qu'après avoir obtenu satisfaction, c'est-à-dire la taxation du prix du blé à 4 livres le boisseau et la baillarge à 2 livres.
Cette sédition ne manqua pas d'avoir des répercussions dans certaines localités voisines de la ville de Niort où les habitants de ces bourgades viennent ordinairement se ravitailler.


A Frontenay-Rohan-Rohan notamment, le 8 septembre, à l'issue de la première messe et sur les huit heures du matin, un nombre assez important de personnes se réunissent sous les halles et, après avoir tenu des propos indiscrets et menaçants, se rendent chez M. Boutet, curé et maire.


En tête du mouvement se trouve un nommé Guiton, homme jugé le plus dangereux de tous. Une centaine d'émeutiers, tous habitants de cette paroisse, vinrent représenter au sieur Boutet, avec beaucoup de bruit et menaces, qu'il y avait dans cette paroisse plusieurs marchands de blé qui achetaient de toutes parts et que les particuliers et fermiers retenaient chez eux leur grain et refusaient de vendre au peuple, qu'ils ne pouvaient en avoir pour leur argent, qu'enfin, si on n'y remédiait pas, ils seraient obligés de mourir de faim, qu'ils avaient été le jeudi précédent au marché de Niort, qu'ils n'avaient pu en avoir et que, désespérés, ils exigeaient de la municipalité qu'elle contraignit les marchands et les particuliers qui ont du blé à vendre, d'en apporter le mercredi au marché de ce lieu et en quantité suffisante pour satisfaire à leurs besoins. Le citoyen maire leur ayant répondu qu'il n'était dans l'usage de vendre des grains au marché de Frontenay, qu'il ne pouvait ni ne devait s'opposer à la libre circulation de ces denrées et qu'ils trouveraient à l'avenir au marché de Niort leur nécessaire, parlementa sagement avec ces excités dans le but de les rendre à la raison. Peine perdue. Les émeutiers se dirigent alors vers l'église, sonnent de force le tocsin, menacent de tuer, saccager, si on ne leur donne pas satisfaction. D'autre part, ils demandent à connaître la quantité de blé qu'il y a dans la paroisse.


Pour tranquilliser ce peuple effréné et pour éviter qu'il ne se livre à des excès fâcheux, la municipalité se détermine à faire placarder une affiche par laquelle elle engage les marchands et les particuliers qui ont du blé à vendre, à en apporter au marché, tel étant le voeu du peuple.
Les choses n'en restèrent pas là. Toujours menaçantes, ces personnes déchaînées obligèrent le maire et les officiers municipaux à effectuer une visite dans les greniers pour constater la quantité de grains se trouvant dans la paroisse. Craignant pour leur vie, les membres de la municipalité se firent accompagner par les gardes nationaux, mais ces derniers se rangèrent du côté des révoltés, menaçant même leurs officiers à la moindre observation.


Y avait-il vraiment pénurie de grain ? Non. C'est l'hostilité du peuple envers les producteurs et les marchands qui fut la cause de l'émeute.


En effet, dès le lendemain jeudi 9 septembre, le minage de Niort est abondamment garni.
A ce marché, écrit Jean-Paul Martin, le futur propriétaire des domaines de Faugerit, il y eut peut-être plus de 1.000 boisseaux de blé tant froment que baillarge. Quoique 300 boisseaux suffisent ordinairement pour le garnir, les 1.000 ne purent suffire ; un grand nombre de personnes ne purent en avoir et furent forcées de recourir aux particuliers qui en avaient chez eux et qui ne se souciaient pas d'en donner, après la visite qui avait été faite dans les greniers. Cependant tout s'est passé tranquillement.


Tout étant rentré dans l'ordre, la municipalité se réunit le dimanche suivant 15 septembre, afin de faire le point de la situation. Une déclaration officielle inscrite sur le registre des délibérations est ainsi conçue :

"Aujourd'hui 15 sept. 1790, nous maire et officiers municipaux de Rohan-Rohan, étant assemblés à la chambre commune pour dresser procès-verbal de ce qui c'est passé à l'égard des grains, nous avons procédé à la manière qui suit : le peuple désespéré de ce que l'on n'avait point voulu leur donner de grain pour leur argent au marché de Niort, nous a représenté avec violence et menaces de leur procurer des grains, nous avons cru qu'il était de notre sagesse pour éviter une insurection prête à éclater, d'inviter les marchands de blé et les propriétaires qui en ont à vendre d'en apporter au marché, ce qu'ils ont librement fait. Le marché ouvert, le peuple a demandé le prix. On lui a fait 5 livres le froment et 3 livres la baillarge ce à quoi ils n'ont pas voulu adhérer, disant qu'il était taxé à Niort savoir le froment à 4 livres le boisseau et la baillarge à 2 livres et qu'il était taxé à Niort au premier marché au dessus du prix ci-dessus, et dans la crainte de révoltes, les marchands et les particuliers se sont déterminés à le donner au même prix le tout librement et sans que nous leur ayant enjoint de le faire, ne voulant en rien nous opposer à la libre circulation et vente des blés qui nous est si recommandée par l'assemblée nationale et s'il se trouve des obstacles à la vente et circulation des blés elle ne vient que de la part du peuple qui a la force majeure et qui agit en conséquence."

Une contestation étant survenue pendant cette période troublée entre plusieurs vendeurs et acheteurs, le président et les officiers du directoire du district de Niort enjoignent le 22 septembre à la municipalité de Rohan-Rohan de se conformer aux décrets de l'assemblée nationale des 29 août, 6 et 30 mai précédents concernant la libre circulation des grains et de se faire donner main-forte, si besoin est, par la milice nationale, la maréchaussée et la troupe.
A la date du 24 septembre, les maire et officiers municipaux, assemblés à cet effet, répondent qu'ils n'ont nullement cherché à entraver la circulation des grains et que c'est avec bien des peines qu'ils ont vu l'insurrection du peuple et leur mauvaise conduite à leur égard et ajoutent que MM. du Directoire du district peuvent prendre connaissance de ce qui s'est passé par les procès-verbaux qui ont été remis entre les mains de M. le procureur général du département.


Bientôt tout rentra dans l'ordre. D'ailleurs, la récolte ayant été abondante et la famine n'étant plus à craindre, il n'y avait plus en ce sens aucun prétexte pour fomenter une agitation semblable à celle que nous venons de décrire.

AGUIAINE
Revue de la Société d'Etudes Folklorique du Centre-Ouest
Le Subiet
Tome XVIII - 2e livraison - n° 121
Mars-Avril 1984

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