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La Maraîchine Normande
19 novembre 2013

LES CHAUFFEURS DE THILOUZE (37)

LES CHAUFFEURS DE THILOUZE

EGLISE DE THILOUZE



Extrait du registre de la Municipalité

"Aujourd'hui, 19 germinal, l'an 3e de la République Française une et indivisible, à l'heure de deux de matin, le nommé Etienne Anguille, journalier travaillant chez la veuve René Guignebault, à la Chaume-Fortunière, est venu à la municipalité pour l'avertir qu'une troupe de brigands, masqués et armés, au nombre d'environ quinze, ont attaché sa maîtresse, sa fille, sa domestique, deux filles de journées, trois domestiques, qu'ils avaient volé trois chevaux, ensemble deux selles, les linges et hardes de la maison, argent et assignats et qu'ils avaient fait brûler les pieds de sa maîtresse.
La municipalité assemblée, il a été délibéré que l'agent national se transporterait au domicile de la Vve Guignebault pour s'informer des faits et prendre des renseignements.
... A l'instant il partit et revint avec la dite veuve citoyenne Guignebault qui fit le rapport ci-après à la municipalité :

"La déclarante nous a déclaré (sic) qu'entre onze heures et minuit du dix-huit au 19 germinal elle entendit frapper trois coups à sa porte. Au quatrième : "Qui est là" ?
- C'est la gendarmerie de Sainte-Maure qui vient faire des recherches sur les gens suspects et prêtres insermentés".
La déclarante répondit : "Non !"
- C'est au nom de la Loi que nous venons ! A l'instant ils redoublèrent à frapper en proférant des jurements :
"Ouvre la porte, garce !"
La déclarante fut à la porte. Le verrou tombe. C'est alors qu'elle se décida à ouvrir.
Elle fut effrayée de voir entrer cinq ou six brigands, tous barbouillés de noir, ayant sabre nu à la main, pistolets et lumières.
Ils demandèrent à la déclarante le nombre de ses domestiques. Elle dit en avoir quatre. Ils la prirent et la conduirent (sic) aux écuries, s'emparêrent des trois domestiques. C'est alors que la déclarante s'aperçut que les brigands étaient au moins douze ou quinze.
La maison étant investie, ils firent rentrer les domestiques, les firent asseoir, leur attachèrent les pieds et les mains derrière le dos, ensuite demandèrent à la déclarante où étaient les autres. Elle les conduisit dans une chambre où étaient sa domestique et sa fille couchées, leur attachèrent les pieds et les mains derrière le dos, passèrent dans une autre chambre où étaient deux filles de journée, leur en firent autant.
Après ils rentrèrent dans la chambre avec la déclarante à qui ils dirent :
Ca n'est point des gens suspects, c'est ton argent que nous demandons !
La déclarante répondit qu'elle n'en avait pas.
Tu en as, nous le savons ! Si tu ne le donnes nous allons te faire brûler !
Pour se sauver la vie, elle fut forcée d'ouvrir ses armoires. C'est alors qu'ils firent repasser la déclarante dans sa chambre, la firent asseoir, lui couvrirent la figure, lui attachèrent les pieds et les mains derrière le dos et firent grand feu.
Pendant ce temps ces scélérats prirent à la déclarante sept à huit mille livres en assignats et quatre cent cinquante livres en argent, à sa fille 60 livres en assignats et sa croix d'or, la bague d'or de la déclarante, une tasse d'argent marquée "R. Guignebault", une timbale marquée "V. Guignebault, paroisse de Thilouze", un gobelet marqué "M. Archambault" et une paire de boutons, le tout d'argent.
A Michel Habert, domestique, 300 l. en assignats et 24 l. en argent, à Catherine Drouon, sa domestique, 300 l. en assignats et 150 l. en numéraire, non compris à ces deux derniers des chemises, mouchoirs, coiffures et tabliers, et à la déclarante et à sa fille des chemises, draps, jupons, tabliers, mouchoirs, "quatre aulnes de moussiline" (sic), du coton en pièces, "moucheté et non moucheté", deux aunes et demi d'indienne.
Pendant cet intervalle un de ces scélérats a allumé du papier sous les pieds de la déclarante pour lui faire avouer plus d'argent qu'ils n'en trouvaient en disant :
"Nous sommes des corps sans âmes" (sic). Si tu n'avoues, nous te brûlons !"
Un d'eux prit la clef du cellier pour aller tirer du vin. Il y fut sans demander où c'était. Ils burent une bouteille de liqueur, cassèrent ensuite pots, bouteilles et verres, empochèrent hardes et linges et se retirèrent en emportant une miche de pain blond, renfermèrent toutes ces malheureuses victimes dans la chambre, entrèrent dans les écuries, prirent trois chevaux, ensemble deux selles, un pommeau neuf et s'enfuirent.
Avons ensuite demandé à la déclarante si elle connaissait ou pouvait nous donner des renseignements sur quelqu'un de ces scélérats. Elle a dit n'en connaître aucun, étant tous barbouillés de noir, mais qu'ils étaient assez (bien) vêtus, deux en outre avaient des habits bleus et portaient tous des souliers."
Suivent les signatures du Maire, de la veuve Guignebault, de l'agent national Foucher et du municipal Fey.

Que conclure de ce naïf et méticuleux rapport ?

Trois choses paraissent certaines :

1° La veuve Guignebault ne dut pas ressentir de trop vives souffrances de son brûlement de pieds, puisqu'elle put, dans la matinée, se rendre au bourg, à plus d'une demi-lieue, probablement à pied, les charrettes étant rares à cette époque et les réquisitions en ayant enlevé un grand nombre.
Ou alors l'espoir de la vengeance lui donnait des ailes. La liste si bien détaillée des objets volés sembla montrer qu'elle était, sinon avare, du moins très proche de ses intérêts.

2° Les brigands connaissaient la maison, l'épisode de la clé du cellier en fait foi. Il est probable que parmi eux se trouvait un ancien domestique renvoyé.
Leur tranquillité dans le pillage, et leur méthode, prouvent qu'ils n'avaient rien à craindre de la municipalité, d'ailleurs, celle-ci se garda bien d'intervenir et se contenta de marquer le coup par l'enregistrement des déclarations de "la déclarante".
Un motif de cette prudence se trouve peut-être dans le même registre, où l'on lit plus loin que "La garde nationale de Thilouze n'est point armée."

3° Il est douteux, dans ces conditions, que les voleurs aient jamais été rattrapés et il est probable que la veuve Guignebault n'a jamais revus ni ses chevaux, ni son linge, ni son numéraire, ni les beaux gobelets d'argent.

J. MAURICE
Instituteur à Cheillé,
canton d'Azay-le-Rideau.
Bulletin - Amis du vieux Chinon

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Commentaires
S
Soumis à la chauffe des plantes de mes pieds je n'aurais pas mis longtemps à avouer la planque du magot ! Les morsure des flammes c'est efficace pour délier les langues ! J'aurais grimace en sentant la chaleur lorsque mes pieds auraient été approchés du feu et J aurais hurlé au premier contact de la flamme sur mes plantes de pieds ! Aveux complets en quelques minutes !
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La Maraîchine Normande
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