LA SÉGUINIERE (49) - COLONNES INFERNALES ET ESPOIRS DE PACIFICATION

LA SÉGUINIERE
Colonnes infernales et espoirs de pacification

Le conventionnel Barrère avait promulgué un décret le 1er août 1793 dont le but affirmé était d'exterminer la Vendée".
Déjà depuis septembre, l'arrivée de Kléber et des mayençais avait inauguré cette sale besogne (avant la bataille de Torfou) dans tout le pays de Retz et du nord du Bocage Vendéen.
Après la défaite de Cholet, les armées républicaines restées sur place ont poursuivi ce travail destructeur, encouragées par un second décret de Barrère daté d'Octobre, encore plus sanguinaire que le premier.
La mise en place des tribunaux révolutionnaires et des comités de surveillance était évidemment axée vers le même objectif (les rafles de suspects notamment, ainsi que les exécutions qui suivaient).
Mais le pire n'était pas atteint : ce fut le plan du Général Turreau et de ses douze colonnes "infernales" qui couronnera le martyr de la Vendée. Le plan est simple, il sera tacitement approuvé par les conventionnels parisiens, eux-mêmes en pleine terreur.

61 327 hommes en douze colonnes doivent sillonner la Vendée départementale, la Vendée Nantaise, la Vendée Angevine et la Vendée Bressuiraise en commençant par un pillage systématique des greniers, des granges, des châteaux et des maisons rurales. Ensuite mettre le feu dans tous les hameaux et tous les bourgs (sauf plusieurs villes chargées d'accueillir les pillages et les pilleurs). Quand à la population, l'ordre fut donné de tuer systématiquement, particulièrement les femmes pour qu'elles ne puissent plus enfanter de brigands et les enfants (exemple : Les Lucs S/Boulogne). Carrier organisera des noyades en Loire. On montera aux Ponts-de-Cé une tannerie de peaux d'hommes, on fera ailleurs du suif avec de la graisse de femmes, ailleurs on mettra au four chauffé à blanc des familles entières ... Les bolchéviques de 1917, les nazis de 1934 se sont vantés d'avoir pris modèle sur les colonnes infernales.

Evidemment il n'était pas question d'épargner La Séguinière ! ... Pensez-donc les colonnes infernales ont avoué de ne pas avoir le temps de sélectionner les maisons et les gens entre les Vendéens et les républicains ... Tout le monde doit payer puisque la Vendée doit être exterminée ! Ces colonnes infernales vont sévir de Janvier à Mai 1794.

Dès le 1er février La Séguinière est incendiée en plusieurs lieux de la commune, ainsi que la Romagne. Le 6 mars, nouveaux incendies au bourg par Turreau lui-même qui quitte la région le 7. Le 24 mars sera ici la journée la plus sanglante, notre commune, à cause de son pont sur la Moine est un passage obligé entre Cholet et la Romagne. Hier le 23, aujourd'hui et aussi demain les colonnes de Crouzat et de Cordellier passent et repassent dans les deux sens, car Torfou aura ses incendies et ses massacres le 24. Ici, il y aura 32 victimes dont 7 femmes et 15 enfants ainsi que plusieurs personnes de St-Pierre de Cholet qui se trouvaient à La Séguinière.

Cordellier avait opéré le matin du 24 à St-Melaine et à La Druère ... un de ces infâmes généraux avouera : "J'ai brûlé toutes les maisons, je préfère égorger pour économiser mes munitions ... Ce matin j'ai détruit 350 hommes et femmes ... etc" et c'était comme cela chaque jour !
Ces "promenades républicaines" ont fait près de 200 000 victimes (sans jugement évidemment) et il fut égorgé environ 1 100 000 têtes de bétail en quatre mois ... Les convois de pillage des fermes se composaient de 80 à 100 charrettes à  chaque fois !

Le 4 avril nouveau passage d'une colonne, nouveaux pillages et nouvelles arrestations, ce furent ici les dernières exactions commises.

Le 29 avril - Le Général bleu Savary s'inquiète du sort fait dans le Choletais aux "patauds" de St-Christophe, La Séguinière, La Romagne et St-André, car les soldats vendéens n'hésitent pas à égorger des civils républicains. Savary envoie trois détachements dans ces quatre paroisses pour maintenir l'ordre : on n'en sait pas plus sur ces évènements. Il faut dire que depuis le début de Mars, Stofflet a repris Cholet aux bleus et gouverne fort bien la cité des mouchoirs, Savary a peut-être de quoi s'inquiéter ? Le désaveu du sinistre Carrier à Nantes, qui sera condamné à Paris pour ses crimes, les plaintes répétées des civils républicains de la Vendée, contre les "méthodes" des colonnes infernales, et surtout la condamnation de Danton et de Robespierre, en Thermidor, vont mettre fin à la Terreur.
Ouf ! quel soulagement pour la nation toute entière, pour quelque temps le carcan sanguinaire va se libérer. Les habitants de La Séguinière sont comme les autres : soulagés ! Mais comment expliquer que l'on soit arrivé à une telle folie meurtrière ? ... Les armées Vendéennes avaient été écrasées après Savenay. Les populations lassées de la guerre ... et notre république toute neuve de deux ans continuait à se gausser de la déclaration des droits de l'homme, et à chanter et crier partout l'amour de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité. Comment expliquer que des politiques soient aussi aveuglés et stupides pour condamner à mort toute la partie ouest du pays ?

Il y aura bien des reprises de combat avec Stofflet et Charette, il y aura aussi des embryons de paix (La Jaunaye - St Florent - Montfaucon - Cholet - etc ...) Mais rien n'y fit, on se battra encore en 1799.
Nos populations étant restées sous le joug anticlérical.
Il faudra aussi un jour panser quelques plaies. L'empire d'abord et la restauration monarchique de Louis XVIII ensuite tenteront par quelques pensions, de réparer quelques blessures ou quelques dévastations. Ainsi la veuve Biotteau réclamera dès Novembre 1794 des subsides pour cinq mois de nourrice de l'enfant Dubillot de Cholet toujours impayés.
Ainsi les anciens soldats vendéens retraceront leurs états de service pour obtenir quelques subsides.
Ainsi le chirurgien René Prosper Doué qui soignait aussi bien les bleus que les blancs, a reçu à l'heure de la retraite, une belle trousse de chirurgie en cuir rouge, avec outillage de qualité ... cela lui fut offert par la municipalité de Cholet en reconnaissance.
Ainsi les filles de la Sagesse, persécutées en tant d'endroit par les patauds, eurent la vie sauve et les honneurs, car elles ont soigné sans relâche à l'hôpital, bleus et blancs confondus.

Mais il reste encore tant de plaies à panser, tant de métairies à rebâtir, tant de métiers à tisser à restaurer. Il faudra Bonaparte, le futur empereur, pour comprendre - enfin ! - que la Vendée militaire et la Bretagne se sont soulevées pour défendre toutes leurs libertés et d'abord la liberté de pratiquer leur religion. Seul Bonaparte, avec l'Abbé Bernier ont eu l'avantage de pacifier nos régions, grâce au Concordat de 1801.
Le Concordat, malgré une méthode discutable et des conditions surprenantes, a réouvert les églises, relié l'église de France Catholique romaine, a amnistié tout le clergé non assermenté (celui qui ne fut pas déporté ou assassiné) et qui a réussi à mêler le clergé constitutionnel avec le traditionnel.
Les cloches de nos Églises et le Te Deum joyeux ont marqué cette paix tant attendue ; La France toute entière bénéficie alors de la victoire des Vendéens, non pas la Victoire des armes, mais celle du courage, des convictions et de la ténacité, celle aussi de la prière et du sacrifice. N'est-il pas juste et louable, deux siècles après, de rendre hommage à ces prêtres, à ces hommes, ces femmes et ces enfants de La Séguinière qui ont chèrement payé pour que leur petite patrie soit libre aujourd'hui de croire et de pratiquer à sa guise, selon les desseins de la Providence.

LOUIS-EMMANUEL GAILLARD
Extrait : Plaquette éditée par
l'Association Valorisation du Patrimoine de La Séguinière
Toussaint 1995