LES VENDÉENS DE LA NOUVELLE-FRANCE
LES VENDÉENS DE LA NOUVELLE-FRANCE
Nouvelle-France, Nouvelle-Angleterre, désignaient au 17ème siècle, les pays d'Amérique du Nord, sur lesquels les deux puissances impérialistes d'Europe portèrent leur compétition.
La Nouvelle-France, grâce à Champlain, fut le premier territoire français en 1604, avec l'Acadie, et, en 1608, avec Québec et le Canada.
Boston, qui deviendra la principale ville anglaise adverse, ne sera fondée qu'en 1630. Mais la France, devant la poussée colonisatrice nettement supérieur à l'Angleterre, perdra définitivement l'Acadie lors de la prise de Louisbourg en 1758, et tout le Canada lors de la prise de Québec en 1759.
C'est dans cette période des 17ème et 18ème siècles que se situe l'émigration vendéenne, particulièrement audacieuse à cette époque, quand on pense aux longues, pénibles et dangereuses traversées de trois ou quatre mois.
Au vacances de 1981, j'ai pu relever, autant que faire se peut sur place, dans les généalogies acadiennes de Bona Arsenault et québécoises de Drouin, les Vendéens partis à cette époque : une proportion importante de 192, sur 560 immigrants du Poitou et près de 5000 de France, partis à la même époque.
Sur ces 192, on compte 13 femmes seulement, dûment nommées, parties de Vendée. Mais le lieu de naissance de la femme n'étant pas habituellement indiqué, il est facile de présumer, par les noms en particulier, que le nombre en est nettement plus élevé.
La répartition se fait à travers presque toute la Vendée, avec une nette supériorité (24 émigrants) pour Fontenay-le-Comte, alors ville principale. Au moins 103 paroisses sont représentées sur un total de 295.
Il serait possible d'avoir des précisions supplémentaires en consultant aux archives françaises de la Marine, les listes des colons embarqués à cette époque. Ce travail serait commencé ; il pourrait compléter celui-ci.
Quel sentiment poussait ces jeunes hommes et femmes à une telle audace ? D'une façon générale et sans doute intéressée, le désir, pour de nombreux cadets de familles paysannes et nobles, de se tailler là-bas de nouveaux domaines et, soulignons-le bien, à dimension familiale, ce qui fut le propre de la colonisation française, comme on dit là-bas. De plus, on profita de l'occasion pour restaurer intelligemment le droit de propriété, ou plutôt de responsabilité, inauguré en France dans le Haut-Moyen-Age, et qui s'était perverti à partir du 14e siècle. Il y aurait là une étude à faire. Le beau quadrillage des exploitations familiales de la plaine de Richelieu, survolée en 1955, fut ma première surprise en arrivant à Montréal. ...
Mais il faut dire aussi qu'une sélection s'était faite parmi ces jeunes, sanctionnée par Champlain et ensuite par Richelieu, dans le but de faire oeuvre civilisatrice, en apprenant aux peuplades indigènes l'art de cultiver la terre et de vivre selon la Foi : ceci, chose étonnante, fut relativement plus facile que cela !
BAS-POITEVINS (limites actuelles de la Vendée)
PARTIS AU CANADA AUX 17ème ET 18ème SIECLES
(ordre alphabétique des paroisses)
Pour conclure cette étude et illustrer l'effort civilisateur de la "conquête spirituelle du Nouveau-Monde", selon l'expression de G. Goyau, je ne puis résister à la tentation d'évoquer le cas d'un héroïque colon, Guillaume Couture, de Saint-Godard de Rouen, marié à Pont-Lévis en 1640 à Anne Aymard, née de Jean et Marie Bineau, de Saint-André de Niort (dioc. de La Rochelle).
Le 2 août 1642, avec 12 canots de Hurons, il accompagnait le célèbre Père Isaac Jogues et le Frère Jean Goupil, tous deux de la Compagnie de Jésus. Il était chirurgien et interprète. Ils furent capturés par 80 Iroquois.
"On arracha à Couture les ongles, on lui broya les doigts avec les dents. Un sauvage lui enleva la moitié de l'index droit avec un morceau de coquillage. Le bras était gonflé jusqu'au cou (Jogues dit dans une "Relation" que "la douleur lui en rejaillit jusqu'au fond du coeur").
Finalement, trois Hurons furent tués et les autres épargnés. Couture fut confié à une famille sauvage qui le prit en pitié et l'adopta ... Il finira par rejoindre sa famille et fut l'ancêtre d'une descendance fort nombreuse.
Il a laissé le souvenir "d'une grandeur d'âme et d'une patience digne des martyrs des premiers siècles".
Ceci dit pour rappeler que l'esprit cupide et mercantile - qu'il ne faut certes pas exclure de la part surtout des marchands de fourrures - n'a pas précisément présidé à cette oeuvre de "conquête spirituelle du Nouveau-Monde" !
Léon AUGER
Société d'émulation de la Vendée
1984