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La Maraîchine Normande
29 décembre 2013

SAINT-MALO - INTERROGATOIRE D'UN PRISONNIER VENDÉEN

[... A leur retour de Granville, ... quelques traînards poussèrent même jusque sur la grande route de Saint-Malo, y furent saisis et conduits à cette dernière ville. J'en parlerai plus loin et surtout de l'un d'eux. ...]

INTERROGATOIRE D'UN PRISONNIER VENDÉEN

Pendant que je rédigeais la délibération, trois des prisonniers vendéens furent interrogés, jugés et condamnés à mort : pauvres diables illettrés et presque dénués d'intelligence.


Il n'en était pas ainsi du quatrième, jeune homme d'environ vingt-cinq ans, à manières distinguées, à langage poli, qui, sous un habit grossier et presque en lambeaux, répondit à toutes les questions avec un aplomb et une fermeté remarquables. Il était coiffé d'un chapeau neuf.

Voilà un chapeau, lui dit le président, qui ne coûte pas cher à un brigand tel que toi. Tu l'as sans doute volé à Dol ?


R. Non, Monsieur, je l'y ai acheté et payé.


Ah ! tu ne l'as pas volé ; et cette paire de bottes presque neuve, tu ne l'a pas volée non plus, sans doute ? Cependant il est visible qu'elle n'a pas été faite pour toi.


R. Quant à cette paire de bottes, en voici l'histoire :
Un cavalier ennemi ayant été tué, je l'ai dépouillé de ses bottes pour les substituer aux miennes. Elles sont beaucoup trop grandes pour moi, il est vrai, ce cavalier était de taille élevée et je suis fort petit ; mais ces bottes me gardent du moins l'abri ; l'humidité pénétrait de toute part dans les miennes.

Un certain médecin ou chirurgien, démagogue par excellence, un des plus exaltés membres du conseil du fougueux proconsul Carpentier, s'adressa au prisonnier avec le ton d'un énergumène. Voici à peu près ce qu'il lui dit :
"Tu montres bien de l'arrogance, brigand ; en te tirant quelques palettes de sang, on rabaissera ton caquet ; nous en verrons la couleur, que dis-je, non, non, ce n'est que de la boue qui peut sortir de tes veines."

R. "Faites, Monsieur, ce qui vous conviendra ; mon bras est à votre disposition, répond avec calme et sang froid l'infortuné jeune homme ; plongez votre lancette jusqu'au manche ; épuisez mes veines ; d'avance soyez sûr qu'il en sortira, non pas de la boue comme vous le prétendez, mais du sang le plus pur, comme celui que j'ai déjà versé pour la défense des lois divines et humaines."

Le forcené Esculape brandissait déjà la menaçante lancette, quand le président proclama l'interrogatoire terminé, et demanda l'avis des membres du comité ; il fut unanime pour la mort et l'exécution immédiate.

Le président fait part au malheureux vendéen, ramené à l'audience, de la fatale sentence. Il l'écoute sans frissonner et se borne à dire :

"Je ne pouvais que m'y attendre. Je vais tout-à-l'heure être affranchi d'une vie de malheur et de souffrances cruelles. J'ai refusé de vous dire mon nom ; il est, je l'espère du moins, écrit dans le ciel. J'espère aussi que Dieu, dans sa miséricorde, ne m'en refusera pas l'entrée." Et il s'écria Miserere mei Deus.

L'escorte se saisit de l'imperturbable jeune homme, et l'entraîna.

Extrait
Souvenirs de Néel de Lavigne Charles-Rolland
ancien sous-préfet
Dinan
1880

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