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La Maraîchine Normande
13 mars 2014

CHOLET (49) - DEUX VICTIMES VENDÉENNES - MARIE ET RENÉE GRILLARD

DEUX VICTIMES VENDÉENNES
MARIE ET RENÉE GRILLARD, DE CHOLET
FUSILLÉES AU CHAMP-DES-MARTYRS
PRES D'ANGERS
LE 1ER FÉVRIER 1794

 

champ des martyrs


C'est le 14 mars 1793 que Cholet fut pris par les Vendéens qui restèrent maîtres de cette ville jusqu'au 17 octobre.
Dans son ouvrage, La Vendée Angevine, M. Port, membre de l'Institut, archiviste de Maine-et-Loire, après avoir raconté à sa façon les détails de cette importante victoire des Vendéens, termine son récit par la note suivante, que nous citons très exactement :
"Les bonnes gens ont d'autres soucis. Les filles Grillard, de Cholet, s'en vont descendre la statue de la Vierge de (Bellefontaine) de sa niche sur l'autel et lui faire des reproches, en lui disant : "Grande Vierge, pourquoi ne nous avez-vous pas encore délivrés des tyrans républicains ? Protégez nos armes et rendez-nous victorieux de nos ennemis ! Parlez ! nous sommes prêts à obéir." (Comité révolutionnaire de Cholet).
Cette assertion du savant archiviste est-elle vraie ? Est-elle véritablement appuyée sur les documents du Comité révolutionnaire de Cholet, comme on l'indique ? C'est ce que nous allons voir.


Le Comité de surveillance ou révolutionnaire de Cholet ne fut formé que le 8 novembre 1793 ; il était alors composé des citoyens Robin de Méricourt, Clémanceau, Minguet, Josson, Lombardel et Demiaud cadet. Une des fonctions du Comité était de recevoir les dénonciations. Dès le 11 novembre, on lui fit la dénonciation suivante, extraite du registre officiel du Comité.


"Le citoyen  A... (ce citoyen était le frère de l'intrus de la Tessouale), commandant de bataillon, a dénoncé les filles Grillard, de Saint-Pierre de Cholet, pour avoir été à la tête des processions qui ont allumé le fanatisme dans le pays, et dans le temps de l'insurrection d'avoir excité les brigands contre les patriotes, et entre autres choses d'avoir descendu la statue de la Vierge de sa niche sur l'autel et de lui avoir fait des reproches en lui disant : "Grande Vierge, pourquoi ne nous avez-vous pas encore délivrés des tyrans républicains ? Protégez nos armes et rendez-nous victorieux de nos ennemis. Parlez, et nous sommes prêts d'obéir."


Étant donnée la qualité du dénonciateur et la gravité (?) de l'accusation, le Comité révolutionnaire fit immédiatement arrêter l'aînée des filles Grillard. Le 14 novembre, elle subissait l'interrogatoire suivant, par les soins de Robin de Méricourt, président du Comité. Nous le reproduisons d'après l'original, conservé aux Archives de Maine-et-Loire :


"Le 24 brumaire de l'an II de la République une et indivisible.
A été traduite devant le commissaire du Comité révolutionnaire d'Angers la fille Grillard, détenue dans les prisons de Cholet comme très suspecte :
Interrogée de son nom, âge, profession et demeure. - A dit se nommer Marie Grillard, née et demeurant à Saint-Pierre de Cholet, être âgée de 40 ans, être tapissière.
Interrogée si elle sait le motif de sa détention - A dit que non.
A elle demandé si elle n'a pas été à la tête des processions et neuvaines qui ont allumé le fanatisme dans le pays. - A dit qu'elle y a été, mais qu'elle n'avait intention que de demander la paix et la réunion des esprits.
A elle demandé si elle n'a pas excité les brigands contre les patriotes. - Non.
A elle demandé si elle n'a pas descendu une Vierge sur l'autel, en lui faisant des reproches et lui disant : "Grande Vierge, pourquoi ne nous avez-vous encore pas délivrés des tyrans républicains ?" - A NIÉ TOUS CES FAITS.
A elle demandé si elle a porté la cocarde blanche et le Sacré-Coeur. - A dit qu'elle a porté le Sacré-Coeur.
Lecture faite à ladite Grillard de ses réponses au présent interrogatoire, a dit qu'elles contiennent vérité, y a persisté et déclaré ne savoir signé."
(Contrairement à l'usage constamment suivi dans tous les autres interrogatoires, celui-ci ne porte pas la signature du membre du Comité révolutionnaire qui y a procédé)


Le commandant de bataillon avait accusé Marie Grillard d'avoir assisté aux processions : celle-ci le reconnaît.
On l'avait accusée d'avoir excité les brigands contre les patriotes : elle répond que c'est faux.
On l'avait dénoncée comme ayant descendu la statue de la Vierge : elle nie ce fait.
Le commissaire ajoute un nouveau grief, en lui demandant si elle a porté le scapulaire du Sacré-Coeur : elle avoue le fait.
Nous sommes, semble-t-il, en présence d'une inculpée qui n'a pas peur de dire la vérité, malgré le danger. Elle a porté le scapulaire du Sacré-Coeur, elle a assisté aux processions : si elle avait descendu la statue de la Vierge et fait la prière incriminée, il est à croire qu'elle ne ferait pas difficulté d'avouer ce fait comme elle a reconnu les deux autres.
Le Comité révolutionnaire, par l'organe de son président, Robin de Méricourt, jugea ainsi, puisqu'il la remit en liberté et ne fit même pas comparaître Renée Grillard, sa soeur.
Que reste-t-il de la dénonciation du citoyen A..., relative à la statue de la Vierge descendue sur l'autel et aux reproches qui lui auraient été adressés ?
Rien, à notre humble avis.
M. Port a donc eu tort de faire sienne une assertion puisée dans une accusation si peu fondée et contredite par des témoignages formels.


Pendant les deux mois qui suivirent, les deux soeurs Grillard ne furent pas inquiétées. Mais le 8 janvier 1794, un second mandat d'arrêt fut lancé contre elles par le Comité révolutionnaire réorganisé. [Le nouveau comité entra en fonction le 6 janvier 1794. Il était composé de Joseph Clémanceau, président, Rousseau, secrétaire, Macé, Cambon, Routiau-Houdié, Auteract, Hérault, Duchaînay et Demiaud cadet. Son premier mandat d'arrêt, daté des 8 et 12 janvier, comprenait 78 personnes de Cholet et des environs.]


Le 13 janvier, par les soins du citoyen Sureau, adjudant-major de place, pour ce requis par le Comité de surveillance, Marie et Renée Grillard furent arrêtées chez elles et conduites à la prison de la ville, en même temps que Mme Turpault (de Cholet, fusillée au Champ-des-Martyrs, le 16 avril 1794), Mme Réveillère (de Cholet, fusillée au Champ-des-Martyrs, le 1er février 1794), et six autres personnes de Cholet.


Le lendemain, 14 janvier, l'aînée des deux soeurs comparaissait de nouveau devant le Comité révolutionnaire :
"Le 25 nivôse, l'an II de la République française une et indivisible, et le premier de la mort du tyran.
Joseph Clémanceau, président du Comité de surveillance et révolutionnaire établi à Cholet d'après la loi du 14 frimaire, a fait amener devant lui la nommée Grillard, laquelle a été interrogée ainsi qu'il suit :
Quels sont vos nom, âge, profession et demeure ? - Marie Grillard, 39 à 40 ans, marchande de Cholet.
Connaissez-vous les motifs de votre détention ? - Non.
Quel pays avez-vous habité depuis le mois de mars dernier ? - Je n'ai point sorti de Cholet.
Quand les républicains sont entrés à Cholet (Le 17 octobre), en êtes-vous sortie ? - Je me suis sauvée dans un champ et je suis rentrée de suite.
Avez-vous logé chez vous des brigands, de leurs chefs, ou des prêtres réfractaires ? - J'ai logé des brigands, comme les autres, jamais ni chefs ni prêtres.
Avez-vous, pendant le séjour des brigands à Cholet, eu des liaisons avec les brigands ou leurs chefs ? - Non.
Avez-vous commercé avec eux ? - Non, je n'étais pas marchande alors.
Avez-vous engagé les brigands à massacrer les patriotes ? - Non.
Avez-vous engagé quelqu'un à prendre les armes contre la République ? - Non.
Alliez-vous, il y a un an, à la messe des prêtres qui avaient prêté le serment ? - Non, jamais.
Pourquoi n'y alliez-vous pas ? N'aviez-vous pas de confiance en eux ? - Non, sûrement.
Pendant que les prêtres réfractaires ont été ici avec les brigands, alliez-vous à leurs messes, autres services et processions ? J'ai été aux messes et processions.
Avez-vous engagé quelqu'un à vous y accompagner ? - Non.
Lecture à elle faite du présent et de ses réponses, elle a déclaré que le tout contient vérité, y a persisté et déclaré ne savoir signer.
J. CLÉMANCEAU, président du tribunal."


Le même jour, la plus jeune des deux soeurs subissait, de la part dudit Clémanceau, l'interrogatoire suivant :


"Quels sont vos nom, âge, profession, demeure et le lieu de votre naissance ? - Je me nomme Renée Grillard, j'ai 28 ans, je suis couturière, je demeure et je suis née à Saint-Pierre de Cholet.
Connaissez-vous les motifs de votre détention ? - Non.
Où avez-vous demeuré depuis le mois de mars dernier ? - J'ai toujours demeuré à Cholet.
Quand les Républicains sont entrés à Cholet, où êtes-vous allée ? - J'ai été à trois lieues d'ici dans un bois.
Pourquoi sortiez-vous de Cholet, lorsque les troupes de la république y arrivaient, puisque vous y aviez constamment demeuré pendant que les brigands en étaient les maîtres ? - Parce que je craignais le feu.
Combien de temps avez-vous été absente ? - Environ cinq à six jours.
Avez-vous logé des brigands, de leurs chefs ou des prêtres réfractaires ? - Nous avons logé des soldats brigands, parce qu'on nous donnait l'ordre de le faire.
Qui donnait ces ordres et qui donnait les billets de logement ? - Je n'en sais rien.
Avez-vous engagé quelqu'un à prendre les armes contre la république ou à fusiller des patriotes ? - Non.
Alliez-vous autrefois à la messe des prêtres qui avaient prêté le serment ? - Non, jamais.
Pourquoi n'y alliez-vous pas ? - Parce que ce n'était pas mon opinion et que je n'avais pas confiance en eux.
Pendant que les prêtres réfractaires ont été à Cholet avec les brigands, avez-vous été à leurs messes ou autres cérémonies, comme sermons, processions, etc. ? - J'ai été à leurs messes, processions, sermons, etc.
Avez-vous été à confesse à eux, et vous ont-il donné des conseils ? - Oui j'y ai été ; ils ne m'ont donné aucun conseil.
Lecture à elle faite du présent interrogatoire et de ses réponses, a dit que le tout contient vérité, y a persisté et déclaré vouloir signer avec nous le présent.
RENÉE GRILLARD.
J. CLÉMANCEAU, président du tribunal."


Cette fois le Comité révolutionnaire de Cholet ne les remit point en liberté, mais les condamna comme suspectes par la sentence suivante :
"D'après les informations prises sur la conduite de Marie et Renée Grillard, il résulte qu'elles ont toujours assisté aux cérémonies des prêtres réfractaires, adressé leurs voeux pour faire revivre l'ancien régime, ce qui les rend vraiment suspectes.
J. CLÉMANCEAU, président du tribunal.
HOUSSEAU, secrétaire."


Dès le lendemain de leur jugement et de leur condamnation, les deux soeurs furent adressées à la Commission militaire d'Angers par le Comité révolutionnaire de Cholet. Elles faisaient partie du douzième envoi dudit Comité à la Commission, et ce convoi comprenait en tout 27 personnes. Deux d'entre elles furent guillotinées à Angers, sur la place du Ralliement, le 20 janvier, François Clavereau, de Cholet et Geneviève Bouchet, de Beaupréau. Trois seulement auraient été épargnés par la Commission militaire et les 22 autres furent destinées à la fusillade.


Marie et Renée Grillard furent du nombre de ces saintes victimes. Le 1er février 1794, elles furent arrachées de leur prison du Calvaire pour être attachées à la chaîne, qui se dirigeait vers l'enclos de la Haye aux Bons-Hommes. C'est en cet endroit, presque sauvage alors, mais devenu si célèbre depuis, que les deux soeurs Grillard tombèrent sous les balles de leurs persécuteurs, victimes de leur attachement à la foi et aux ministres de l'autel. Leurs corps furent brutalement précipités dans une immense fosse, mais leurs âmes s'envolèrent sur le coup jusque dans le sein de Dieu, avec les âmes des vaillantes religieuses de saint-Vincent-de-Paul, soeur Marie-Anne et soeur Odile, fusillées à leurs côtés.


Les déclarations des deux Vendéennes avaient été claires, nettes, faites de sang-froid. Elles s'étaient dites chrétiennes, sans forfanterie mais aussi sans faiblesse. L'humble marchande et la petite couturière avaient parlé comme des héroïnes, en attendant qu'elles meurent de la mort des martyres.

F. UZUREAU
Aumônier du Champ-des-Martyrs, près Angers.

Nous nous sommes tenu dans cette relation sur la plus grande réserve, et nous avons évité tout commentaire. Nous n'avons fait, pour ainsi dire, qu'un procès-verbal, un simple dépouillement d'archives, qui est d'autant plus éloquent que les faits, tous authentiques et incontestables, y parlent eux-mêmes d'une voix qui porte plus haut et plus loin que celle de tout historien, quelque éloquent qu'il puisse être.

Revue du Bas-Poitou
12e année - 1ère livraison
1899

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