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La Maraîchine Normande
15 février 2014

SAINT-CHAMOND (42) - PIERRE BANCEL, INVENTEUR DU RUBAN-MARABOUT

PIERRE BANCEL


Pierre Bancel, ancien manufacturier à Saint-Chamond, l'inventeur du ruban-marabout, pour lequel il obtint en 1817 un brevet d'invention, est mort le 20 août courant [1842], frappé d'une attaque d'apoplexie.


Bancel était dans sa soixante-seizième année. Il était né à Lamastre, département de l'Ardèche, où son père exerçait la charge de notaire. Il fit ses études au collège de Valence, et s'y distingua, notamment dans les classes de mathématiques et de philosophie. A cette époque, Bonaparte était en garnison à Valence, et les deux jeunes gens, à peu près du même âge, se rencontraient souvent chez un libraire de cette ville, nommé Marc-Aurel, où l'un et l'autre venaient se mettre au courant des nouvelles du jour et des productions littéraires les plus récentes. Les jeunes gens se lient facilement. Une sorte de familiarité, une de ces amitiés de rencontre et de passage comme il y en a tant dans ce monde, s'établit entre le jeune Bancel et le sous-lieutenant, qui devait, quelques années plus tard, devenir empereur. Bonaparte, qui avait remarqué le goût prononcé de Pierre Bancel pour les livres traitant de procédés de chimie et des inventions mécaniques, lui dit un jour : "Vous ferez quelque bon manufacturier mécanicien."


Pierre Bancel avait, en effet, une vocation prononcée pour les arts industriels : être manufacturier, être fabricant, se placer à la tête d'une grande industrie, en diriger les travaux, en perfectionner les produits, accroître et développer ainsi la richesse et la gloire nationales, voilà les pensées dont se nourrissait déjà sa jeune imagination, noble et pur enthousiasme d'artiste qui ne s'est jamais démenti dans la longue et honorable carrière du négociant.
A cette époque la ville de Saint-Chamond était beaucoup plus considérable que celle de Saint-Etienne ; elle était ce que depuis notre ville est devenue, c'est-à-dire la métropole de la fabrique de rubanerie française. La maison Dugas venait d'y importer de Bâle les métiers "à la zurichoise", et par là elle avait imprimé à l'industrie locale un nouvel essor. Des primes accordées par le gouvernement facilitaient encore l'exportation des rubans dans toutes les parties de l'Europe et aux colonies. Dès lors Saint-Chamond devenait une ville de prédilection pour le jeune Bancel, qui voyait dans ses manufactures florissantes un aliment à l'activité de son esprit.
Recommandé à MM. Dugas frères, il entra en 1789 dans cette maison en qualité de commis. Son assiduité, son amour du travail et son intelligence le firent bientôt distinguer par ses chefs, et quelques années plus tard, en 1794, le jeune commis fut associé à la maison.


En 1805, Pierre Bancel fonda, sous le nom de Bancel et Ce, une maison qui s'acquit un renom mérité pour la qualité et la distinction de ses produits.


La fin de la guerre continentale, la diminution graduelle du prix de la soie, qui, en 1816 et 1817, était fort élevé, imprimèrent à la fabrication des rubans une nouvelle et remarquable activité. Bientôt les demandes, toujours plus considérables, portèrent l'industrie rubannière à un degré de splendeur qu'elle n'avait jamais atteint, et, malgré quelques intervalles de crise et de "morte", n'a pas cessé de s'accroître. Parmi les causes qu'il faut assigner à ce progrès extraordinaire et peut-être unique dans l'histoire manufacturière de la France, il en est deux principales : ce furent l'invention des rubans-gaze et l'application des métiers à la Jacquard au tissage des rubans.
Jusqu'en 1817 les rubans de soie ne furent pas teints en pièce, mais au contraire tissés avec des matières qui avaient déjà subi la teinture. Le chef de la maison Bancel et Ce imagina une nouvelle fabrication de rubans et d'autres tissus de soie en deux ouvraisons. La teinture fut donnée après la première et avant la dernière de ces deux opérations. Ce nouveau genre de tissu, qui forme aujourd'hui la base de la plupart des rubans façonnés, eut un succès prodigieux.
Mais on n'avait pas fait encore le plus beau des rubans-gaze. L'honneur de cette invention, qui porta la fabrique de Saint-Chamond et de Saint-Etienne à son apogée, était réservé à Bancel.

 

mode


Voici comment en parlent les auteurs du Dictionnaire du Commerce et des Marchandises :
"La soie employée longtemps pour les rubans-gaze n'offrant pas une égalité complète, on dut chercher les moyens de la remplacer. Un manufacturier de Saint-Chamond, M. Bancel, y substitua le marabout. Le ruban fabriqué avec cette soie prit le nom de ruban-marabout. Cette invention donna une vie nouvelle à la fabrication. On fit des marabouts unis, façonnés et à dispositions. C'est le plus beau des rubans-gaze."


Comme nous l'avons dit plus haut, Pierre Bancel obtint pour ses rubans-gaze un brevet d'invention et de perfectionnement. Avec cela, il pouvait en peu d'années réaliser la plus brillante fortune. Mais ce que poursuivait l'ingénieux fabricant, c'était beaucoup moins la fortune que l'honneur. Insouciant de ses intérêts matériels comme le sont presque tous les hommes d'un esprit supérieur, Bancel préférait laisser maintes maisons s'enrichir de sa découverte que de se donner les ennuis d'un procès en contre-façon.
En 1831, l'inventeur du ruban-marabout fut décoré du ruban de la Légion-d'Honneur. La confiance et l'estime de ses concitoyens l'appelèrent successivement à diverses fonctions municipales, entre autres celles d'adjoint au maire de Saint-Chamond.


Deux ans après, en 1833, l'honorable industriel liquida ses affaires et se retira dans une petite propriété composant à peu près tout le modeste avoir de celui qui a fait la fortune de deux villes tout entières.


Mais, en quittant le commerce, Pierre Bancel ne renonça point au travail. Son esprit actif et fécond poursuivait toujours avec passion quelque nouveau problème de l'industrie à laquelle il avait voué toutes les études de sa vie. Il y a un mois environ, peu de jours avant sa mort, quelqu'un lui offrait d'acheter ses cylindres. "Non pas ! dit-il", et il ajouta à peu près, comme André Chénier, en se frappant le front : "J'ai quelque chose là ; ils pourront me servir."


Mais bientôt tout devait s'éteindre en lui : le génie inventif du manufacturier et le coeur de l'homme de bien, du bon père de famille. Le dimanche 20 août, Pierre Bancel se promenait dans son jardin ; il venait de faire quelques observations à son jardinier, lorsque celui-ci, levant la tête pour lui répondre, aperçut son maître adossé immobile contre un arbre. Il était mort frappé d'une apoplexie foudroyante.


Nous comptons à Saint-Etienne plusieurs honorables maisons dont les chefs conserveront la mémoire de Pierre Bancel, leur ancien chef et maître. Mais des hommes qui ont rendu à leur pays d'aussi grands services n'ont-ils pas droit à quelque chose de mieux que cette aumône du souvenir ?
Souvent on inflige aux rues et aux places de nos villes les noms les plus baroques et les plus ignorés ; pourquoi ne placerait-on pas au fronton de ces rues le nom des citoyens utiles et honorés, en attendant encore quelque chose de mieux ? Les hollandais ont élevé un monument à un compatriote qui leur ouvrit une source de richesse nationale en trouvant le moyen (il faut bien le dire) d'encaquer des harengs. Quoique la solennité de la récompense contraste singulièrement avec la nature du service, qui oserait blâmer cet acte de reconnaissance d'un peuple tout entier ? On a trop honoré le génie du mal, les temps sont venus d'honorer le génie du bien. Aussi les Bichat, les Jacquard ont-ils des statues. (Journal de Saint-Etienne)

J. BÉLIARD
L'Écho de la Fabrique
N

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