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La Maraîchine Normande
2 décembre 2013

LE MANS (72) - M. FRANCOIS-BERNARD MARTELET, PRETRE DE LA CONGRÉGATION DE SAINT-LAZARE

LE MANS (72)  -  M. FRANCOIS-BERNARD  MARTELET, PRETRE DE LA CONGRÉGATION DE SAINT-LAZARE

prêtre assis sur un escabeauM. François-Bernard Martelet, prêtre de la congrégation de Saint-Lazare, missionnaire au Mans, fut immolé à Besançon, le 9 février 1798. Il était aussi pieux qu'éclairé, environné au Mans d'une grande considération, et joignait un zèle ardent au caractère le plus aimable. Il aurait pu trouver un asile secret dans notre diocèse et s'y livrer au saint ministère. Il préféra retourner dans le sien, où, à force de travaux, de sollicitations et de prières, il réussit à fortifier les uns dans la vraie foi et à y ramener les autres. Au milieu de ses courses apostoliques, l'homme de Dieu fut arrêté, et avant son supplice, il écrivit du fond de sa prison plusieurs lettres édifiantes qu'il adressa à sa mère, à son frère et à sa soeur, et à quelques autres personnes, qui lui étaient chères. Nous citerons celle qu'il rédigea la veille de sa mort.

"Ma tendre mère,
Me voici à la veille de consommer mon sacrifice, et de paraître au tribunal redoutable de Dieu, pour lui rendre compte de toute ma vie. Quelque juste que soit la cause pour laquelle je me suis efforcé de combattre pendant tous ces tems malheureux, je ne tremble pas moins à la vue du compte terrible que j'ai à rendre des âmes qui m'ont été confiées, ainsi que de la mienne. Heureusement pour moi, j'ai cette confiance que Dieu voudra bien oublier mon incapacité à remplir un aussi sublime ministère, pour ne se souvenir que de ses infinies miséricordes et me pardonner mes péchés. Je lui rends d'immortelles actions de grâces de ce qu'il a bien voulu me faire naître de parens chrétiens, et me choisir un père et une mère qui se sont eux-mêmes sacrifiés pour me donner une éducation chrétienne. Je prie le Seigneur qu'il daigne couronner votre oeuvre et m'accorder la grâce du martyre. J'ai tout lieu d'espérer qu'il aura égard au sacrifice généreux que vous lui fîtes de ma personne, non-seulement dès ma naissance, mais principalement depuis ma consécration à l'état saint de prêtre et de missionnaire.
Puisse le sang que je vais verser pour la foi effacer le reste de mes péchés, et toucher le coeur des ennemis de notre sainte religion ! Il n'y a pas de doute qu'il fallait des victimes pour expier les iniquités de notre malheureuse patrie. Que la volonté de Dieu s'accomplisse en moi ! Et si j'ai le bonheur de trouver grâce devant Dieu, j'accepte volontiers et de bon coeur le calice de sa passion, dans l'espérance qu'il voudra bien m'accorder les forces nécessaires pour le boire jusqu'à la lie, s'il le faut. Et vous, mes chers frères et soeurs, n'oubliez pas que si Dieu nous a choisis de préférence à tant d'autres pour augmenter la famille des saints, vous ne parviendrez sûrement à l'héritage éternel, qu'en prenant soin de notre tendre mère, qui est le seul bien qui nous tienne encore attachés à la terre, et en pratiquant à son égard les vertus dont elle n'a cessé de nous donner l'exemple. Je vous recommande à tous spécialement mes deux petits neveux. Faites tout ce qui dépendra de vous pour que ces tendres enfans ne soient pas privés du don estimable de la foi, qu'il est à craindre que l'on ne voie enlever à notre malheureuse patrie.
Je me recommande aux prières des fidèles catholiques de Jussey ; je les remercie de la charité qu'ils m'ont témoignée, et je les prie de ne pas abandonner ma famille désolée.
Je demande pardon à ma bonne mère de tout ce qui aurait pu l'offenser en moi. Je vous demande aussi pardon à vous tous, chers frères et soeurs, et me recommande à vos prières, afin que si j'ai le bonheur de suivre mes vénérables confrères dans le séjour de la gloire, je puisse intercéder pour vous auprès de Dieu, par la médiation de notre Sauveur Jésus-Christ et de sa très-sainte Mère. Ainsi soit-il.
Faites part de mes sentimens aux braves chrétiens de Saint-Omer, à qui j'ai de très-grandes obligations, et dites-leur que je ne les oublierai pas, si j'ai le bonheur de voir Dieu.
MARTELET, prêtre.
Dans les prisons de Besançon, ce 8 février 1798, veille de ma mort."

Ne pouvant revoir les autres prêtres jusqu'alors compagnons de ses chaînes, il leur adressa la lettre suivante :

"Messieurs et respectables confrères,
Maintenant que mon sort est décidé, je croirais manquer essentiellement à la reconnaissance que je vous dois, si je ne vous faisais pas à tous mes remercîmens les plus sincères de ce que vous avez bien voulu me supporter parmi vous, quelque indigne que je fusse des vertus qui doivent caractériser de vrais martyrs. Ce qui me rassure et me remplit de consolation dans ce dernier moment, c'est d'avoir été le témoin de votre inébranlable fermeté et de cette résignation parfaite dont vous m'avez donné l'exemple. Je meurs et rends grâces au Seigneur, qui n'a pas permis que je fusse abandonné à ma propre faiblesse. Que sa volonté s'accomplisse en moi. Oh ! si mon sang pouvait lui être agréable pour servir à l'expiation de mes iniquités et de celles de notre malheureuse France, je n'en verserais jamais autant que je le désirerais ; mais, hélas ! mon indignité ! ... Il ne me reste donc plus de ressources que dans ses infinies miséricordes, que j'implore à grands cris, et que je vous prie d'implorer pour moi.
Je pardonne de bon coeur à ceux qui ont contribué à ma mort ; et j'espère que si j'ai trouvé grâce devant Dieu, il voudra bien écouter mes prières pour eux.
Adieu, je vais mourir. In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum.
Dans les prisons militaires de Besançon,
à deux heures après midi, jour de ma mort,
le 9 février 1798.
MARTELET, prêtre."

La victime, au moment de son sacrifice, était âgé d'environ quarante ans ; nous déposerons ici ce qu'on a recueilli d'un petit discours que M. Martelet avait fait en prison, et qu'il avait le projet d'adresser au peuple.

Discours de M. Martelet au peuple, avant qu'on lui bandât les yeux pour le fusiller.
"Pauvre peuple, jusqu'à quand vous laisserez-vous aveugler par l'erreur et le mensonge ? Hélas ! quoi ! le flambeau de la foi, ce trésor précieux, incomparable, s'éloigne de vous, et, malheureux, vous ne faites aucun effort pour apaiser la colère de Dieu, qui s'appesantit chaque jour sur la coupable France ! Si l'on conduit les ministres de Jésus-Christ sur le champ de bataille, pour leur ravir l'existence, vous accourez, les uns pour insulter à la religion, qui fit votre bonheur, les autres s'attendrissent sur notre sort et versent des larmes sur nous ; et, l'instant après, se livrant de nouveau à leurs coupables plaisirs ou à une tiédeur habituelle, ils se contentent de gémir sur les verges dont Dieu, dans sa colère, se sert pour punir d'une manière bien terrible la coupable France. Un fort petit nombre emploient tous les moyens qui sont en leur pouvoir, pour fléchir la colère redoutable d'un Dieu outragé ; et Dieu, dans sa miséricorde, les appelle peu à peu en différentes manières.
O mes frères, mes concitoyens, je vous pardonne ma mort comme homme. Je prie Dieu de vous la pardonner, comme celle de son ministre, puisqu'il m'avait confié le pouvoir d'être médiateur entre vous et lui, et que c'était par ses mains que vous deviez recevoir la source des grâces."

Ce discours énergique et touchant qu'il jeta au milieu de la foule, fut ramassé ; il fut lu, et les lectures qui en furent faites laissèrent des impressions salutaires. Le saint prêtre ne cessa de prêcher la foi, jusqu'à son dernier instant.

Les martyrs du Maine,
ou Notice historique sur la persécution à mort
Par Théodore Perrin
1830

MARTELET François-Bernard, prêtre de la congrégation des Missions de Saint-Lazare, dans leur maison de Paris, depuis 1779, étoit né à Jussey, près Vesoul, en Franche-Comté, vers 1758. Ses supérieurs l'envoyèrent au Mans, où il fut préfet de choeur et maître des cérémonies.
Les périls dont la révolution menaça la Foi, en 1790, excitèrent en lui une vive ardeur pour l'affermir dans l'âme de ceux qui pouvoient le plus contribuer à la perpétuité de son règne parmi les fidèles. Il s'occupa partout de prémunir contre les pièges des novateurs, les élèves du séminaire du Mans, dont les Lazaristes avoient la direction.

Quand l'Assemblée Constituante détruisit les anciens établissemens ecclésiastiques, et prescrivit le serment schismatique de 1791, que Martelet refusa, il retourna dans le lieu de sa naissance, où il se mit à fortifier ceux dont la Foi étoit chancelante, et à consolider celle des chrétiens que la séduction n'avoit pas ébranlés. La loi de déportation le força de sortir de France, vers la fin de 1792 ; mais son zèle l'y ramena quelque temps après ce fameux Neuf thermidor (27 juillet 1794), depuis lequel la Convention donnoit lieu de croire que les prêtres n'y seroient plus exposés à la mort.

Cependant, à peine eut-il mis le pied sur le territoire français, en rentrant par la frontière du Nord, qu'il eut assez de défiance pour ne pas trop se hâter de reparoître à Jussey, où les ennemis de la religion sembloient l'attendre ; et il s'arrêta dans la ville de Saint-Omer, en laquelle il espéroit pouvoir exercer son ministère avec fruit. Il y résida deux ans, occupé du salut des âmes ; mais, au printemps de 1797, il se laissa gagner par une confiance que paroissoient justifier les dispositions du Corps Législatif, et vint à Paris, avec le dessein probablement de retourner au Mans, où il étoit rappelé par le voeu de beaucoup d'excellens catholiques. Mais arriva la funeste catastrophe du 18 fructidor (4 septembre 1797) ; et Martelet, exposé à de nouveaux dangers dans la capitale, crut devoir se retirer chez sa mère, à Jussey. Il y arriva le 11 octobre, dix jours après, onze gendarmes, y entrant avec fureur, vinrent l'en arracher, et l'emmenèrent, comme un criminel, à la municipalité de cette ville.

Le juge de paix de Jussey, auquel on le livra pour être interrogé, refusa la commission ; et Martelet fut traîné, par les mêmes gendarmes, à celui de Blonde-Fontaine, dont l'aversion pour le sacerdoce étoit connue. Celui-ci, d'un air hypocritement bienveillant, lui dit qu'il alloit le remettre en liberté, s'il vouloit "renoncer à son état de prêtre". Martelet, au contraire, se glorifia de l'être, et même encore d'être Missionnaire. Cette déclaration obligeant le juge de paix à poursuivre l'interrogatoire, il lui demanda s'il avoit, depuis peu, exercé les fonctions sacerdotales ; et le saint prêtre répondit : "Oui, toutes les fois que je l'ai pu". Sur cette réponse, le magistrat le fit conduire à Vesoul.

Une de ses soeurs (Cécile Martelet, veuve Clavet), qui l'accompagna partout, raconte que, le lendemain du jour où il eut été enfermé dans la prison de Vesoul, deux dames, émues d'une compassion que la religion cessoit d'éclairer, étant venues lui conseiller de dissimuler la vérité, quand il comparoîtroit devant les juges pour être interrogé, il leur répondit qu'il aimoit mieux "mourir pour la vérité que vivre pour le mensonge". Un moment après, il fut appeler pour l'interrogatoire, où on lui dit que "puisqu'il étoit prêtre, il étoit par cela même un scélérat, et qu'il ne sortiroit point de prison, tant qu'il n'abjureroit pas son sacerdoce". Les mêmes propos lui furent tenus en quatorze autres interrogatoires successifs, pendant les quatre mois qu'il resta dans la prison de Vesoul. Il y trouvoit, au reste, des consolations analogues à ses sentimens, dans la société de plusieurs prêtres qui étoient enfermés avec lui.

Enfin, vers la fin de janvier 1798, douze gendarmes, renforcés par un piquet de cavalerie, le conduisirent enchaîné, avec trois confrères, à Besançon. Là encore, il rencontra de vertueux prêtres captifs avec lesquels son âme étoit en parfaite harmonie. Le 4 février, il écrivoit à une autre de ses soeurs, restée à Jussey : "A Vesoul, j'étois avec des confesseurs de Jésus-Christ ; ici, je suis avec des Martyrs". Les nouveaux juges qui l'interrogèrent, l'entendirent persévérer dans les mêmes réponses ; et, le 8 du mois, à cinq heures du soir, il se vit transféré dans une prison militaire, dont la destination lui manifesta l'espèce de tribunal par lequel il alloit être jugé.

Ne doutant plus que bientôt il ne fût envoyé à la mort, et se regardant comme sur le point de la subir, il écrivit à sa mère ... Le lendemain, vers neuf heures du matin, il fut appelé devant la même commission militaire qui venoit d'envoyer au dernier supplice deux saints prêtres (F. Galmiche, et J. Jacquinot). Lorsqu'il y répétoit avec calme les mêmes réponses édifiantes qu'il avoit faites dans les précédens interrogatoires, il s'entendit apostropher brutalement par un soldat qui lui dit fort justement : "Je t'ai vu, scélérat, à l'armée de la Vendée ; et je te reconnois bien". Il n'en falloit pas tant pour le faire vouer à la mort. Il fut donc condamné, le 21 pluviose an VI (9 février 1798), à être fusillé, comme "émigré-rentré". Reconduit en prison, pour y attendre l'heure du supplice, il crut devoir faire ses adieux et manifester ses derniers sentimens aux prêtres qu'il avoit laissés dans l'autre prison, et il leur écrivit. ... Vers trois heures, il fut conduit au lieu où il devoit être fusillé. En y allant, il prioit avec une ferveur qui dut lui épargner le chagrin d'entendre les injures que vomissoit contre lui une populace excitée par les persécuteurs. On ne lui permit pas d'élever la voix pour adresser au peuple un discours qu'il avoit préparé dans le dessein de lui faire connoître, dans cette circonstance, les sentimens dont il étoit pénétré. ... Mais le discours de Martelet nous a été conservé ... Le Lazariste Martelet périt ainsi le 9 février 1798, à l'âge d'environ 40 ans, trois ans et plus de six mois après la chute de Robespierre.

Les martyrs de la foi
pendant la Révolution française
Volume 4
par Aimé Guillon de Montléon
1821

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