Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
5 novembre 2013

LES CHOUANS DE LA BASSE-MAYENNE - LA DIVISION DE BAZOUGERS (OU DE VAIGES)

LES CHOUANS DE LA BASSE-MAYENNE

DIVISION DE BAZOUGERS (OU DE VAIGES)

La division de Bazougers ou de Vaiges était située sur la rive gauche de la Mayenne, à l'est de Laval, et s'étendant jusqu'à la Sarthe. Elle comprenait les villes d'Evron, Sainte-Suzanne, Meslay et avait pour limites, au sud, les régions occupées par les bandes de Coquereau.

Dès les premiers mois de 1794, il existe dans presque toutes les communes de Laval de petits groupes d'insurgés, formés de paysans royalistes, de réquisitionnaires qui ont refusé de rejoindre leur corps, auxquels se sont réunis peut-être quelques rares Vendéens échappés aux fusillades qui ont suivi la déroute du Mans. Ils se rassemblent parfois dans des fermes isolées, mais cherchent plutôt à se cacher qu'à combattre, car les armes manquent partout et c'est seulement après avoir réussi à s'en procurer qu'ils tenteront de résister aux troupes de la République, avant d'oser les attaquer. Ils choisissent un chef parmi leurs camarades ; plusieurs de ceux-ci nous sont connus :

NANCY, ancien soldat de l'armée de Mayence, échappé des rangs républicains après le combat de la Croix-Bataille, qui fut, dit-on, le premier à réunir quelques paysans entre Bonchamp et Bazougers.

CHAMBORD, simple cultivateur, capitaine de Bonchamp ;

RATELADE, dit SANS-REGRET, marchand au bourg de Parné ;

PICHON, dit L'Espérance ;

DANTON, dit DUVERGER, de Château-Gontier. Suivant Billard de Vaux, il était neveu d'une dame Poirier de Bazougers et, après la pacification de 1796, épousa Mlle Pomard, de Berne, près Mayenne. Capitaine de Bazougers, il dut quitter les chouans de bonne heure, au traité de la Mabilaie sans doute, car son nom ne se trouve pas au bas du Règlement de Bazougers (7 mai 1795) et ce n'est certainement pas lui qui fut destitué par Tercier pour concussion.

A ceux-ci on peut ajouter :

ALLARD, dit LA FRANCE, de Vaiges ;
SAINT-LOUIS, ancien militaire ;
BOURDOISEAU, dit PETIT-SANS-PEUR, de Saint-Jean-sur-Erve ;
MOREAU, dit BOURBON, de Saint-Christophe-du-Luat, ancien garde de M. de Montecler ;
TURMEAU, dit LE GRAND-FRANCOEUR ;
JACQUET, dit TAILLEFER, maréchal à Chemeré-le-Roi, qui commanda la division et qui, une fois mort, fut remplacé par TERCIER ;
Les frères CORBIN, du Bignon ;
SIMON, dit HECTOR, fils du maître de poste de Meslay, etc., etc.

On peut encore leur adjoindre, mais pour la première guerre seulement : MÉNANT, dit FRANCOEUR, de Ruillé ; LERAY, dit SABRE-TOUT, et GARREAU, dit PETIT-AUGUSTE, de Fromentières ; ROZAY, dit LA GAITÉ, de Bouessay ; CHEVREUL, dit ARMAND, d'Épineu-le-Séguin. Car ceux-ci semblent s'être rattachés, dès 1795, à la division de Coquereau et avoir accepté avec celle-ci le traité de la Mabilaie.

Chouans z

BOURDOISEAU, MOREAU, TURMEAU, ALLARD et plusieurs autres paraissent tout d'abord avoir fait partie de la bande commandée, dans la forêt de Charnie, par COURTILLIER, et qui se réunissait au "camp de la Vache-Noire", hauteur située au milieu des bois, commune de Saint-Symphorien (Sarthe). COURTILLIER, dit SAINT-PAUL ou LE BATARD, simple garçon laboureur, avait acquis un véritable ascendant sur ses hommes et prétendait exiger d'eux qu'ils s'abstinssent de tout jurement. Très brave, un peu illuminé, se croyant inspiré par son patron, il avait obtenu divers succès contre les troupes de la République. Placé sur la limite de deux départements, son commandement s'étendait, dans la Mayenne, sur les communes entourant Sainte-Suzanne et Évron jusqu'à Montsûrs.

C'est à cette bande, la plus forte et la mieux disciplinée, que vinrent se réunir les déserteurs du bataillon de la Montagne, LE CHANDELIER, PICOT, CARPAR, DEVILLE et autres (Les frères GAILLARD, CREWRE, dit CONSTANT, PILLON, FILLEUL, MÉNICENT, BRASDEFER, GRÉGIS, dit ROBERT, LAFOSSE, dit L'ENTREPRENANT ...), sans doute après avoir constaté le défaut d'organisation qui régnait parmi les insurgés des environs de Laval.

Est-ce la sévérité de Saint-Paul, ou tout autre motif, qui détermina les chouans de la Mayenne, BOURDOISEAU, ALLARD, TURMEAU, etc., à se séparer de lui pour se ranger sous les ordres de MONSIEUR JACQUES ? Nous l'ignorons, mais Duchemin-Descepeaux signale, dès le mois d'octobre, LE CHANDELIER, PICOT et CARPAR comme faisant partie de l'état-major de ce nouveau chef. Peut-être celui-ci avait-il près de lui les déserteurs du bataillon de la Montagne, en les chargeant du recrutement et de l'organisation en compagnies des bandes qui parcouraient les environs de Laval, sans cohésion entre elles, comme sans importance. A partir de ce moment, en effet, ces compagnies se complètent et prennent de l'assurance. En relations constantes avec leurs voisines, elles savent se réunir à l'occasion pour s'aider ou se secourir et, sous les ordres de DUPÉRAT ou de TAILLEFER, elles n'hésitent plus à attaquer les troupes de la République. Attaques mieux combinées et mieux dirigées, qui ne permettront guère aux convois de réquisitions de circuler sur les routes sans être accompagnés d'une escorte nombreuse.

Il est à remarquer qu'on ne trouve dans cette division aucun noble. Tous les insurgés sont des paysans et des réquisitionnaires qui ont refusé de partir, ou ont déserté aussitôt qu'arrivés à leur corps. Ils ont choisi des chefs parmi leurs camarades, des hommes qui ont su par leur courage leur inspirer confiance. Ils regardent avec méfiance les étrangers. Ce n'est qu'après les avoir vus à l'oeuvre, après avoir constaté leur supériorité, qu'ils accepteront pour les commander les déserteurs qui se sont joints à eux, non pas tous, mais quelques-uns seulement, CARPAR à Montsûrs, BRICE DENYS à Entrammes, et que JACQUET, dit TAILLEFER, soldat intrépide, mais capitaine médiocre, illettré et sentant son infériorité, appellera pour le seconder LE CHANDELIER, PICOT, DEVILLE et GAILLARD, que TERCIER conservera son état-major, après lui avoir succédé.

Jambe-dargent

Les chouans levés sur la rive droite de la Mayenne et conduits par JAMBE-D'ARGENT n'ont pas attendu aussi longtemps pour se former en compagnies, qui se tiennent toujours en éveil, prêtes à s'aider mutuellement, et qui parfois traversent la rivière pour seconder leurs camarades de l'autre rive, vers Entrammes et Parné, ou plus bas vers Ruillé.

Au commencement de mars 1794, des rassemblements d'insurgés sont signalés dans diverses communes. L'autorité militaire ordonne une reconnaissance générale dans tous les bois où les chouans peuvent se retirer. Le 3 mars, la garde soldée, qui a établi un poste à Argentré, est chargée de fouiller les bois autour de Saint-Ceneré, pendant qu'un détachement du quatrième bataillon de la Sarthe visitera ceux des environs de Louvigné, Soulgé et Nuillé-sur-Ouette. Le même jour, les bois de la Chapelle-Rainsouin sont battus par deux cents hommes de Sainte-Suzanne, Chammes, Blandouet et Thorigné ; en même temps, ils gardent les bois de Saint-Léger à Livet qui sont parcourus par quatre cents hommes d'Évron, Vaiges et Chemeré, se tenant en communication avec la troupe précédente. Le soir, ces divers détachements rentrent sans avoir rien rencontré.

De son côté, Château-Gontier a fait faire, le 1er mars, une battue par le cantonnement de Villiers-Charlemagne dans les bois de cette commune et ceux du Bignon, tandis que celui de Ballée fouillait ceux du Buret et la forêt de Bellebranche sans plus de résultat.

Les chouans existent cependant, mais réussissent à se dissimuler. Dès que les troupes se mettent en marche, ils sont avertis et passent dans les bois voisins, très nombreux à cette époque, ou se glissent entre les divers détachements qui rentrent sans avoir rien vu. Le 10 mars, le poste de Villiers est désarmé, par Coquereau dit-on.

Le 14 avril, Château-Gontier fait faire une nouvelle battue sur le Bignon, Longuefuye et Ruillé, toujours en vain. Cependant, près de Laval, le poste de Forcé surprend quatorze chouans à la Laizerie de Bonchamp ; deux sont tués, deux autres, faits prisonniers, seront guillotinés à Laval. Les survivants, dont MÉLINES, dit FRANCOEUR, et PICHON, dit L'ESPÉRANCE, vont se réunir, à la métairie du Frêne de Bazougers, avec les chouans de cette commune. Comme les armes manquent, ils se mettent en marche, le 19 avril, au nombre de vingt-huit, et vont désarmer les patriotes de Soulgé, puis ils se retirent dans les bois de la Chapelle. D'autres bandes se réunissent à la Tardivière de Vaiges avec HEAULMÉ, dit COURT-BLEU, et à la Rimalrie du Bignon, avec les frères CORBIN. Beaucoup aussi se tiennent dans le bois de Bergaut, entre Parné et Maisoncelles. Ce sont ces derniers, sans doute, qui, le 6 mai, envahissent les maisons du maire et de l'agent national de Ruillé-Froidfonds.

Suivant Duchemin-Descepeaux, c'est le jeune MOULÉ DE LA RAITRIE qui, le premier, et bien avant tous les autres, donna le signal des combats sur la rive gauche de la Mayenne. Son père, lieutenant de maréchaussée à Château-Gontier avant 1789, était devenu, en 1791, lieutenant-colonel de gendarmerie à Laval. Nous ignorons quel motif le détermina à suivre les Vendéens, peut-être la crainte d'être arrêté pour s'être associé au mouvement fédéraliste du mois de juin 1793. Son fils, âgé de quinze ans, l'avait accompagné à la suite de l'armée royale.

Après la déroute du Mans, le jeune MOULÉ DE LA RAITRIE était venu se cacher aux environs de Soulgé-le-Bruant, où sa mère, née Lemoine de Juigny, avait des propriétés, près de Vaiges et de Saint-Jean-sur-Erve. Il rêva de lever une troupe de volontaires dans ce pays où il était connu. Son ami, de Hercé, du même âge que lui, était resté malade à Nuillé-sur-Ouette, mais il rencontra un autre ami, DANTON, fils d'un receveur de l'enregistrement à Château-Giontier, qui lui prêta son concours. Ils avaient réussi à rassembler vingt-huit hommes et beaucoup d'autres leur avaient promis de se réunir à eux quand il aurait pu leur procurer des armes et des munitions.

Le 11 mai 1794, il se proposa de désarmer les gardes nationaux de Saint-Georges-le-Fléchard. Entrant dans ce bourg, par plusieurs côtés, ses hommes n'éprouvèrent aucune résistance ; les habitants s'étaient sauvés, sans chercher à se défendre. LA RAITRIE s'empara des fusils de la garde nationale, puis, au mépris de toute prudence, il fit manoeuvrer sa troupe et lui fit servir à manger.

Les fugitifs avaient couru prévenir les gendarmes et les gardes nationaux de Vaiges, Soulgé et Saint-Jean-sur-Erve qui se mirent aussitôt en marche ; à leur tour, ils surprirent les chouans qui n'avaient pas eu même la précaution de placer des sentinelles à la sortie du bourg. Deux hommes furent tués. LA RAITRIE, resté seul pour donner aux siens le temps de se sauver, marcha sur les républicains, les bravant et les menaçant. Ceux-ci l'abattirent à coups de sabre et le transportèrent à Laval couvert de sang. (Deux autres chouans, JULIEN HOUDU et MICHEL MIOTEL, tisserands à Nuillé-sur-Ouette, arrêtés dans le bourg de Saint-Georges furent amenés à Laval et condamnés à mort pour avoir fait partie de la bande de MOULÉ DE LA RAITRIE).
Un arrêté de Garnier de Saintes, du 4 janvier 1794, avait interdit de condamner à mort les enfants au-dessous de seize ans, même pris les armes à la main. LA RAITRIE fut donc conduit en prison, où l'on soigna ses blessures, en attendant qu'il eût atteint l'âge légal pour qu'il pût être condamné à mort. On eut peu à attendre, trois semaines au plus, avant de le traduire devant le tribunal révolutionnaire, présidé par Huchedé.

Le 1er juin 1794, il fut condamné à mort "pour avoir fait partie du rassemblement des brigands de la Vendée ; avoir cherché ensuite à fomenter la révolte dans les campagnes où il s'était retiré après leur déroute au Mans ; tracé un plan de guerre à faire pour se maintenir et même obtenir des succès dans leurs différentes attaques."

On prétendait avoir trouvé sur lui le plan suivant :
"Avis aux insurgés. Former des bandes de quatre à cinq cents hommes, tant de gens de bonne volonté que de rebelles, les diviser par petites troupes de vingt-cinq à trente, même cinquante individus, qui nommeraient un chef connaissant bien le pays et les républicains habitant les communes ; une nuit, tomber dans les bourgs au point du jour, à l'instant où les portes s'ouvrent, dans les bourgs d'Argentré, Soulgé, Vaiges, Saint-Georges-le-Fléchard, Bazougers, Chemeré, la Bazouge, Ballée et Saulges, égorger tous les patriotes, saisir leurs armes, leurs munitions de guerre et s'emparer de tous les grains qu'ils peuvent avoir chez eux. Si le tout ne peut être amené au lieu du rassemblement général, faire une distribution aux honnêtes gens chez lesquels nous avons trouvé protection et nourriture. - Cette opération doit se faire avec la plus grande précision."

La copie du jugement que nous possédons, prise sur une autre copie, faite en l'an VI par Bézier, greffier du tribunal criminel de la Mayenne, ne porte aucune mention de l'âge du condamné. Celui-ci ne fait pas l'objet d'un jugement séparé, mais semble avoir été réuni, après coup, à une série de seize individus (acquittés du reste), prévenus d'avoir porté les armes contre la République, ainsi que le constate la note suivante :
"Nota : Le greffier du tribunal criminel du département de la Mayenne, n'a pas cru devoir donner pour extrait le jugement de MOULAY DE LA RÉTRY, attendu que tout ce qui lui est relatif n'est porté sur le dit registre qu'en interligne, en marge ou renvois."

Le jour même où LA RAITRIE occupait Saint-Georges, les cantonnements d'Entrammes, Parné et Forcé faisaient une battue vers Bazougers et rentraient le soir sans avoir rencontré les chouans.

D'après Morvan, un parti de chouans attaqua le 12 mai un poste avancé d'Évron qui se retira sans avoir perdu personne. Mais cette attaque nous semble devoir être reportée à la même date de l'année suivante.
Le 14 du même mois, au dire de l'abbé Angot, le citoyen Saudubray défit une troupe de quatre cents chouans dans le bourg de Saint-Georges-sur-Erve. Nous hésitons à croire à la réalité de ce combat à la date indiquée. Il n'existait pas alors de rassemblement aussi important, si ce n'est dans la Sarthe, autour de SAINT-PAUL. M. Triger, dans sa notice sur Sainte-Suzanne, ne mentionne pas ce combat, livré sans doute par la garde nationale du dit canton. Nous y trouvons en effet plusieurs Saudubray, dont l'un Charles, était, en 1794, commandant de la dite garde nationale et, en 1795, commissaire pour l'approvisionnement du magasin militaire. C'est lui qui eut dû livrer ce combat que M. Triger n'eut pas manqué de signaler, si la garde nationale de Sainte-Suzanne y eut pris part.

Dans le courant de ce mois, un sergent du bataillon de la Montagne, formé, d'après Morvan, de la lie du port de Rouen, mais dans lequel beaucoup de jeunes royalistes s'étaient engagés pour échapper aux provocations et aux dénonciations des Jacobins, déserte et passe aux chouans avec quatre de ses camarades dont un Suisse. Ils semblent avoir rejoint dans la forêt de Charnie la bande de SAINT-PAUL.

Le 2 juin, les chouans sont signalés à Saint-Charles-la-Forêt et il se fait un rassemblement dans la forêt de Bellebranche. Le 9, le poste établi par les gardes nationaux de Villiers au moulin de la Rongère, est attaqué par quinze à vingt chouans. Les gardiens de ce poste, ayant chacun une seule cartouche à tirer, se voient bientôt forcés de s'enfuir, laissant sur le terrain deux hommes tués et un autre grièvement blessé.

Le 18, un chouan, arrêté près de Cossé-le-Vivien, prétend que COTTEREAU, dit JEAN CHOUAN, est passé avec sa bande sur le Bignon et Maisoncelles, ce qui semble absolument faux. Le 24, une fusillade a lieu à la métairie des Mortiers de Ruillé, entre républicains et chouans.

Le 1er juillet, plusieurs de ces derniers, s'étant arrêtés dans ce bourg, sont poursuivis par le poste de Froidfonds. On signale aussi quelques assassinats commis par les royalistes à Parné et à Maisoncelles.

A la suite de l'affaire d'Astillé (20 juillet), dans la crainte d'être poursuivi par la garnison de Cossé et les cantonnements voisins, JAMBE-D'ARGENT, avec une partie de ses hommes, était passé sur la rive gauche de la Mayenne et était venu se cacher dans les bois de Bergault, pendant qu'il faisait prévenir les chouans du pays. Ce sont dix-huit de ses hommes qui, le 22 juillet, envahissent le château de Champfleury, où se trouvent l'agent national d'Arquenay, Rivier, et le citoyen Lefèvre, chargé de la recherche du salpêtre. Ils sont armés de fusils et plusieurs d'entre eux ont la figure noircie pour éviter qu'on les reconnaisse. Ils s'emparent des mets préparés, se font donner du pain et vont manger sous la charmille, puis ils disparaissent dans les bois.

Dans l'après-midi de ce jour, plusieurs bandes de chouans envahissent le bourg de Parné. Les soldats du cantonnement, dispersés dans les maisons pour éviter la chaleur du jour, essaient vainement de rallier le poste où sont déposées leurs armes. Cinq volontaires sont tués ; les autres, dont beaucoup de blessés, prennent la fuite. Les chouans, restés maîtres du bourg, fusillent six patriotes, pillent les papiers de la mairie, puis se dispersent.

Le lendemain, Lorcet, qui commande à Laval, vient avec toutes les troupes à sa disposition et fait arrêter quelques habitants qui n'avaient pas été molestés par les chouans.

La femme de MOULINS, dit LE GABELEUR, Louise Hubert, 30 ans, couturière, est arrêtée peu de temps après. Le 10 août, elle déclare que les chouans des environs de Laval sont commandés par JAMBE-D'ARGENT, MOUSQUETON, déserteur des hussards, toujours armé d'un mousqueton, ce qui lui a valu son surnom, SAINT-JEAN, ancien domestique de M. de Montecler, et HAUT-BOIS, autre déserteur. Chaque bande se compose de vingt hommes environ. Elles passent la Mayenne comme elles veulent, au moyen de bateaux ou sur la chaussée des moulins, pour se porter sur Entrammes ou sur Parné. Ce sont ces bandes qui ont attaqué Parné, sous la conduite d'un déserteur nommé DUR-A-CUIRE (SALMON), le plus sanguinaire de tous après MOUSQUETON (CHARLES TRIBONDEAU).

C'est la première affaire un peu importante qui se soit passée sur la rive gauche de la Mayenne et on voit qu'elle est due aux chouans de la rive droite. Les compagnies formées à l'est de Laval, ne se croient pas encore assez fortes pour attaquer les républicains sans être soutenues. Celles de Vaiges, Évron, Sainte-Suzanne se sont attachées à la bande de COURTILLIER, dit SAINT-PAUL, qui semble la mieux organisée et la plus entreprenante.

Duchemin-Descepeaux raconte (t. II, p. 111) qu'au mois de juillet, FRANCOEUR, avec dix hommes seulement, cachés dans le bois de la Heureuserie, ne craignit pas d'attaquer une colonne de trois cents hommes allant de Meslay à Villiers-Charlemagne, et les obligea de battre en retraite, croyant sans doute se trouver en présence d'un rassemblement important.

A quelques jours de là, le poste de Froidfonds, informé par un espion que les chouans sont cachés dans un champ de genêts, près de Ruillé, se met aussitôt en marche. FRANCOEUR s'y trouvait en effet avec sept camarades. Bien que cerné, il réussit à se sauver avec trois de ses compagnons, mais les quatre autres avaient été tués.

Pour venger cette défaite, FRANCOEUR, ne pouvant compter sur l'aide de COQUEREAU, qui plusieurs fois avait repoussé ses avances, se tourna vers JAMBE-D'ARGENT. Celui-ci lui promit son concours et, passant la Mayenne avec une partie de ses hommes, vint se réunir aux chouans du pays. Le 30 juillet, au nombre d'environ deux cent cinquante, ils occupèrent le poste de Froidfonds, où se trouvait un détachement de grenadiers d'un bataillon des Ardennes, fort de cinquante hommes.
Dans la matinée de ce jour, le capitaine Trouillard et le lieutenant Fournier, de la garde nationale de Ruillé, apprirent qu'on avait constaté dans le pays la présence de divers groupes d'hommes : une partie étaient vêtus en militaires et on les croyait brigands ; ils s'étaient fait donner des aliments dans plusieurs fermes. Trouillard et Fournier partirent aussitôt pour aller prévenir le lieutenant commandant le poste de Froidfonds de se tenir sur ses gardes et l'inviter à avertir les postes voisins de Longuefuye et Gennes de se préparer à venir à son secours s'il était attaqué. Cet officier refusa d'abord, disant que c'était une fausse alerte. Cependant, devant l'insistance des deux gardes nationaux, il avait consenti à écrire et à envoyer les deux lettres. Trouillard et Fournier se retirèrent alors, après avoir constaté que les soldats, répandus dans les maisons du village, se gardaient mal.
En s'en retournant, ils rencontrèrent sur la route diverses personnes : Jean Menant, lequel leur apprit que le capitaine Boisbouvier avait été tué par les brigands, le curé constitutionnel Monsallier, Chamaret et sa femme, Tourteau, du bourg, et Génin, portant son fusil de munitions. Ces hommes lui dirent qu'ils se rendaient à Froidfonds pour éviter la rencontre des brigands.

Vers une heure de l'après-midi, le commandant du cantonnement, étant venu relever un poste établi en dehors du village, fut attaqué par un parti de chouans. Après une fusillade assez vive, il réussit à rentrer dans le bourg qui bientôt se trouva investi par une forte troupe. Après avoir tenté de résister, les soldats furent obligés de l'évacuer et se retirèrent à trois portées de fusil. Ayant rencontré douze hommes du poste de Longuefuye, apportant sans doute la réponse à sa lettre, le commandant voulut essayer de reprendre le village ; il était parvenu jusqu'au cimetière, lorsqu'il fut repoussé de nouveau et revint en arrière. Rejoint par le reste du cantonnement de Longuefuye, il renouvela son attaque et parvint cette fois à chasser les chouans, avec une perte de cinq hommes. Les républicains avaient eu dans la journée une douzaine de tués, tandis que les chouans avaient laissé sur le terrain quarante-deux morts, parmi lesquels les cinq habitants de Ruillé rencontrés le matin par le capitaine Trouillard.
Ceux-ci avaient-ils été tués par les soldats comme le dit l'abbé Angot, avant l'attaque des chouans, ayant été pris par eux pour des royalistes ? Ou bien, suivant la version de Duchemin-Descepeaux, arrivèrent-ils seulement après l'occupation du village par les chouans, croyant trouver les soldats victorieux, criant : Vive la République, et furent-ils fusillés par les royalistes ? Il est impossible de le savoir, mais leurs corps furent retrouvés parmi ceux des chouans.

Le lendemain, un autre détachement, venu de Château-Gontier, envahit le bourg de Ruillé et procéda à l'arrestation, comme complices des chouans, de vingt et une personnes qui furent conduites à Château-Gontier, mais relâchées peu après.

Le 5 août, les chouans assassinent Paluet, percepteur et membre du comité révolutionnaire de Saulges, et plusieurs fermiers de Bazougers, et de Saint-Georges-le-Fléchard. Le 12, ils fusillent le maire de la Chapelle-Rainsouin, cabaretier exalté. Les 15, 16 et 17, les gardes nationaux d'Évron font une battue dans les communes voisines, sans rien rencontrer. Le 20, l'arbre de la liberté est coupé à Saint-Charles-la-Forêt, par COQUEREAU dit-on, et la municipalité se réfugie à Meslay.

Les assassinats continuent en septembre. Le 3, deux fermiers sont tués à Nuillé-sur-Ouette. Le 4, Jacques Letort, maire d'Arquenay, est surpris chez un de ses fermiers, Pierre Levrot, par une bande formée d'une dizaine de chouans. Les deux hommes sont emmenés chez Letort, où l'on brûle tous ses papiers et ceux de la mairie, et ensuite à la ferme de la Mettraie, près les bois de Bergault, où on les fusille. Le 10, à la Jagaisière, de Saint-Jean-sur-Erve, les frères David-Lachesnaie sont assaillis dans leur maison par une vingtaine de chouans, mais réussissent à se sauver, bien que l'un d'eux eut été blessé.

Le 8, à Villiers-Charlemagne, une patrouille a surpris une dizaine de chouans cachés dans un champ d'ajoncs. Elle en tue cinq et s'empare de sept fusils ! Les républicains, de leur côté, pillent le bourg de Louvigné et, le 18, l'adjudant-général Lorcet menace de punir sévèrement les soldats du poste d'Argentré auteurs de ce pillage.

Le 20, les chouans errent autour de la Bazouge-de-Chemeré, sans oser entrer. Le lendemain, à sept heures du soir, ils envahissent Nuillé-sur-Ouette et obligent plusieurs habitants à se mettre à genoux pendant qu'ils coupaient l'arbre de la liberté, menaçant de les tuer. Mais ceux-ci réussissent à se sauver. Le cantonnement et la garde nationale de Soulgé accourent. Il n'y a plus personne, mais ils saisissent deux réquisitionnaires et menacent de fusiller les habitants. Dans la nuit du 24, le Bignon est envahi par une centaine de chouans qui coupent l'arbre de la liberté, brûlent la guérite du poste et les papiers de la mairie et en partant incendient plusieurs maisons. Le 25, les mêmes, peut-être, entrent à Parné, coupent l'arbre de la liberté et fusillent l'agent national, Gontier, et deux patriotes.

Petites affaires sans importance qui ont pour but de terroriser les communes patriotes. Toutes demandent des secours. Aussi le général Humbert multiplie-t-il les cantonnements. Ceux-ci sont composés d'un petit nombre de soldats. Ils ne peuvent rien faire contre un ennemi qui disparaît après chaque opération et qu'on ne peut rencontrer, grâce à la complicité des paysans qui n'osent rien dire, les uns parce qu'ils sont du même parti que les chouans, les autres parce qu'ils redoutent leur vengeance. Les assassinats commis un peu de tous les côtés effraient les fermiers et personne n'ose exécuter l'arrêté de Laignelot prescrivant de couper les haies aux quatre coins des champs, pour permettre aux soldats de poursuivre leurs adversaires, et de raser les pièces de genêts, si nombreuses à cette époque, qui fournissent à ceux-ci les retraites dont ils ont besoin et où il est bien difficile de les découvrir, s'ils n'ont été dénoncés par un espion. ...

QUERUAU-LAMERIE
Bulletin de la Commission historique
et archéologique de la Mayenne
1914

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité