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La Maraîchine Normande
17 février 2014

LA RABATELIERE (85) - L'ABBÉ PIERRE-MARIE GUESDON-POUPARDIERE

 

la rabatelière

 

 

LA RABATELIERE

L'ABBÉ PIERRE-MARIE GUESDON-POUPARDIERE

M. Guesdon-Poupardière était vicaire de Chavagnes-en-Paillers depuis 1781, lorsqu'il fut appelé en 1786 à la cure de la Rabatelière. Il refusa le serment constitutionnel et n'obéit pas à la loi de déportation. Sa charité et son zèle le portaient à se prodiguer partout où le soin des âmes réclamait sa présence. Quelques services de ce genre rendus aux républicains et la modération connue de son caractère inspirèrent au général Gratien la pensée de faire auprès de Charette, par son entremise, quelques tentatives de paix. Persuadé que Charette n'avait plus aucune chance de succès, le curé de la Rabatelière écrivit à plusieurs reprises au général vendéen, qui rejeta toute proposition. Ces démarches et le fait que M. Guesdon avait été réinstallé dans sa paroisse sous la sauvegarde des autorités républicaines, soulevèrent contre lui, dans le parti royaliste, des suspicions probablement excessives, dans un temps où il était malheureusement aussi dangereux d'être suspect que d'être coupable. Quelques jours après le rejet des propositions, deux ou trois soldats de Charette allèrent trouver l'abbé Guesdon au château de la Rabatelière, l'entraînèrent dans un champ voisin avec ses deux domestiques, et les tuèrent tous les trois.


Les Républicains s'empressèrent d'exploiter contre Charette ce douloureux incident de guerre civile, dans lequel il est plus difficile, cent ans après, de savoir quelle part de responsabilité incombe au général royaliste. Un document du temps, intéressé à vrai dire, le dégage absolument ; voici le récit de l'abbé Remaud, dans ses Mémoires :
"Comme la mort de cet ecclésiastique a fait dans le temps une très grande sensation, et que tous les papiers publics ont chargé le général Charette de l'odieux de son genre de mort, il est peut-être bon que je fasse connaître au juste comment les choses se sont passées.
M. Guesdon voyant les affaires des royalistes aller fort mal se crut perdu et avec lui toute la Vendée. Il fit connaissance alors avec un officier républicain qui commandait le poste de Saint-Fulgent, et il lui promit d'amener le général Charette à déposer les armes et à reconnaître la République. L'officier républicain, qui crut avoir fait une bonne découverte, engagea M. Guesdon à suivre la démarche proposée, et lui promit la haute protection du gouvernement. Fier de cette promesse, le curé de la Rabatelière écrivit au général Charette qui me donna aussitôt communication de sa lettre et me chargea d'y répondre. Après avoir pris ses ordres, je répondis effectivement à M. Guesdon, et ne mis dans la lettre que ce qui avait été arrêté par le général. Il était question de gagner du temps et rien de plus. Ce même ecclésiastique, pressé par les républicains, écrivit une seconde et une troisième lettre au général en chef. Toujours même réponse : on demandait du délai. Enfin il écrivit que pour tout délai on accordait au général Charette huit jours de répit, après lesquels, s'il ne remettait pas les armes ou s'il n'acceptait pas la proposition qui lui était faite de passer en Suisse ou à Jersey, qu'on ne lui donnerait plus de repos ni le jour, ni la nuit.
Le général Charette répondit au général Gratien qu'il ne sortirait pas de France, qu'il ne déposerait pas les armes, et qu'il combattrait jusqu'à la mort les ennemis de l'autel et du trône. Cette lettre qui fut communiquée à M. Guesdon, le mécontenta au moins autant que les Républicains qui l'avaient mis en avant.
Voyant qu'il n'avait rien pu gagner sur le général Charette, il se décida à faire sa paix particulière avec les Républicains, et, pour que personne n'en pût douter, il alla lui-même processionnellement avec tous ses paroissiens, en chantant des prières publiques, au-devant d'une colonne qui traversait sa paroisse. Cette conduite de sa part donna de violents soupçons à l'armée royale et particulièrement au général Charette, qui le fit examiner de près. Ce jour, deux soldats de l'armée royale, vêtus de l'uniforme républicain, se présentèrent chez lui, et lui demandèrent avec beaucoup d'instances s'il ne pouvait pas leur apprendre où était le brigand de général Charette. Il leur répondit, qu'il était caché, ce jour-là même, dans une enceinte de la forêt de Grasla, que le fait était constant puisqu'il l'avait fait observer par ses domestiques. "Allez promptement, dit-il à ces deux soldats déguisés, et dites à vos chefs qu'il n'y a pas un moment à perdre pour prendre Charette." Ces deux soldats, dont un était allemand et jouai fort bien son rôle, dirent à M. Guesdon : "Faites-nous le plaisir de donner par écrit les renseignements que vous pouvez avoir sur le lieu qu'occupe actuellement Charette ; sur un avis de votre part, nos chefs ne feront aucune difficulté de marcher sur lui et de l'arrêter". Le malheureux ecclésiastique donna dans le piège, et il écrivit que le général Charette était dans une enceinte de la forêt de Grasla, qu'il en était sûr, l'ayant fait observer par ses domestiques.
Les deux soldats royalistes déguisés, au lieu de porter au républicain la lettre de M. Guesdon, la portèrent au général Charette, qu'elle fit frissonner d'horreur.
La nouvelle de la trahison du curé de la Rabatelière se répandit dans toute l'armée, et, dès la nuit suivante, l'ordre de l'arrêté fut donné au même soldat allemand qui avait sondé ses dispositions. Le père Potier, des Brouzils, qui servait sous Charette, confirme ce récit en ce que Charette n'avait point donné ordre de tuer le curé Guesdon. Le fait vrai c'est que le général Charette avait ordonné de conduire M. Guesdon au quartier général, escorté du détachement qui avait reçu ordre de le prendre. Mais, au lieu d'exécuter cet ordre tel qu'il avait été donné, on emmena M. Guesdon, son domestique et sa servante environ à une demi-lieue de chez lui, et, en passant dans un champ, on les massacra tous les trois.
La République lui fit décerner des honneurs funèbres ; des troupes nombreuses y assistèrent en armes, et mon malheureux frère (Remaud, curé de Chavagnes), qui fut sommé de l'enterrer, pensa mourir de frayeur.
Le champ du meurtre s'appelle, depuis lors, le "champ rouge"."
Ce récit un peu embarrassé et visiblement incomplet de l'abbé Remaud, ne dégagerait certes pas péremptoirement la responsabilité de Charette dans cet évènement, si cette responsabilité avait besoin d'être dégagée. Le meurtre de M. Guesdon ne fut qu'un incidents de cruauté réciproque dans la guerre civile ; Charette avait le droit strict de se débarrasser d'un ennemi disposé à le livrer par trahison. La question à fixer serait de savoir si l'abbé Guesdon fut vraiment et sciemment un traître, et, sur ce point, on peut opposer, dans une certaine mesure, au récit de l'abbé Remaud, le témoignage du grand vicaire, M. Brumault de Beauregard, tel qu'il ressort d'une lettre de Mgr de Mercy à M. Paillou, datée de Venise le 16 juillet 1796 :
"Brumault loue le curé de la Rabatelière comme ayant porté son peuple à la soumission et à la paix, après que les armes victorieuses des républicains ont tout soumis et qu'il n'y avait plus moyen de se révolter. Remaud au contraire, m'écrit de Londres, du 17 mai, que l'on combattait encore avec succès, lorsque le curé de la Rabatelière a prêché le désarmement, et qu'il est, avec le curé du Poiré (sous la Roche) la cause des malheurs et de la perte de Charette. J'ai peine à concilier ces deux versions. Si ces deux curés ont prêché la soumission aux vainqueurs lorsqu'il n'y avait plus d'espoir de leur résister, ils ont fait leur devoir. Le combat et la résistance cessent d'être vertu quand ils sont devenus inutiles. C'est donc d'après ces circonstances bien établies qu'il faut juger. Cependant Remaud me paraît ardent, et peut-être parle-t-il plus en soldat et en compagnon d'armes de Charette qu'en pasteur évangélique."


Après la mort de son curé, la paroisse de la Rabatelière fut desservie par M. Jacques Mangeard, recteur de Guéméné-Penfao (Loire-Inférieure), réfugié en Vendée. Sa présence est signalée avant le coup d'état de fructidor an V : "Mangeot (sic), réfractaire aux lois de 1792, a prêté le serment du 19 fructidor, paraît paisible, continue d'exercer." Dans "l'Etat des prêtres réfractaires restés dans la Vendée", adressé au ministre de la Police générale le 6 brumaire an VI, on lit : "Mangeard, desservant la Rabatelière, par sa réputation de grand théologien, a beaucoup contribué à diriger les autres qui faisaient un conciliabule pour savoir s'ils feraient le serment. Il leur a démontré :
1° Qu'ils le pouvaient ; 2° qu'ils le devaient, même pour mettre leur conscience en sûreté, et sa décision fit beaucoup de bien à la chose. Mangeard était étranger au pays."
Le commissaire du Directoire près le canton de Montaigu, qui écrivait ces lignes, était moins dans la note révolutionnaire que son collègue près le canton de Saint-Fulgent, dont voici l'appréciation, du 1er floréal an VI : "Il m'est impossible aujourd'hui de vous donner les détails que je vous avais promis relativement aux propos tenus au sujet du ministre du culte de la Rabatelière. Je n'ai point encore vu les citoyens qui m'ont offert tous les renseignements dont je puis avoir besoin ; je ne laisserai point ces propos sans punition, s'ils sont de nature à jeter des ferments de division dans la société."
MARTINEAU
Commissaire.


M. Mangeard n'en continua pas moins à exercer très publiquement ses fonctions pastorales, et, le 2 messidor an VI, il adressait au citoyen Coyaud, commissaire du pouvoir exécutif près le département de la Vendée à Fontenay, la lettre suivante :
"Citoyen,
Je viens d'avoir connaissance d'un arrêté du département qui transfère aux décadis et fêtes républicaines les assemblées qui avaient principalement lieu les dimanches et fêtes de l'ancien calendrier. Je suis dans une commune où il est impossible de faire entendre raison au peuple là-dessus. Je suis néanmoins bien résolu de témoigner à ma patrie mon dévouement en me conformant aux lois qui y sont en vigueur, car, étant obligé de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, je ne le lui rendrais pas si je lui désobéissais lorsqu'il me commande de rendre à César ce qui est à César.
Que ferai-je dans cette rencontre pour m'acquitter de ce double devoir ? je ne veux prêcher ni contre les lois divines, ni contre les lois humaines. Puis-je faire nos offices en particulier tous les jours, dimanches, fêtes et autres ? y puis-je admettre quelques personnes ? jusqu'à quel nombre ?
Daignez plutôt, Citoyen, me répondre et m'instruire, et soyez sûr que votre réponse sera la règle de ma conduite.
Dans la confiance que j'ai que vous voudrez bien déférer à ma demande, je vous prie d'agréer les sentiments de reconnaissance que je conserverai toujours envers vous.
Salut et respect.
MANGEARD"
En marge de l'original, aux Arch. dép. de la Vendée, on lit : restée sans réponse.


En 1798, la situation n'avait pas changé, et un rapport du commissaire Martineau porte :
"Les prêtres sont au nombre de six dans le canton (de Saint-Fulgent) : Pierre Brenugat à Bazoges, Louis Brillaud à Saint-Fulgent, Mangeard à la Rabatelière, Pierre Remaud et son frère Louis Remaud à Chavagnes, Joseph Alain à Saint-André-Goule-d'Oie. Mangeard seul est venu se réfugier dans le canton pendant la guerre, les autres l'habitaient avant. Mangeard est le seul qui se soit soumis à la loi du 19 fructidor ; il a continué l'exercice du culte jusqu'au commencement du mois courant (septembre). L'on m'a assuré qu'il s'était chargé de l'instruction des enfants d'un citoyen du canton des Brouzils. Depuis qu'il avait prêté le serment prescrit par la loi, il n'avait aucune influence, et je suis convaincu qu'il était abhorré par ceux qui ont la réputation d'aristocrates déhontés".
C'est vraisemblablement sous le coup de cette réprobation populaire, que M. Mangeard disparut et retourna probablement dans son diocèse d'origine. Au Concordat, M. Paillou nomma à la cure de la Rabatelière M. l'abbé Valton, vicaire de Carquefou (Loire-Inférieure), né à la Bruffière.
Le presbytère de la Rabatelière, incendié ainsi que l'église, fut vendu nationalement le 25 floréal an VI, pour 18.000 fr. au citoyen Merlet, commissaire du Directoire exécutif près le canton de Saint-Fulgent, et plus tard préfet de la Vendée.
La rapacité du citoyen Merlet avait laissé à Saint-Fulgent de mauvais souvenirs ; en floréal an VI, son successeur, Martineau, se plaignait, dans un rapport officiel, "des dilapidations horribles de son prédécesseur, qui avait converti le jardin de la gendarmerie et celui de la cure en pacages pour ses chevaux et pour ceux de Garny son beau-père". En janvier 1808, Mme Martel fit donation de l'ancienne cure à la commune de la Rabatelière.

EDGAR BOURLOTON
La Revue du Bas-Poitou et des Provinces de l'Ouest
1905

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