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La Maraîchine Normande
15 février 2014

PRESBYTERES VENDEENS A LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION

PRESBYTERES VENDEENS A LA VEILLE DE LA REVOLUTION

Construction religieuse et engagement révolutionnaire dans les campagnes vendéennes

On connaît de mieux en mieux les origines de l'Insurrection Vendéenne. Les causes se mêlent et les arguments abondent. Aussi, sans sombrer dans l'aisance d'une écriture historisante, nous avons cherché à connaître un tant soit peu la réalité paroissiale de l'engagement ecclésiastique. Nous n'avons pas prétendu à l'exhaustivité et cette rapide étude cherchera simplement à apporter de l'eau au moulin des partisans d'une histoire sociale des réalités collectives.

 

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Le point de départ de tout ceci, fut la découverte au hasard de l'inventaire de la série G des Archives Départementales de la Vendée, d'une quantité intéressante de devis de construction de presbytères et de maisons curiales entre les années 1775 et 1792. Or, connaissant les vicissitudes d'un clergé hésitant entre la Constitution civile et la rétractation, il nous a semblé bon de savoir dans quel milieu conflictuel de tels projets avaient pu voir le jour - si tant est qu'ils aient dépassé le stade de simple projet. Bien vite, nous nous sommes aperçus que cette vision étroite de la construction religieuse pouvait apporter autre chose qu'une simple datation d'éléments constructifs. C'est à partir de là qu'une foule de questions ont pu être abordées. Car, qui étaient ces habitants, fabriciens ou marguilliers qui cherchaient tant à voir se rénover la demeure de leur curé ? Agissaient-ils par réelle conscience chrétienne ou par pure volonté mercantile ? Les prieurs-curés, eux-mêmes, qui étaient-ils ? Cherchaient-ils à sauver quelques biens dans une période de troubles (que l'on pense par exemple aux terribles sécheresses des années 1785) ; ou à l'inverse, avaient-ils réussi une intégration sociale telle qu'elle leur permettait de prétendre au confort de la civilité des lumières ?

Bien sûr, les interrogations ne se limitent pas à ces quelques questions et nous aurons l'occasion dans ce qui va suivre de soulever, au passage, quelques problèmes fondamentaux à la parfaite connaissance des sociabilités villageoises de l'ancienne France. Notre étude cherchera donc à montrer comment les microcosmes villageois ont pu influer sur la pratique constructive. En un mot, savoir s'il existe une collusion étroite entre deux faits historiquement irréfutables mais trop rarement liés : la soudaine nécessité constructive et l'engagement religieux.

Les archives du clergé séculier sont assez riches pour couvrir de façon à peu près régulière les trois siècles d'Anciens-Régime ; et l'élan constructif de la fin du XVIIIe siècle est une réalité objective. Aussi, sans sombrer dans la fiction divinatoire, il semble bien, en effet, que la concentration des volontés constructives édilitaires en cette fin de siècle, ne soit pas que pur hasard. Il existe d'ailleurs certaines pièces irréfutables qui prouvent que la construction religieuse se poursuit au fil des ans mais jamais de façon aussi intempestivement répétitive. Il ne faut tout de même pas s'y méprendre. Malgré l'importance des reconstructions curiales celles-ci ne concernent que l'actuel département de la Vendée, et rien ne saurait plus nous éloigner du théâtre des guerres de la "Vendée militaire". Aussi, la cohérence de cet ensemble se trouve réduite par un faisceau d'éléments anachroniquement réels. Il ne serait pas illusoire, en effet, de penser deux choses ; premièrement, que seuls les documents que nous allons étudier représentent la réalité historique de Vendée et ensuite, que d'autres régions, davantage impliquées dans ces luttes n'aient pas connu ce même idéal édilitaire. Chacun peut légitimement se demander ce qu'il en était dans les Mauges, l'Anjou ... ?

En fait, nos sources limitent considérablement la portée de notre analyse, mais permettent tout de même d'aborder par un pôle nouveau une histoire bien connue sinon bien comprise.

Une chose est sûre cependant. Durant tout le XVIIIe siècle, peu de presbytères sont normalement entretenus et nombreux sont ceux qui "menacent ruine" selon l'expression sempiternellement rencontrée dans les visites et devis. La Contre-Réforme catholique avait touché en profondeur l'ensemble de la province. L'exemple du prosélytisme missionnaire d'un Grignon de Montfort (mort en 1716), est là pour nous le prouver. Les dons avaient donc permis bien des dépenses tout aussi somptuaires que contingentes. Si bien, qu'au début du siècle, la construction, sans être tout à fait récente, n'avait pas encore ce degré de vétusté qui faisait pousser des hauts cris à tous nos zélateurs de la Foi. En effet, au cours du siècle - qui fut tout autant celui de Boucher que de Voltaire - une certaine négligence s'était glissée dans les habitudes et les curés, en Vendée, comme partout, n'étaient peut-être plus toujours à la hauteur de leur charge. Les cahiers de doléances le montrent à l'évidence qui critiquent certaines "insuffisances" d'un clergé absent et manquant souvent de conscience professionnelle. (1)

On peut, en effet, saisir ces quelques faits pour remarquer que le clergé vendéen n'est pas tout à fait ce clergé modèle que l'on nous présente dans les écoles. Ne voit-on pas les habitants de Saint-Sigismond saisir le sénéchal de Fontenay-le-Comte, contre les héritiers du curé Maumusson qui "a entièrement méprisé la disposition de l'Edit de 1695, car au lieu d'avoir fait faire exactement les réparations nécessaires à son bénéfice, a, au contraire, laissé dans le plus mauvais état, au point que des réparations qu'il y a actuellement à y faire, remontent d'après la visite qui en avait été faite" (2). Pire que cela encore, le sieur de Lamperrière, curé de Saint-Paul en Pareds, a tout bonnement détourné les 800 livres qu'on lui avait confiées pour réparer son presbytère, à des fins "non avouables" semble-t-il puisque par trois fois il refuse de dire ce qu'elles sont devenues (3). D'autres procès soulèveront des problèmes tout aussi épineux, mais les habitants n'auront jamais plus ce langage imagé. Car ces exemples sont pris en fait parmi les devis "les plus anciens" de la période qui nous intéresse. Avant la grande vague de reconstruction des années 1770-1792, quelques évènements annonçaient, si l'on peut dire, ce qui allait se produire ; mais sans aucun caractère représentatifs. Luçon 1732 : les chanoines entreprennent la reconstruction de la maison canoniale dite des Dauphins sise rue Vieille (4). Mais nulle part ailleurs on ne trouve de construction du même type. A l'île d'Yeu, l'intendant fait reconstruire le clocher de l'église qui sert en même temps de phare aux "maisons de pêche et du grand commerce". (5)

On pourrait rapprocher de cela d'autres constructions de clochers dus à l'ineffable Leduc ("Toscane"), ou encore des reconstructions du clocher de N.D. de Fontenay en 1775 (6), ou de l'église de Bouin (7). Mais tout ceci ne représente que des travaux ponctuels. Les exemples ne sont pas légion et il semble que la concentration des volontés édilitaires à la fin du siècle ne soit pas due au hasard.

Il ne saurait être question, ici de parler d'histoire sérielle ni même d'une systématisation statistique des exemples de constructions, mais une chose demeure certaine si l'unicat représente l'anecdote en Histoire, la série cohérente forme la base d'une étude. Or, c'est bien de série dont il est question ici puisque nous avons pu retrouver une vingtaine de paroisses entreprenant des travaux d'envergure à leur presbytère en l'espace de douze ans et le cas de Saint-Martin de Brem où l'héritier du dernier curé de la paroisse (8) donne 500 livres à Thomas Augustin Paillaud pour restaurer son presbytère en 1766 est tout à fait isolé. La reconstruction ne débutera que dans les années suivantes.

L'estimation numérique de ces constructions se révèle assez intéressante car elle permet de saisir l'importance d'un mouvement qui affecte tout le Poitou occidental. Ce dernier se couvre non pas d'un blanc manteau d'églises mais de presbytères !

Ceci est d'autant plus intéressant à signaler que le climat spirituel du XVIIIe siècle finissant n'est pas le même dans toutes les régions de France (9). Nous avons déjà eu l'occasion de noter ce que l'on rencontrera quelques années plus tard dans les cahiers de doléances, mais ceux-ci excluent presque malgré eux l'oeuvre épiscopale. Comment ne pas voir en effet, dans ces constructions en partie l'oeuvre de Mgr. Marie-Charles Isidore de Mercy, qui pendant plus de 25 ans parcourut les routes de son évêché visitant cures et églises (10). Son zèle particulier a d'ailleurs dépassé les limites de son bornage puisqu'aux confins de l'évêché de la Rochelle, on retrouve des cures qui ont profité de ce renouveau domestique (Champagné-les-Marais, Sainte-Radegonde-des-Noyers ...)

 

REPARTITION PRESBYTERES



Après les traditionnelles visites épiscopales, un devis estimatif des réparations permettait de traduire noir sur blanc les souhaits de l'assemblée des habitants. D'une façon générale, les impositions étaient partagées entre les habitants d'une paroisse quels qu'ils soient. Un portatif de 1783 relatif au rôle et à la répartition de 4180 livres nécessaires aux réparations de l'église de Froidfond (11) nous permet d'estimer la relative égalité des impositions. Tout un chacun devant contribuer dans la mesure (estimée) de ses moyens au triomphe de la religion catholique. On comprend mieux dès lors la réaction brutale des habitants voyant leur argent gaspillé par des prêtres négligents ou dispendieux (12).

Mais pour normal qu'il soit, ce type de financement ne constitue pas une unique créance. Ainsi, pour satisfaire aux plaintes légitimes de curés vivant dans l'indigence, certains écarts, aux lois peuvent se produire. A Saint-Paul-Mont-Penit par exemple, les officiers de la maîtrise de Fontenay-le-Comte autorisent Ambroise Rivereau, le curé du lieu, à pratiquer des coupes de bois dans sa réserve pour en obtenir les liquidités lui servant à "effectuer les réparations aux bâstiments dépendants dud bénéfice qui sont urgentes et considérables" (13). D'autres curés ont "la chance" de profiter des économies d'un prédécesseur qui par testament a légué sa modeste fortune pour réparer un presbytère délabré ! (Thiré, Saint-Sigismond, Saint-Martin de Brem ...) L'intendant de Poitiers se trouve parfois contraint de prendre une ordonnance ordonnant un prélèvement extraordinaire pour réparer un presbytère. C'est le cas à Tallud en 1787 (14) dans ce pays d'élections surimposé qui avait pourtant encore vu augmenter le poids fiscal avec l'institution du boisselage. Toutefois, ces financements nous renseignent sur un certain état d'esprit des ouailles paroissiales promptes à donner encore !

C'est dans ce cadre monétaire rétracté que se déroule la construction d'édifices qui n'ont peut-être pas la splendeur des oeuvres du siècle des lumières mais qui nous offrent certains éléments d'une sociologie historique.

 

PRESBYTERE



La lecture des devis de constructions est à ce point intéressante, qu'elle permet de définir les grands axes de l'idéal apostolique des campagnes vendéennes. Car, la réelle cohérence de cette série architecturale se trouve en fait dans son architecture elle-même. Les devis semblent inspirés les uns des autres. Les descriptions des lieux se limitent à une répétitivité monotone. Par le portail d'entrée on accède à une pièce, le plus souvent la cuisine "ornée" d'une cheminée et d'armoires qui s'ouvre sur le potager. Vient ensuite la "salle" véritable siège de la vie domestique où tout est organisé dans ce sens : des vitrages aux pavés de terre cuite, de la cheminée au "contre feu" en briques ... La chambre de monsieur le curé garnie d'un plancher est le plus souvent située au premier étage, ainsi que le "salon" plus lieu de recueillement que de réception. Le second étage servant, le plus souvent de "galtas" n'est desservi que par une "échelle plate". (15)

Les constructions se multiplient mais sans modèle de base. Les constructeurs n'avaient pas de références explicites. Les autorités ecclésiastiques d'habitude si favorables au luxe et à l'ostentation semblaient se suffire de constructions modestes. Le faste était réservé à "La maison du Seigneur". Même si un certain "bon sens paysan" à la fois économe et pratique régissait la mise en oeuvre de travaux décoratifs. En restant dans le domaine clérical et en élargissant quelque peu le champ de notre rapide investigation, nous pourrions prendre pour exemple la construction de la chaire de l'église N.D. de Fontenay en 1785 (16). On nous pardonnera cette rapide digression. Elie Drouard, sculpteur de Niort, propose une chaire si ouvragée que les braves marguilliers, économes des deniers de leur paroisse, le "prient" d'adopter un parti moins dispendieux. Il se voit obligé de supprimer le terme et un lion soutenant la chaire. Laissons-là ce piédestal de la rhétorique sermonale, qui nous a juste permis de mesurer à quel point les impératifs budgéraires influaient jusque dans l'esthétique d'une création.

En fait, la construction d'un presbytère, si simple soit-il nécessite une dépense que certains jugent superflue. C'est bien pour cela que les fabriciens répètent sans cesse au curé qu'il doit entretenir sa cure et qu'une restauration est bien suffisante. On est bien loin ici des idéaux des grands prélats urbains accumulant pouvoir et richesses pour utiliser la civilité dans un but luxueux. Dans les campagnes, le curé a les mains liées. Il ne peut, à sa guise, user et abuser des deniers de ses ouailles. Vivre au milieu de ses condisciples porte à une certaine rigueur et un certain dépouillement. Certes, le curé s'en accommode, mais certains revirements d'attitudes au cours du conflit révolutionnaire ne sont sûrement pas étrangers à cet état de fait.

Mais, que l'on ne s'y trompe pas, l'état des presbytères vendéens, si mauvais soit-il, n'est pas unique dans la France des Lumières. Après la chute générale des ordinations au milieu du siècle, le dernier quart du XVIIIe siècle, est marqué par une vague croissante d'ordination dans des régions traditionnellement ferventes. Si bien que les curés se voient forcés à se satisfaire de l'indigence. Il n'est qu'à prendre l'exemple bien connu des enquêtes organisées par Mgr. Champion de Cicé dans son diocèse ruthenois pour avoir une idée du délabrement des presbytères rouergats en 1771 (17). La Vendée n'est pas isolée mais présente un certain nombre de données particulières que cette vague de reconstructions permet peu à peu de mettre en lumière. D'ailleurs, si l'architecture de ces maisons curiales relève en premier lieu d'une nécessité économe de confort, sa décoration la rattache assez aux modes de son temps. On est bien loin, ici, de la révolution architecturale de l'Europe des Lumières (18). Mais sans entrer dans l'étude systématique des éléments décoratifs, signalons quelques faits. Le presbytère de Thiré, tout rustre qu'il soit, s'intègre parfaitement dans un ensemble cohérent d'architecture vernaculaire néo-classique (19). La monumentalité n'est pas le fort de ces constructions parcimonieuses. Aussi, l'appel aux poncifs esthétiques se limitent souvent aux éléments extérieurs de la modernité. Ainsi, ces pilastres doriques encadrant le portail d'entrée (20). Ces persistances et ces simplifications d'éléments architecturaux caractérisent d'ailleurs assez l'architecture rurale française de l'Ancien-Régime. On ne peut demander à un maçon de village de faire preuve d'autant de génie que les grands architectes urbains au fait des nouveaux langages constructifs.

Toutefois l'architecture religieuse dans son caractère le plus sécularisé n'offre que peu d'intérêts, elle nous permet, en revanche, de progresser dans la connaissance du clergé vendéen. C'est ainsi que la répartition spatiale de cet habitat d'un type particulier permet de savoir dans quelle mesure la construction et la piété populaire vont de pair avec l'engagement vendéen de 93.

Si l'on reprend la division tripartite de l'espace vendéen (21), (plaine, bocage, marais), il apparaît à l'évidence que les nouvelles constructions curiales affectent les trois grands domaines géographiques. Une nette prédominance semble "toucher" le Marais Sud vendéen puisque près de 50 % des constructions s'y tiennent. On verra plus loin ce que l'on doit penser de cet état de fait. La plaine et le bocage se disputent le restant des constructions. Mais, n'oublions pas que l'actuel département de la Vendée ne signifie que peu de choses dans la réalité de la Vendée militaire, et que seul cet actuel département est ici pris en compte.

Il faut bien avoir conscient à l'esprit que l'implantation géographique de ces presbytères correspond à autre chose qu'une simple délimitation spatiale. De nombreux auteurs ont insisté sur la liaison entre l'engagement vendéen et la nature des terroirs. Le bocage étant plus propice au soulèvement que le marais ; Aussi, cette ébauche de cartographie rapidement esquissée cherche à prendre en compte cette donnée élémentaire des réalités "chouannes". Il serait, en effet, trop facile de croire que seules les reconstructions en pays de bocage aient correspondu à un engagement partisan de leur curé.

 

LA TRANCHE



Prenons au hasard quelques exemples relativement bien connus. Ils nous permettent d'approcher au plus près deux données jamais considérées jusqu'ici comme indiciaires : l'homogénéité des constructions et les similitudes des attitudes partisanes. Le clergé vendéen engagé dans la Révolution fait partie de ces images d'Epinal que véhicule l'historiographie traditionnelle, et il ne saurait être question ici de mettre ces conceptions au pilori d'une histoire des mentalités. Toutefois, la répartition tripartite des contrats que nous étudions ici permet de nuancer des jugements colitigants. Car, si l'insurrection a davantage touché le pays de bocage, les plaines et les marais n'ont pas été insensibles au mouvement de ferveur qui a secoué l'Ouest. Un élément de mesure des collusions villageoises vers le mouvement "chouan" (tout aussi impropre que puisse être ce qualificatif pour nos régions) se trouve dans l'attitude du clergé. Pour beaucoup de prêtres, refuser la Constitution civile du clergé fut l'occasion de rester au sein d'une communauté qu'ils connaissaient parfaitement. Or, ainsi que nous allons le voir, l'engagement des prêtres vendéens se calque assez bien sur ce que l'on était en mesure d'attendre. Les curés dispendieux et peu soucieux des deniers de la fabrique sont ceux-là mêmes qui ont choisi la facilité constitutionnelle. Cela semble trop beau, trop parfait même, mais la caricature colle parfois parfaitement à la réalité. L'exemple le plus éloquent malgré son côté superfétatoire est sans conteste celui de Jean Chrysostome Hillairet, curé de Triaize (22). Poussé par les fabriciens et son évêque de Mercy à reconstruire son presbytère en 1788, il choisit très vite son parti. Pourtant Triaize se situe en plein coeur des marais, bien loin des pays réfractaires soulevés. Insermenté, Hillairet a encore plus de poids sur les consciences. La "République damnatrice" (M. Lidove) ira même jusqu'à renvoyer ce prêtre qui fait trop de bruit autour de lui, depuis l'aliénation des biens de sa cure. Les esprits sont à vif, les nerfs à fleur de peau et les hommes choisissent Dieu avant la République ... ou presque. Puisque certains curés, non soutenus par la population, préfèrent quitter leurs ouailles républicaines. A la Tranche, Belloteau qui avait donné le meilleur de lui-même dans la réparation de son église (23) est chassé pour avoir trop dépensé pour la maison du Christ. Pour lui, refuser la Constitution civile, c'est aussi protester contre de tels paroissiens impies. A l'inverse, à Saint-Martin de Brem, Epaud refuse la constitution par attachement à sa paroisse. Ses tentatives infructueuses pour revenir d'exil le prouvent assez.

1793, la Vendée s'agite. Les curés "bougent". Ils n'est plus question pour eux de rester muets dans l'expectative d'un avenir qu'ils redoutent. "Chaque paroisse a eu son saint" a pu dire le poète, mais chaque paroisse a surtout eu son curé. Ni pire, ni plus touché par la grâce qu'ailleurs, son attitude est pourtant révélatrice d'une réalité locale. Son engagement traduit les inquiétudes d'un peuple devant des réformes qu'il ne comprend pas. L'apologie du clergé vendéen par l'abbé Baraud (24) schématise un engagement populaire en un idéal pastoral, mais permet tout de même de situer certaines personnalités dans la tourmente de ces quelques années.

On est aussi en droit de se demander dans quelle mesure le souci décoratif de certains apôtres ne s'est pas transformé avec les menaces qui ont pu peser sur leur Foi, en idéal martyrologique. Certains exemples parlent d'eux-mêmes. A Saint-Martin de Brem, l'idéal catholique triomphant faisait qu'un prêtre mourant léguait ses biens à sa paroisse ! Les subsides étaient lents à venir, l'épiscopat malaisé à apitoyer et les curés avaient bien conscience que leurs ouailles ne pouvaient rien pour freiner le délabrement du presbytère. Attachés les uns aux autres, les hommes de l'Ancien-Régime réagissaient affectivement aux heurts d'une vie difficile. Aussi comment ne pas comprendre ces hommes qui voyaient en leur prochain l'ami des mauvais jours, aussi bien dans les marais que dans le bocage. Certains iront même jusqu'à stigmatiser leur fidélité envers leurs paroissiens en risquant le pire. Epaud de Saint-Nicolas qui avait largement contribué à la reconstruction de son presbytère (25) refuse tout compromis et finit par être déporté (26). La petite histoire locale abonde en scènes glorifiantes. Il n'est qu'à penser au pauvre Boursier de Mouchamps qui jusqu'à l'extrême s'opposa à l'intrus Mazierre (27).

 

MOUCHAMPS



En voulant minimiser les excès d'une historiographie "blanche", on a tendance à trancher pour une puissance cléricale uniquement issue du bocage. Alors que ce schématisme ne fait que mettre en lumière une réalité épidermique. Les habitants de Saint-Sigismond excédés par le désinvolte de leur prieur sont aussi importants que ces hommes du marais qui vilipendèrent un curé absentéiste. Un certain sens historique a porté en héros des curés comme Dillon et Balard qui quittèrent leur ordre pour se rapprocher du Tiers. Mais où est l'emphase, où est la réalité dans cela ? Car il est en fait bien difficile de connaître la réalité révolutionnaire d'un clergé qui pouvait tout aussi bien prêter serment sans conviction.

A la lueur de ce qui vient d'être dit, certains faits apparaissent plus clairement et la construction religieuse des années prérévolutionnaires et révolutionnaires permet ainsi de saisir une réalité sociale, et sans entrer dans des détails héroïques ou merveilleux, il semble bien que le presbytère en tant que réalité dans le paysage urbain, soit le côté tangible d'un engagement. A savoir que cette construction qui ne se faisait pas sans les deniers des paroissiens, ne pouvait s'élever que par la volonté générale. De là à dire que c'est tout autant le peuple que des convictions profondes qui firent pencher le curé dans un sens, il n'y a qu'un pas. Mais nous nous garderons de le franchir car la corrélation entre dépenses curiales et engagement est réelle mais reste ténue. Il reste donc encore à savoir s'il existe d'autres données du même type dans le reste de la Vendée pour savoir si la construction peut être prise comme élément d'une sociologie historique.

THIERRY VERDIER
Société d'émulation de la Vendée
1985

NOTES 1ERE

NOTES 2EME

NOTES 3

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