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La Maraîchine Normande
3 février 2014

LA SÉGUINIERE (49) - UN SEIGNEUR PAS PAS COMME LES AUTRES - CLAUDE-LOUIS-VINCENT DE BEAUVAU-TIGNY

UN SEIGNEUR PAS COMME LES AUTRES

Beaucoup de nos vieilles personnes rurales ont durant des siècles bénit le ciel de leur avoir donné des maîtres à la hauteur de leur noblesse ... à La Séguinière, en 1789, on avait depuis bien des lustres oublié les aides sociales et les magnificences des anciens seigneurs du lieu à l'époque de François 1er ... (La famille du Plessis qui garda avec dignité notre châtellenie pendant plusieurs siècles ...)

 

marquis de Beauvau-Tigny



En 1789, le maître de la châtellenie de La Séguinière est vraiment un drôle de citoyen ! Claude Louis Vincent de Beauvau Tigny, fils de feu le marquis Anne Louis de Beauvau, grand Sénéchal du Maine en 1758, conseiller du roi en 1759, Officier de cavalerie au régiment de Villars, il fut un prestigieux chef militaire au service du feu Louis XV.
Mais le fils ne valait pas le père ! ... Nous aurons sans doute l'occasion de pointer jour après jour les frasques de ce petit hobereau de province ...
Pour comprendre (ou tenter de comprendre) le rôle qu'il joua entre 1789 et 1793, résumons quelque peu : Vincent de Beauvau fut un enfant mal élevé et caractériel. Il se fit objet de scandales tant à St-Melaine de Cholet, qu'à Versailles ou à Paris à l'heure de l'adolescence. Sur ordre de sa famille il fut interné. Il goûta à sept, huit ou neuf prisons du royaume ... Il fit des faux, usage de faux, il fut poursuivi pour bigamie et il fut suspecté d'avoir commandité l'assassinat de son fils ! ...
Intelligence supérieure, et même érudite, Vincent de Beauvau aurait pu auréolé son nom, il a préféré les bas-fonds et renier ses origines. Lorsque l'orage révolutionnaire sera dans l'air, il entrera dans la révolution comme l'on part à la chasse, parfois en pleine contradiction avec lui-même.

Mr de Beauvau écrit des libelles, fait des discours et il apparaît comme un lion en cage, on sent qu'il veut se venger du régime qui lui a fait goûter à tant de prisons et qui a tenté de briser son orgueil.
Il se porte candidat le 20 mai 1790 pour être élu au district d'Angers, mais il ne remporte aucun suffrage, aussi lorsque le vote du district de Cholet est fixé au 16 juin il se présente, il a davantage de chance, il se fait même (au troisième tour) élire procureur syndic, c'est-à-dire le patron du district de l'arrondissement.
Et lorsque la constitution civile du clergé sera votée, il trouvera une occasion de faire du zèle anticlérical, il ordonnera personnellement la poursuite des familles suspectes de "fanatismes", la recherche des prêtres non assermentés. Il mobilisera des charrettes à boeufs pour piller systématiquement les églises et les sacristies au nom de la république, (Cloches, ornements, vases sacrés, etc.) et comble de sectarisme, il avait choisi le couvent des Cordeliers de Cholet, vidé de ses moines, pour en faire le siège du district et c'est de là qu'il donnait ses ordres de vengeance contre les "calotins", et qu'il nommait (en toute légalité) les curés constitutionnels (jureurs).
Le 19 novembre 1791, Beauvau écrit au procureur syndic du directoire d'Angers un courrier de requête contre les chrétiens de Trémentines et de La Séguinière :
"Je ne vois qu'un remède à cela, c'est que vous ayez la bonté de m'ordonner de faire remettre le calice et les ornements au curé constitutionnel, et encore de faire démolir jusqu'aux fondements cette chapelle, et plusieurs autres dans le district, notamment à La Séguinière, qui ne servent qu'à entretenir le fanatisme car leur vente sera nulle pour la nation, et l'on tirera plus d'argent de la charpente et des pierres ... il est inutile de les faire fermer, d'en boucher même les portes avec de la maçonnerie ; elles seraient ouvertes au bout de 24 heures, il faut de nécessité les démolir, j'attends vos ordres et vous prie de les donner promptement.
BEAUVAU".

NOTRE DAME DE TOUTE PATIENCEIl faut croire qu'on se méfiait un peu de lui à Angers, car l'ordre ne vint jamais ... et la chapelle Notre Dame de toute Patience est toujours debout. (Quant à la statue, pour éviter qu'elle ne soit volée, Augustin Boudeau l'avait mise à l'abri chez lui aussitôt qu'il y eut des troubles, dans un bahut, cachée derrière du linge ... à Cholet c'est le sacristain de St-Pierre qui a caché et sauvé le superbe ostensoir et la belle croix reliquaire en vermeil).
Notre triste sire est plein de bonnes idées ... Il écrit le 11 septembre 1792 aux administrations du district de Maine-et-Loire, pour leur donner des conseils pour faire disparaître les prêtres non jureurs enfermés dans les prisons, (il les appelle "cargaison sacerdotale") et propose de les envoyer en bateaux mis à la dérive en pleine mer, ou de les "décharger" clandestinement sur les côtes d'Espagne ou du Portugal ... Il établi une comptabilité détaillée de cette dépense ! et il se propose même de manière déguisée pour faire cette besogne (il est ne l'oublions pas ancien officier de marine !)
C'est vraiment à se demander si les fameuses noyades de Carrier n'ont pas été "pensées" par l'ancien seigneur de La Séguinière ?
Beauvau est entouré de deux éminences grises : Olivier Pierre Coulonnier le clerc de notaire, maître de postes, qui était son correspondant lorsqu'il était en prison (comme "furieux et prodigue") et dont il avait violé la fille, le soir du 15 janvier 1795 ... (cette jeune fille qui était d'ailleurs sa filleule !) Coulonnier ne refusait rien à Beauvau. L'autre comparse était Jean Pierre Mainguet dont nous parlons par ailleurs, qui sera de façon éphémère le premier maire de La Séguinière, avant d'aller siéger au district aux côtés de Beauvau.


Après le cumul de toutes les vexations, de toutes les désillusions, la conscription décrétée en février 1793 a été la goutte d'eau qui a déclenché la rébellion. Les jeunes paysans de l'ouest et les jeunes tisserands ont donc refusé le tirage au soir du 12 mars 1793. Le 13 au matin ils vont au Pin-en-Mauges mobiliser Jacques Cathelineau, on connaît la suite : le 13 à midi Jallais est pris, le 13 au soir Chemillé aussi et le 14 au matin, les insurgés des Mauges rejoints par les hommes de Maulévrier et des environs sont au portes de Cholet.
Les gardes nationales de la ville de Cholet ont été regroupées par le capitaine, mais les politiques du district sont incapables de prendre des décisions ; ils ont une peur bleue de ces paysans armés de piques et de faux. Le citoyen de Beauvau les traite brutalement, et leur crie : "On ne délibère pas quand l'ennemi est aux portes ! Les républicains marchent où le danger les appelle, ils vont au devant des rebelles, suivez-moi !"
Il galvanise civils et militaires et quitte le château de Cholet pour monter vers la route de Nuaillé aux abords du bois Grolleau et des Pagannes ... il tombe un crachin persistant. L'armée n'a pas la fleur au fusil, mais passant aux barrières, Beauvau crie à la foule qui le regarde : "Mesdames, n'ayez pas peur, nous allons faire de la fressure, préparez vos poêles et vos chaudrons !"
Mais quelques heures plus tard, le boulet d'un canon vendéen a visé juste pour son deuxième coup et Beauvau a été touché mortellement au rein. Les bleus fuient le champ de bataille et rentrent trempés vers la ville, laissant le procureur syndic à terre - ce sera l'arrière-garde qui mettra Beauvau sur un brancard de fortune et l'abandonnera sur les marches du calvaire (rue Sadi-Carnot actuelle) et il mourra dans la nuit, abandonné de tous, à l'ombre du crucifié.
Ainsi finit tristement le dernier seigneur de la châtellenie de La Séguinière ce 14 mars 1793 à la tête de l'armée républicaine de Cholet, lui le descendant avili de la race la plus fidèle aux comtes d'Anjou et aux rois de France.


Louis-Emmanuel Gaillard
Plaquette éditée
par l'Association
Valorisation du Patrimoine de La Séguinière
Toussaint 1995

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