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La Maraîchine Normande
11 avril 2014

COUR D'ASSISES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE (NANTES) - 1832 - INSURRECTION VENDÉENNE - AFFAIRE DE MM. DE CHARETTE ET AUTRES

LA GAZETTE DES TRIBUNAUX
VENDREDI 4 JANVIER 1833
n° 2306

JUSTICE CRIMINELLE

COUR D'ASSISES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE (Nantes)
Audiences des 27, 28, 29 et 30 décembre.

INSURRECTION VENDÉENNE
Affaire de MM. de Charette et autres - Incident - Renvoi à une autre session.

Une des affaires les plus graves auxquelles ait donné lieu l'insurrection vendéenne, s'est présentée à la Cour d'assises de la Loire-Inférieure.

Les accusés sont :

1° - Athanase de Charette, ex-pair de France, fugitif ;
2° - Jean-François-Frédéric la Roche, âgé de 34 ans, né à Blois, demeurant à Nantes ;
3° - Barnabé de la Haye, fugitif ;
4° - Hervoët de la Robrie fils aîné, fugitif ;
5° - Edouard Siochan de Kersabiec fils, fugitif ;
6° - de Biré fils, fugitif ;
7° - de Monti de Rezé fils, ex-officier, fugitif ;
8° - Pascal Mornet du Temple, âgé de 24 ans, né à Saint-Etienne-de-Corcoué et y demeurant ;
9° et 10° - Zacharie et Aimé Mornet du Temple, fugitifs ;
11° - Dubois, ex-commis à la recette générale de Nantes, fugitif ;
12° - Achille Dubois, fugitif ;
13° - Eugène Reliquet, âgé de 21 ans, né à Vieillevigne et demeurant à Saint-Philbert, arrondissement de Nantes ;
14° - Alexandre-Pierre Chevalier, âgé de 18 ans, né à Ligné, arrondissement d'Ancenis, et y demeurant ;
15° - Mathurin Etourneau, âgé de 25 ans, né à la Varenne, arrondissement de Beaupréau, demeurant à Nantes ;

Accusés tous les quinze d'avoir commis un attentat dont le but était, soit de détruire, soit de changer le gouvernement, soit d'exciter les citoyens ou habitans à s'armer contre l'autorité royale ; les douze premiers prévenus de s'être mis à la tête de bandes armées ou d'y avoir exercé une fonction ou un commandement quelconque, pour envahir des propriétés ou deniers publics, des places, villes ou postes, soit pour piller ou partager des propriétés publiques ou celles d'une généralité de citoyens, soit enfin pour faire attaque ou résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ces crimes ; d'avoir dirigé l'association, levé ou fait lever, organisé ou fait organiser les bandes, ou de leur avoir, sciemment et volontairement, fourni ou procuré des armes, munitions ou instrumens de crime, ou d'avoir de toute manière pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandans des bandes : crimes prévus par les art. 87, 88, 96 et 97 du Code pénal.

Voici les faits de l'accusation :

Dès le mois de janvier dernier, le parti contre-révolutionnaire nourrissait l'idée d'une insurrection, et les meilleurs esprits eux-mêmes se flattaient de ressaisir le pouvoir par la coopération de l'armée. Les paysans des portions de l'Ouest où la guerre civile avait eu le plus de force étaient surtout bercés de vaines espérances et préparés à un soulèvement que les couronnes étrangères viendraient seconder d'une formidable intervention armée. Vers le commencement de février, de Biré fils proposait à des habitans de Bouguenais de participer à l'insurrection qui se préparait en Vendée, pour changer le gouvernement et mettre sur le trône le duc de Bordeaux, sous le nom de Henri V, et plus tard il leur réitérait cette proposition. Hyacinthe-Ferdinand Hervoët de la Robrie, père, faisait une première fois, à un habitant de Sainte-Lumine-de-Coutais, d'assez vagues ouvertures sur ce même complot. Une seconde fois, dans une réunion d'environ quinze personnes, où se trouvaient plusieurs jeunes gens de ville, l'arrivée de la duchesse de Berri dans la Vendée était annoncée. Une troisième fois, enfin, la prise d'armes était fixée du 3 au 4 juin. Un conciliabule eut lieu, le 6 mars, vers dix heures du soir au chemin Rotard, en Sainte-Pazanne. Un inconnu, qu'on disait être l'un des chefs et aide-de-camp d'Athanase de Charette, allait de groupe en groupe, annonçant que la duchesse ne voulait pas qu'ils exposassent leurs personnes et leurs fortunes avant l'invasion des étrangers, qui peut-être les dispenserait même de s'insurger. Le comte de Rezé présida une de ces réunions, entre le Moulin-Rayé et Sainte-Pazanne. On y distribuait des grades. Un chef du nom de Charette qui est mort depuis, offrit celui de capitaine à un habitant de Saint-Mars-de-Coutais.


L'ordre d'agir fut enfin donné ! De jeunes émissaires, partis des villes, se répandirent dans les campagnes. Dans la nuit du 2 au 3 juin, quelques-uns d'eux parcoururent Sainte-Lumine-de-Coutais, et le 3, à la sortie des vêpres, le bruit courut que les soldats arrivaient, en massacrant comme en 1793. Ces jeunes gens avaient ordonné à cette commune ... de prendre les armes le 4. Ils furent obéis. Dans la soirée même du 5, une bande, forte d'une centaine d'hommes, se rendit de ces communes au Crouëssard, en Saint-Philbert, chez Hervoët de la Robrie père, qui lui fit distribuer des cartouches.


Dans la même soirée, quelques personnes, dont faisaient partie Dubois, l'ex-commis, et Achille Dubois, se réunirent à Bouguenais, puis se rendirent au portail de la Freseraie, chez de Biré fils, où était le rendez-vous. On leur dit qu'il les attendait dans le marais de Bougon, d'où il les mena chez Edouard Siochan de Kersabiec, à la Maronnière, dans le Pont-Saint-Martin. Celui-ci leur fit servir à boire et à manger, et remettre des armes et des munitions. Ils se joignait ensuite à eux, avec quelques Nantais, et tous, au nombre de trente environ, gagnèrent la forêt de la Freudière, et y attendirent le jour. Le 4 au matin, ils prirent le chemin de Pont-James, en Saint-Colombin, et y firent leur jonction avec de la Robrie, dans le courant de la journée.


Ce dernier y était arrivé dès 5 heures du matin, à la tête de plus de deux cents hommes. Il y en avait cent environ d'étrangers au pays, coiffés de petits chapeaux cirés, et vêtus partie en habits, partie en blouses. Ils avaient aussitôt investi la caserne de la gendarmerie, et, armés d'espingoles, forcé l'entrée de la cour. Un gendarme ayant négligé de fermer la porte de la caserne d'où il était sorti un moment auparavant, les deux brigadiers furent coupés de leurs hommes, qui se barricadèrent à la hâte dans leurs chambres, ou, pour les amener à se rendre, on menaça de mettre le feu. De la Robrie, à la prière du propriétaire, consentit à empêcher l'effet de cette menace, mais à condition que les assiégés se rendissent, et les portes de leurs chambres ayant été bientôt brisées, ils ne prolongèrent point leur résistance davantage. Les chefs s'emparèrent de leurs chevaux, de leurs armes et de leurs munitions. Quelques subalternes s'accomodèrent de ce qui tomba sous leurs mains : l'argent, le linge, les effets d'habillement n'ont plus été retrouvés. On les excita par tous les moyens à une défection ; voyant enfin que tous les efforts seraient vains, de la Robrie leur dit qu'une autre division approchait et qu'il ne répondit point d'eux. Ils se déguisèrent et parvinrent à gagner, les uns Nantes, les autres Saint-Philbert.


Pendant cette occupation de Pont-James, un domestique de Barnabé de la Haye répandit dans une auberge le bruit que la duchesse allait passer, et que Henri V, proclamé roi de France, la suivrait bientôt. Quelques instans après apparut une jeune dame, montée à l'anglaise sur un cheval noir, et suivie d'un laquais armé. Elle fut accueillie par les paysans aux cris de vive la duchesse de Berri ! mais cette méprise ne dura pas long-temps ; c'était une demoiselle du voisinage.


Survint ensuite une voiture neuve où flottaient deux drapeaux blancs, et qu'escortaient des cavaliers armés, parmi lesquels fut remarqué Jean-François-Frédéric la Roche, coiffé d'une casquette, vêtu d'une blouse, et armé d'une espingole et de deux pistolets. Elle se dirigea vers Saint-Etienne-de-Corcoué, et l'on se disait que c'était Athanase de Charette et d'autres personnages de distinction qui étaient dedans. Rencontrée dans le trajet par un détachement, ceux qu'elle portait comme ceux qui l'escortaient s'échappèrent à travers champs. Il fut alors reconnu que c'était une concurrence qui s'établissait et faisait son premier voyage sur la route de Bourbon, où  quelques insurgés l'avaient saisie, puis amenée au milieu du rassemblement pour lui en imposer.


De Pont-James ces diverses bandes furent conduites par de la Robrie à Saint-Colombin où elles abattirent le drapeau tricolore. Elles revinrent à Pont-James, puis gagnèrent la forêt de la Freudière pour se rabattre sur Montbert, cherchant la troupe de Charette, qui les cherchait de son côté ; et dans l'espérance de l'y trouver, elles rentrèrent dans la forêt pour y passer la nuit.
Le cri aux armes avait été jeté à Saint-Jean et Saint-Etienne-de-Corcoué et leur contingent fut se réunir aux autres à Pont-James.


Enfin, des gens armés qui se dirent Nantais, vinrent aussi donner l'ordre à Geneston, dans la nuit du 3 au 4, de lever toute la jeunesse de Montbert et de la mener au château pour sept heures du matin. Henri V, disaient-ils, allait être mis sur le trône sans effusion de sang. De Geneston on envoya deux jeunes gens voir ce qui se passait à Montbert. La Roche, à la tête d'une trentaine d'hommes armés d'espingoles, venait d'en désarmer le maire et d'y arborer le drapeau blanc. Ces jeunes gens ayant rapporté à Geneston la nouvelle que le chef-lieu était occupé et le drapeau tricolore remplacé par le drapeau blanc, on se mit en marche, les jeunes gens traînant les vieux, et on vint d'abord chercher des armes et des munitions à Bellecour, où, la veille, trois hommes à cheval en avaient apporté et fait cacher une caisse dans un champ. Une soixantaine d'hommes armés, les uns de la ville, les autres de la campagne, y étaient réunis. De là on gagna ensuite le château de Montbert. Charette y était, prenant le titre de général, et entouré d'environ soixante personnes de la ville. Il fit encore distribuer des armes et des munitions, et, après avoir fait crier "vive Henri V !" il se dirigea premièrement du côté d'Aigrefeuille, puis, sur un contre-ordre, il reprit le chemin de la lande de Bouaine, et s'en fut coucher à la Grimaudière en St-Philbert de Bouenne ; le 5, il y opéra sa jonction avec des la Robrie, qu'il avait en vain cherché à effectuer la veille. Cette journée s'écoula en marches et contre-marches, et il promena ses deux cents hommes, réunis au nombre à peu près pareil à ceux de la Robrie, de Pont-James, où il alla d'abord et fit une halte de deux heures, à Geneston, pour, changeant tout-à-coup de route, venir, après divers circuits, enfin coucher à la Belinière, près la lande de Bouaine. Il eut soin que les hommes de l'une et l'autre troupe réunies, qui manquaient de cartouches, en fussent pourvus. A la chute de ce même jour, un rassemblement de près de cent cinquante hommes se formait ...


Un conflit était désormais imminent. La journée du 6, qui devait en être témoin, vit quatre ou cinq cents insurgés, la plupart armés, se mettre en mouvement sous les ordres de son général en chef. De la Robrie remplissait les fonctions de général de division, de Kersabiec celles de colonel ; de Biré avait aussi un commandement. Ils vinrent sur la lande de Bouaine, où ils s'attendaient à être attaqués ; mais, n'y découvrant point de troupes, ils la traversèrent, et, après différentes marches, se portèrent sur une petite rivière, en Vieillevigne, près de laquelle la rencontre eut enfin lieu au Chêne. La fusillade dura une heure et demie environ. Le gros des insurgés n'avait guère tardé à plier ; mais la plupart des chefs, qui étaient des jeunes gens bien vêtus, se battirent avec opiniâtreté ; beaucoup furent tués. Pendant le feu, on distribuait des cartouches qui avaient été apportées de Bellecour sur deux chevaux, dans de grands paniers qu'on disait contenir aussi de l'argent. Enfin le désordre se mettant de plus en plus parmi cette multitude démoralisée, la déroute fut bientôt complète. De la Robrie, suivi d'à peine quinze hommes qui se dispersèrent successivement, se trouva presque seul à portée de la voix des soldats qui lui criaient : "Halte !" Il ne leur échappa qu'avec peine, en s'enfonçant dans ces campagnes à la désolation desquelles il avait tant contribué, et, après y avoir erré pendant cinq mois, en proie à des anxiétés sans relâche, il est venu, sous le vêtement grossier de cette classe d'hommes si dociles à se compromettre pour lui, mourir sous un chaume à quelques pas de sa demeure, vide de tous les siens.


Charette, après une longue fuite, s'arrêta à l'entrée de la nuit, près d'une maison où la cavalerie s'était déjà rendue. Il fit faire une distribution de pain et de vin à ce qui lui restait de monde. C'était un jeune homme, ayant le titre d'intendant, qui avait été chargé de faire la solde pendant cette campagne de trois jours. Enfin, vers dix heures du soir, le cercle ayant été formé, Charette s'y plaça et dit : "Ma tête en tombant au milieu de vous, ne me coûterait rien. Voulez-vous continuer ou rentrer chacun chez vous ?" Tous ayant répondu qu'ils préféraient se retirer, "Je ne vous dis point, reprit-il, que je me retire en pays étranger ; au contraire, il peut se faire qu'on ait besoin de vous, et je vous engage à revenir en ce cas." Un témoin a déposé qu'au contraire il avait dit : "Sauvez-vous si vous le pouvez ; il n'y aura plus d'insurrection dans la Vendée." Quoi qu'il en soit, ce débris découragé, dont la confiance était naguère si aveugle, s'écoula dans l'obscurité sans répondre.
A ces faits généraux viennent s'en rattacher de spéciaux à chaque accusé.

Une lettre, saisie au domicile d'un homme prévenu d'avoir participé à l'insurrection, et signée Gaspard, a été reconnue pour être de la main de Charette ; et, dans un billet sans suscription ni date, qui semble être de l'écriture de Joseph de Monti de Rezé, et qui a été saisi au domicile de son père, le 10 à Nantes, on lit "Exécute tout ce que la lettre de maman dira, ce sont les ordres de Gaspard." Il a de plus été trouvé, le même jour, soit dans l'hôtel, soit dans le château de Rezé, divers objets aux insignes du gouvernement déchu. Ch. Josh. de Monti de Rezé, qui a été impliqué dans un complot formé à l'école militaire, a été vu, le 4, à Bellecour et à Pont-James, portant une écharpe blanche au bras gauche, et un jeune homme portant le même signe était désigné comme aide-de-camp de la duchesse. Un comte de Rezé a présidé un des conciliabules où l'insurrection s'est préparée, et le chef d'une de ces réunions y fut désigné comme aide-de-camp de Charette.


La Roche a fait solliciter Etourneau de se joindre aux insurgés, et lui a fait donner à cet effet les instructions nécessaires. Le 4, dans une auberge près de Brains, il a fait les mêmes sollicitations à Chevalier et à un autre élève ecclésiastique. Il s'est fait connaître à eux sous la qualité d'ex-lieutenant de gendarmerie, et les a déterminés à le suivre, en leur promettant de les garder sous son commandement, et en les flattant d'une diminution d'impôts, ou recouvrement de la liberté. Cependant, lors de leur confrontation avec lui, l'un et l'autre de ces accusés ne l'ont pas reconnu ; mais il l'a été par le maire de Montbert qu'il engagea de continuer ses fonctions, ayant, disait-il, pour le confirmer ou le révoquer, des pouvoirs de Henri V, qui venait d'être proclamé roi de France. Il a encore été reconnu au château de Montbert, à côté de Charette, et il y plaça sur deux rangs le contingent de Geneston. Il l'a été aussi à  Pont-James, dans l'escorte de la voiture. Il y engagea un gendarme à passer de leur côté, lui offrit un brevet d'officier et lui donna à entendre qu'il était muni de beaucoup d'or. Il y dit à un ex-gendarme : "Eh ! bien, avez-vous repris du service ?" Et, sur sa réponse négative, ajouta : "Nous en reprendrons ensemble, vous serez des nôtres." Il a enfin été reconnu à la Grimaudière, à la Bélinière, au Chêne. Il a été arrêté dans une maison de campagne près de Nantes, le 15 août, vers cinq heures du matin. Il était au lit, mais avec un pantalon et des bas. Il refusa de se nommer. Les numéros du 12 août de la Quotidienne  et du Revenant étaient sur une commode, et deux médailles à l'effigie d'Henri V, dans un tiroir. Dans le trajet jusqu'à la maison d'arrêt, il dit aux gendarmes : "Pour le moment je suis pincé, et vous me conduisez ; mais j'espère sous peu vous commander à mon tour." Il nie tout, sauf la possession des médailles et ce dernier propos, qui ne lui aurait pas été suggéré par l'intention de détourner ces gendarmes de leur devoir, mais seulement par la singularité de leurs positions respectives dans ce moment.


De la Haie était au nombre des chefs à Pont-James. Des insurgés, qui tenaient un gendarme en joue lui ayant demandé s'ils devaient faire feu, il répondit "non", et qu'au surplus il n'était pas le chef ; qu'il fallait qu'ils s'adressassent à de la Robrie père, qui l'était. Il s'empara du cheval d'un gendarme, aux réclamations de qui il répondit qu'il était trop heureux d'avoir la vie sauve, et se présenta, ainsi monté, à la porte de l'un des brigadiers ; "Je vous fais lieutenant, lui dit-il ; votre solde sera beaucoup au-dessus de celle que vous touchez. Je vous donne ma parole d'honneur que je vous remettrai sous deux jours un brevet signé de Mme la duchesse de Berri." Il dit aussi à un gendarme que son cheval lui serait laissé s'il voulait se joindre à eux. C'est encore lui qui fit porter aux autres bandes l'avis du désarmement des brigades.


De la Robrie fils entra à Pont-James à la tête d'hommes armés. Il se saisit des cartouches qui étaient dans la giberne d'un des brigadiers, et lui proposa de les suivre en lui promettant de l'avancement. Il fit une offre semblable à un gendarme, en disant que la brigade des Sorinières avait fait sa soumission, que savenay était en leur pouvoir, Nantes en pleine insurrection, ses ponts coupés, et que la duchesse paraîtrait dans deux jours en Vendée, où son fils serait proclamé roi. Le gendarme ne répondit point ; on lui donna deux jours pour prendre un parti. Du reste, cet accusé n'a point quitté son père pendant cette échauffourée.
Aux charges énoncées plus haut contre Kersabiec et de Biré, il n'y a à ajouter ici que leur présence au-dessus de Pont-James un peu après leur jonction avec de la Robrie père.


Le 4, pendant qu'on opérait la levée de Saint-Jean-de-Corcoué, un homme hésitant à partir quoiqu'on lui dit que c'était pour rétablie Henri V sur le trône, fut menacé d'un coup de baïonnette ; mais Zacharie Mornet du Temple s'interposant, essaya de calmer ses gens, et dit à cet homme : "Vous feriez mieux de ne pas résister" ; et, en effet, il se joignit à la bande. Lui et ses deux frères, Paschal et Aimé arrivèrent à Pont-James à la tête de cette bande, composée d'une trentaine d'hommes, et s'y réunirent à la Roberie. Ils ont également été vus tous trois au Chêne, mais ils ne paraissent point y avoir de commandement. Paschal a été surpris et arrêté à son domicile, et, pendant sa translation à la maison d'arrêt, s'est répandu en propos hostiles à l'ordre de choses existant et en menaces. Il a prétendu n'avoir su l'évènement de Pont-James que dans la soirée du 4 ; et, en voyant tout le monde abandonner la Gauterie, en Saint-Etienne-de-Corcoué, où il demeure, avoir cédé à la contagion de l'exemple et pris son fusil pour sa propre sûreté ; qu'ayant été saisi, dans la nuit du 5 au 6, d'une fièvre violente, il fut obligé de se faire saigner à la Jauffrère, où il se trouvait, et d'y rester trois semaines ; que des insurgés qui allaient au Chêne s'emparèrent de son arme ; qu'enfin il ne s'est point caché et s'est rendu volontairement.


Dubois, l'ex-commis, arriva comme à son ordinaire chez une tante qu'il a à Bouguenais, le 2. Il y distribua, le 3, vers neuf heures du soir, avec son cousin Achille Dubois, des armes et des munitions ; puis ils se rendirent chez Biré et Kersabiec, dans la bande desquels ils se sont confondus. Ils sont indiqués comme jeunes et d'assez haute taille.
Reliquet a été arrêté le 8, dans une de ses fermes, près de Saint-Lumine. Il avait au genou les marques d'une blessure qu'il a reçue au Chêne. Il a allégué qu'à raison de troubles prochains dont le bruit circulait, sa mère voulant se défaire de ses vins, l'envoya de Saint-Philbert, qu'il habite et où il était en sûreté, à une campagne, à la Grimaudière, où dès le lendemain 5, dans la matinée, la bande de la Robrie, après lui avoir acheté, bon gré mal gré, une barrique de vin, le força, quoique malade, de le suivre ; qu'ensuite on ôta à un paysan un mauvais fusil pour le lui donner, mais qu'il n'en a pu faire usage et l'a jeté pendant la déroute ; qu'enfin il s'était retiré, aussitôt qu'il avait pu s'échapper, dans la ferme où il ne tarda guère à être arrêté.


Chevalier et Etourneau, élèves, l'un du petit, l'autre du grand séminaire de Nantes, en sont partis séparément le même jour 31 mai ou 3 juin dernier. Chevalier, porteur d'une lettre du supérieur, en date du 30 mai, qui annonçait son renvoi pour une faute, fut coucher à Brains, où le 4 juin la Roche a dû l'entraîner dans les bandes insurgées. Etourneau y est arrivé le même jour, après avoir passé la nuit dans les bois au-delà de Rezé, conduit par un guide que le même la Roche lui avait envoyé. Après le combat du Chêne, ces deux accusés, qui avaient fui comme les autres, ont été arrêtés en cherchant à rentrer à Nantes, le premier à Trentemoult, le 9, et le second sur la route des Sorinières. Telles sont les charges que leurs aveux ont élevées contre eux.

Six accusés seulement sont présens : ce sont Jean-François-Frédéric la Roche, Paschal Mornet-du-Temple, Achille Dubois, Eugène Reliquet, Mathurin Etourneau et Alexandre-Pierre Chevalier.

Les audiences des 27 et 28 ont été consacrées aux interrogatoires et à l'audition des témoins.
A l'audience du 29, M. le procureur du Roi a pris la parole.
Après une suspension d'audience, M. le procureur du Roi prend de nouveau la parole, et déclare, avant de passer outre, qu'il est à sa connaissance qu'un nom a été surchargé sur la liste du jury signifiée aux accusés ; et que cette surcharge étant de nature à donner lieu à la cassation de l'arrêt à intervenir dans cette cause, il requiert que la Cour se fasse remettre les six copies, et statue sur l'incident.
Les défenseurs et leurs cliens déclarent tenir pour bien écrit le nom du juré surchargé, et en reconnaître parfaitement l'identité.


Cependant la Cour s'est retirée pour en délibérer, et après une demi-heure a rendu l'arrêt suivant :

Considérant que le ministère public a déclaré qu'il venait de parvenir à sa connaissance qu'une nullité paraissait avoir été commise dans la notification de la liste des jurés aux accusés ou à quelques-uns d'entre eux, en ce que, au lieu de M. Rain, dix-neuvième juré sur la liste, l'huissier qui a fait les notifications aurait écrit Hain ; et que, s'il en était ainsi, il se verrait dans la nécessité de requérir le renvoi de l'affaire à la prochaine session : pourquoi il a interpellé les accusés et leurs conseils de s'expliquer positivement à cet égard ;
Considérant que Me Grivart, conseil de l'accusé la Roche, a déclaré qu'à la vérité, au premier coup-d'oeil, il pouvait paraître y avoir quelque ambigu et touchant la première lettre du nom de M. Bain et quelque similitude entre cette lettre et la lettre H ; mais que, néanmoins, au moyen d'une correction pratiquée sur cette lettre, il est facile de lire Bain, et que c'est effectivement ainsi que lui et son client ont lu et compris, ce qui a été confirmé par la déclaration de l'accusé la Roche lui-même, qui a adhéré à tout ce que son conseil a dit à ce sujet ;
Considérant que les autres accusés, Mornet du Temple, Dubois, Reliquet, Etourneau et Chevalier, ainsi que leurs conseils, ont fait des déclarations pareilles à celles de la Roche et Me Grivart, en y adhérant ;
Considérant que les accusés, invités par la Cour à remettre leurs copies respectives pour que la vérification pût en être faite, en ont volontairement effectué le dépôt, sans réserves ni conclusions quelconques ;
Considérant qu'un examen attentif fait par la Cour, de chacune desdites copies, a fait reconnaître d'une manière exclusive de tout doute, 1° que sur la copie de Chevalier on lit très distinctement le mot Hain, sans qu'il soit même possible d'y lire autre chose ; la lettre H parfaitement tracée étant dans son état primitif, sans aucune altération ni surcharge ; 2° que sur la copie de la Roche, la lettre H du mot Hain a été surchargée d'un peu d'encre plus blanche que celle qui a servi à tracer ce mot ; mais que nonobstant cette surcharge, la lettre H se laisse encore voir très distinctement et sans aucun doute possible ... ; 3° que sur les copies des quatre autres accusés, la lettre H du même mot a été plus ou moins grossièrement changée en un B ; mais qu'il n'existe aucune approbation de ce changement par l'officier ministériel qui a fait les notifications, ce qui ne permet pas de savoir si cette rectification a eu lieu la veille du jour déterminé pour la formation du tableau du jury du jugement ;
Considérant que, dans cet état, la liste des jurés n'a pas été complètement notifiée aux accusés comme le prescrit, à peine de nullité, l'art. 395 du Code d'instruction criminelle, puisqu'il existe sur cette liste aucun individu du nom de Hain, Bain, porté sur le tableau, n'est désigné que par un seul prénom très commun, celui de Jacques ; et seulement avec le titre de propriétaire ; qu'il ne l'est par aucune profession ou qualification spéciale qui puisse servir à le distinguer d'un sieur Hain ;
Considérant qu'il s'agit ici d'une nullité d'ordre public qui ne peut être couverte par le consentement des accusés, ni d'aucune manière ; que la Cour ne doit ni ne peut continuer l'examen d'un procès criminel avec la certitude que toutes ses opérations seraient nulles ; et que la preuve acquise, dans le cours des débats, d'une nullité substantielle dans la notification de la liste des jurés aux accusés, est un de ces évènemens dont parle l'art. 406 du Code d'instruction criminelle, et qui doivent déterminer le renvoi de l'affaire à la session suivante ;
Vu l'art. 395 du Code sus-mentionné, ainsi conçu :
"La liste des jurés sera notifiée à chaque accusé la veille du jour déterminé pour la formation du tableau ; cette notification sera nulle, ainsi que tout ce qui aura suivi, si elle est faite plus tôt ou plus tard."

La Cour renvoie l'affaire des accusés la Roche, Mornet du temple, Dubois, Reliquet, Etourneau et Chevalier à la prochaine session des assises du département de la Loire-Inférieure, et constate la remise immédiatement faite auxdits accusés de leurs copies respectives et sus-mentionnées.
Les accusés sont emmenés, et l'audience est levée.

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