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La Maraîchine Normande
2 avril 2014

LE MANS, FÉVRIER 1872 - RÉPONSE A CERTAIN BOURGEOIS ORLÉANISTE

RÉPONSE A CERTAIN BOURGEOIS ORLÉANISTE

Le Mans, février 1872.

MONSIEUR,

J'ai parcouru votre savante épître en faveur des anciens maîtres du Palais-Royal, de ce palais qu'ils devaient à la munificence de Louis XIV.
Pardonnez à ce propos, si je vois avec surprise vos coreligionnaires politiques toujours prêts à critiquer la mémoire du grand Roi, dont les princes, leurs m'amours, ont tiré naissance et fortune par madame de Montespan.
Passons à votre lettre, les faits avancés par Louis Blanc, historien à courte taille, ne prouveraient, fussent-ils vrais, absolument rien pour la cause orléaniste, car les fautes du comte de Provence n'atténueraient pas les crimes de Louis-Philippe-Joseph, et ne légitimeraient pas l'ursurpation de 1830 ; mais où Louis Blanc a-t-il puisé ses renseignements, sinon dans les pamphlets de Laclos ; et qui ne connaît Laclos, ce triste confident d'Égalité ?
Le comte de Provence, faible comme tout fils d'Adam, a pu voir avec regret surgir de jeunes rejetons qui l'éloignaient du trône ; il a pu même exprimer, à tort, un pareil regret, sans aller jusqu'aux propos indécents que lui prête l'auteur des ateliers nationaux. Qu'on veuille  donc indiquer un seul acte, un seul écrit de ce prince, hostile à la personne de Louis XVI et à celle de l'infortuné Dauphin.
Le procès du marquis de Favras, dans lequel assurément le comte de Provence ne joua pas envers ce dernier un rôle généreux, démontre à lui seul, la fidélité du prince à la famille royale.
Ce fut simultanément avec l'auguste famille que Louis-Stanislas-Xavier partit pour l'émigration en 1791, et s'il fut plus heureux dans sa route, c'est qu'il n'y fit pas la rencontre d'un Drouet.
Après l'attentat du 21 janvier 1793 prenant, au sein de l'exil, le titre de Régent du Royaume, il proclama roi, son neveu Louis XVII, innocente victime que retenait la prison du Temple, et que torturait le cordonnier Simon.
Ah ! pourquoi Louis-Philippe d'Orléans, qui avait aussi pour neveu un royal orphelin, n'a-t-il pas agi de même en 1830, et ne s'est-il pas contenté de la lieutenance générale, à lui déférée par Charles X ? La France n'aurait pas subi depuis lors tant de révolutions et ne serait pas aujourd'hui plongée dans un abîme insondable.
Vous citez Louis Blanc, Monsieur, contre Louis XVIII, à qui nous avons dû la charte de 1814, fidèle expression des cahiers de 1789, mais compulsez, je vous prie l'Histoire de 10 ans, et vous y verrez le rôle étrange de Louis-Philippe, avant, pendant et après la funeste révolution de Juillet.
Vous y lirez une lâche protestation publiée à Londres en novembre 1820 contre la légitimité du duc de Bordeaux.
Vous y lirez la fin tragique du dernier des Condés et les affreux soupçons, qui, en couvrant d'ignominie la baronne de Feuchères, atteignirent un autre personnage éminemment placé ;
Vous y lirez le scandaleux épisode d'un oncle qui, pour étayer son usurpation, acheta moyennant deniers, d'un nouveau Judas sa nièce proscrite, dont il mit sous les verroux la personne et vilipenda l'honneur aux yeux de l'Europe indignée.
Vous y lirez enfin que, pour capter en 1830, l'appui des ardents républicains, Louis-Philippe déclarait le plus honnête homme du monde, ce Philippe-Égalité, dont le vote régicide avait soulevé d'horreur en 1793 les plus forcenés Montagnards.
Lorsqu'il eut pris la fuite avec Dumouriez, Louis-Philippe d'Orléans, fut obligé, pour vivre, de se faire, durant quelque temps, professeur de mathématiques, au collège de Reichenau. Proscrit par la République Française et rejeté des rois de l'Europe, il résolut, dans cet abandon général de s'adresser au comte d'Artois, depuis Charles X, qui oubliant tout le passé, le reçut avec bienveillance et lui facilita bon accueil auprès de Louis XVIII, ce qui procura le mariage du jeune duc avec une princesse de Naples.
Philippe-Égalité, qui s'était ruiné en débauches et en conspirations, avait cédé, par un honteux bilan, la totalité de ses biens à ses nombreux créanciers, mais après la mort sur l'échafaud de Philippe, la nation s'était emparée desdits biens, les avait en partie revendus, et avait aussi, en majeure part, désinterressé les créanciers du prince.
Après la restauration, Louis XVIII rendit par ordonnance les immeubles non vendus, à Louis-Philippe et à madame Adelaïde sa soeur, dont il acquitta même les dettes contractées pendant leur exil.
Est-il vrai que ceux des créanciers d'Égalité non encore désinterressés aient réclamé alors le montant de leurs obligations, et que les d'Orléans leur aient opposé la prescription trentenaire ?
Pour les biens aliénés par la nation, Louis-Philippe et sa soeur vinrent toucher, sous Charles X, la somme de 14 millions dans le milliard alloué par les chambres aux spoliés de la Révolution, ce qui n'empêchait pas de cajoler au Palais-Royal, députés et journalistes qui s'étaient prononcé avec passion contre la loi d'indemnité.

Je suis oiseau, voyez mes ailes ;
Je suis souris, vivent les rats ;

On demande si le trésor public retint au moins le chiffre des sommes versées par la République aux créanciers de Philippe-Égalité.
Les enfants de Louis-Philippe réclament, en ce moment, à la France ruinée, la restitution de la fortune paternelle, confisquée le 22 janvier 1852 par Louis-Napoléon Bonaparte.
Permettez-moi de le dire, Monsieur, si jamais Bonaparte, qui ne fut point mon héros, a fait quelque chose de juste, ce sont bien les décrets contre lesquels protestent les princes d'Orléans.
Louis-Philippe savait qu'en vertu d'une loi de l'État, la fortune du prince qui monte sur le trône de France doit tomber dans le domaine national, et craignant que, malgré l'irrégularité de son avènement, cette loi, consacrée par des arrêts solennels du parlement de Paris et par une application séculaire, ne frappât pas sa fortune immense, Louis-Philippe, dis-je, employa, pour y échapper, l'un de ces moyens flétris par la maxime ; nimis proecaution dolus ; entre le jour de son élection par les deux chambres mutilées et celui de sa prestation de serment, il consentit devant notaire, au profit de ses puinés, une donation universelle de ses biens, en nue propriété, de sorte que le serment du 9 août, formalité suprême de son intronisation, sortit de la bouche d'un simple usufruitier.
Cette donation peut-être comparée à celle qu'un père condamné pour dettes par les tribunaux ferait à ses enfants, le lendemain du jugement de condamnation, pour éviter la saisie immobilière.
Vous objectez, Monsieur, que la révolution de février 1848 a renversé l'édifice de 1830, mais est-ce que 1792 et 1830 n'ont pas renversé d'autres édifices plus respectables, sans que pour cela le noble héritier de Louis XVI et de Charles X pense à revendiquer jamais les biens des rois, ses aïeux ?
Tenez, Monsieur, il faut que, en tout et partout, les princes d'Orléans prennent leçons de grandeur d'âme auprès du comte de Chambord.

Agréez, etc.

A.B.

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