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La Maraîchine Normande
19 novembre 2013

NEUVY-BOUIN (79) - LE DRAME DE LA GUITARDIERE

1888

LA GUITARDIERE - Neuvy-Bouin



LES ENFANTS NATURELS
LE DRAME DE LA GUITARDIERE

Niort, 3 septembre.

La famille Chevallereau, dont le nom va rententir devant les assises de Niort, est entourée, dans le département des Deux-Sèvres, d'une sorte de légende héréditaire.
La chaleur du sang y est proverbiale, et, si l'on en croit la rumeur publique, on aurait trouvé des petits Chevallereau sous tous les gros choux de la Vendée. Le vieux père Chevallereau, avec son oeil unique, est encore droit comme un chêne, malgré ses quatre-vingts ans. On lui attribue, dans toute la contrée, des prodiges de valeur amoureuse.
C'est la coutume, dans le pays, de dire que le vieillard compte autant d'enfants naturels que d'années.


On raconte qu'il avait parmi ses maîtresses les deux filles d'un de ses métayers, Prudence, qui lui donna trois enfants, et Rosalie, qui lui en donna quatre. Un jour, pris d'un mal subit et grave, M. Chevallereau songea à se réconcilier avec le Ciel. Il fit mander le curé du village, qui ne voulut accorder une absolution complète qu'autant que le moribond réparerait quelques-unes de ses fautes passées en légitimant quelques-uns de ses bâtards.
Il faut épouser, dit le prêtre, Mlle Rosalie dont vous avez eu quatre enfants naturels.
On se mit aussitôt en quête de Rosalie, qui était alors aux champs ; impossible de la rencontrer : - Ma foi, tant pis pour elle, s'écria le malade. J'épouserai Prudence, qui se trouve à la maison. Je n'ai plus le temps d'attendre !
Le mariage fut célébré in extremis, et il semble que cet acte de réparation ait porté bonheur au moribond, car M. Chevallereau se rétablit comme par miracle, et il a dépassé gaillardement ses quatre-vingts ans.
M. Honoré Chevallereau, dont nous allons avoir à parler maintenant, est l'un des trois enfants légitimés par le mariage.


Après une adolescence facile, dans laquelle les chiens et la chasse avaient tenu plus de place que les fortes études, Honoré Chevallereau, âgé d'une vingtaine d'années, commençait, à Poitiers, ses études de droit.
Il était dans tout l'éclat de la jeunesse, grand, vigoureux, entraînant, élégant, de cette élégance que donnent, seules, plusieurs générations d'aisance, et cachant sous des dehors calmes l'ardeur de son sang, lorsqu'il rencontra dans cette ville une jeune fille sage, Julia Ferrand, dont il résolut de se faire aimer. Fille d'artisans modestes, jolie, pétillante d'esprit, Julia lutta longtemps avant de succomber.
Mais la faute, à peine commise, allait devenir irréparable.
La pauvre fille, enceinte, dut fuir la colère paternelle, quitter Poitiers et se fixer à Paris, où Honoré Chevallereau ne tarda pas à la suivre, et où il acheva ses études.
La vie en commun s'établit, complète, et quatre enfants naquirent : une fille, morte en bas âge, et trois fils : Honoré, Gaston, Ernest. A cette époque Julia s'appelait communément Mme Chevallereau, et lorsque le ménage revint, les études finies, s'installer à Poitiers, rue de la Chaîne, les enfants étaient inscrits à l'école sous le nom de Chevallereau.
Des années se passèrent ainsi.
Chaque été, Chevallereau passait deux mois environ chez son père, à la Guitardière. Il s'y trouvait précisément quand éclata la guerre de 1870. Il avait alors trente-trois ans et fit la campagne comme capitaine de mobilisés.
Après la guerre, reprise de la vie commune.
Bientôt cependant les absences d'Honoré deviennent plus fréquentes et plus longues, et comme, seule à Poitiers, Julia s'inquiète, il lui écrit :
5 août 1871.
Ma chère amie,
je ne puis aller te voir aujourd'hui, parce que mon père est encore malade. Je l'aurais pourtant bien désiré, mais c'est impossible. Je t'envoie en un mandat sur la poste la somme de deux cents francs.
Dans ta lettre, tu me dis que tu te tourmentes beaucoup ; tu dois bien savoir que je ne t'oublierai jamais.
Je finis ma lettre, parce que j'ai peur qu'elle ne parte pas. Adieu, je t'embrasse de tout coeur, en attendant le plaisir d'aller te voir.
Tout à toi,
CHEVALLEREAU.
Dans la même année, nouvelles lettres évasives, comme celle-ci :
21 septembre 1871.
Ma chère amie :
Tu t'étonnes que je ne puisse pas aller te voir, mais il ne faut pas t'en étonner, car je suis très occupé et, de plus, ils sont presque tous malades à la maison. J'ai reçu une lettre de M. Arnaud, me disant que tu ne pouvais pas jouir d'Honoré (son fils aîné) et qu'il fallait le mettre pensionnaire. En cela, tu feras ce que tu jugeras convenable. Je te laisse libre. J'aurais bien voulu aller te voir pour causer un peu, mais cela est impossible. J'ai une ferme à faire valoir et je ne puis m'absenter avant le 15 octobre. Je t'envoie donc cent francs en attendant le plaisir de te voir, et je finis en t'embrassant de tout coeur.
Tout à toi,
CHEVALLEREAU.


Enfin, le silence se fait complet. Les subsides manquent brutalement.
C'est l'abandon, mais, malgré tout, Mlle Ferrand se refuse à comprendre.
Elle va, toute tremblante à Parthenay, chercher des nouvelles chez un parent de son amant.
- Honoré ne vous a jamais aimée, lui dit-on ; vous deviez vous attendre à ce que cela finit quelque jour.
- Et mes enfants ? demande-t-elle.
- Soyez tranquille ; on ne les oubliera pas ; mais Honoré ne peut rien faire avant d'avoir recueilli l'héritage, et vous savez que le vieux Chevallereau n'a pas la main large.
Le lendemain, une lettre d'Honoré confirmait cette affreuse révélation.
Il était fort mécontent d'avoir été "relancé" par son ancienne maîtresse, il écrivait :
Ma chère amie,
Je ne suis point satisfait de ce que tu as fait. Si je ne vais pas te voir, c'est que je ne puis m'absenter, et tu dois savoir maintenant pourquoi je n'avais pas pu t'envoyer de l'argent. Aujourd'hui, je t'envoie deux cents francs, et tâche de ne point faire ce que tu as fait, si tu veux me faire plaisir. Je t'ai envoyé soixante francs le jour où tu es venue à Parthenay. Ecris-moi de façon à ce que j'aie le temps de recevoir tes lettres, lorsque tu auras des réclamations à faire ; mais ne t'adresse pas à Parthenay, si tu veux me faire plaisir.
Je t'embrasse de tout coeur.
CHEVALLEREAU.
Cette fois, la rupture est définitive ! De ce jour commence pour la famille Ferrand une vie d'humiliation et de misère. La mère, constamment malade, gagne à peine de quoi manger du pain. Bientôt réduite à la mendicité, elle obtient pour elle et ses enfants un passeport d'indigents et se rend à Paris !
Un jour, Honoré, l'aîné des fils, part à pied pour la Guitardière. Brutalement repoussé par Chevallereau, il erre plusieurs comme un insensé  autour de la maison paternelle, où il trouve enfin à se placer comme domestique. L'année suivante, il retourne auprès de son père, qui le fait arrêter comme vagabond. Plusieurs fois malgré tout, le pauvre enfant renouvelle son triste pèlerinage jusqu'à ce qu'enfin saisi d'un accès de folie, il soit arrêté à Orléans et transféré à l'asile des aliénés de Niort ! Voilà pour l'aîné des trois fils.
Quant au second, Gaston, paralysé du côté droit, à la suite d'une fièvre cérébrale, il est recueilli par ses grands parents maternels, puis par l'hospice de Poitiers, et bientôt renvoyé à Paris, parce qu'il n'est pas domicilié dans l'arrondissement !
Seul, Ernest, plus vigoureux, parvient à gagner péniblement sa vie ; il est successivement cultivateur, chiffonnier, cocher, domestique, et enfin, après son service militaire, il revient se fixer à Paris, où il exerce le métier de corroyeur et où il finit par prendre Gaston, l'infirme, à sa charge.
Le 4 juin dernier, à bout de ressources, exaspérés par la misère, les deux frères résolurent, à l'insu de leur pauvre mère, de tenter une dernière démarche auprès de leur père, et voici la lettre que, chemin faisant, ils écrivirent à Mlle Ferrand :
Parthenay, le 5 juin 1888.
Nous t'écrivons ces deux mots pour te dire que nous allons voir notre père. Nous t'écrirons selon ce qu'il nous dira. Ne sois pas inquiète de nous.
Nous t'embrassons de tout coeur.
GASTON - ERNEST FERRAND.


Ils avaient fait péniblement, à pied, les longues étapes de Paris dans les Deux-Sèvres, Ernest soutenant son frère infirme et demandant la charité dans les fermes de la route.
Ils avaient emporté un révolver ; à Parthenay, ils achetèrent des balles et chargèrent leur arme. Puis ils louèrent une voiture en refusant un conducteur et se dirigèrent du côté de Neuvy-Bouin, le village le plus voisin du domaine de la Guitardière.
En traversant le bourg de Secondigny, ils songèrent à acheter une feuille de papier timbré pour faire signer à M. Chevallereau un engagement en leur faveur, mais ils pensèrent que cette précaution n'était pas nécessaire et se contentèrent de se procurer un cahier de papier à lettres.
Avant d'arriver à destination, Gaston, qui tenait le révolver, prit soin de l'essayer et remplaça aussitôt la balle qu'il venait de tirer sur un arbre.
Lorsque les deux frères se présentèrent enfin à la Guitardière, M. Chevallereau, qui était souffrant, leur fit dire qu'il était sorti. Ils manifestèrent l'intention de l'attendre et s'établirent dans la cuisine où on leur servit à boire.
M. Chevallereau descendit alors de sa chambre. Une scène violente éclata dès les premiers mots, le père avait sommé ses deux fils de quitter la place, et comme ils n'obéissaient pas à ses injonctions, il saisit Gaston par le bras.
A la vue du pauvre infirme ainsi brutalisé, Ernest intervint pour protéger son frère, et pendant que M. Chevallereau cherchait à se débarrasser de lui, Gaston tira sur son père quatre coups de révolver à bout portant.
Attirées par le bruit de la discussion, la soeur de M. Chevallereau et une domestique s'élancèrent pour arracher l'arme des mains de Gaston, qui la passa à son frère. Celui-ci ajusta à son tour M. Chevallereau, mais le trouble des témoins était si grand, qu'ils n'ont pu affirmer si de nouveaux coups de feu avaient été tirés à ce moment.
Quoi qu'il en soit, Mlle Chevallereau, après avoir été renversée et tirée par les cheveux, finit par s'emparer du revolver que tenait Ernest Ferrand, et les accusés ayant été expulsés avec l'aide d'un domestique, elle s'occupa de porter secours à son frère. M. Chevallereau, blessé à mort, put à grand peine regagner sa chambre et expira presque aussitôt.
L'autopsie a révélé que les balles avaient atteint les bras et que les poumons avaient été traversés par deux autres projectiles dont l'un avait effleuré le coeur.
Ernest et Gaston Ferrand comparaîtront demain devant la Cour d'assises des Deux-Sèvres pour répondre du meurtre de leur père naturel.
Me Fernand Labori, du barreau de Paris, présentera leur défense.
M. le procureur de la République Aubin occupera le siège du ministère public. M. le conseiller Demartial, de la Cour de Poitiers, présidera l'audience.
On s'attend à d'émouvants débats.
Le drame devait avoir un tragique épilogue. Quelques jours après la scène sanglante du château de la Guitardière, Honoré, l'aîné des trois frères, se jetait par la fenêtre de l'asile de Niort, où l'on avait dû l'interner. "Je ne suis pas fait pour être ouvrier, disait en expirant le pauvre fou ; je suis un Chevallereau, moi ! ..."

Niort, 4 septembre.
C'est dans une salle coquettement tendue de draperies rouges et éclairée par une coupole vitrée que se déroulent les débats. Le public est bruyant et composé surtout de paysannes coiffées du large bonnet blanc traditionnel.
L'entrée des accusés produit une vive impression.
Le corps et la figure tordus, les jambes arquées, les épaules larges mais inégales, boitant et marchant avec peine, en s'appuyant sur une canne noueuse comme lui, Gaston Ferrand prend place le premier au banc des accusés. Il porte une petite moustache et des cheveux blonds et plats. Le front est énorme, mais inintelligent ; les yeux s'enfoncent, petits et clignotants, sous l'arcade sourcilière ; la bouche est de travers, le coup très court, les oreilles sont écartées.
Son frère, Ernest Ferrand, a plutôt la figure d'un laboureur que d'un ouvrier parisien. Il a vingt-trois ans, deux ans de moins que Gaston. Il s'assied en s'essuyant les yeux. Une moustache brune naissante ombrage sa lèvre ; les traits sont tirés, les joues maigres. La physionomie est intelligente et douce, le corps grêle, les traits fins et délicats. Ernest est vêtu d'un pantalon gris et d'une petite jaquette marron.
L'attitude des deux accusés est fort correct ; leur voix est douce et nullement déclamatoire.


Gaston Ferrand, interrogé le premier par le Président Domartial, qui dirige les débats avec beaucoup de correction, répond simplement :
- Je nie avoir eu l'intention de tuer M. Chevallereau.
M. le président - Eh bien ! faites-nous le récit du drame.
L'accusé - N'ayant pu obtenir mon admission à l'Assistance publique et ne voulant pas rester plus longtemps à la charge de ma mère, je résolus d'aller, avec mon frère Ernest, demander des secours à mon père naturel. Nous sommes partis. Mais comme M. Chevallereau nous avait, à de précédentes visites, menacés de nous accueillir à coups de fusil si nous retournions à la Guitardière, mon frère se munit d'un révolver.
M. le président - Il est peu vraisemblable que M. Chevallereau vous ait jamais menacé de coups de fusil. C'était un homme doux et fort peu enclin à user de violence.
Si, comme vous le prétendez, c'était votre père naturel, les lois les plus simples, les lois de nature, vous défendaient de porter la main sur lui ; songer à porter la main sur son père est une idée criminelle, songer à tuer son père est une idée monstrueuse. Plus vous revendiquerez votre filiation naturelle, plus vous vous accuserez.
L'accusé - Nous n'avions pas l'intention de tuer notre père.
M. le président - Alors pourquoi avoir emporté un revolver ? Pourquoi, lors de votre arrivée à la Guitardière, avoir caché votre voiture dans un chemin creux, sans attacher votre cheval, afin de la retrouver immédiatement après le crime ?
L'accusé - Je le répète, nous n'avions emporté un révolver que pour nous défendre en cas de besoin. Arrivés à la Guitardière, je demandai M. le maire de Neuvy-Bouin.
Je savais que M. Chevallereau est maire de cette commune.
"Il n'est pas là", me dit la domestique, mais comme nous étions harassés, je demandai pour mon frère et pour moi un verre d'eau. On nous apporta deux verres de vin.
Au moment où j'écrivais une lettre à l'adresse de mon père, il entra : "Nous sommes tes enfants, lui dis-je, nous venons te demander de venir à notre aide ; tu as vécu douze ans avec notre mère et ensuite tu nous a abandonnés. Elle et nous, nous venons te demander assistance !"
M. Chevallereau nous a alors menacés des gendarmes, et, furieux, a jeté les verres de vin par la fenêtre.
M. le président - Vous oubliez de dire que vous avez répondu à votre père : "Nous nous moquons des gendarmes, nous sommes ici chez nous, nous avons à causer, nous sommes deux ici et tu ne nous échapperas pas. Fais appeler les gendarmes ou le diable lui-même, nous nous en moquons !"
L'accusé - Nous n'avons pas dit cela. M. Chevallereau s'est subitement précipité sur moi. Il me prit violemment par la gorge et essaya de me pousser dehors. Alors mon frère vint à mon secours ; une lutte s'engagea ! Au cours de cette lutte, croyant ma vie en danger, je sortis le revolver de ma poche et je tirai quatre coups ! ... Je ne savais plus ce que je faisais, mais je jure que je n'avais pas l'intention de tuer M. Chevallereau.
M. le président - L'accusation vous dira que lorsqu'on va, en suppliant, demander des secours, on n'emporte pas un revolver. Vous avez eu une attitude arrogante. Dès votre arrivée, vous avez demandé à boire, comme si vous étiez chez vous.
L'accusé, interrompant - A boire de l'eau !
M. le président - Bref, vous avez refusé de sortir du château ainsi que vous l'ordonnait M. Chevallereau.
L'accusé - Mon père m'a saisi par le bras, m'a traîné par terre, m'a fait des contusions.
M. le président - Le docteur a constaté, en effet, que vous aviez une meurtrissure au bras.
L'accusé - Mon frère est venu à mon secours. M. Chevallereau m'a alors quitté un moment pour se retourner contre Ernest, auquel il donna des coups de poing sur la tête. Une domestique, accourue aussitôt, dit à la cuisinière : "Allez donc chercher une pique !"
M. le président - Quand Mlle Chevallereau s'est portée au secours de son frère, vous vous êtes acharné encore sur lui. Vous étiez bien décidé à le tuer ?
L'accusé - Je jure que je n'avais pas l'idée de le tuer. J'ai tiré parce que j'étais affolé ; je me défendais.
M. le président - Mlle Chevallereau n'est pas parvenue à vous désarmer et vous avez passé, à un certain moment, le revolver à votre frère parce que vous étiez dans l'impossibilité, vous, de continuer la lutte.
L'accusé - C'est une erreur. Mlle Chevallereau m'a désarmé et m'a pris mon revolver.
M. le président - Jusqu'au dernier moment vous avez lutté. Voilà la vérité. Et quand vous n'avez plus eu la force de lutter, vous avez passé le revolver à votre frère.
L'accusé - Non, j'ai été désarmé, et dès que je pus m'échapper, je m'enfuis. Mon frère me prit alors sur ses épaules et me porta en courant à la voiture où il me jeta, puis nous partîmes à fond de train.

M. le président aborde ensuite un autre ordre d'idées.

C'est, dit-il, sur les indications de votre mère que vous avez affirmez que M. Honoré Chevallereau était votre père naturel ?
L'accusé - C'est aussi sur autre chose ; je me souviens très bien que, quand j'étais petit, M. Honoré Chevallereau exigeait toujours que je l'appelasse "petit père". C'est lui qui nous a fait inscrire à l'école sous son nom de Chevallereau. Quand mon père eut abandonné ma mère, nous avons tous été plongés, mes deux frères et moi, dans une affreuse misère.

Gaston Ferrand fait alors un récit pathétique de misères qu'il a endurées depuis quinze ans.

M. le président - Vous ne savez pas pourquoi M. Chevallereau a quitté votre mère ?
L'accusé - Je sais qu'il l'a abandonnée sans motif, car ma mère s'est toujours bien conduite.
M. le président - Toujours ? Vous savez pourtant ce qui s'est passé après la rupture. Votre mère a remplacé M. Chevallereau par un autre amant.
Me Labori - Je m'expliquerai, monsieur le président, à ce sujet ; je vous prie donc de vouloir bien ne pas insister sur cette situation pénible d'un fils à qui on reproche d'avoir une mère qui se serait conduite avec légèreté. J'expliquerai tout à MM. les jurés. On appréciera la conduite de Mlle Ferrand !
M. le président - Je passe donc. Remarquez seulement, Me Labori, que M. Chevallereau ne jouissait pas de la fortune que vous supposez. Il avait peu d'argent et il ne pouvait donner tout ce que lui réclamaient les accusés.
L'accusé - Quand nous allions demander quelques petits secours, il nous menaçait de nous faire mettre en prison. S'il nous avait donné de bonnes paroles, nous aurions été satisfaits ; mais non, il était brutal et méchant envers nous !
Mon frère était à bout de ressources au moment de notre dernier voyage.
J'avais compris que je ne pouvais rester plus longtemps à sa charge et j'avais fait une demande pour entrer à l'Assistance publique. N'ayant donc aucune réponse et désespérés de la misère dans laquelle nous vivions, mon frère et moi, nous résolûmes de tenter une dernière démarche auprès de notre père naturel, M. Honoré Chevallereau, pour obtenir ses secours.
D. Vous n'avez pas toujours donné cette explication.
R. Peut-être alors me suis-je mal exprimé à l'instruction. La vérité est que mon voyage à la Guitardière a été motivé exclusivement par ce fait que l'Assistance publique avait repoussé ma demande d'admission. Je ne savais plus alors ce que je devais faire ... La misère était là ...
D. Vous avez été mal inspiré dans votre conduite. Car vous savez que deux jours après l'accomplissement de votre crime, vous receviez votre d'admission à l'Assistance publique.
R. J'avais fait des demandes de toutes sortes ... J'avais demandé combien de temps il me faudrait attendre avant que ma demande ne fût accueillie. On m'avait répondu que parfois deux années s'écoulaient avant que l'Assistance publique ne consentit à vous recevoir. Deux années ! ... C'est l'administration de l'hospice de Bicêtre qui m'avait donné ces renseignements ...

Après cet interrogatoire, le président interroge très sommairement le second accusé, Ernest Ferrand, qui se borne à déclarer en pleurant qu'il n'a pas voulu tuer son père.
D. Pourquoi vous, qui avez toujours eu une conduite exemplaire, qui êtes toujours venu en aide à votre mère et à votre frère, qui êtes un bon sujet, êtes-vous allé à la Guitardière avec un revolver en poche ?
R. C'était pour nous protéger. Mon père nous avait souvent menacés de coups de fusil. Nous voulions nous défendre, mais non pas l'attaquer. J'allais à la Guitardière pour prier mon père que j'aimais de venir en aide à mon pauvre frère boiteux et à ma mère. Moi je travaille, je n'ai besoin de rien. Aussi je n'allais rien demander pour moi. J'y allais pour le prier de s'intéresser à Gaston et à notre mère.
D. Des domestiques prétendent que vous avez menacé votre père d'un coup de revolver.
R. Peut-être ai-je parlé de revolver pour effrayer M. Chevallereau, mais j'affirme que je n'ai ni tiré ni visé ... Je ne sais pas ce que j'ai fait dans la bagarre ... Mon père m'avait pris à la gorge et m'étranglait ! (Sensation).

Ernest Ferrand se rassied, fondant en larmes.

M. le président pose alors à Gaston Ferrand une dernière question :
D. Gaston, un de vos anciens patrons, M. Boissière, raconte un fait bien grave. Un jour vous auriez dit à M. Boissière que, si votre père naturel refusait de vous accorder des secours, vous lui f.... une balle dans la peau. Qu'avez-vous à répondre ?
R. Non, non. C'est une erreur. Je n'ai jamais dit ça !

Les interrogatoires sont terminés.

Le premier témoin entendu est Mlle Chevallereau, soeur de la victime :
Mlle Chevallereau est âgée de cinquante ans. C'est une assez forte femme à physionomie épaisse et dure. Elle est en grand deuil et s'explique d'une voix lente, solennelle. Elle pèse, pour ainsi dire, chacune de ses paroles.

Messieurs, dit-elle, le mardi 5 juin, deux individus se présentèrent à la maison vers quatre heures du soir. L'un, le boiteux, portait une blouse. L'autre avait un paletot. Ils demandèrent M. le maire. Après différents pourparlers, j'entendis mon frère qui, quoique alité, s'était levé de son lit pour aller dans son cabinet, dire aux individus : "Voyons, sortez, sortez !" Une voix répondit : "Nous sommes ici chez nous !" "Je vais envoyer chercher les gendarmes, répliqua mon frère." "Envoyez chercher le diable si vous voulez, nous nous moquons de la gendarmerie, répliqua la voix, nous sommes ici chez nous !" Au bout de quelques secondes, j'entendis le bruit d'un coup de feu. Je me précipitai dans le bureau de mon frère ; je vis les deux jeunes gens, à tour de rôle, avec le pistolet qu'ils s'étaient passé, tirer plusieurs coups de revolver sur mon pauvre frère. En voulant désarmer les meurtriers, je tombai à côté de mon frère, qui mourant, s'écriait : "A l'aide, ma pauvre soeur, je suis mort !"
Des domestiques accoururent avec des bâtons. Les meurtriers s'enfuirent alors. Je ramassai mon frère et le conduisis dans sa chambre, où il se jeta sur son lit, en disant : "Mon Dieu, je suis mort !" Il tomba à terre. J'essayai de le relever, mais il était lourd et je fus entraînée par le poids de son corps. Il s'écria encore : "Je suis mort, mort, je suis mort !" Les meurtriers n'avaient pas été frappés par mon frère, qui était de force à lutter avantageusement contre ces deux jeunes gens.

Les deux accusés protestent contre la déposition du témoin, qui complète alors ses explications, et affirme que les deux frères ont visé froidement M. Chevallereau.

- Je jure, dit Mlle Chevallereau, je jure devant le Christ que tout ce que je dis est vrai !
Gaston Ferrand - Je le nie.
Le témoin - Tout mauvais cas est niable.
Le président - Quelle était, mademoiselle, la situation de fortune de votre frère ?
R. Nous n'avons rien par nous-mêmes ; mais quand nous avons besoin d'argent nous disons : "Papa, il nous faut de l'argent" et notre père nous donne ce que nous lui demandons.
D. Mlle Ferrand a-t-elle demandé de l'argent à votre frère ?
R. Je sais qu'un jour mon frère Honoré à envoyé de l'argent à Mlle Ferrand. Cet argent, par suite de l'ignorance où l'on se trouvait de l'adresse de Mlle Ferrand, revint au château. Honoré, plein de colère et de dépit, dit alors : "Ah ! Julie est à Givet sans doute ... Elle court avec les officiers. Je ne lui enverrai plus d'argent !" Mon frère était un coeur loyal et bon. Deux fois il m'a sauvé la vie dans des accidents de voiture.
Me Labori - Plus que personne, je respecte le deuil du témoin. Mais je ne puis m'empêcher, dans l'intérêt de la défense, de signaler les contradictions qui existent entre la déposition de Mlle Chevallereau à l'instruction et sa déposition à l'audience. A l'instruction, Mlle Chevallereau n'a pas mentionné cette réponse qu'auraient faite les accusés à M. Honoré Chevallereau : "Nous nous moquons de la gendarmerie ... Nous sommes ici chez nous. Allez chercher le diable si vous voulez !"
Mlle Chevallereau - Je n'ai pas tout d'abord signalé cette phrase au juge d'instruction, parce qu'elle était inconvenante. On y parlait de diable. Mais j'affirme ici qu'elle a été prononcée par un des malfaiteurs.
Me Labori - Gaston Ferrand s'était déjà, vers 1884, présenté à la Guitardière. Quelle avait été alors son attitude ?
Mlle Chevallereau - Son attitude avait été alors polie et correcte.

Suit un défilé de domestiques du château de la Guitardière,

Mlle Marie Marceau, la femme de chambre, a entendu le commencement de la scène.
Pas tant de potin, criait Gaston Ferrand ; quand on a vécu pendant dix ans avec une femme, on ne se conduit pas comme ça ... Nous nous moquons de la gendarmerie ... Va chercher le diable si tu veux !
Le jardinier André Berge était tellement ému, que, voulant appeler au secours, sa voix resta étranglée dans son gosier.
La cuisinière Marguerite Charron a également assisté à la scène.
Tout le monde s'est bousculé, dit-elle. M. Chevallereau, Mlle Chevallereau et les deux meurtriers. Au milieu de tout ça on a tiré des coups de revolver. Le boiteux, en sortant dans la cour, a ramassé une pioche qu'il brandissait. Craignant un retour de sa part, nous nous sommes barricadés.
Gaston Ferrand - Je ne me suis armé de la pioche que pour effrayer les domestiques qui faisaient mine de courir après nous.

Un dernier témoin à charge, M. Célestin Boissière, cordonnier, a eu autrefois pour apprenti Gaston Ferrand qui était bon, honnête et travailleur.
- Cependant, dit le témoin, je suis convaincu que son crime a été prémédité. Il a dit en effet qu'un jour viendrait où il demanderait de l'argent à M. Chevallereau et que, si on lui en refusait, il tuerait d'un coup de revolver son père naturel !

Six ou sept témoins à décharge sont alors entendus. Ils racontent des choses peu aimables pour la famille Chevallereau et prodiguent maints éloges aux accusés qu'ils représentent comme bons, honnêtes et travailleurs.

Mme Berthelot, 66 ans, sans profession, à Paris.
Me Labori - Mme Berthelot a connu la liaison de M. Chevallereau avec Julie Ferrand. Que peut-elle dire à ce sujet ?
Mme Berthelot - J'ai connu Julie Ferrand qui était une très honnête jeune fille. Elle a été séduite par M. Henri Chevallereau. Ce faux ménage a eu des enfants envers lesquels M. Honoré Chevallereau a été très bon au début. M. Honoré Chevallereau avait de nombreux bâtards dans le pays.
Me Labori - Appelait-on couramment dans le pays les petits Ferrand, "les petits Chevallereau" ?
Le témoin - Oui, les enfants s'indignaient quand on les appelait Ferrand. "Nous nous appelons Chevallereau", disaient-ils. Un jour l'un d'eux a battu un de ses camarades qui lui disait : "T'es un Ferrand, et pas un Chevallereau".
Me Labori - La rupture de M. Honoré Chevallereau avec Mlle Julie Ferrand a-t-elle été motivée par l'inconduite de Julie !
Le témoin - Non. M. Honoré Chevallereau l'a quittée sans motif. Il avait assez d'elle. Il disait que ses enfants devenaient trop grands, qu'il fallait une fin à tout. Mlle Julie Ferrand est allée se plaindre au frère de M. Honoré Chevallereau, à M. Chevallereau, médecin à Parthenay. On lui a donné de bonnes paroles, mais c'est tout.

M. Poisson (Henri), peintre à Poitiers.
M. Chevallereau a cohabité trois ans avec Mlle Julie Ferrand à Poitiers. Il était mon locataire. M. Chevallereau considérait les enfants de Julie comme ses enfants.
Me Labori - M. Chevallereau ne réprimandait-il pas ses enfants ?
R. Oui, et quand les enfants, en l'absence de M. Chevallereau, n'étaient pas sages, Julie Ferrand disait : "Je le dirai à votre père à son retour". Mlle Julie Ferrand avait dans sa situation irrégulière une conduite exempte de reproches.

M. François Bochy, frère de la doctrine chrétienne, à Poitiers.
Ces deux jeunes gens, fréquentaient ma classe. Je me souviens très bien de Gaston, d'Honoré et d'Ernest ; on les appelait Gaston, Honoré et Ernest Chevallereau. Je ne les ai jamais connus sous d'autres noms, leur cahiers portaient ce nom-là ...

Mme Louise Berthelot, veuve Chevallereau, sans profession, à Montfermeil.
Me Labori - Le témoin est la veuve de M. Chevallereau, frère naturel reconnu de la victime. Que sait-il de la liaison Chevallereau-Ferrand ?
Le témoin - M. Honoré Chevallereau considérait les enfants de Julie Ferrand comme les siens. Mon mari me racontait tout ce qui avait rapport à l'union irrégulière de Julie Ferrand avec M. Honoré Chevallereau ... Il m'a dit un jour que son frère n'aimait pas Mlle Ferrand, et que plus tard, quand elle l'aurait quittée, si elle venait à la Guitardière pour faire du scandale, il mettrait les chiens après elle.

M. Granet (Léopold), peintre à la Châtaigneraie.
Mlle Julie Ferrand est venue faire ses couches chez ma tante. Elle était amenée par M. Honoré Chevallereau ; quelques jours après je vis Mlle Julie Ferrand. Sa conduite était fort régulière. Elle était vêtue très modestement. M. Chevallereau la laissait dans un dénument extrême, à ce point que j'ai été obligé de lui prêter de l'argent pour qu'elle pût rejoindre son amant à Paris.

Après suspension d'audience, M. le procureur de la République prononce un éloquent réquisitoire. Il supplie le jury, au nom de l'intérêt social, de ne pas rendre un verdict d'acquittement en faveur des deux accusés. L'honorable organe du ministère public ne s'oppose pas à l'admission de circonstances atténuantes.

Après lui, Me Fernand Labori prend la parole au milieu d'un religieux recueillement.
N'est-ce pas, messieurs les jurés, s'écrie-t-il, qu'à l'heure où je me lève vous n'avez plus un doute ? Voici bien les fils d'Honoré Chevallereau que vous allez juger ! Jamais, dans aucun mariage légitime, paternité ne fut plus sûre que dans l'union irrégulière d'Honoré Chevallereau et de Julie Ferrand. C'est, en effet, la fidélité de la femme et c'est la confiance de l'époux qui font la paternité sûre. Or, Julie Ferrand a été fidèle et Honoré Chevallereau n'a eu, pendant dix ans, ni un soupçon ni un doute.
Voilà pourquoi vous n'avez pas devant vous des assassins ; voilà pourquoi vous êtes émus ; voilà pourquoi ce m'est une joie profonde et triste d'assister deux jeunes hommes que je ne connaissais pas il y a quelques semaines et qui sont devenus des amis pour moi à mesure que le roman tragique de leur vie se déroulait à mes yeux dans l'intimité des longues causeries et des confidences sans réserves.

Me Labori retrace l'histoire des amours d'Honoré Chevallereau et de Julie Ferrand.
Il dit les douleurs et les angoisses de la maîtresse, il dépeint l'amant d'un trait en lisant au jury cette singulière lettre qu'Honoré Chevallereau écrivait à Julie Ferrand, un jour que celle-ci lui parlait d'un mariage qu'on lui avait proposé :
Ma bonne fille,
Dans ta lettre, tu me dis que l'on te propose de te marier. Là-dessus, tu dois mieux savoir que moi ce que tu as à faire. Je te laisse complètement libre. Si tu t'ennuies trop toute seule, fais au moins en sorte de choisir quelqu'un à ton goût, car tu n'en feras de reproche à personne d'autre qu'à toi-même. Quant aux questions qu'on te fait sur tes enfants, je ne peux pas y répondre, car je ne les connais pas. Je t'envoie par la poste la somme de cent francs dont tu feras le meilleur usage possible.
Je te souhaite une bonne santé en attendant des nouvelles de ton futur mariage. Tu voudras bien me répondre sitôt que tu auras reçu ma lettre.
CHEVALLEREAU

- Tel est l'homme, et faut-il s'étonner, dit l'avocat, après un pareil tracé de caractère, de l'abandon impitoyable et brutal dont M. Chevallereau devait se rendre coupable !
Ah ! messieurs, s'écrie Me Labori, dans un mouvement de véritable éloquence, je voudrais m'arrêter là, ne point parler, livrer ces coeurs d'enfants à vos coeurs d'hommes, sans remuer encore un passé de misère, de souffrance et d'humiliation, et aussi, car toutes les grandes douleurs sont respectables, sans troubler le deuil d'une famille que je plains de recueillir le fatal héritage d'Honoré Chevallereau.
Je n'ai que trop de choses à vous dire, mais je suis bien sûr que vous les sentez comme moi ; ces choses-là se vivent, elles ne se parlent pas ; les impressions du coeur s'affaiblissent quand elles montent aux lèvres et qu'elles se répandent en discours.
Il faut pour tant que je réponde à M. l'Avocat général ...

Me Labori entre alors dans la discussion des arguments du ministère public ; il trace une esquisse touchante de Julie Ferrand, la pauvre mère abandonnée.

Voilà, s'écrie-t-il, la grande et noble figure de ce procès, grande malgré la chute, grande par l'amour, grande par la douleur, par la résignation. Ne l'accablez pas de sa faute, M. l'Avocat général, nul ne saura de quelles tortures elle l'a payée. Aujourd'hui que ses illusions se sont envolées, que chaque jour, depuis seize ans, a creusé sur son front une ride de plus, pas un mot d'amertume ne lui monte aux lèvres ; elle a comme la pudeur de ses amours passées ; Son silence est profond comme son désespoir, et, quand, par lambeaux, j'arrachais à son triste souvenir l'histoire de sa vie, ses paroles tombaient mornes comme des larmes. (Mouvement prolongé).

Reprenant enfin le récit du drame de la Guitardière, Me Labori termine par une péroraison émouvante, qui soulève à plusieurs reprises les bravos de l'auditoire :
C'est la fatalité qui a frappé !
Qui donc souffle à Chevallereau cette colère aveugle ? Qui le précipite au-devant de cette mort donnée par la main de ses enfants ? n'est-ce pas la justice des choses ? Tous les coups ont une précision tragique. Un seul devait suffire à le coucher sur le sol. Mais Chevallereau, déjà frappé à mort, Chevallereau reste debout pour les essuyer tous ; il chasse ses fils pour la dernière fois ; alors seulement il s'affaisse : "Je suis mort", s'écrie-t-il, et il n'a plus une parole. Qu'a-t-il vu, messieurs, dans cet instant suprême ? a-t-il eu conscience enfin des ruines accumulées, des larmes versées, des douleurs souffertes ? Je veux le croire pour l'honneur de Chevallereau ; oui, il a pesé sa faute, il a mesuré son crime ; Ernest et Gaston Ferrand ne lui sont pas apparus comme des coupables, sa dernière pensée a été pour les aimer et pour les plaindre, et je voudrais qu'il fût ici, messieurs les jurés, pour vous dire : "J'ai été un mauvais père. La colère de mes enfants n'était faite que d'amour refoulé et meurtri. Détournez d'eux votre malédiction."

De longs applaudissements saluent cette belle péroraison, et c'est presque sans délibérer que le jury rapporte un verdict d'acquittement.

Immédiatement mis en liberté, les deux frères Ferrand sont acclamés par la foule.

Causes criminelles et mondaines
de 1888
de Albert Bataille
E. Dentu, éditeur - Paris - 1889

Pour d'autres informations sur Neuvy-Bouin, consultez ce lien : http://chemins-secrets.eklablog.com/neuvy-et-bouin-a103238557

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La Maraîchine Normande
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